Un pied se pose sur le quai, bienvenue à Bliss qu’on pourrait vous dire. Que nenni, les révolutionnaires sont aussi bien accueilli qu’une pute à l’église. Cela faisait quelques années que le Goon, comme tout le monde l’appelle désormais, avait rejoint les rangs de la révolution. Allez savoir, peut-être est-ce par simple caprice, quoiqu’il faut avouer qu’il s’y investit pas mal. Bourlinguer est une seconde nature chez lui, le voyage, la mer, le grand air, alors si en plus on ne le fait pas chier et qu’on le soutient lorsqu’il applique ce qu’il juge juste c’est la cerise sur le gâteau.
Le voilà donc arrivé, sa casquette toujours vissée sur le crâne, son cigare entre les dents et son baluchon sur les épaules. C’est-à-dire qu’on vient de lui offrir sa première mission en solo, elle n’est pas très compliqué, ni dure, c’est plus le lieu qui fous clairement la merde. À cause de ce foutu chantier naval, la marine a la main mise sur tout le pays, mais pour le coup on ne peut pas lui enlever le fait que c'est une source d'emploi assez conséquente pour les habitants du royaume. C'est donc l'une des raisons pour laquelle rien n’a vraiment été fait ici, en plus ne parlons même des citoyens qui sont des patriotes purs sangs comme n'en fait plus. Bref, finalement arrivé au bout du quai il prend immédiatement la direction d’un bar que sa cellule lui a conseillé. Le patron n’est pas très regardant sur ses locataires, enfin c’est le moins regardant en ville. Jerry fait donc profit bas, en s’engouffrant dans la foule, bon môssieur n’est pas des plus discrets avec sa carrure d’armoire à glace mais bien heureusement il n’est pas le seul à posséder une corpulence pareille. Suivant les indications de direction qui lui ont été confié, il arrive bien vite devant un rade à la devanture de bois pas toute jeune.
Goon pousse la porte qui fait tinter une clochette pour informer de l’entrée d’un nouveau visiteur. Même si celui-ci n’est pas très rempli, chacune des personnes s’arrête pour observer celui qui vient d’entrer, Jerry renifle, réajuste son baluchon sur son épaule et baisse un peu plus la visière de sa casquette. Les habitués reprennent alors leur affaires, certains boivent, d’autres discutent ou jouent aux cartes. Notre révolutionnaire se rend au bar et s’assoit sur un des tabourets après avoir posé son sac sur le sol.
_ Patron. Une bière.
Quelques secondes s’écoulent dans le brouhaha ambiant, puis on entend le son d’un verre qui glisse sur le zinc et Jerry l’attrape en vol lorsque celui-ci passe à portée. Il s’en paye une bonne grosse gorgée, c’est pas la meilleure qu’il ait bu mais ça fera l’affaire. Le barman qui se trouve être le proprio dudit troquet s’amène devant notre tatoueur. Les bras croisés devant lui, le Goon remonte légèrement la tête, juste assez pour croiser ses deux yeux qui l’observe avec un air un brin méfiant, un brin interrogateur.
_ Qu’est-ce tu viens faire ici, étranger ?
Buvant une nouvelle gorgée de bière, il la pose sur le comptoir et replace son cigare à sa place, entre ses dents.
_ M’entraîner au pédalo.
Plutôt vexer, le patron tape du poing sur la table ce qui crée un certain silence et tandis que les autres piliers de bar commencent à tous diriger leur regard vers Jerry.
_ Ici, c’est mon bar mecton ! Donc si tu veux pas d’ennuis commence pas à les chercher !
_ Desserre ton string bonhomme, je suis là pour une chambre.
La tension redescend, certains se rassoient et reprenne leur activité. Le tavernier croise de nouveau les bras tandis que Goon envoie un joli nuage de fumée blanche vers le plafond.
_ Et il de quoi payer le comique ?
