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Pour un bras.

Notre premier rencart. C'était un jour où le soleil tapait si fort qu'on en suait au premier pas dehors. Qu'il fallait tant mettre un couvre chef que sans, tu finissais par te faire cramer les poils de crane. Mais toi, t'étais au dessus de ça. T'étais là, au milieu du champs. Y'avait les épis de blés qui t'arrivaient à hauteur de cou, qui te faisaient comme la plus belle des robes. Je me rappelle. J'avais du vider la moitié d'une teille pour trouver le courage de venir. Tu m'as regardé. J'avais la démarche pas droite et le regard flou, mais pourtant je voyais tes jolies prunelles bleus qui me fixaient. Je voyais le joli rouge que t'avais du mettre sur tes lèvres. Je me suis imaginé à te voir devant ta glace, à farfouiller tout délicatement dans ta trousse pour en sortir cette jolie couleur. T'étais belle, ce jour là, avec ton chapeau qui cachait ta peau si blanche, qui te donnait l'air d'une princesse qu'a jamais vu le soleil.

--------

Je sors la tête de l'eau. C'était un beau rêve pourtant, où j'aurais aimé me perdre un peu plus. Mais le toubib me réveille. L'a des verres autour des yeux qui lui donnent l'air intelligent, tous les gestes qu'ils font sont comme ceux d'un livre qu'il aurait appris par cœur. J'ai jamais aimé lire. Toujours préféré frapper des deux poings que lire une foutue ligne. Toujours préféré tirer une balle que sortir un mot.

Mais maintenant ? Hein, maintenant ?

Le gars me regarde avec des yeux qui veulent rien dire. L'en a vu d'autres ce gars, à sa vieille barbe et à toutes ses rides y'a pas besoin d'être devin pour savoir ça. Alors quand l'enfonce une énième aiguille dans mon bras qu'est encore là, quand il triture le trognon qu'il me reste sur l'autre, je réagis pas. Je résiste à pas sortir une grimace qui montrerait à quelle point je douille. A quel point je chiale. Parce que ouai, sous mon air de con ça fait tant de jours que je tourne l'info que j'arrive pas à la laisser foutre le camps. Et les médocs, eux, z'en ont mare, ils me chootent tant qu'ils peuvent pour pas que je me lève. Ils m'attachent les guiboles pour pas que je foute le camps. Ils me laissent juste la gueule ouverte pour que je puisse gueuler. Mais je suis pas comme les autres borde, je suis meilleur, et même avec un bras en moins... Faut juste... Faut juste …

Allez, une p'tite...Prendre l'air... Suis pas en taule bordel...
Cigarette ? Vous fumez trop. Promenade ? Vous n'êtes pas encore prêt.
Deux semaines que j'ai pas bougé d'ici... Même le vieux Joe a eu le droit hier, l'a perdu un œil lui aussi...
Dix minutes...Soyez chic...

Dix jours. Vous avez été empoisonné, Vous avez perdu un bras, et en plus, vous ne voulez même pas récupérer. Vous passez votre temps à demander des clopes et à raler.
Bordel, mais c'est quoi le rapport ?
Que j'aimerais bien, moi aussi, ne plus vous entendre. Mais qu'il vous faut du temps avant de vous lever.
Dix minutes ?
En fauteuil alors. Et c'est moi qui vous promène.

J'ai gagné. Le toubib appelle deux minettes de la main, et leur demande de me foutre dans leur fauteuil. Je suis pas handicapé bordel. Je refuse de me faire traiter comme ça, rejette leur aide, monte sur le cadi. Me vautre.

Ils m'aident. Le temps passe comme ça sans que personne ne dise rien et on est déjà loin quand le toubib la réouvre.

Bon, bon, vous allez faire quoi, maintenant ? Ancien chasseur de prime, non ?
Je le suis toujours.
Pff...
Arrêtez vous.
Pardon ?
Arrêtez vous que j'vous dit. Elle est là.

La rouquine.

Je veux te parler, rouquine.


Dernière édition par Mihai Moon le Mer 12 Juin 2013 - 18:42, édité 1 fois
    Léviathan…

    Très cher Léviathan…

    Tu auras ma peau, un jour. Tu as beau être une machine de guerre impressionnante, un navire parfait, une œuvre d’art sous tout rapport… Tu es une vraie plaie pour une fille comme moi qui ne te connais pas assez. Même si je t’admire, je te hais aussi profondément.

