Alors que son navire faisait route vers le Q.G. de la Marine, le problème des provisions semblait encore à l’ordre du jour et tendait même à s’aggraver. Les quelques victuailles prises au bas-peuple sur le précédent banc de sable perdu n’avait guère suffit à tenir plus de dix jours. Après tout, son équipage comptabilisait une trentaine de matelots. Ce nombre suffisait à rapidement épuiser les réserves et nul doute que le navire s’arrêterait un bon moment sur le prochain morceau de terre visible à l’horizon. Décidément, la chance ne paraissait pas totalement être du côté du lieutenant au bon cœur. Et sa pouvoir ! ». Cela paraissait évident pour l’élite. D’ascendance noble, il ne pouvait en être autrement récente promotion n’y changeait rien. Il fallait donc espérer débarquer bientôt sur la terre ferme, non à cause de la houle déjà peu ressentie. C’est avec cet état d’esprit que l’épéiste se replongea dans la lecture avec un ouvrage traitant des opérations médicales avancées. Après avoir lu un certain nombre de textes sur cette noble science s’il en est, l’héritier des Dark était à même de comprendre et de mettre en application les étapes suivantes menant à la quintessence de cette discipline. Les connaissances sur le corps humain figuraient parmi ses préférées et qui ne le laissaient point indifférent. Mais, dans cet amas diffus de savoirs, la constitution de son corps, ses réactions et les conséquences de certaines inquiétudes le passionnaient littéralement. Même si son éducation avait été très poussée, elle ne lui avait pas apporté, selon lui, l’entièreté de l’essence-même des matières inculquées. Depuis, ses nombreuses lectures complétaient cet apprentissage. Et toutes les choses apprises lui servaient énormément lors de ses duels ou lors de séances d’interrogatoire axées sur la psychologie humaine plutôt que sur la mutilation. Comme son défunt père aimait le dire : « La connaissance mène au, assurément. Si son propre pouvoir devait encore grandir, son pouvoir politique était plus que naissant en quelque lieu. La Marine lui permettait ainsi de parfaire son entraînement aux arcanes du combat. Effectivement, les méthodes musclées, si parfois ressemblant plus à de puériles bagarres sont bien plus nobles et respectables qu’à première vue. L’art de combattre avec des katanas faisait parti des honorables façons de se battre. Toutefois, pour un haut-placé dans la noblesse, l’élégance et la souplesse dans l’exécution des mouvements étaient de rigueur et nul ne pouvait outrepasser cela impunément. Telle était la sévérité juste des grands de ce monde. Et cela ne déplaisait pas le moindre à l’officier. Cette rigoureuse pratique valait plus que toute autre manière de s’affronter. Elle respectait à la fois les combattants et renouait des liens avec le passé, si important malgré ce que beaucoup pensent. Que demander de mieux ? Pour ces raisons, l’héritier des Dark perfectionnait sa maîtrise de cet art et n’imaginait pas d’autres manières de combattre. Evidemment, ses adversaires ne possédaient pas tous des sabres et encore moins pouvaient prétendre au titre d’épéiste. Dans ces moments-là, l’obligation de châtier le criminel restait dominante car laisser la liberté à quelqu’un pouvant nuire à la population était bien pire que de faire une entorse à son mode de combat. Cela ne faisait aucun doute. Mais cela le chagrinait de manquer à sa discipline et tôt ou tard, cela aurait de fâcheuses conséquences, assurément. Il restait donc à savoir quand cela se produirait. Et difficile à dire si tôt valait mieux que tard. Là-dessus, sa lecture se poursuivit.
Quelques heures plus tard, alors que les réserves de nourritures manquaient cruellement, le vigile s’écria soudain : « Terre à l’horizon ! ». Immédiatement, tous sortirent de leur état de torpeur dû au manque de glucose et s’organisèrent pour préparer l’amarrage. Après plusieurs jours de lente agonie, c’était bien profitable que de penser à recharger le navire en vivres. Et l’équipage entier, revigoré grâce à ces pensées encourageantes, vivait à nouveau et s’activait autant qu’en cas d’attaque soudaine de pirates. Pendant ce temps, ayant dû réduire son nombre de services à chaque repas de huit à cinq, le noble terminait sa tasse au thé saveur Gin-Seng. Très rare, par conséquent fort difficile à se procurer, importé directement de Grand Line de l’île aux mille-et-une-saveur : Tipas-Rey. Evidemment, pour lui, c’était tout naturel d’importer ce dont il avait besoin. Pour d’autres, soit environ 98% de la population mondiale cela ressemblait à s’y méprendre à un caprice de noble. Hélas, le sabreur ne pouvait leur en tenir rigueur d’avoir l’esprit aussi étriqué puisqu’ils n’avaient probablement pas reçu une éducation exemplaire, faute d’argent sans l’ombre d’un doute. Cependant, le moment paraissait plutôt mal choisi pour en parler. L’arrivée au port devait se faire d’une minute à l’autre et, étant le capitaine, la tâche lui incombait de donner les ordres ainsi que de s’assurer du bon déroulement de l’amarrage. Dans cette optique, après avoir reposé sa tasse vide en porcelaine fine frappée aux armoiries de son illustre famille sur la petite table en chêne verni, d’une qualité douteuse et à coup sûr moins onéreuse que son mobilier en ébène , confectionné par le plus talentueux ébéniste que le monde ait connu, portant également le symbole de sa longue lignée d’ascendants, l’homme en costume se leva et quitta la pièce pour rejoindre le pont grouillant de matelots incapables qui essayaient tant bien que mal de rendre possible le jet de l’ancre une fois arrivés à l’embarcadère, et en proie à une agitation sans précédent. Et dans tout ce tintamarre, l’officier paraissait être comme un Tenryuubito au milieu de la populace : pas à sa place. Malheureusement, sa présence était requise pour manœuvrer correctement le vaisseau et que tous travaillent efficacement. Rester en retrait n’était pas possible. Après tout, pour que le travail soit bien fait, rien de tel que d’y participer d’une manière ou d’une autre. Que ce soit en prenant le commandement ou en effectuant la sale besogne. Bien entendu, pour un noble le choix ne se posait pas. Quelle humiliation ce serait que d’effectuer les tâches de sous-fifres. Cela donnait l’impression fausse que le bas-peuple pouvait prétendre à un titre d’aristocrate. Rien au monde n’était plus insultant pour une personne de la haute-noblesse que d’être comparé d’égal à égal à un citoyen banal. Fort heureusement, cela n’arriverait pas. Donner des ordres lui convenait parfaitement comme veiller à leur respect. Et alors que le bateau arrivait au port, l’élite ordonnait aux matelots les dernières tâches pour que tout se déroule correctement. Sans aucun accroc. Lorsque l’ancre fut jetée, le lieutenant descendit en premier et patienta, le temps que ses subordonnés fassent de même et se rangent au garde-à-vous. C’est alors qu’il leur annonça la bonne nouvelle : l’équipage allait se rendre à la base marine de l’île que l’homme aux cheveux noir de jais avait contacté quelques minutes auparavant en apercevant des navires de la marine baignant dans le port avec sa longue-vue, où un repas leur sera offert ainsi que l’hospitalité pour la nuit. Même si cela n’était pas dans ses habitudes d’accepter l’aide d’autrui. Néanmoins, c’était un bon moyen de remonter le moral de ses troupes avant la suite du voyage. Sur ces paroles fort encourageantes, la procession se dirigea vers le bâtiment, arborant un drapeau sur lequel avait été dessinée une mouette, visible de loin, situé sur les hauteurs de la ville et relativement près du port, certainement dans un souci de facilité à effectuer des missions en mer.
