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La Mouette et la Tempête.

Battement d’ailes vigoureux, décollage maladroit, envol fugace. Le goéland quitte le solide pour retrouver la liberté du vide et l’euphorie du vent dans ses plumes. Sirène des courants aériens et troubadour des océans, le volatile suit avidement le parcourt du titan des mers qu’il accompagne depuis quelques jours déjà sur l’étendue azurée de l’océan.

Le titan, forteresse de bois et de métal impassible, poursuit une route qui peut sembler prédéfinie dans un calme synonyme de puissance. Les vaguelettes agitant l’onde océane viennent chacune se briser contre la coque colossale du géant qui trace placidement son chemin à travers l’immensité de la mer.

Inébranlable, le Léviathan poursuit sa course sur la route de tous les périls.

Son bec aux teintes fauves goûte l’air lourd et humide qui se charge d’une menace seulement perceptible par l’oiseau qui vogue un courant invisible, toute plume dehors. Ce message sibyllin, il en connait la signification, ce chuchotement météorologique porte un nom. Ce même nom que les nombreux humains fourmillant sur le large pont du Léviathan connaissent. Ce nom que l’on donne ordinairement aux ténébreux nuages qui, chargés de torrents et de danger, se dirigent droit vers l’immuable cuirassé des mers.

Orage. Tempête.

Le goéland s’incline, déviant de sa trajectoire dans une figure de vol spécialement aviaire. Chevauchant une dernière bribe de vent, il réaffirme sa course, de retour vers le Léviathan. Ses pieds palmés amortissent bien l’atterrissage grossier du volatile sur la rambarde d’osier du navire. D’un œil à la fois hagard et inquisiteur, le goéland observe le brouhaha ayant lieu sur le pont de l’énorme bâtiment.

Des ordres sans signification pour l’animal fusent de par et d’autre de la cohue, des marins tous détenteurs de mêmes uniformes s’empressent de répondre à ceux-ci. Plutôt par des actions que des paroles.
Des cordes de tailles et d’utilité différentes quittent ou rejoignent les nombreux cabestans prônant sur le pont, et ce au rythme des allées et venues des marins s’activant toujours dans une tension plus poignante. Les cordages se mettent en branle, accueillent de nombreux hommes qui eux cherchent à faire de leur rencontre avec l’orage une expérience des moins délétère.

Du gaillard avant jusqu’au château, les marins se préparant à rencontrer la force météorologique à venir sont légions.
Les minutes s’égrainent alors que les funestes nuées gagnent du terrain, l’écart entre le vaisseau de ligne titanesque et sa Némésis cyclonique se réduit à chaque instant. Un poids omniprésent fait s’ébrouer le goéland qui perçoit déjà l’attaque de l’orage à venir. Pas n’importe quel orage, un orage effarant. Un orage de Grand Line, un véritable défi offert par la nature aux hommes prostrés dans l’attente du fatidique assaut diluvien. Un défi que même le Léviathan aurait difficulté à relever.

Un dernier instant s’écoule, le silence des hommes comme celui de la mer s’étreignent dans une dernière prière à la vie.

Et comme pour annoncer le début d’un duel terrible entre l’ouragan et l’humanité, le volatile toujours perché sur la rambarde lâche un cri. Simple avertissement singulier perçant le trouble de la dernière minute.
Et en guise de réponse à ce signal de départ, le déluge frappe avec toute sa hargne le colossal vaisseau.
Aussitôt, des rafales chargées de haine balaient l’océan qui se déchaîne alors que des torrents d’eau s’abattent sans cesse sur le navire. Le jour finissant et guilleret d’un peu plus tôt est démis de ses fonctions par une nuit constellée de nuages plus sombres que l’enfer. La mer tout à l’heure calme et porteuse de navigation doucereuse se transforme dès lors en piège océanique. Véritables aberrations aqueuses, d’immenses trombes d’eau prennent la place des petites vaguelettes ramenées au rang de broutilles maritimes. Le Léviathan lui-même perd de sa majesté et de sa colossale prestance au profit de monstrueuses vagues qui le ballottent à travers le chaos dominant la mer vengeresse.

Gravissant péniblement chaque nouvelle vague aux allures de montagnes, le Léviathan fait souffrir son gaillard avant à chaque impact avec les vagues s’enchaînant avec force. Dans des gerbes d’écume et d’éclaboussures d’eau, la proue se voit noyée sous des litres d’eau de mer. Le Léviathan éperonne difficilement chaque mur aqueux se présentant face à sa solide charpente.

Le pauvre volatile, lui, est emporté par les sans cesse renouvelés mistrals fendant trombes et torrents. Simple feuille morte happée par la force de la nature, il est secoué continuellement dans une spirale venteuse infernale qui le fait suivre un parcours sur lequel il n’a aucun contrôle. Simple victime de la tempête.
Dans un maigre instant où le piètre voltigeur croit reprendre les rênes de son envolée tumultueuse, tout espoir se perd soudainement.