    Perdue. Encore perdue.
    Je commence à en avoir assez de me paumer dans le coin. J’en ai ma claque de ces couloirs qui se ressemblent, de ces portes qui mènent sur d’autres portes, de ces carrefours tellement similaires… Je ne cherche que ma chambre, et depuis deux semaines que nous sommes repartis en mer, je n’ai pas encore été foutue de la retrouver. Personne pour m’orienter, personne pour me dire ou aller, ni quoi faire pour me faire greffer un sens de l’orientation, je commence à désespérer.
    En plus de ça, j’ai perdu Bee au détour d’un carrefour…

    Léviathan, je te hais.

    Même les plans ne m’aident plus pour m’en sortir. Et pourtant, les plans de toute sorte, ça me connait. Mais lorsqu’il s’agit de me repérer dans un endroit comme celui-ci, j’en suis tout bonnement incapable. J’ai sommeil, j’ai faim, et j’ai l’étrange impression que ce n’est pas près de changer. Même Astérion, à côté, me semble être une île relativement agréable. Pour cause, au moins, là-bas, on peut tracer tout droit en cassant les murs. Ici, c’est une autre paire de manche.
    Je m’arrête et me plante devant un mur avec la mine dépitée. J’y pose ma tête doucement et pousse un long soupir. J’en ai marre. Je veux partir. Aller simplement me coucher en m’enfilant une grosse part de gâteau au chocolat. Au lieu de ça, je suis obligée de déambuler dans le coin sans réussir à retrouver ma rou-

    Je veux te parler, rouquine.
    Mh ?

    Je relève les yeux, quitte soudainement mon mur. En face de moi, un des docteurs du Léviathan pousse un fauteuil roulant. Sur ce fauteuil, Mihai, qui a la mine sérieuse. Je les regarde l’un, puis l’autre, et fini par pousser un soupir de soulagement. S’ils sont là, je pourrais certainement m’en sortir. Je fais un sourire, passant les croquis que je tiens sous mon bras pour aller jusqu’à Mihai et son nouveau moyen de transport :

    Laissez-moi faire, Doc. Je le ramène vite. Enfin… Si je ne me perds pas…

    Tournant sur moi-même, je ne sais pas par où aller. Dans le doute, je ne veux pas revenir sur mes pas. Je sais à peu près où ils mènent. Et je sais que ce n’est pas une bonne idée d’y aller. Mihai étant un vétéran du Léviathan (en tout cas, plus que moi), il pourra sans doute m’aider. Sans prendre la peine de regarder son membre manquant, ni faire de différences entre ce qu’il était avant et ce qu’il est maintenant, je pousse le fauteuil vers un couloir encore inconnu, et lance d’une voix plus ou moins joyeuse :

    Qu’est-ce que tu veux ? Je t’écoute.
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    Elle me traîne comme un poids mort. Comme si j'étais rien d'autre que ça, rien qu'une gêne qu'on doit se trimbaler et qui ne sert à rien d'autre qu'emmerder, gêner. Merde, et elle ose me demander ce que je veux ?! Ce que je veux moi... Elle le sait pas déjà peut être ? C’est retrouver mon bras, bordel, retrouver ma femme et mon gosse, faire payer à l'enfoiré qu'à oser me faire ça. Ouai... C'est tout ça que je veux... Mais je le sais, que je ne peux pas... Plus... Alors je bloque le frein et manque de faire tomber la miss dans son élan. Mais je m'en fous.

    Je veux que t'arrête de me pousser. J'ai pas besoin d'aide pour ça.

    Je me lève à taton, ça fait deux semaines que j'ai pas marché. Je manque de me vautrer mais j'évitela chute. On marche comme ça un moment sans rien d'autre que le bruit autour.

    J'ai un compte à régler avec l'enfoiré qu'a osé me couper le bras. Tu m'croiras ou tu me croirais pas mais je mettrais ma dernière main à couper que c'était Ludwig. Si tu suis un peu ce qui se passe dans le monde t'auras fait le lien avec le Youkon qu'on dit immortel. Ouai, je sais, je vois pas ce qu'il foutait là mais j'ai passé assez de temps à apprendre toutes les fichues fiches de Wanted pour pas me gourer. J'ai reconnu ses yeux tous laids. J'ai reconnu sa coupe de tifs qu'il a oublié de couper.

    Et puis... J'ai vu bordel.

    Sa puissance.

    Sa vitesse.

    Sa maîtrise.

    Il m'a coupé le bras comme je coupais mon pain bordel, sans sourciller, sans même avoir un seul moment d'doute de comment ç'allait se terminer.

    Je lui laisse un temps. Celui qu'elle doit avoir b'soin pour digérer l'info.