Après avoir marché un peu, le régiment arriva aux portes de la base. Un garde s’avança alors et leur demande la raison de leur venue. Ayant été averti durant le coup de fil passé de ce contrôle, le noble répondit simplement, calmement, avec une nuance de froideur dans la voix, qu’ils étaient attendus par le commandant du lieu. Apparemment au courant, le soldat les laissa passer bien volontiers sans s’attarder davantage en bavardages inutiles. Tout semblait parfaitement réglé et ordonné ici, contrairement à d’autres forts que ses missions lui avaient permis de visiter. Cela lui faisait bien plaisir. Etant un fervent défenseur de l’ordre, et prônant la rigueur, ce type de base lui permettait de croire encore en ces valeurs oubliées de tous, ou presque. En effet, qui donc se soucie de la discipline aujourd’hui ? C’est à peine si les membres des hautes-classes respectent ces règles élémentaires. Que dire des miséreux et des pestiférés alors ? Hélas, seul, il ne pouvait rien améliorer. Et les partisans ne paraissaient pas nombreux. Malgré cela, l’heure n’était pas à ce genre de débats mais plutôt à son entrée dans les quartiers de leurs hôtes. Le militaire les conduisit jusqu’à la porte principale et actionna le mécanisme d’ouverture tandis que la cinquantaine de marines se questionnaient sur les possibles choses présentes à l’intérieur. Et pendant que la lourde porte pivotait, peu à peu, les matelots de l’élite voyaient des silhouettes se dessiner pour progressivement distinguer des contours nets. Finalement, après une courte attente, la troupe put pénétrer à l’intérieur de l’édifice. L’entrée donnait sur un impressionnant hall bien décoré et d’une incroyable propreté. Mais alors que tous regardaient en admirant presque ce couloir, une personne descendit les escaliers en marbre avec une lenteur voulue pour que les arrivants puissent l’observer. Au vu des médailles sur sa poitrine, il devait s’agir du chef de la base, le colonel Hiruzen. D’une apparence soignée et à l’âge mûr, le teint pâle avec une barbe bien entretenue, ses cheveux bruns coupés court, avec des yeux d’un vert émeraude qui allaient bien avec son nez aquilin et son expression enjouée dessinée sur son faciès, portant un costume bleu marine, étrangement, avec une cravate assortie et sa veste de gradé par-dessus, ses bras écartés en l’air, le quinquagénaire leur souhaita la bienvenue :
- Ah ! Vous voici ! Quel plaisir de vous voir en bonne santé, malgré tout, et de vous accueillir dans ce lieu de rassemblement pour tout confrère ! commença-t-il.
Descendu, le commandant de la base continua son petit discours en se dirigeant vers ses invités et, plus précisément, vers son homologue élite, le lieutenant Dark Showl :
- J’espère que votre fin de voyage ne fut point trop pénible et que vous êtes arrivés sans embuches jusqu’ici. J’avais d’ailleurs averti à ce sujet les gardes pour vous éviter des incommodités supplémentaires. Il faudra, en outre, que vous me contiez vos mésaventures mon cher lieutenant, j’ai hâte d’entendre vos faits d’arme et surtout comment se déroule la vie dans les formations élites. Vos périlleuses missions doivent être autrement plus trépidantes que celles que je distribue à mes garnisons, continua-t-il.
À cela, le noble répondit avec un ton tout aussi cordial mais un peu froid, cependant :
- Merci pour ces aimables paroles. Les derniers moments de notre périple se passèrent très bien et j’ai pu constater à quelle discipline étaient rompus vos hommes, répondit-il. Je vous raconterai mes passionnantes missions avec plaisir quand il vous plaira, assura-t-il.
- Oh, mais j’y pense, vous devez être affamés ! C’est justement l’heure du diner. Venez donc vous sustenter en notre compagnie, s’exclama le barbu.
- Et bien, c’est entendu !, concéda l’élite.
Sur ces mots, l’hôte conduisit la petite troupe jusqu’au réfectoire tout en racontant des anecdotes sans fin, ayant parfois un rapport avec ce que les murs affichaient comme ornementations, à l’attention exclusive de son confrère. Le tout avec une importante gestuelle, toutefois mesurée dans la grandeur des mouvements. Le trajet passé et le marin âgé posté devant les portes de la salle d’où s’échappaient des cris et des rires, tous s’immobilisèrent et attendirent que parle le colonel. Celui-ci ne s’attarda plus en bavardages inutiles et s’écarta bien vite pour simplement laisser passer les estomacs affamés. En l’espace de trois secondes, l’entièreté du groupuscule fut entrée à l’exception du riche noble.
- Venez donc dans mes appartements diner, mon cher ami, annonça le barbu. Mes soldats prendront bien soin des vôtres, soyez sans craintes, ajouta-t-il pour être certain de ne recevoir aucun refus.
- Ma foi, ce sera avec plaisir, répondit l’homme aux cheveux noir de jais. Et ce n’était pas la précaution de son interlocuteur qui lui faisait accepter ce repas. Le bien-être de ses hommes lui était parfaitement égal si cela pouvait accroître le sien.