Jerry plaque sur le comptoir quelques billets de Berry. En les voyants son interlocuteur se gratte le menton, on peut même voir ses yeux briller d’une certaine envie en voyant ce fric. Lorsque le tatoueur retire sa main, elle est immédiatement remplacée par celle du tenancier qui s’empresse de glisser les biftons dans son tablier. Il se retourne avant d'ouvrir un petit coffre dans le mur de l’autre côté du bar, et il en sort une clé attaché à une petit bouée. Il la tend au nouveau locataire mais y reste accroché même après que Jerry l’ait lui-même en main. Les yeux des deux hommes se croisent, et le patron lance.
_ Je veux pas d’embrouille, sinon c’est mon pied au cul. Les chambres sont au premier, prend les escaliers du fond.
Dit-il tout en désignant du pouce l’arrière salle faiblement éclairée. Finissant sa bière dans une dernière gorgée, il attrape son baluchon et s’y engouffre sans autre cérémonie. La propreté n’est pas le point fort de l’établissement, mais il va falloir faire avec. Le plancher des manches et du couloir qui mène à la chambre numéro sept grince sous le poids du tatoueur. Un tour de clé et le voilà entré. La chambre est vétuste, une petit commode, un lit simple et une nouvelle porte qui donne sur une toute petite salle de bains. Il ouvre les volets et la fenêtre ce qui crée un petit nuage de poussière, il pose ensuite son sac sur le lit et fait un très rapide tour du propriétaire. Le voilà donc installée, il tourne la clé dans sa serrure et pose son oreille sur la porte, le silence. Son cigare toujours en bouche, il ôte sa casquette et sort une petite lettre d’un revers caché. Il déchire l’enveloppe et en sort quelques feuilles visiblement rédigé dans une écriture codé. Celle-ci décrit la nature de sa mission, récupération d’informations du chantier naval et exfiltration d’une personne. C’est d’ailleurs cette même personne qui est porteuse des infos que Goon doit récupérer, de quoi faire une pierre de coup en somme.
Une fois ses quelques affaires rangées et les documents brûlés, Jerry reprend le chemin inverse jusqu’au bar. Il demande assez rapidement le chemin qu’il doit prendre pour rejoindre le chantier naval, pour selon lui, trouver un travail. Le patron l’informe de la route à suivre et le voilà parti dans les rues de la ville, dans la direction qu’on vient de lui donner. Suivant à la lettre les recommandations, il arrive devant des portes hautes sur lesquelles l’insigne de la marine est gravé. Il reste quelques instants à observer ces grosses portes, jusqu’à ce qu’un soldat le rejoigne. C’est visiblement le vigile qui garde l’entrée du chantier et intrigué de voir un homme, qui plus est avec la dégaine du Goon, vient voir ce qui se passe quitte à le faire circuler par la suite.
_ Monsieur, je peux vous aider ?
Dit l’homme avec un ton plutôt sec. Jerry baisse la tête pour observer de son œil unique son interlocuteur.
_ C’est possible. Je cherche du boulot.
Le soldat est plutôt surpris par les propos du tatoueur avant de finalement reprendre sa contenance.
_ Mouais… Et pour quel genre de travail ?
_ Bah charpentier par dis !
_ Et bien dans ce cas vous allez devoir passer par le bureau de recrutement.
_ Qui se trouve…
_ Juste là.
Dit le marine tout en indiquant du doigt un petit bâtiment à cheval sur la muraille qui entoure le chantier, moitié dedans, moitié dehors. À l’intérieur, il n’y a pas foule seulement un guichet avec un homme affalé derrière lui. Jerry fait tinter la clochette posée sur le comptoir et deux yeux plutôt fatigués se mettent à le scruter de haut en bas. Finalement l’homme qui lui fait face se redresse mais avec un air toujours aussi déprimer commence à s’exprimer d’une voix fade et monotone.
_ C’est pour ?
_ Un job.
_ Plaît-il ?
_ Je cherche du travail comme charpentier.
_ Quelles sont vos référence ?
Goon sort de sa poche une feuille qui recense tous ses emplois et le mieux c’est qu’il n’est même pas trafiqué, un curriculum vitae tout simplement. Après quelques instants pendant lesquels l’homme lit (avec une certaine lenteur) le contenu, il se leve.