    Tu t'dis que je fais pas le poids et t'as raison. Que déjà à deux bras je me suis fait massacré alors avec un seul j'ai aucune chance. T'as encore raison. Mais je vais pas rester là à me lamenter. Et c'est pour ça que j'ai b'soin de ton aide. On dit du bien de toi. Et si je dis pas de conneries c'est toi qu'a fabriqué de tes mains le canard que j'ai vu. Tu mires où je veux en venir ?

    Je la dorlote dans le sens du poil. Je la fais venir à moi pour bien la saisir. Je lui balance tant d'infos à la tronche qu'elle sera si perdue qu'elle acceptera. C'est pas le meilleur plan de ma vie et c'est peut être même le pire, mais j'ai plus le choix. Je suis au bord de gouffre.

    Alors s'il te plait, Miss, me lâche pas.


    Dernière édition par Mihai Moon le Dim 14 Juil 2013 - 15:19, édité 1 fois
      Tu veux que je te reconstruise ton bras, hein…

      Je marque une pause. J’y réfléchis. Ses mots me parlent sans me parler, parce que je ne suis pas certaine de moi. D’être capable de tout ça. Je veux bien essayer, mais je sens surtout le poids de cette responsabilité. Je ne veux pas aller trop vite en besogne, je reste méfiante de cet entrain qu’il m’affiche pour me convaincre. Il a beau me brosser dans le sens du poil, ce n’est pas qu’une question de défaite ou de victoire.

      Ecoute Mihai, je n’ai jamais fait ça avant. Faire un bras, une partie du corps, ce n’est pas comme construire un robot géant. C’est différent. Il y a sans doute moins de paramètres à prendre en compte.

      C’est une question d’être. Une question de… Qui je serais avec un bras en plus ? Un bras qui n’est pas le mien, biologiquement parlant. Je pense ça. Mais je ne fais que supposer. J’imagine qu’il y a réfléchi lui aussi. Ou tout du moins, j’espère vraiment qu’il l’a fait.

      Si je le fais, je vais devoir tenir compte de ce que ton corps peut supporter. Comme charge. Comme ajout. Il faut qu’il soit manœuvrable. Il faut qu’il soit calé sur les ordres que donnent ton cerveau. Il faut qu’il soit assez à toi pour que l’avoir te semble naturel. Comme un vrai bras 2.0. Je ne te parle même pas du cout que ça va engendrer... Parce qu’une chose est sûre, si je dois le faire, je ne lésinerais pas sur les moyens.

      Je m’arrête. Je marque une petite pause. Il y a beaucoup de si, et j’ai l’air d’affirmer que je vais le faire. Je n’en sais rien encore. J’ai bien envie de le faire, oui. Mais tout ne se résume pas qu’à ça, n’est-ce pas ? Parce que, mine de rien, accomplir un truc pareil… ça serait un sacré truc.

      Je veux le meilleur possible. Pour ça. Mais… C’est une sacrée responsabilité, et je ne suis pas sûre d’être à la hauteur pour ce genre de chose.

      Je suis clairement partagée. Et je vais m’expliquer. Je ne veux pas être tranchante, ou catégorique. Je repense ma position pour être au mieux. Pour ne pas me tromper. Pour ne pas perdre de temps.

      Il faut prendre en considération d’autres points : Est-ce que psychologiquement, tu es apte à recevoir cette greffe ? Et si tu faisais un rejet ? Et si tu n’arrivais plus à te regarder dans le miroir ?

      Je note dans ma tête qu’il faut envisager à consulter un médecin pour mettre, ce que j’imagine déjà, au point. J’ai déjà des idées, oui. J’ai déjà des plans qui se montent d’eux même. Mon imagination est fertile, elle ne se limite à rien de bien concret. Tant que je peux l’imaginer, j’imagine que je peux le faire, ou tout du moins l’approcher.

      Je peux commencer à mettre au point des plans. Je peux. Mais je veux que toi, de ton côté, tu reconsidères sérieusement la question.

      Un sourire plus tard, je reprends d’une voix douce :

      Ce n’est pas un acte anodin. Et un bras en moins, ça fait toujours de toi Mihai. Alors réfléchis-y. Et réinstalle toi sur ce putain de fauteuil, je n’ai pas envie de me faire engueuler.
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      Elle me parle de chose que je connais. Elle me dit ce que j’ai ressassé dans ma caboche durant tant de jours que j’ai cru que ca partirait jamais. Elle me bourrine le crâne de choses qui peuvent arriver, de choses qui arrivent avec certains. Mais pas avec moi, bordel.
       
      Je ne vais pas rester là comme un con à attendre que la vie se vide. Je vais pas arrêter de nourrir ma gosse et ma femme parce que j’ai perdu un bras.

      La vie c’est ça, faut se battre si on veut y arriver, faut se battre chaque jour que le bon Dieu nous donne pour continuer à sourire, recommencer à s’aimer.

