1609. J'ai six ans. Mon papa est mort l'année dernière. Ma maman, elle est morte depuis longtemps. Plus le temps passe, plus j'oublie leur visage. Celui de maman, je ne m'en rappelle plus et pour papa je ne vois plus que de vagues formes le représentant. Pourquoi papa m'a laissé tout seul ? C'est parce que j'avais pris la défense de ma nounou ? Ou alors peut-être que papa m'en voulait. Oui, il m'en voulait. Papa, il m'a jamais aimé. Il voulait jamais jouer avec moi et il préférait parler de maman. Quand je le voyais, mon cœur se remplissait de joie. J'étais heureux de voir papa rentré à la maison, mais lui était indifférent. Il me grondait toujours, je faisais jamais bien les choses. J'étais un mauvais fils qu'il me disait. Il me répétait sans cesse que maman n'aurait jamais dû se sacrifier pour moi. Et moi, ça me rendait triste. Je comprenais pas pourquoi papa était aussi méchant avec moi. Quand je demandais pourquoi il était comme ça, ma nounou me répondait qu'il avait eu une dure journée. Mais il avait toujours une dure journée. Quand j'allais le voir, la porte se refermait. Mon papa je l'aimais, mais pas lui. Puis un jour, tonton est venu à la maison. Puis y avait pas que tonton, y avait tout un tas de gens. Tonton m'a pris la main et on est descendu. Il m'a dit de ne pas regarder et a mis sa main devant mes yeux. Je n'ai rien vu à part une flaque rouge. Elle était si belle, si scintillante, si attirante. Je n'ai pas su ce que c'était.
Maintenant, je suis avec tonton à regarder le ciel étoilé. Mon tonton, il est très fort. C'est un grand bretteur qu'il me dit. Il me dit aussi qu'un jour je serais plus fort que lui, mais moi ça me fait rire. Je peux pas être plus fort que tonton, vu que c'est le meilleur. Alors moi je lui dis toujours : « mais tonton, c'est pas possible ça, t'es le meilleur ». Alors lui aussi il se met à rire et me tape sur l'épaule. Tonton il est gentil. Il a bien voulu de moi, moi qui suis un fils indigne et méchant. Alors de mes tout petits yeux, je le regarde et il me regarde. Il ressemble à papa, mais c'est pas papa. J'ai envie de lui faire un câlin, comme si c'était papa. Je m'élance vers lui, mais lui de sa grande main il me stoppe. Il me dit qu'il n'est pas à l'aise avec ce genre de chose, qu'il n'aime pas montrer ces sentiments. Je comprends pas ce qu'il dit. Ça veut dire qu'il m'aime pas ? Ça me rend triste, j'ai envie de pleurer, mais je ne pleure pas. Cependant, j'y arrive pas et je me mets à pleurer, je me lève et cours vers ma chambre. Tonton court derrière moi. De ses grandes jambes, il me rattrape en quelques pas. Il m'attrape le bras et le serre très fort, ça me fait mal et ça me donne encore plus envie de pleurer. Il me gronde, il me dit que je ne serais jamais fort avec une telle attitude, mais moi je comprends pas. Je veux juste un câlin, mais quand je lui dis ça, il se met encore plus en colère et me frappe. Ma joue enfle et devient rouge, ça pique et ça me fait mal. Mes fesses elles aussi me piquent et me font mal. Mais moi, je pleure toujours. Il finit enfin par me lâcher et je cours me réfugier dans ma chambre.