Alors les deux hommes se dirigèrent vers les dits-lieux tout en discutant. Pour l’aristocrate, force était de constater que le vieux marin n’avait pas sa langue dans sa poche. Mais puisque son ascendance n’était point pure, la conversation allait pratiquement en sens unique. C’était regrettable au vue de ce que cet officier faisait pour lui, cependant que pouvait-il y changer ? Rien du tout, évidemment. Porter secours à la noblesse n’avait rien d’extraordinaire en soi et relevait du naturel. Cela faisait parti intégrante du devoir de citoyenneté auquel tout citoyen devait se soumettre. Néanmoins, cet accueil chaleureux montrait bien que le chef de la base ne plaisantait pas avec l’aide aux confrères.
Après une petite marche, ils arrivèrent devant les appartements et y entrèrent. Immédiatement, deux matelots leurs firent enlever leur veste, du moins celle de leur patron puisque l’héritier des Dark ne portait jamais quelque chose par-dessus son costume. Dans les formations élites, la discrétion passait avant tout. Et on ne pouvait pas vraiment dire que les vestes de gradés étaient conçues pour cela. Pour cela, on autorisait donc les officiers à ne pas porter leur veste correspondant à leur grade sans qu’une lettre de renvoi ne leur fût adressée. De cette manière, les ennemis ne pouvaient être certains de leur appartenance à la Marine et les civils se comportaient alors normalement en leur présence, ne se doutant pas des justiciers hors-paires oeuvrant dans l’ombre pour la Justice, ce qui facilitait grandement les missions. Effectivement, passer incognito se révélait souvent bénéfique quand le but était l’arrestation ou la prise de connaissance du terrain. Et cela se retrouvait dans la majorité de ses tâches. Pendant que le sous-fifre suspendait leur veste, ils rejoignirent le salon pour encore parler un peu. Comme pouvait le remarquer le noble, le mobilier était d’assez bonne qualité et témoignait des revenus du propriétaire. Visiblement, cela devait bien payer les démantèlements de mafia ou la chasse aux pirates par ici. Chacun prit place dans un sofa en cuir fin, opposé l’un à l’autre, disposés autour d’une modeste table basse en bois de chêne. Prenant de suite ses aises comme le suggérait son hôte, l’extrémiste-radicaliste croisa ses jambes en passant l’une au-dessus de l’autre, puis s’enfonça dans le confortable divan en mettant ses bras sur le dessus du dossier. À peine ce fut fait qu’on lui proposa de boire un petit rafraîchissement pour se désaltérer et oublier les désagréments du voyage. Quelques secondes plus tard, le subordonné lui apporta sa boisson et fit de même pour son supérieur. Cela fait, le serveur se retira et laissa les deux hommes se plonger dans la discussion. Ceux-ci la reprirent là où ils l’avaient laissé, c'est-à-dire à cette histoire vantant un, soi-disant, exploit du colonel. Ce dernier aurait réussi à arrêter, sans la moindre arme et seul, un gang de mafieux qui sévissait dans les environs et dont le chef était primé à plus d’une quarantaine de millions de berry’s. Tout cela paraissait peu vraisemblable, même si les criminels n’étaient qu’une trentaine de petites frappes, quand on voyait le vieux marin chaleureux qui semblait avoir bientôt ses premiers rhumatismes. Après cette « croustillante » anecdote, l’épéiste raconta à son tour un fait, celui de sa bataille en mer contre l’équipage du pirate au Bisentô. Lorsqu’il eut fini, son interlocuteur parut enthousiasmé par le récit et le flatta alors. À ce moment précis, ce fut l’heure de passer à table et c’est donc ensemble qu’ils partirent s’installer à la longue table en verre. Tandis que le temps s’écoulait et que l’après-midi était déjà bien entamée, ceux-ci continuaient de manger les plats variés qu’on leur apportait en six services. De quoi faire un repas correct pour un bourgeois. Cette fois-ci, ce fut d’autres jeunes recrues qui apportèrent et rapportèrent les mets peu raffinés tel qu’un homard et sa sauce cocktail sur un lit de riz parsemé de quelques feuilles de basilic avec trois quartiers de citron. Pour lui, ce n’était que du connu et du reservi, mais cela semblait satisfaire largement le colonel. Mieux valait donc se taire pour ne pas heurter la sensibilité du quinquagénaire. Tout le monde sait qu’à cet âge-là les gens sont facilement irritables et s’emportent pour un rien. Il convenait donc de faire profil bas et de se sustenter avec ce qu’on lui servait. Ni plus, ni moins. Après tout, cela restait mangeable. Certes, pas du meilleur goût qui soit, mais qu’importe. On ne pouvait faire autrement de toute manière. La bienséance était très claire à ce sujet, ne pas offenser son hôte de quelque manière que ce soit. Le repas se termina donc lentement, le colonel s’émerveillait devant la nourriture et son invité tentait, en vain, de trouver des qualités à ces « victuailles ». La seule chose lui remontant le moral était de savoir que ses hommes devaient être encore plus mal nourris que lui. Et cela, ça faisait réellement du bien. Imaginez seulement si des sous-fifres avaient une qualité de vie supérieure à celle de leurs commandants. On ne peut même pas le faire, tant cela nous coûterait d’efforts. Heureusement, d’ailleurs.