      Y’a des risques, oui. Y’en a tant que je ne connais pas la moitié et que cette opération risque de me tuer, peut être. Mais je suis déjà mort, miss. Je suis mort le jour où ce pirate m’a coupé le bras comme du jambon et où je me suis retrouvé aussi inapte que le plus vieux des vieillards.

      Je la mire. Y’a dans ses prunelles l’hésitation d’un gosse qu’hésite à voler de ses propres ailes.

      A quoi bon vivre si je ne suis bon qu’à me nourrir du labeur des autres, à me ressasser le passé de ce que j’aurai vécu ? A rien. Moi je suis dans le présent, je suis dans le futur. Je suis dans l’amour qu’a ma femme et qui s’envolera si je deviens aussi con qu’avant. Je suis dans la fierté qu’a ma gosse d’avoir un père prêt à risquer sa vie pour lui payer ce qu’elle a besoin.

      J’y vais fort ? J’y vais larmoyant ? Mais regarde-moi, bordel. Regarde ce corps qui sert plus à rien et regarde ton talent que t’hésites à utiliser. T’as peur pour moi ? La seule peur que tu dois avoir c’est de me laisser là, de lâcher un gars qui demande juste de l’aide. Et parce que t’es la seule à savoir aussi bien faire ce que je te demande de faire, je le demanderai à personne d’autre.
      C’est ton talent que je veux, bordel.

      Me lache pas, miss. Pas maintenant… Me demande pas de repenser à des choses dont j’ai déjà fait le tour…

      Reconsidérer la question ? Mais je l’ai déjà fait. Tant de fois que me revient chaque soir au milieu d’un rêve, à chaque repas au milieu d’une bouffé, à chaque piqûre au milieu de la douleur. L’image de ce bras qui tombe et de ma femme qui me rejette. De mon corps qui n’sert plus à rien et de mon cœur qui se vide…
        Ok.

        Je dis ça en tirant sur les épaules de Mihai, en le reposant sur son fauteuil et en le maintenant fermement pour ne pas qu’il ne se relève. Le message est passé. Je suis convaincue. Toujours reticente, mais je comprends ce qu’il veut. Et après tout, c’est lui qui met sa vie en jeu pour en faire ce qu’il veut… de mon côté, je n’ai pas à vraiment refuser. Je dois surtout faire en sorte qu’il conserve sa vie et qu’il y gagne un bras qui marche. Je sors un calepin d’une de mes trousses à ma ceinture et commence à griffonner dessus :

        J’ai compris, je le ferais. C'est ta vie, ton problème pour la suite. Je m'en lave les mains. Je ferais au mieux, Mihai. Mais je te préviens : ça sera long à construire, laborieux dans un premier temps, et il te faudra du temps pour le maitriser si la greff réussie.

        Marquant une pause, je continue à pousser le fauteuil, notant quelques remarques, observant les épaules de Mihai pour en noter la largeur, la masse. Je jette un coup d’œil à son bras valide, tente d’en estimer le poids, la longueur. Plusieurs idées germes, je veux faire en sorte que son nouveau bras soit aussi pratique que maniable. J’ai fort à faire, et au moins une douzaine de rendez-vous avec le docteur à placer. Un soupir m’échapper. Je ne dois pas juste penser à ça, mais aussi à mon avenir, à mon objectif…

        Je le construis à une condition : Que je puisse me servir de ton cas et de la fabrication de ton bras pour me servir dans la brigade scientifique. En échange, tu ne payes que le matériel, pas la fabrication.

        C’est le deal. Ma seule condition. Et je me trouve plutôt honnète dans ce deal, car ça sera un véritable investissement de temps, d’argent, comme d’ingéniosité pour le construire. Je n’ai jamais fait ça avant. Pour Bee, ça avait été complexe, mais différent. A noter… m’offrir un bouquin sur l’anatomie. Bon.

        Si on doit parler de prix, le cout variera entre cinq et dix millions. Il faudra que tu me dises l’équipement que tu veux, ou les particularités. Et que tu t’accommodes de ce que je peux ou ne peux pas faire.

        Tournant le fauteuil de Mihai pour qu’il se retrouve face à moi, je le stoppe avec mon pied et lui tends la main pour conclure l’affaire.

        Si ça te va…
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        Elle me tend la main. A moi, le manchot à qui manque tout le bas de l'épaule. Mais le droit, lui, se tend aussi et c'est dans ses mirettes que se jettent mes yeux. Parce que c'est ma vie que je lui confie. C'est mon taff, mon honneur, ma vengeance. C'est toutes ces choses qui font que je peux me lever le matin en espérant sourire.

