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Bienvenue à Zombieland

Le Vaudou, c’est pour faire peur aux mômes, c’est ce que me disait mon père quand j’étais gamin, et c’est ce que je croyais. J’l’ai cru jusqu'à ce que je débarque sur cette ile, la terre d'Haïtala, une ile aux anciennes croyances, peuplées d’anciens esclaves…
Tous des anciens forçats, venus de Last Camps, Hungeria, Shabondy ou d’ailleurs; des déracinés, des miséreux.

C’était pourtant comme dans une carte postale ici, les plages de sable blanc, les barrières de corail poissonneuse, les cocotiers pour vous faire un peu d’ombre; Tout pour faire rêver un de ces bourgeois de Bliss.
Par contre,en cette saison, y’avait aussi cette chaleur écrasante, une atmosphère saturée d’humidité, où le moindre pas dans la mangrove vous coutait une énergie folle.
Pourquoi j’étais ici ? Dans ces marécages puants à me faire bouffer par les moustiques ? Parce que je cherchais Mamba Marie, une sorcière à ce qu’y parait. Une sorcière qui se cachait au milieu de nulle part ; j’avais beau avoir choisi de venir de nuit, j’avais toujours cette impression de cuir dans mon jus. A chaque coup que je donnais dans la végétation dense, la peau de mes doigts se décollait un peu plus, faudrait pas que mes mains s’infèctent.

Pourquoi je cherchais Mamba Marie ? Parce que j’suis un con. Parce que comme tous les cons, j’peux pas m’empêcher de faire ce qu’on me demande, et que quand j’avais croisé ce père de famille édenté qui cherchait un remède pour les fièvres son fils, bah, j’avais dit OK, j'vais t'aider, et pour pas un rond, juste parce que j’avais pas mieux à faire à part boir du mauvais rhum dans des cases minables.

Un mois et demi que j'étais ici, et toutes les superstitions locales me sortaient par les oreilles, ces histoires de possessions, de sorciers qui se changeaient en chien lorsqu’ il faisait le mal pour pas que les esprits du vaudou les rattrapent et volent leur âme, plein de trucs dans le style.

D'ailleurs j’avais croisé cette gamine juste avant de venir ici, et j’suis très mal à l’aise avec les filles. Elle avait attrapé mes mains, ça m’avait paralysé. Elle avait quoi, quatorze ou quinze ans, pas plus, mais ce qu’il m’a marqué, c’est l’odeur de la peur qui venait d’elle.

-Gare a ton z’ame, petit blanc, ti cherch’ Mamba Marie!
Mamba Marie regarde ton cœur, elle dira si après la mort tu reviendras, yo connait les secrets des esprits.
Papa Camaillo sait la recette de la douleur, il pique les poupées de chiffon.
Les coq noirs sacrifiés à la croisée des chemins, évite les.
La tête de veau décapitée autour des quelles dansé les animiste à minuit, ne croise pas son regard.
Méfie toi, Méfie toi du chabin déyé, et des maudits cailloux.
Sinon, toi aussi, une nuit tu te relèveras de sous la terre, aux ordres du Baron Samedi, timoun de l’enfer.
Pati mainan !


C’est ce que m’avait dit la jolie gamine à la peau noir et aux cheveux tressés, j’dois l’avouer, un instant, j’ai eu les foies.
Elle avait filé aussi sec, en me faisant signe de déguerpir…


    L'année 1620 ne sera pas l'année où je serai reconnu pour avoir pris la meilleure décision de toute ma chienne de vie. A trop errer dans les rues les plus malfamées des villes, on y rencontre des gens louches. Trop louches. J'ai d'abord pensé de Ducky qu'il n'était qu'un misérable bonhomme à qui la vie n'avait pas fait de cadeau, tout comme moi. J'ai sympathisé avec Ducky, ai partagé mes mésaventures et toutes les souillures endurées depuis ces soixante dernières années. J'ai eu la stupidité de croire qu'il m'écoutait, qu'il me comprenait et que les mots qui sortaient de sa bouche n'étaient pas que des conneries. Ce jour-là, Ducky Uningham se foutait superbement de la trombine de Balior Blackness, à tel point qu'il parvint à l'embringuer dans la plus calamiteuse de toutes ses aventures.

    Comment... ? Mais comment, nom d'un chien, j'ai pu croire à une énormité pareille ?! Balior mon pauvre ami, tu ne vaux pas mieux que cette godiche de Miranda !