Après avoir quitté la table, le barbu lui montra la merveilleuse vue que lui offrait sa baie vitrée. Comme le noble pouvait le voir, elle donnait sur l’océan, mais également, et surtout selon le commandant, sur la cour d’entraînement des marines. On apercevait d’ailleurs un bataillon qui s’entrainait à manier le sabre avec un instructeur gradé, obligatoirement. Décidément, les deux hommes n’avaient pas autant de points communs que prévu. Cela se ressentait d’autant plus lorsqu’ils abordaient le sujet des goûts culinaires. Lui était un fin gastronome alors que son aîné avait tout l’air du petit gourmet. La différence était donc largement perceptible. Et ce n’était qu’un de leurs nombreux points de divergence. Il ne faisait aucun doute que d’autres restaient à découvrir. Ils observèrent pendant quelques instants les matelots s’exerçant tout en parlant de sujets qu’abordait le haut-gradé. Toutefois, malgré tout ces défauts, force était de constater que son amphitryon se préoccupait grandement de l’accueil, certainement parce que ce type n’appartenait pas à l’élite et se concentrait donc sur le relationnel. Cela paraissait tout à fait plausible. En effet, quand on y regardait de plus près, on s’apercevait vite que le vieil homme n’avait rien du tueur pour la justice ou de l’extrémiste sans sentiments. Son poste de chef ici devait donc parfaitement lui convenir et rencontrer ses souhaits. Les gens de bases étaient bien moins combattifs et pugnaces que ceux de l’élitisme, qui commençaient par tester leur instinct de survie pour devenir troisième classe seulement. Evidemment, les objectifs pour monter en grade ne différaient guère. C’était bien souvent survivre en étant en première sur un champ de bataille ou bien éliminer de puissants ennemis du gouvernement. Dans les formations dites « classiques », les gallons s’obtenaient d’autres manières comme en entraînant de jeunes recrues ou en effectuant des missions gouvernementales. Les risques ne sont donc pas égaux voire même considérablement inégaux. C’est pour cela que le salaire différait aussi. Qui plus est, la force allait de paire avec. Il n’y avait aucune comparaison possible entre un basique lieutenant et lui-même. Tout en pensant à cela, son collègue l’emmena faire une visite guidées des bâtiments, à sa manière. En effet, ce fut une nouvelle occasion d’entendre les nombreuses et passionnantes anecdotes du vieil homme aux portes de la retraite. Et rien ne surpassait l’ancêtre lorsqu’il s’agissait de perdre toute crédibilité et son auditoire en même temps. Les minutes durant lesquelles ils déambulèrent, entrant tantôt dans un bureau d’officier qui paraissait occupé et en délogeant la personne pour permettre au noble de s’asseoir dans le siège pour en jauger le degré de confort, tantôt montrant les cuisines en essayant même de prouver son incroyable incapacité à seulement éplucher une carotte et tantôt ordonnant dans la cour principale un rassemblement général pour que son invité puisse constater le nombre d’effectifs, semblèrent durer des jours entiers tant son collègues e complaisait à alourdir l’atmosphère ou à plomber l’ambiance par des blagues plus que douteuses qui n’avaient guère de succès même auprès de ses hommes.
En fin d’après-midi, on lui demanda soudain si un petit duel au kendô ne l’intéressait pas. Bien évidemment, une réponse par l’affirmative ne tarda pas à être prononcée par le lieutenant qui se laissa alors amener jusqu’à la salle d’entraînement vue tout à l’heure. Une pièce bien grande, décorée dans le style traditionnel, mais assez sobrement compte tenu du fait que des combats ou entraînements y avaient lieu. À peine entrée, un matelot les pria d’aller se changer dans leur cabine respective où avait été placée une tenue plus adéquate. Quelques minutes plus tard, les deux adversaires se faisaient face, tout deux un bâton de bambou entre les mains, tandis que le même subordonné s’avançait entre les combattants et déclarait que le match pouvait commencer. Ils reculèrent alors d’un même bond avant de s’élancer à l’identique pour tenter d’asséner un coup à l’adversaire. Entre officiers, la confrontation risquait de s’éterniser, surtout si les règles stipulent qu’il n’y a de vainqueur que lorsqu’un des manieurs est incapable de poursuivre ou forcé à l’abandon. Autant dire que ce n’était pas près de finir. C’est alors que les armes s’entrechoquèrent, ne donnant l’avantage à aucun. Afin de tester le colonel, l’élite haussa le niveau et entama une phase d’attaque intense en donnant de puissants coups ne cherchant à atteindre que le bois adverse. Pourquoi ne pas essayer de gagner rapidement ? À vrai dire, une victoire aisée ne l’intéressait nullement, d’autant plus si le vieil homme ne se battait pas sérieusement. Il fallait donc acculer la proie pour que celle-ci en vienne à donner le meilleur d’elle-même en profitant de la poussée d’adrénaline qu’engendre une situation pareille. C’est précisément ce que l’escrimeur faisait. Tout est une question de pression. Plus elle est importante, plus la victime s’énerve, tente de réguler son taux d’hormones et se surpasse pour diminuer cette pression. Mais un vieux rabougri pouvait-il encore réussir cela ? Rien n’était moins sûr. Pour le savoir, une défense devait se construire puis se solidifier. Hélas, la première étape restait au point mort. Jusqu’à ce que le vieux militaire se décide à agir. D’un unique coup, l’attaque de l’élite fut stoppée. L’enchaînement ne se fit pas attendre et c’est un coup horizontal latéral que faillit se prendre l’homme aux cheveux noirs de jais. Fort heureusement, ses réflexes étaient largement suffisants pour pouvoir rapidement poser une défense. Il n’avait eu qu’à provoquer l’entrechoquement. Si son adversaire ne pouvait rehausser le niveau, la confrontation prendrait vite fin. C’est alors que, tout d’un coup, le vieillard se mit à accroître sa vitesse et à abandonner son style traditionnel pour en adopter un plus personnel en pivotant sur son pied gauche afin de donner un autre coup latéral horizontal, mais avec plus de force et de vitesse. Bloquant à nouveau, mais moins aisément, le lieutenant se douta que le colonel avait commencé les choses sérieuses. Un peu tard peut-être. Cependant, cela ne l’empêchait pas de mettre à mal la défense du riche homme. Avec ces incessantes pirouettes, les attaques fusaient sur les deux flancs du noble et ne permettaient pas de bonnes esquives. Dès lors, il fallait qu’il se batte aussi sérieusement s’il ne souhaitait pas perdre lamentablement. Sa contre-attaque ne se fit pas attendre. En un coup, l’adversaire fut désarmé. C’était sa chance ! Le marin de MarinFord tenta alors d’asséner un violent coup vertical. A sa surprise, son attaque fut parée grâce au bâton que le commandant de la base avait réussi à ressaisir à temps. Décidément, si rien n’était fait, ce serait une cuisante défaite face aux improbables techniques de son collègue. Comme les rôles s’inversaient, l’invité devait prouver sa valeur et montrer la supériorité des élites. Mais cela ne semblait pas simple, loin de là même. C’est alors qu’il lui sembla avoir compris une chose essentielle. Juste à ce moment-là, l’arme adverse se rapprochait dangereusement de ses côtes. Sans que le bonhomme ne s’en doute, il venait de grandement aider l’épéiste. Alors que le bâton s’approchait, le jeune s’accroupit brusquement, à temps néanmoins, pour laisser passer le danger au-dessus de lui. Dans cette position, et avant que ne le réalise son hôte, le tacticien faucha le pied au sol avec son propre bout de bois avant d’effectuer un petit tour sur lui-même pour asséner en se relevant un violent coup dans la joue gauche de son opposant. Celui-ci voltigea alors un peu pour retomber face contre terre, vaincu.