        C'pas une question d'argent, miss, c'est une question d'honneur. Et ça, la foutue différence qu'y a entre moi et les centaines d'autres guss. Ceux qu'ont perdu des jambes, des bras, des mirettes et parfois pire. C'est qu'eux z'ont juste leurs larmes pour chialer. Moi j'ai les millions d'berrys pour me racheter une chance. Ceux à la cale où la morgue. Les têtes que j'ai fait tomber et qui me rapporteront tant qu'il m'en restera encore, quand je t'aurai payé. Alors c'est pas une question de zéro que tu mettras sur la facture. C'est juste ma vie que tu dois faire remonter.

        J'lui dis ça 'vec la poigne qui se ressert sur la sienne. Avec ma main amputée de son doigt qui se sort de la poche. C'est un cadeau que j'lui fais, lui servir d'coboye pour des choses qui me dépassent autant qu'elles. Mais je m'en fous, c'est ma chance.

        Et je le sais, que j'en aurai pas d'autre.

        Sur ce calvaire, cette île pourrie où s'est abattu la grêle, sur cette coque minable où le double face m'a frappé. Sur ce royaume absurde où le sang a plus coulé qu'la neige et où le bras est tombé. J'ai eu la chance de m'trouver là où quelqu'un pouvait m'le réparer.

        Merci Miss.

        C'est le cœur qui parle. Ce bout d’espérance qu'elle me redonne. On continue comme ça se perdre dans les couloirs sans qu'aucun d'nous ne veuille l'ouvrir. On s'est tout dit. Y'a plus rien que le silence pour calmer l'impatience. Juste mon bras encore là pour indiquer la salle. Celle où le toubib m'attend déjà, presque fâche d'nous avoir trop vu traîner.
            MIHAI !

            Je gueule à travers notre local, posant précipitamment mon chalumeau en l’éteignant, pour foncer vers la porte grande ouverte et héler le cow boy. Relevant mon masque de protection pour qu’il sache à qui il a à faire, je lui fais un grand sourire :

            RAMENE-TOI !

            Faisant volte-face, je le sais sur mes talons. Nous arrivons rapidement sur mon plan de travail. Un peu bordélique d’un prime abord, mais qui me convient parfaitement. Ce que Mihai peut remarquer d’un simple coup d’œil, c’est une structure métallique, mise à une, trônant sur un présentoir. Je pousse de la main la cuirasse sensée recouvrir le chef-d’œuvre à la toute fin. Et toujours avec le même sourire, je lui désigne son futur membre d’une main triomphante : Trois semaines d’un dur labeur qui se finalise presque.

            Oui, bon, désolée… ça ne présente pas bien, c’est encore à nu… Mais c’est chouette ! Regarde ça ! Regarde !

            Je me saisis du bras comme je peux. Son poids le rend difficile à prendre en main. J’invite l’homme à s’écarter d’un signe de tête, essayant toujours de me saisir de l’engin en titubant presque. Le coinçant sur mon épaule, j’appuie sur un bouton bleuté. Dans un bruit métallique et futuriste, un bouclier éclot sous le nez de son futur possesseur, manquant de me frôler le visage et de m’assommer. Cacher derrière la masse, Mihai n’entend que ma voix :

            Un bouclier ! Il se déplie, oui, oui ! Il se déplie à partir de la paume de ta future main ! Et il se replie, regarde !

            De nouveau, une pression à tâtons sur le bouton bleuté, et le bouclier revient à sa place :

            Et là, j’ai l’intention de mettre ça ! Regarde !

            J’appuie sur un second bouton en visant vers le fond de la pièce. Cinq coups d’une arme à haute cadence partent s’écraser sur le mur du fond…

            Hi !... Mh… Oui, désolée, j’ai été un peu surprise. Je m’étonne moi-même parfois !... C’est à dire que ça fait du bruit, hein. Ah, et là, tu as…

            Je prends le bras et le maintiens contre une planche. J’appuie sur un bouton un peu maladroitement, hissant l’articulation sur mon épaule pour tenter de le maintenir. Un « clac » sonore se fait entendre avant que je ne retire le bras pour le reposer à côté de moi, et montrer du doigt un clou qui a pris place sur la planche :

            Ça… Trop cool non ? Bon, bien sûr, là c’est manuel, mais le but maintenant, c’est que ça t’obéisse à l’œil ! A l’intérieur de la structure, j’ai mis au point un système qui permettra aux câbles de reprendre le rôle des synapses dans la moelle épinière ! Bien sûr, ça ne reprendra pas le même rôle que les ions CH-, P+ et K-, c’est beaucoup plus primaire, mais c’est efficace ! Par contre, la fluctuation des messages n’est que descendante, la voie spinothalamique est sacrifiée pour l’instant, il y a… Euh… … Attends, je vais trouver des mots simples ! Disons que y’a des câbles qui vont permettre aux messages nerveux qu’envoient ton cerveau de faire bouger le bras. Comme un bras normal. Malheureusement, je n’arrive pas à faire remonter un message du bras au cerveau… Donc, tu ne sentiras pas la douleur, ni le chaud, ni le froid… Et pas de reflexes. Mais c’est un bon début, non ?