Pourquoi est-ce que tonton m'a frappé ? Il m'aime pas lui aussi ? Personne m'aime, je sais pas pourquoi. Je me sens si seul, je me sens mal. J'ai envie de vomir, j'ai envie de mourir. Maman me manque, elle m'aurait sûrement aimé elle. Puis, j'entends des pas dans le couloir. J'essaie de me calmer, mais j'y arrive pas. Tonton frappe à la porte et s'excuse, il me dit qu'il n'aime pas ce comportement, car ce sont les faibles et la race inférieure qui pleurent. Je ne lui réponds pas, je suis trop triste et j'ai trop peur. Je veux pas avoir mal comme ça, je veux plus souffrir. Je regarde tout autour de la pièce, comme pour chercher quelque chose. Je ne sais pas encore quoi, mais mon inconscient le sait. Mes yeux s'arrêtent sur mon katana. Oui, je vais faire comme papa. Je vais rejoindre maman, et peut-être que papa ne m'en veut plus maintenant qu'il est avec maman. J'essuie mes larmes et me dirige vers le katana …
Les origines - Part I
Je le tiens dans mes petites mains et le regarde. Il est si beau avec tous ces jolis dessins sur le fourreau, que je me dis que j'en ai de la chance de l'avoir. Je vais rejoindre papa et maman, comme ça on sera pour la première fois tous les trois réunis. Papa il sera plus fâché contre moi et maman sera contente de me voir, je me mets à sourire, car j'aime cette idée. Elle est douce et réconfortante, j'ai hâte de les retrouver. Alors je commence à dégainer mon arme et quand je vais pour retirer complètement le fourreau, le katana me glisse des mains. Il est trop lourd pour mon petit bras, je suis tellement maladroit que pendant sa chute, je me suis entaillé la main. Ça pique et ça fait mal, les larmes perlent dans mes yeux, je ne dois pas pleurer, snif, je suis un grand garçon. Alors avec ma main, je m'essuie mes yeux tout humides, mais mon visage se teint très vite en rouge.
Puis, c'est là que je le remarque, ma main est devenue toute rouge, c'est un rouge foncé. C'était la même couleur qui entourait papa quand tonton m'a dit de ne pas regarder. C'est la même couleur qui me fascine toujours autant, je trouve ça joli et intrigant. Ça coule de ma petite blessure assez facilement, je me demande pourquoi, est ce qu'on a tous ce joli truc dans notre corps ? Je sais pas, mais moi j'ai envie de le goûter, c'est si beau que ça ne peut pas être mauvais. Alors, je me mets à toucher avec ma petite langue une de ces gouttes rouges. Au début, je suis fébrile, mais très vite je me mets à lécher ma blessure. J'aime le goût de cette couleur rouge, on dirait du jus de fraise, j'adore, c'est tellement bon. Je sais pas ce qui m'arrive, mais je me sens plus triste du tout, comme si papa et maman étaient à côté de moi et qu'il me protégeait. C'est ça l'amour ? Ce truc c'est papa et maman ? Je m'assois par terre tout en continuant de sucer ma plaie. Je me sens bien, plus du tout triste. Je pense plus à tonton qui m'a fait mal, ni au reste. C'est comme si ce jus de fraise me consolait de ce qui avait bien pu m'arriver.
Puis soudain, tonton entre, il me voit le visage tout rouge ainsi que le sol, il s'inquiète et regarde ma main. Il me dit que je saigne, que je me suis fait mal. Alors moi, je lui demande ce que c'est que ce jus de fraise, lui il me dit que c'est pas du jus de fraise, mais du sang. Je le regarde de mes petits yeux tout ébahis, ce truc si bon s'appelle le sang, alors je lui souris. Il me prend dans ses bras, il a l'air inquiet. Je sais pas où il m'emmène, mais durant le trajet, je continue à sucer la plaie. Je me sens bien, en sécurité, j'aimerais que jamais ce moment ne s'arrête. Il me pose sur un lit et me demande ma main, je la lui tends. Lui aussi, il veut se sentir bien ? Mais non. Il me met un truc liquide sur ma plaie, ça me pique et ça me brûle. Je pleure, j'ai mal, pourquoi tonton continue de me faire mal alors que j'étais bien ? Je comprends pas, snif, je me sens si triste. Tonton il m'aime pas et il est méchant avec moi. Lui pendant ce temps là, il recouvre ma coupure par un bandage. Il me dit que c'est finis, que j'aurais plus mal, mais moi, j'avais pas mal, je me sentais bien. J'essuie mes larmes, mais je suis encore qu'un tout petit enfant, et ça fait beaucoup d'émotion pour moi en l'espace de quelques minutes. Si bien, que je m'endors assez vite sur le lit …