Après le duel, tout deux se complimentèrent mutuellement tout en allant profiter d’un sauna pour détendre les muscles. L’élite ne manqua pas de souligner les étranges mouvements du colonel, mais redoutables. Ce dernier rigola alors en expliquant que les formations élites ne permettaient pas à leurs membres la liberté de créer leur propre style, sauf à partir d’un certain grade. Et qu’en cela, elles brimaient ses fidèles. Par contre, le colonel reconnut que la puissance des élites n’était pas usurpée. Que du contraire même. Pour lui, qu’un lieutenant batte un colonel paraissait improbable voire impensable alors que pourtant, pour le noble, cela n’avait rien d’extraordinaire. Showl trouvait cela on ne peut plus normal, connaissant bien les forces des différents grades et les faiblesses, c’aurait été une honte de perdre face à un marin « classique ». Evidemment, ses pensées en restèrent et aucune ne fut prononcée, dans le but de ne pas entrer dans un vain débat qui ne déboucherait que sur une querelle qui pourrait compromettre leur relation, jusque là assez bonne. Dans cette pièce, d’où s’échappait de la vapeur d’eau, régnait une touffeur intolérable. Du moins, à quelques choses près. En effet, les deux collègues supportaient sans difficulté particulières ces conditions inhabituelles. Toutefois, ils durent sortir une dizaine de minutes seulement après y être entré pour éviter une déshydratation. Tandis que les marins se rhabillaient et buvaient un peu pour se rafraîchir, le temps s’écoulait et le jour laissait déjà place à la nuit tiède et reposante. C’est alors que le barbu toucha son menton, certainement dans le but de réfléchir, et finit par annoncer que le lieutenant serait aussi son invité pour ce soir. Le vieillard enchaîna alors en disant qu’à partir de là, il serait judicieux que ses invités passent la nuit chez lui en invoquant l’excuse que ce ne serait guère prudent de regagner leur navire au milieu de la nuit pour se réveiller de bonne heure. À contre-cœur, Showl consentit à dormir dans cette base, pensant que tenter de refuser n’amènerait à rien si ce n’est accepter par la suite. Décidément, la journée n’avait pas été très productive, cependant il devait sa survie à cet énergumène au grand cœur. Ce ne pouvait donc être raisonnable que de remercier ingratement ce bienfaiteur. Le commandant de la base semblait n’avoir de cesse d’aider son prochain contrairement à l’extrémiste-radicaliste qui n’hésitait pas à tuer son prochain quel qu’il soit. Leurs personnalités s’opposaient donc en presque tout point. Une des rares choses qu’ils avaient en commun était leur goût au sujet des raffinements auxquels ils pouvaient avoir accès. Certes, là aussi leurs aisances financières ne sauraient être comparées. Mais si l’on commençait à prendre en compte les richesses de chacun, jamais le noble n’aurait de point commun avec qui que ce soit. Et ce serait fort dommage. Cela ferait le même effet que si on lui enlevait son humanité. C’était dire la gravité de cet acte au niveau du comportement et de la perception qu’autrui pouvait avoir de lui. Les différences de richesse restaient donc tapies dans l’ombre, histoire qu’un grand bouleversement n’ait lieu. Et donc pour en revenir à leurs similitudes, ce colonel possédait nombre de qualités inculquées aux plus hautes classes sociales, à la haute aristocratie, telles que la courtoisie, la bienséance, le souci de ses invités, et bien d’autres encore. Leurs ressemblances se situaient donc plus dans le domaine du comportement que dans celui de l’éducation. Le soir venu, après un autre repas infâme qui tira en longueur, l’élite alla se coucher dans son lit, heureusement très confortable, que son hôte lui avait indiqué et qui se trouvait dans la chambre d’ami des appartements du chef des marins. Bien évidemment, on lui assura que ses hommes seraient logés à la même enseigne que les matelots d’ici, même si leur sort lui paraissait insignifiant et n’aurait pas troublé son viril sommeil, le lieutenant remercia Hiruzen pour cette attention.
Le lendemain, bien avant l’aurore, l’aristocrate avait fait sa toilette, son lit et s’entraînait seul dans l’une des salles réservées à cet effet que lui avait montré la veille le colonel. Pour lui, une bonne journée commençait systématiquement par quatre heures d’entraînement intensif avant d’aller déjeuner, afin de rester en forme et de se dégourdir les muscles. Comme à son habitude, le noble commençait par des petits coups dans le vide pour augmenter progressivement la cadence et la puissance. La suite se poursuivait au sabre et paraissait similaire puisqu’il s’agissait également d’effectuer des attaques en accroissant au fur-et-à-mesure leur intensité. Ces deux parties terminées, tout ce qui restait à faire était d’obtenir une musculature plus importante par la pratique des habituels exercices comme les pompes et les abdos. Lors que cela aussi était fait, la dernière chose consistait à prendre une bonne douche ou se reposer dans un jacuzzi. Pendant ce temps, son collègue dormait paisiblement, si l’on peut dire, en ronflant au risque de provoquer un tremblement de terre. Ce n’est qu’en retournant à 9h dans les logis lui étant attribués qu’un homme barbu, à peine réveillé, lui souhaita le bonjour avant de se diriger probablement vers la salle de bain. En lui-même, scandalisé par une telle désinvolture, flemmardise et nonchalance, déshonorant la Marine entière en donnant l’impression aux gens que les marins sont « Peace and Love ». Mais évidemment son faciès ne montrait rien de cela et traduisait seulement une sympathie à l’égard de son homologue, à l’apparence peu soignée et à l’esprit embrumé. Une petite heure plus tard, les deux compères entamaient le repas matinal en admirant le paysage déjà fort éclairé par le soleil haut dans le ciel. Cette fois-ci, il n’y eut pas différents plats, mais un buffet bien garni et doté de quelques raretés telles que de la papaye de Grand Line et du jus de cerise importé de Drum. Le lieutenant dû même reconnaître que les mets n’étaient pas du tout mauvais. Un aveu bien rare voire trop selon ceux qui l’avaient eu à leur table. Durant le repas, les deux hommes discutèrent et concentrèrent la discussion autour des occupations matinales de l’héritier des Dark. Le colonel semblait stupéfait d’entendre à quelle heure ses homologues « fous » entamaient la journée. Evidemment, cela changeait des horaires des normaux. Entre de 10h à 18h et 6h à minuit, voire plus, la différence apparaissait clairement dans leurs heures de travail. Toutefois, Showl préféra ne pas relever ce « détail » et se contenta de répondre aimablement à son hôte qu’il était un cas à part, dans l’élite. Bien que ce ne fut qu’un vulgaire mensonge. Après avoir quitté la table, le vieux militaire l’invita à faire une petite partie de golf. Apparemment, la rosée se dissipait vite par ici. N’ayant encore rien de prévu et ne voulant pas l’offusquer, il accepta et se laissa conduire jusqu’à un grand terrain réservé exclusivement pour la pratique de ce sport et situé derrière les bâtiments, non loin de la forêt. À sa grande surprise, aucun matelot n’attendait pour leur donner les différents équipements. Le commandant de la base apporta alors deux tenues et en tendit une à son invité. Ce dernier, mal à l’aise à l’idée d’enfiler cela, malgré qu’elle semblait ne pas avoir encore été portée, opta pour la seconde solution : mettre sa propre tenue. En effet, l’homme aux cheveux noir de jais emportait toujours ses vêtements de golf au cas où. Simple habitude de noble.