            Mon sourire s’étire. Je suis satisfaite de mon travail. Tout du moins, j’essaye. Je me donne au mieux. J’ai encore beaucoup à faire, mais ça devrait bien se faire. Je repose le bras sur le plan de travail, poussant les quelques outils mal rangés présents à côté. Me tournant vers Mihai, j’essuie d’un revers de main une trace de cambouis sur mon front en sueur et lui fais un nouveau sourire :

            J’ai bouffé cinq bouquins de médecine. J’ai la tête comme une pastèque avec ces conneries. Mais parlons de l’opération, je vais être claire : Il n’y aura aucun influx sanguin vers ton bras. Nous allons cautériser, amputer franchement, pour ensuite nous relier à ton système nerveux par le biais de la moelle osseuse. Par contre, le bras serait trop lourd à porter en restant seulement accrocher à un morceau d’os, et il faudra qu’on recouvre une partie de ton épaule. J’ai pris l’alliage le plus léger et solide possible pour te permettre de t’habituer normalement à ton nouveau membre. Mais tu sentiras quand même la différence…

            Trois semaines de travail. Encore une petite semaine, et nous pourrons tenter l’expérience… Mais avant ça…

            … Tu te sens prêt ?
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          Etre pressé, c'est comme l'Amour. Ça prend la gueule, les tripes et le cœur jusqu'à faire oublier le reste. On sait qu'on n'y peut rien, on sait qu'on ne peut rien faire d'autre qu'attendre que ça passe, mais pourtant cette foutue pensée, obsédante, vient toujours se faufiler comme une anguille pour passer devant les autres.

          L'obsession, c'est ça.

          Je crois que je l'suis. Obsédé. De devoir encore attendre pour enfin retrouver ce foutu bras qui me manque. Je pense qu'à ça. Je vis que pour attendre ce foutu jour qui veut pas arriver. Je passe mon temps à bourrer le toubib de questions jusqu'à le rendre sourd. Pourtant je le sais bien, que j'y peux rien et qu'il n'y a qu'attendre qui soit utile.

          L'attente, la pire des choses.

          Se lever le matin en pensant à une chose, manger et toujours avoir cette foutue idée dans la caboche. Fumer et toujours ne penser qu'à ça. Se coucher avec les mêmes choses dans le crane ; Voir les jours défiler plus lentement qu'une tortue en plein Alabasta. Vouloir enfin arriver à ce foutu moment où je pourrai enfin lever le bras, haut et fort, et faire autre chose que ruminer. Bordel ce que c'est long.

          Et pourtant, je connais ça, l'attente.

          Attendre d'enfin trouver une prime pour pouvoir chasser. Attendre des heures devant un bâtiment pour y voir sortir l'homme à abattre. Attendre des mois d'enfin revoir ma femme. Attendre des heures qu'elle arrête de me faire la gueule pour mon absence. Attendre des semaines dans une coque pour enfin arriver là où il y a du travail. Ouai, je connais ça, l'attente.

          Ma vie n'a toujours été qu'une foutue attente.

          Parce que je sais que toujours, vient le moment que j'attendais. Celui où la rousse se ramène avec une énorme sourire aux lèvres. Un de ceux qu'est si contagieux que je me sens obligé de faire de même. Un de ceux qui fait tambouriner le cœur de voir enfin ce moment arriver. C'est le jour, j'y crois. J'y crois bon Dieu. Je vais enfin pouvoir lever le bras !

          Je me sens prêt ?

          Elle me demande ça alors qu'elle connaît déjà la réponse. Elle sait déjà que si j'étais de ce genre, je le gueulerai sur tous les toits, jusqu'à réveiller toute la coque du premier pont au dernier, du cinquième étage au rez de chaussé. Bien sûr que je suis prêt.

          Bien sûr que je suis prêt, bordel.

          Y'a bien un mot pas beau qui sort, mais c'est un de ceux qu'est fait avec un sourire. Avec le rire qui vient après, timide. De celui qui voit enfin ce qu'il attendait venir à lui. Je suis impuissant, je peux rien faire d'autre qu'attendre, mais ce travail là, l'est aussi dur que le sien. Sa tête est pleine de livre de médecine ? La mienne est pire. Était pire. Jusqu'à ce que je voies ce bout de ferraille qui sera bientôt mien. Mon bras. J'hèle la miss. Je lui dis un mot que je sors pas souvent.