    Expulsant un glaviot au sol, je fendais l'air de ma lame droit devant moi afin de dégager le passage et continuer notre avancée. Notre, oui. Ducky est sur mes traces. Ce chien galeux est parvenu à me convaincre, il y a deux jours de cela, de l'épauler dans la quête qui était la sienne. Atteindre les terres d'Haïtala, les explorer et mettre la main sur une de ces fameuses sorcières... Maintenant que je cogite, que je n'ai pas l'esprit bouleversé en me remémorant mes années écoulées, je trouve cette histoire complètement improbable. Une sorcière, non mais quelle connerie ! Enfin, je m'étais engagé à tout faire pour l'aider, ce fallacieux avait beau m'avoir trompé, il m'avait ma parole. D'autant que mine de rien, je l'appréciais ce Ducky, je n'avais pas envie de le laisser livrer à lui-même sur cette île.

    Grêle comme il était, il ne tiendrait pas une heure sans moi. C'était d'autant plus vrai à présent que l'obscurité recouvrait l’intégralité de l'île. Traverser les marécages de nuit n'était pas une brillante idée, seulement la journée passée n'avait été guère longue et nous n'avions pas réellement avancé. Du coup, faute de temps le jour, nous continuons la nuit. Et cet endroit est foutrement plus effrayant enveloppé par la pénombre. Je serre si fort la poignée de mon sabre que j'en tremble. Je ne suis pas rassuré, n'ai de cesse d'observer tout autour de nous, épiant le moindre mouvement suspect. Ducky lui, égal à lui-même, a les quenottes qui claquent et le visage crayeux. Véritable poltron, les prières qu'il adresse sans interruption depuis trois bonnes heures me parviennent aux esgourdes.

    Et puis il y avait ces marais qui ne facilitaient pas notre progression. A chaque pas effectué, il fallait se démener avec toutes nos tripes pour être certain de parvenir à faire remonter notre pied. L'effort était constant et le vieil homme que j'étais sué à grosses gouttes. Sans parler de la fragrance qui se dégageait des lieux. Il n'y avait pas une seconde qui défilait sans que je ne me maudisse d'avoir pu croire aux belles paroles de ce couard.

    Dis, c'est encore loin ?
    Comment je pourrais le savoir ?
    Bah... t'es devant.


    Foutrebleu ce qu'il pouvait être crétin ! Lâchant un grognement, je continuais sans prendre la peine de lui répondre. Et croyez le ou non, il ne fallut pas moins de quelques centaines de mètres pour nous sortir du marécage. Nous étions au bout. Tombant à l'entrée de ce qui semblait être un village, ou d'une chose s'y approchant. Une tribu, pas bien importante, quelques dizaines de vivants tout au plus. Autant de cases, à l'intérieur desquels ils devaient tous s'être retranchés à la tombée de la nuit. Ducky poussa un soupir de soulagement, ravi d'avoir rejoint une forme de civilisation. Je ne partageais pas ce sentiment, quelque chose ne tournait pas rond dans les parages. L'atmosphère y était pesante, le calme régnant ne donnait rien de bon. Et cette puanteur ?

    Foutre-Dieu ! Ces chiens côtoient les macchabées ou quoi ?!

    Si seulement j'avais su à quel point ces paroles convenaient à la situation... Ducky s'était déjà lancé à la recherche d'un abri pour passer la nuit. Revenant à sa hauteur, il devisait avec une femme à la peau d'ébène, ou du moins l'écoutait parler.

    Ti ne devrais pas être ichi. Pas à cette heure, l'obscu'ité est dang'reux pou' les vivants. Le Baron Samedi voit tout, il va venir vous che'cher. Il n'aime pas la présence d'étrangers, partez maint'nant, ou les morts viend'ont vous chercher.
    Giah-ah-ah-ah ! Cesse tes balivernes femme ! Nous cherchons seulement un abri où passer la nuit, on ne vous fera pas de mal ! Nous repartirons aux premières lueurs du jour !
    Le Baron Samedi ne veut pas de vous ichi. Partez ou les morts viend'ont pour vous.
    Comment un macchabée pourrait faire une chose pareille ?! En rampant avec ses ratiches jusqu'à moi ? Giah-ah-ah-ah !
    Ceux qui sont morts ne sont pas morts... les morts ne sont pas sous la terre. Ils sont dans l'omb'e qui fwémit. Ils sont dans l'eau qui coule. Ils sont dans l'eau qui dort. Ils sont dans la case, ils sont dans la foule. Les morts ne sont pas morts.


    Ducky venait de déglutir, ce poltron manquait vraiment d'une paire de roustons.