Quelques heures plus tard, la partie s’étant conclue sur l’indiscutable victoire du lieutenant, les deux compères se complimentèrent mutuellement tout en regagnant les quartiers du colonel afin de se changer et d’enlever tout cette sueur qui perlait sur leur peau. Ce fut alors, l’heure de passer à table ou plutôt de prendre l’apéritif. Le repas, quant à lui, fut écourté et laissa le noble perplexe au sujet du nombre de plats. Six, c’était largement insuffisant. Mais tant pis, il fallut faire sans. Après ce modeste repas, il fut question d’une visite guidée de la ville avec, évidemment, le commandant de la base comme guide. Cette proposition fit réagir l’élite mentalement qui se demanda alors ce que fichait dans la marine un pareil lézard. Pas un instant depuis son arrivée il n’avait dû s’occuper de quoi que ce soit à propos de la base. Était-ce donc là un véritable marin normal ? Un feignant passant ses journées à se divertir au lieu de s’entraîner ou d’exterminer la vermine qui se proliférait à une vitesse affolante. Décidément, l’épéiste se rassurait de plus en plus d’être élite en voyant pareil comportement. Toutefois, il accepta la proposition, se disant que la visite pouvait lui apprendre des choses et redonner goût au vieillard d’imposer la Justice. Ils déambulèrent donc dans les rues sous un soleil de plomb. Malgré ses nombreuses tentatives, le riche marin ne parvint pas à faire s’engager un combat. Que ce soit en attirant « par un curieux hasard », le vieil homme dans une ruelle male famée regorgeant de rebuts de la société ou en proposant des « raccourcis » passant par des coins semblables. À chaque fois, son compagnon refusait poliment en prétextant que Showl raterait quelque splendide avenue, place ou encore boulevard. À la fin du tour, ils arrivèrent sur une place commerçante où un établissement paraissait en chantier. L’aristocrate apprit alors que les propriétaires n’avaient pu terminer les travaux par manque de moyens financiers, ou d’envie simplement constata l’officier de MarinFord en voyant que seul le terrain avait été aplani. Une idée lui vint alors à l’esprit : racheter cet emplacement et y bâtir une bibliothèque qui faisait terriblement défaut à cette ville. Le manieur de katanas demanda ainsi à son guide où se trouvait actuellement le maire. Son interlocuteur l’interrogea sur ses motivations avant de lui annoncer que le chef de la ville était un ami à lui de longue date, ce qui fut loin de stupéfier l’homme aux cheveux noir de jais compte tenu de ce qu’il avait vu depuis son arrivée. Une poignée de minutes et un coup de den-den mushi plus tard, le terrain était acquis et le maire promettait même d’apporter une contribution aux travaux si le futur bâtiment faisait honneur à cette importante place située dans le quartier bourgeois et accroissait les connaissances du peuple. Effectivement, en voyant les magnifiques sculptures, la pièce d’eau, le parc Gauti, du nom d’un célèbre architecte ayant vaincu dans cette cité et plus particulièrement dans cette partie-ci, on ne pouvait prendre cet endroit pour un quelconque lieu banal. Fort de cette acquisition, le jeune homme d’affaires attendait impatiemment sa rencontre avec l’architecte en charge des travaux, que lui avait trouvé dans le même temps ce cher Hiruzen, le lendemain. La fin de la journée fut ainsi écoulée en conversations à propos de cette future construction. Les jours suivants, quant à eux, furent partagés entre ses séances d’entraînement et ses visites sur le chantier, situé à deux pas de la base marine, qui battait son plein. Durant ces jours-là, le colonel sembla enfin vaquer à ses obligations de marin qu’il avait délibérément laissé de côté le temps que son invité s’acclimate à l’endroit. C’est alors qu’au huitième jour passé sur cette île, Showl surprit son hôte en pleine réflexion au sujet d’un problème majeur de pirates et lui demanda ce dont il retournait.
- Vous paraissez fort contrarié, un souci peut-être ? demanda l’élite.
- Ah mon cher Showl ! J’ai effectivement un problème que je n’arrive pas à solutionner, s’exclama le colonel.
- Oh ! Et quel est-il ? Peut-être suis-je à même de vous aider, répondit le lieutenant.
- Non, non, ça ira. Je m’en voudrais de vous importuner avec cela, assura le vieil homme.
- Que Nenni ! Je serais heureux de vous rendre quelque service, insista l’épéiste.
- Ah, soit ! Je vais vous raconter. Asseyez-vous donc, je vous en prie, pria le commandant de la base en désignant le fauteuil placé en face du sien.
- Bien, alors voilà : des hommes de main qui surveillaient le port ce midi m’ont appris qu’un grand nombre de brigands se réunissaient là-bas et ne devaient certainement pas y faire quoi que ce soit d’utile à notre chère société. Il faudrait donc que j’aille les arrêter, hélas, je ne puis quitter mon bureau car j’attends un important coup de fil. De plus, la plupart de mes troupes sont en mission. D’ailleurs, à ce sujet, j’ai pris la liberté d’y mêler des vôtres afin qu’ils puissent montrer leur savoir-faire aux miens. Le souci est que je n’ai donc que trente marins de disponibles, mais aucun officier compétent pour les commander dans ce genre de situation.