_ Je reviens.
Je s’enfonce alors au-delà du guichet vers un couloir, et durant ce temps-là le tatoueur patiente de longues minutes. Finalement une porte s’ouvre laissant apparaître la silhouette et la mine fatiguée de l’homme qui la reçu.
_ On va vous recevoir. Veillez me suivre.
Jerry s’exécute et suit le bonhomme à travers plusieurs couloirs aux couleurs monochromes et neutres jusqu’à une porte. L’homme frappe et on lui intime l'ordre d’entrer, il ouvre la porte et désigne le chemin au Goon, refermant la porte derrière son passage. Il se retrouve donc dans un pièce relativement spacieuse avec un bureau en son centre où un homme moustachu est assis derrière. Il se lève et indique l’un des sièges devant lui pour que Jerry puisse s’y installer.
_ Monsieur... Goon…
_ Simplement Goon.
_ Comme vous voudrez. Je disais donc... Goon, j’ai lu attentivement vos références et j’en suis plutôt impressionnée. J’ai cru comprendre que vous aviez du mal à tenir en place.
_ On peut dire ça comme ça.
_ Mais alors, pourquoi postuler ici, à Bliss ?
_ Et pourquoi pas ? J’ai besoin de travailler et j’ai cru comprendre que c’est pas ce qui manque dans ce chantier naval.
_ Certes, mais ce n’est pas le seul.
_ J’peux vous parler franchement m’sieur ?
_ Mais fait.
_ Et bah, j’ai toujours voulu m’engager dans la marine mais j’ai pas cette discipline qu’ont tous les marines. Alors j’aimerais bien mettre la main à la patte, mais à mon échelle.
Visiblement touché par les propos de bonimenteur du Goon, le scepticisme du gradé qui lui fait face disparaît pour laisser la place à une certaine fierté.
_ Vous semblez vouloir faire partie de cette grande famille. Je suis sûr qu’on va pouvoir vous trouver une place parmi nous. Aidons nos forces pour qu’elles puissent répandre la paix et la justice sur les mers du globe.
_ Comme vous dîtes, m’sieur.
Le boss se lève et sert la main de Jerry avant de le reconduire à la porte, il avise l’homme du guichet que désormais le Goon fait partie des employés. Le tatoueur se fait accompagner au vestiaire où on lui donne un t-shirt ainsi qu’une veste à l’insigne du chantier. Il les enfile et on lui propose de se balader, histoire de se familiariser avec son nouveau lieu de travail. Le chantier naval est composé de plusieurs zones et un peu à l’écart, on peut voir un bâtiment gardé de sentinelles et surtout des barreaux aux fenêtres. Il semblerait que Jerry a trouvé le lieu où son contact est retenu captif. Sans se faire remarquer, il évalue le terrain, prend note des patrouilles qui sillonnent les différentes zones et enfin les rondes des sentinelles. C’est d’ailleurs l’une d’entre elles, visiblement le plus gradé, qui porte un trousseau de clé à la ceinture. Après en avoir fait le tour et bavardé avec deux ou trois personnes, Goon reprend son chemin vers le premier bâtiment par lequel il est entré. La journée est fini, le sifflet sonne c’est l’heure de rentrer. Il place au vestiaire ses affaires, et s’accoquine avec quelques gars, ils leur proposent d’aller boire une bière histoire de faire plus ample connaissance. Dans ce cas, autant aller dans le bar où il crèche, en plus le patron sera content de voir des clients et avec un peu de chance il sera moins emmerdant par la suite.
La soirée se passe, les bières s’enchaînent, ça rigole et ça discute. Jerry dirige la conversation pour que les hommes du chantier lui disent ce qu’il veut savoir, la politesse et les effets de l’alcool peuvent délier un paquet de langues. On lui apprend que les plans des bateaux qui sont construits viennent justement du bâtiment aux fenêtres barrées. Bref le tatoueur a la confirmation de ce qu’il se doutait déjà. La soirée touche finalement à sa fin et chacun rentre chez soi, plus ou moins éméché par l’alcool. Pendant ce temps-là le Goon reste debout à la fenêtre de sa chambre, il réfléchit à un plan d’action, mais il rejoint bien vite son lit. Demain il allait commencer sa première journée de travail, il vaut mieux qu’il soit d’attaque, voilà pourquoi il se couche avant de s’endormir du sommeil du juste.