          Miss ?

          Merci.
            Héhé…

            J’ai envie de lui dire de me remercier quand tout ça sera terminé. Mais je me retiens, parce que j’ai l’impression que ça pourrait entacher son optimisme. Et quoiqu’on en dise, l’optimisme est trop important pour le gâcher. C’est un moteur extraordinaire, avec lequel on va loin, très loin, plus loin qu’on ne pourrait sans lui. Je lui fais un sourire et l’invite à partir de mon espace de travail pour me laisser continuer. J’ai une semaine pour peaufiner les détails, faire les derniers tests, accorder le bras à son système nerveux… Coincée sur des journées trop courtes pour tout faire, entre des besoins vitaux qui m’apparaissent presque comme secondaires… Manger, dormir, c’est tellement surfait quand on y pense. Mais Oswald a souvent la délicatesse de m’apporter mon repas, de veiller à ça. Le médecin de l’équipage, lui, à ce que je reste en forme. Vitamine, fer, cuivre,… Et des allés et venus pour d’autres sujets tellement moins intéressants lorsqu’on plonge sur un sujet tellement prenant...

            Une semaine, ça passe tellement vite.

            Toujours prêt ?

            Je me penche au-dessus d’un Mihai allongé sur une table d’opération. Le médecin court dans tous les sens, d’un plateau à un autre. Une infirmière désinfecte mon œuvre pour la stériliser. Le tout est accordé en une sorte danse prodigieuse. Je baisse mon masque pour faire un sourire à Mihai : j’assisterai à l’opération pour n’y prendre part qu’au dernier moment. Le doc’ se penche au-dessus du chasseur de prime, regarde son moignon qu’il affiche non sans gêne…

            Mh, après tout ça, je prends ma retraite à Alabasta.
            Oh ?
            Mon passage ici n’était que momentané, Lilou. Vous aurez un remplaçant digne de l’endroit.

            Remettant mon masque pour m’écarter de la table, je croise les bras en fond de salle et continue à sourire. Je suis confiante. Je regarde ce bras entre les mains d’une infirmière qui se plaint de son poids trop lourd, de sa surface trop large,… Mais je la pousse à en prendre juste soin, et à ne pas s’en plaindre. Je lui signale avec un certain professionnalisme que c’est l’alliage le plus léger que j’ai pu trouver, et que les mécanismes complexes à l’intérieur méritent de la surface. Elle se tait, continue en ronchonnant. Le toubib attrape un masque pour le poser sur le visage de Mihai. Je le vois fermer les yeux quelques secondes, s’assoupir tout du moins, s’endormir un peu. Un infirmier passe à côté et se sert d’une aiguille déjà posée pour lui injecter un anesthésiant plus conséquent.

            Faisons ça bien, doc.

            Mihai s’endort complètement. Il n’y a plus que le bruit des outils et des machines, calées sur les constantes vitales de l’homme qui couvrent le silence. Je me rapproche et me tiens à côté d’un Mihai endormi fermement, à poing presque fermé.
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            J’aurais voulu voir. Les doigts se faufiler comme des danseuses sur les rouages du bras métallique.
            J’aurais voulu sentir, le métal froid venir se cogner contre la peau à peine cicatrisée.
            J’aurai voulu entendre, mon cœur battre au gré des douleurs.
            ...
            J’aurais voulu sentir, l’odeur de désinfectant et de produits chimique venir se lier à celui du sang, de la soudure.
            J’aurais voulu vivre tout ca, ce court instant qui allait changer ma vie et que j’étais pas même capable de vivre. Mais j’ai pas pu, j’ai encore dormi dans un sommeil sans rêve pour me réveiller une fois le tout fini.

            Enfin, le tout… Pas la douleur… Celle la me reprend comme si l’on venait de me recouper le bras. Bordel, je me réveille en sursaut avec le bras qui me démange. Fait noir, j’ai le visage suintant et la rage aux dents. Mais y’a personne, pas âme qui vive, je me mets à brailler bordel ! Qu’on vienne m’aider ! Tout mon corps moite braille avec la gorge qui hurle.
            Et la lumière se fait, et les gens se ramènent, me disent des choses que je comprends pas, que j’entends pas. Je suis plus capable que de brailler, qu’on m’enlève cette putain de douleur !!
            Ils me filent des trucs, me bloquent le bras qu’est pas de métal et… Je me rendors…
            ---

            Combien de temps j’ai dormi ? Combien de temps j’ai passé sans ne plus penser à rien ? Combien est ce qu’ils m’ont filé pour autant me shooter ? J’ai beau ouvrir les yeux, les formes se font floues, les lumières tamisées. Bordel, qu’est ce qu’il se passe ?