Les nuages crachent le feu. Un feu plus éblouissant que le fanal le mieux nourri. Un feu plus meurtrier que le plomb d’un revolver, plus rapide, plus expéditif. Les éclairs fendent le demi-jour voilé de pluie dans des détonations à réveiller un mort. À rendre sourd n’importe qui.

Complètement ébloui, ébahi et paralysé par la colère des cieux qui se déchaînent dans son entourage, l’animal emblème de la Marine pousse un faible cri étouffé par les explosions retentissantes provoquées par le tonnerre accompagnant la mort fondant sur la mer depuis les nuages.

Le Léviathan, lui, immuable titan à la coque invincible, continue sa progression alors que partout autour s’abattent les projectiles de Zeus. Le pont grinçant sous l’effort du navire est constamment lavé par d’énormes vagues qui osent presque faucher les braves marins toujours bien attachés aux cabestans, d’une corde de chanvre salvatrice. Les rafales ébranlent les voiles malmenées des nombreux mâts, c’en est presque si quelques yeux se posent parfois avec effroi sur la base des hauts poteaux de chêne en croyant les voir s’effondrer sous la puissance destructrice des vents.
Une nouvelle déferlante percute le vaisseau qui en sort durement ébranlé et trempé, mais qui tient tout de même face à la nature vengeresse.

Éperdu de peur et persuadé de vivre ses derniers instants, le goéland retrouve soudainement le solide. Mais de façon plutôt abrupte. Percutant le mât principal du flanc gauche, il ne peut retenir un piaillement souffrant en glissant le long de la surface boisée…

…pour atterrir piteusement sur le fond du poste de vigie secoué de part et d’autre.
Point surplombant l’océan déchaîné, roi des airs défiant les vicieuses nuées, le poste de vigie grince terriblement sous les affres du souffle éolien qui n’a cesse de frapper le navire.

Blessé, brisé et fatigué, le volatile ayant perdu toute sa gloire d’autrefois relève les yeux alors qu’une silhouette tout près de lui se démarque devant l’éclat aveuglant d’un arc électrique immense fendant le ciel sombre.
De cette silhouette hurlant gorge déployée face à la tempête, émane une aura plus que déplaisante aux yeux du goéland trempé. Là où doivent se trouver les yeux de l’homme se dressant au sommet du navire, deux globes glauques brillent d’une lueur inquiétante. Là où son épiderme doit être rosé ou basané, le noir et le blanc règnent de façon anormale.

Au sommet du Léviathan, défiant la colère des cieux, Double Face hurle. Il hurle au monde, à la vie, à la mort, au destin.

Il clame d’un ultime cri la haine qu’il a pour ce Destin qui l’a déjà tant fait souffrir. Pour ce Destin qui a tant tardé à lui offrir une raison de vivre.
Il a des amis désormais, quelque chose à protéger, à chérir. Mais il doit néanmoins régler ses comptes avec ce vieil ennemi avec qui il a trop guerroyé.

Voir s’il peut vraiment vivre une existence qu’on ne tentera plus de lui enlever par simple haine.
Alors il hurle, il hurle comme jamais il a hurlé. Il s’égosille à pousser le Destin à tenter un dernier assaut. À tenter le tout pour le tout.

-AALLEEEEEEZ!! TUE MOOOOIII!!! TUE MOIIII!!!

Et comme pour répondre à Double Face qui ne cesse de provoquer les cieux, un éclair titanesque perce les nuages et fond directement vers Oswald. L’arc électrique tortueux brise la tempête dans une course funeste qui veut comme point d’arrivée le corps de Double Face.

Ultime instant durant lequel l’éclair fissure les cieux droit vers Double Face.

Contact délétère entre l’homme et la foudre.

Volonté indéfectible réveillant un pouvoir nouvellement découvert.

L’éclair frappe le vide, la volonté de Double Face.

Le Haki.

***

Le ciel attendri laisse place à un cosmos brillant d’une myriade d’étoiles. La tempête fut puissante, mais les pertes nulles. Un océan calme et un bon vent ont pris la place de la mer déchaînée. Les hommes trempés et fatigués peuvent enfin prendre du repos. Seul Double Face reste agenouillé au sommet de la vigie, en compagnie du goéland qui s’ébroue en dépit de son aile amochée. Le bois roussi de la vigie, seul vestige des affres de la tempête, laisse deviner qu’il a été victime d’une frappe électrique. Le Destin a perdu, Double Face a vaincu. Oswald, exempt de blessure, se laisse bercer par l’air frais nocturne.

Un air chaud, l’air de l’île d’Alabasta, dont les lumières illuminent l’horizon.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t3486-fiche-de-double-face
  • https://www.onepiece-requiem.net/t3227-oswald-double-face-jenkins-t-as-un-probleme-avec-lui