Le voilà donc arrivé, sa casquette toujours vissée sur le crâne, son cigare entre les dents et son baluchon sur les épaules. C’est-à-dire qu’on vient de lui offrir sa première mission en solo, elle n’est pas très compliqué, ni dure, c’est plus le lieu qui fous clairement la merde. À cause de ce foutu chantier naval, la marine a la main mise sur tout le pays, mais pour le coup on ne peut pas lui enlever le fait que c'est une source d'emploi assez conséquente pour les habitants du royaume. C'est donc l'une des raisons pour laquelle rien n’a vraiment été fait ici, en plus ne parlons même des citoyens qui sont des patriotes purs sangs comme n'en fait plus. Bref, finalement arrivé au bout du quai il prend immédiatement la direction d’un bar que sa cellule lui a conseillé. Le patron n’est pas très regardant sur ses locataires, enfin c’est le moins regardant en ville. Jerry fait donc profit bas, en s’engouffrant dans la foule, bon môssieur n’est pas des plus discrets avec sa carrure d’armoire à glace mais bien heureusement il n’est pas le seul à posséder une corpulence pareille. Suivant les indications de direction qui lui ont été confié, il arrive bien vite devant un rade à la devanture de bois pas toute jeune.
Goon pousse la porte qui fait tinter une clochette pour informer de l’entrée d’un nouveau visiteur. Même si celui-ci n’est pas très rempli, chacune des personnes s’arrête pour observer celui qui vient d’entrer, Jerry renifle, réajuste son baluchon sur son épaule et baisse un peu plus la visière de sa casquette. Les habitués reprennent alors leur affaires, certains boivent, d’autres discutent ou jouent aux cartes. Notre révolutionnaire se rend au bar et s’assoit sur un des tabourets après avoir posé son sac sur le sol.
_ Patron. Une bière.
Quelques secondes s’écoulent dans le brouhaha ambiant, puis on entend le son d’un verre qui glisse sur le zinc et Jerry l’attrape en vol lorsque celui-ci passe à portée. Il s’en paye une bonne grosse gorgée, c’est pas la meilleure qu’il ait bu mais ça fera l’affaire. Le barman qui se trouve être le proprio dudit troquet s’amène devant notre tatoueur. Les bras croisés devant lui, le Goon remonte légèrement la tête, juste assez pour croiser ses deux yeux qui l’observe avec un air un brin méfiant, un brin interrogateur.
_ Qu’est-ce tu viens faire ici, étranger ?
Buvant une nouvelle gorgée de bière, il la pose sur le comptoir et replace son cigare à sa place, entre ses dents.
_ M’entraîner au pédalo.
Plutôt vexer, le patron tape du poing sur la table ce qui crée un certain silence et tandis que les autres piliers de bar commencent à tous diriger leur regard vers Jerry.
_ Ici, c’est mon bar mecton ! Donc si tu veux pas d’ennuis commence pas à les chercher !
_ Desserre ton string bonhomme, je suis là pour une chambre.
La tension redescend, certains se rassoient et reprenne leur activité. Le tavernier croise de nouveau les bras tandis que Goon envoie un joli nuage de fumée blanche vers le plafond.
_ Et il de quoi payer le comique ?
Jerry plaque sur le comptoir quelques billets de Berry. En les voyants son interlocuteur se gratte le menton, on peut même voir ses yeux briller d’une certaine envie en voyant ce fric. Lorsque le tatoueur retire sa main, elle est immédiatement remplacée par celle du tenancier qui s’empresse de glisser les biftons dans son tablier. Il se retourne avant d'ouvrir un petit coffre dans le mur de l’autre côté du bar, et il en sort une clé attaché à une petit bouée. Il la tend au nouveau locataire mais y reste accroché même après que Jerry l’ait lui-même en main. Les yeux des deux hommes se croisent, et le patron lance.