- Ma foi, je peux en prendre le commandement !
- Vous ? Mon invité ? Non, non, non, je ne puis vous demander pareille chose. Ce serait indigne.
- Allons, laissez-moi vous aider, en contrepartie de l’hospitalité que vous m’avez si gentiment offerte.
Le colonel se mit à réfléchir quelques instants, pesant le pour et le contre. Finalement, il se décida.
- Bon, très bien, c’est entendu, je vous laisse diriger l’opération. Mais comment parviendrez-vous à arrêter plus d’une centaine de pirates avec simplement trente matelots ?, interrogea le quinquagénaire.
- Et bien, avez-vous de l’armement ?
- Bien entendu, il y a de tout : du petit pistolet au mortier, en passant par le bazooka.
- Je vois. Puis-je aller voir vos stocks et prendre ce que je jugerai utile ?
- Si c’est pour accomplir un miracle, je n’y vois aucun inconvénient. Vous avez carte blanche, mon bon ami, mais réussirez-vous votre défi ? Cela reste dangereux même avec un arsenal incroyable.
- Ne vous en faites pas, répondit Showl tout en se levant et en quittant la pièce.
Une quinzaine de minutes plus tard, l’officier d’élite avait rassemblé la trentaine de soldats dans la cour intérieure et leur expliquait sa stratégie sous le regard inquisiteur du colonel qui l’observait depuis sa baie vitrée. Lorsque les préparatifs furent terminés, la troupe se dirigea vers le lieu indiqué avec l’armement choisi par le noble. Le plus difficile allait être de mettre en place la tactique sans éveiller l’attention des forbans, certes, bêtes, mais pas suffisamment pour être complètement aveugles. Arrivés au port, le lieutenant constata avec surprise que l’estimation du nombre de pirates était fausse et qu’en réalité, plus de 150 devaient être présents, soit le quintuple de ses effectifs. Face à un tel surnombre, le bien allait éprouver des difficultés pour triompher complètement. Pendant plusieurs minutes, les soldats se faufilèrent entre les bâtiments ou montèrent sur les toits. Au final, les mécréants furent encerclés à 300°, le génie de l’héritier des Dark ne pouvant exploiter l’eau, malheureusement. Il s’agissait donc de l’unique issue des flibustiers qui faisaient un tel vacarme en rigolant et en buvant qu’un concert paraissait n’être qu’un cri dans un cour de récréation. D’ailleurs, puisque cette partie du port n’était pas réservée aux navires, mais à la pêche, ils ne pouvaient que se jeter dans l’eau et attendre de mourir. Ses troupes s’étaient donc placées de telle sorte que quatre sous-fifres avec bazooka se tenaient sur les toits, un barrage de cinq hommes donc quatre tireurs et un avec bazooka étaient postés dans chacune des deux ruelles sur les côtés. Le reste, c'est-à-dire dix-huit matelots et lui-même, se préparait à l’assaut dans la rue principale, caché derrière les maisons.
Tous dissimulés, les marins attendaient le signal de leur supérieur. D’ailleurs, quel était-il ? Pouvait-il réussir à faire un signal pouvant être compris à la fois par les hommes au sol et ceux sur les toits ? Rien n’était moins sûr. Toutefois, l’échec ne faisant pas parti de son vocabulaire. C’est avec cette certitude en tête que le lieutenant sortit de sa cachette et se mit pile en face des boucaniers, attirant leur attention par la même occasion. Alors, à cet instant précis, les tireurs sur les toits firent feu, détruisant tout au centre et faisant s’élever un épais nuage de fumée. C’est alors que, tous en même temps, les autres marins embusqués se montrèrent et firent feu également, pendant quelques secondes, lorsque Showl eut abaissé son bras droit. Camouflés dans la fumée, les mécréants paraissaient ne pas réagir. Etaient-ils tous morts ? La suite dissipa vite cette pensée saugrenue. De l’air grisâtre qui avait été dégagé commença à sortir des forbans par dizaines qui, furieux, tentèrent d’avancer vers les forces de l’Ordre, malgré leur vulnérabilité due à l’inhalation des gaz. D’autres criaient et se demandaient ce que cela signifiait. Une chose restait certaine, la plupart préférait se battre plutôt que de fuir. Que de futilités ! Rabaissant son bras droit, une nouvelle salve d’attaques s’abattit sur les ennemis et en stoppa un bon nombre dans leur course effrénée vers l’avenir. Cependant, ces morts ne suffisaient pas pour stopper l’assaut, toujours plus sortaient de l’ombre, tandis que certains devaient causer des soucis aux soldats postés sur les côtés. Fort heureusement, les barrages étaient bien gardés. Mais cela permettrait-il de gagner sans perte ? On ne pouvait l’assurer. L’élite baissa alors son bras gauche, donnant l’ordre aux marins sur les toits de rouvrir le feu. De nouvelles détonations se firent entendre, immédiatement suivies d’explosions ainsi que de cris étranglés de douleur et des râles sordides. Avec cette nouvelle offensive, le nombre d’ennemis devait avoir considérablement diminué. Hélas, cela n’enrayait pas les vagues d’ennemis fonçant sur le noble. Que ces hors-la-loi l’ennuyaient ! Faisant cesser le feu des sous-fifres derrière lui, il fondit ensuite dans la masse pour mener sa propre attaque. Son but ? En tuer un maximum avant d’arriver devant l’écran opaque de particules restées en suspension dues aux tirs de bazooka. Ses katanas dégainés, le nombre de corps des forbans au sol s’accroissait rapidement, notamment grâce aux blessures causées par les balles de fusils. Son plan semblait fonctionner, jusqu’à ce qu’une détonation se fit entendre, lui faisant stopper sa répression violente. L’homme, transpercé en plein cœur, s’écroula sur le sol, le regard livide, lâchant son arme par la même occasion. Le sang, rougeâtre, se répandit rapidement, formant bien vite une flaque. C’en était fini des rêves de cet humain, de sa vie, de ses joies et de ses peines. Dans quelques secondes, tout appartiendrait au passé, ce serait de l’histoire ancienne. Première victime connue dans le camp de la Justice, c’était fort dommage. L’héritier des Dark, non-touché, regarda le matelot connaître ses derniers instants avant de se tourner en direction d’où provenait le coup. Dans le nuage, une silhouette imposante apparut, riant à gorge déployée. Qui était-ce donc ?