            Bordel, qu’est ce qu’il s’passe ?

            On vous a donné un médicament pour faire passer la douleur. Restez calme.

            Je ne comprends pas, la voix, elle, sort d’une forme blanche dont je n’peux même pas discerner le visage. Et la douleur, elle, qui revient me ronger le bras, me triturer pour me refaire brailler. Des centaines d’aiguilles de coincées dans le haut de l’articulation et qui s’enfoncent à chaque fois plus, à chaque mouv’ment de plus…

            Encore… Donnez en encore…
            Vous êtes au maximum.
            Encore. Donnez en encore..
            Je ne p[…]
            Encore… Un peu….
            S’il vous plai…
            Encore…
              Je suis un cadavre, un vrai, avec les muscles à peine capables, le cerveau endormi et le corps fade, blanchâtre. Y’a cette chose étrange au bout de mon épaule qui continue à me démanger. Ce bout de métal qui veut plus me lâcher, qui peut plus me lâcher. J’aurais envie de le jeter, loin, de l’arracher avec les dents, de lui dire de s’en aller. Mais il reste, là, comme un moignon et je sais bien qu’au fond, c’est mon salut, cette étrange chose, c’est ce qui me re-permettra d’être capable. Y’a cette idée qui se fait une place au fond de ma caboche, qui me susurre de lui laisser sa chance, qu’il est à moi maintenant, que c’est moi, maintenant.

              T’es à moi ?

              Il me répond pas. Il me répondra jamais et pourtant quand ma substance grise se met à vouloir le bouger, ses doigts se mettent, tout douc’ment, à chatouiller la paume de ce qui me sert maintenant de main. Je sens rien, alors qu’avant, si. Quand les doigts tout fins de ma femme chatouillaient ma paume toute calleuse, je la sentais. Ça faisait monter le sourire aux lèvres, pas un de ceux qui font rire, juste un de ceux rendant heureux.

              Je suis là, au beau milieu de la mer, dans le plus grand vaisseau de la marine. Je suis là, inerte, à retrouver peu à peu l’esprit, à faire corps avec cette chose étrange qui sera bientôt moi. C’est une lutte qui se joue entre le corps et l’esprit. Le corps qui veut rejeter ce qu’il ne lui appartient pas, ce qu’il ne connait pas et l’esprit qui veut se voir renaître de ce qu’il a perdu. C’est un combat qui se gagne en braillant, par des cris de rage qui réveillent chaque heure les toubibs.
              Ils peuvent rien pour moi qu’ils disent.

              C’est normal, qu’ils prétendent.

              Mais bordel, c’est vraiment normal de voir quelqu’un autant douiller ? C’est normal de m’écouter brailler sans rien faire ?! Vous êtes médecins bordel ! Rien à foutre que j’ai dépassé la dose, rien à foutre de tomber dépendant ! J’suis pas comme ça, moi, je suis meilleur ! Dès que j’aurai plus tant mal j’arrêterai mais pas avant bordel.

              Pas avant…

              Ils se disent toubibs mais ne veulent pas me soigner. Se disent qu’ils vont me guérir mais me disent d’attendre. C’est ça, toubib ? Laisser couler le temps jusqu’à ce qu’il fasse son effet ? Mais cette douleur va tuer bordel. Et si elle me tue pas elle va rendre fou. C’est ça qu’ils veulent ? Un fou de plus sur cette terre d’aveugles ? C’est ça qu’ils veulent ?!
              Faire le vide, respirer comme quand la femme accouchait. Oublier cette douleur pour plus penser qu’à
              ce bonheur, celui de bientôt être un homme. Un homme avec une gueule, deux bras et deux jambes.

              Penser à tout sauf à cette foutue douleur, oublier…
              Penser au bonheur.

              Je pense à celui où je reverrai ma femme, où je reverrai les pommettes de la gosse toutes rougies de revoir son père. Son chignon qui se fera balader de gauche à droite au gré de ses hochements de tète et son corps tout minuscule que j’aurai peur d’écraser en l’embrassant. Héhé oui, je pense à ça et cette petite idée qui se fait une place vient écraser toutes les autres. C’est ça le bonheur, ça fait oublier le reste en les transformant en souvenirs, de ceux qui sont plus valables parce que l’mal n’a pas sa place dans ce monde là. Dans le mien.

              Héhé. Souris, Mihai, ça rend heureux.