_ Je veux pas d’embrouille, sinon c’est mon pied au cul. Les chambres sont au premier, prend les escaliers du fond.
Dit-il tout en désignant du pouce l’arrière salle faiblement éclairée. Finissant sa bière dans une dernière gorgée, il attrape son baluchon et s’y engouffre sans autre cérémonie. La propreté n’est pas le point fort de l’établissement, mais il va falloir faire avec. Le plancher des manches et du couloir qui mène à la chambre numéro sept grince sous le poids du tatoueur. Un tour de clé et le voilà entré. La chambre est vétuste, une petit commode, un lit simple et une nouvelle porte qui donne sur une toute petite salle de bains. Il ouvre les volets et la fenêtre ce qui crée un petit nuage de poussière, il pose ensuite son sac sur le lit et fait un très rapide tour du propriétaire. Le voilà donc installée, il tourne la clé dans sa serrure et pose son oreille sur la porte, le silence. Son cigare toujours en bouche, il ôte sa casquette et sort une petite lettre d’un revers caché. Il déchire l’enveloppe et en sort quelques feuilles visiblement rédigé dans une écriture codé. Celle-ci décrit la nature de sa mission, récupération d’informations du chantier naval et exfiltration d’une personne. C’est d’ailleurs cette même personne qui est porteuse des infos que Goon doit récupérer, de quoi faire une pierre de coup en somme.
Une fois ses quelques affaires rangées et les documents brûlés, Jerry reprend le chemin inverse jusqu’au bar. Il demande assez rapidement le chemin qu’il doit prendre pour rejoindre le chantier naval, pour selon lui, trouver un travail. Le patron l’informe de la route à suivre et le voilà parti dans les rues de la ville, dans la direction qu’on vient de lui donner. Suivant à la lettre les recommandations, il arrive devant des portes hautes sur lesquelles l’insigne de la marine est gravé. Il reste quelques instants à observer ces grosses portes, jusqu’à ce qu’un soldat le rejoigne. C’est visiblement le vigile qui garde l’entrée du chantier et intrigué de voir un homme, qui plus est avec la dégaine du Goon, vient voir ce qui se passe quitte à le faire circuler par la suite.
_ Monsieur, je peux vous aider ?
Dit l’homme avec un ton plutôt sec. Jerry baisse la tête pour observer de son œil unique son interlocuteur.
_ C’est possible. Je cherche du boulot.
Le soldat est plutôt surpris par les propos du tatoueur avant de finalement reprendre sa contenance.
_ Mouais… Et pour quel genre de travail ?
_ Bah charpentier par dis !
_ Et bien dans ce cas vous allez devoir passer par le bureau de recrutement.
_ Qui se trouve…
_ Juste là.
Dit le marine tout en indiquant du doigt un petit bâtiment à cheval sur la muraille qui entoure le chantier, moitié dedans, moitié dehors. À l’intérieur, il n’y a pas foule seulement un guichet avec un homme affalé derrière lui. Jerry fait tinter la clochette posée sur le comptoir et deux yeux plutôt fatigués se mettent à le scruter de haut en bas. Finalement l’homme qui lui fait face se redresse mais avec un air toujours aussi déprimer commence à s’exprimer d’une voix fade et monotone.
_ C’est pour ?
_ Un job.
_ Plaît-il ?
_ Je cherche du travail comme charpentier.
_ Quelles sont vos référence ?
Goon sort de sa poche une feuille qui recense tous ses emplois et le mieux c’est qu’il n’est même pas trafiqué, un curriculum vitae tout simplement. Après quelques instants pendant lesquels l’homme lit (avec une certaine lenteur) le contenu, il se leve.
_ Je reviens.
Je s’enfonce alors au-delà du guichet vers un couloir, et durant ce temps-là le tatoueur patiente de longues minutes. Finalement une porte s’ouvre laissant apparaître la silhouette et la mine fatiguée de l’homme qui la reçu.
_ On va vous recevoir. Veillez me suivre.
Jerry s’exécute et suit le bonhomme à travers plusieurs couloirs aux couleurs monochromes et neutres jusqu’à une porte. L’homme frappe et on lui intime l'ordre d’entrer, il ouvre la porte et désigne le chemin au Goon, refermant la porte derrière son passage. Il se retrouve donc dans un pièce relativement spacieuse avec un bureau en son centre où un homme moustachu est assis derrière. Il se lève et indique l’un des sièges devant lui pour que Jerry puisse s’y installer.
_ Monsieur... Goon…
_ Simplement Goon.
_ Comme vous voudrez. Je disais donc... Goon, j’ai lu attentivement vos références et j’en suis plutôt impressionnée. J’ai cru comprendre que vous aviez du mal à tenir en place.
_ On peut dire ça comme ça.
_ Mais alors, pourquoi postuler ici, à Bliss ?
_ Et pourquoi pas ? J’ai besoin de travailler et j’ai cru comprendre que c’est pas ce qui manque dans ce chantier naval.
_ Certes, mais ce n’est pas le seul.
_ J’peux vous parler franchement m’sieur ?
_ Mais fait.
_ Et bah, j’ai toujours voulu m’engager dans la marine mais j’ai pas cette discipline qu’ont tous les marines. Alors j’aimerais bien mettre la main à la patte, mais à mon échelle.
Visiblement touché par les propos de bonimenteur du Goon, le scepticisme du gradé qui lui fait face disparaît pour laisser la place à une certaine fierté.
_ Vous semblez vouloir faire partie de cette grande famille. Je suis sûr qu’on va pouvoir vous trouver une place parmi nous. Aidons nos forces pour qu’elles puissent répandre la paix et la justice sur les mers du globe.
_ Comme vous dîtes, m’sieur.
Le boss se lève et sert la main de Jerry avant de le reconduire à la porte, il avise l’homme du guichet que désormais le Goon fait partie des employés. Le tatoueur se fait accompagner au vestiaire où on lui donne un t-shirt ainsi qu’une veste à l’insigne du chantier. Il les enfile et on lui propose de se balader, histoire de se familiariser avec son nouveau lieu de travail. Le chantier naval est composé de plusieurs zones et un peu à l’écart, on peut voir un bâtiment gardé de sentinelles et surtout des barreaux aux fenêtres. Il semblerait que Jerry a trouvé le lieu où son contact est retenu captif. Sans se faire remarquer, il évalue le terrain, prend note des patrouilles qui sillonnent les différentes zones et enfin les rondes des sentinelles. C’est d’ailleurs l’une d’entre elles, visiblement le plus gradé, qui porte un trousseau de clé à la ceinture. Après en avoir fait le tour et bavardé avec deux ou trois personnes, Goon reprend son chemin vers le premier bâtiment par lequel il est entré. La journée est fini, le sifflet sonne c’est l’heure de rentrer. Il place au vestiaire ses affaires, et s’accoquine avec quelques gars, ils leur proposent d’aller boire une bière histoire de faire plus ample connaissance. Dans ce cas, autant aller dans le bar où il crèche, en plus le patron sera content de voir des clients et avec un peu de chance il sera moins emmerdant par la suite.
La soirée se passe, les bières s’enchaînent, ça rigole et ça discute. Jerry dirige la conversation pour que les hommes du chantier lui disent ce qu’il veut savoir, la politesse et les effets de l’alcool peuvent délier un paquet de langues. On lui apprend que les plans des bateaux qui sont construits viennent justement du bâtiment aux fenêtres barrées. Bref le tatoueur a la confirmation de ce qu’il se doutait déjà. La soirée touche finalement à sa fin et chacun rentre chez soi, plus ou moins éméché par l’alcool. Pendant ce temps-là le Goon reste debout à la fenêtre de sa chambre, il réfléchit à un plan d’action, mais il rejoint bien vite son lit. Demain il allait commencer sa première journée de travail, il vaut mieux qu’il soit d’attaque, voilà pourquoi il se couche avant de s’endormir du sommeil du juste.