Progressivement, l’écran de fumée se dissipait et laissait transparaître une ombre inquiétante qui, petit à petit, se matérialisait. Puis, d’autres ombres se mêlèrent, rendant le tout indistinct. Une chose demeurait indiscutable, le rire caverneux ne s’arrêtait pas et glaçait le sang des matelots. Finalement, le nuage se dissipa complètement, grâce à une brise providentielle. Devant lui apparurent alors une dizaine de forbans dont une montagne de graisse, sans la moindre égratignure. Comment cela se pouvait-il ?! Aucun n’aurait dû en réchapper ! La réponse ? Ces déchets du monde se protégèrent avec les corps de leurs compagnons, s’en servant comme de boucliers. Quelle horreur ! Décidément, ces crapules ne craignaient rien ni personne. Le marginal, un pistolet dans une main et un cadavre criblé de balles et en lambeaux dans l’autre, rugit alors :
- Gwahahahaha !!! Etonnés de me voir en pleine forme ?! s’enquit-il. Vous allez voir ce qu’il en coûte de provoquer les pirates du Lagon et plus spécialement moi, leur chef, le grand Cabrio !, menaça-t-il.
Ne faisant pas grand cas des pitoyables menaces du loubard, l’épéiste se demandait plutôt ce qu’il allait construire en empochant la prime de ce bonhomme qui s’élevait à 30 millions selon l’affiche postée dans la base et épinglée. Mais rien de tel que de songer calmement à cela et dans ce cas, une élimination rapide du problème pouvait lui donner tout le temps nécessaire à sa réflexion. Cependant, le combat à distance était inutile à cause de leurs protections humaines. La seule possibilité restait de l’affronter en combat rapproché. Ce ne serait guère compliqué donc. La perte d’un homme du colonel allait être vengée. L’élite ordonna à ses soldats de ne rien tenter et de rester en retrait pendant que, lui, attaquerait. À ces mots, le capitaine pirate éclata d’un rire glauque et lança ses sous-fifres à l’assaut. Quelle négligence ! Que pouvaient-ils espérer à 10 contre un ? Pauvres avortons devant mourir prématurément. Les laissant approcher, le lieutenant ne bougea que quand les premiers n’étaient plus qu’à cinq mètres de lui. Là, son corps fondit de lui-même sur l’ennemi, tel un aigle fondant sur sa proie, tranchant chacun des insignifiants mécréants. Stupéfié, sans doute, par le sort tragique que venait de connaître son équipage, l’horrible déjection provoqua le noble en duel, pressé d’en découdre et de lui faire payer cette humiliation. Cela promettait un beau combat. Un combat de chef. Marine contre la Piraterie. Ne laissant pas de répit, l’extrémiste-radicaliste passa à l’offensive immédiatement en fonçant sur son adversaire du moment, katana à la main, et tenta de lui sectionner le bras gauche. Hélas, c’était sans compter sur la résistance farouche du flibustier. Celui-ci bloqua le coup en intercalant un cadavre entre son bras et l’arme du justicier, puis attaqua à son tour en préparant un coup de poing visant la tête. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une barrique, le poing fut assez lent et permit à l’héritier des Dark de l’éviter sans grandes difficultés en se baissant comme pendant son duel avec le barbu marin. La suite ne fut pas différente puisque le jeune homme en profita pour déstabiliser le forban en fauchant ses pieds disproportionnés. Ce pirate aspirait à devenir sumo ? Peut-être bien. Une chose restait certaine, ça ne facilitait pas la tâche du déséquilibre. Mais tant pis. De toute manière, les élites ne suivaient pas des entraînements spéciaux pour rien .Ses capacités devaient donc s’avérer suffisantes pour un type comme ça. Concentrant sa force dans son pied balayeur, l’officier réussit à faire flancher, malgré tout, le mécréant et même à le mettre au sol. Bien évidemment, même dans cette position instable qu’est la chute, le capitaine ennemi tenta tant bien que mal de se reprendre en lançant avec une effrayante impression le cadavre dans sa main gauche avec comme évident but de blesser le marin. Aussi incroyable que cela puisse paraître aux yeux de l’aristocrate, le corps tomba pile sur lui malgré une trajectoire douteuse. Hélas, il en fallait plus pour bloquer un épéiste. Après tout, un mort c’est comme une souche de bois pourrie. C’est ainsi que trois secondes plus tard, au lieu d’une masse informe, des cubes tombèrent au sol. Seule manière efficace d’éviter de se prendre une déjection en plein visage. Malheureusement, ce temps précieux perdu en futilités suffit pour que l’imposant personnage reprenne ses esprits. Dans ce cas, la seule solution demeurait d’user de vitesse pour empêcher le gros tas d’immondices de se relever. Fondant dessus, l’épéiste brandit une de ses armes devant lui tout en rapprochant. Un coup dans le cœur et c’en était fini. Une seule attaque, rien qu’une pouvait clore ce duel qui n’avait que trop duré. Bien rapidement, l’élite fut à portée suffisante et porta son coup. Le katana pénétra dans la chair, du sang s’écoula alors de la plaie béante. Ca avait fonctionné, le marin venait donc de terrasser ce type. Du moins, le pensait-il. Dans un accès d’ultime vengeance, l’obèse avait placé son bras entre la lame et sa pompe cardiaque, réchappant in extremis à un destin funeste. S’en rendant compte, le noble commença à enfoncer plus profondément sa lame, ce qui arrachait une vilaine grimace à son coriace adversaire. Mais, tenace, ce dernier pointa son pistolet sur le marin et tira en rafale, essayant de tuer l’aristocrate et ainsi rester en vie, jusqu’à ce que le riche homme n’ait d’autre chose que de reculer, touché à l’épaule gauche. Cette fois, c’était l’invité du colonel qui perdait l’avantage et le cédait au flibustier. La crapule semblait savoir se défendre un minimum, intéressant. Toutefois, le moment était venu de terminer le combat. Mais comment ? Son épaule blessée ne lui permettait que de se battre avec une arme. Une idée lui vint alors à l’esprit. D’un bref coup d’œil, l’officier scruta les alentours tandis que le tas d’immondices se relevait tant bien que mal, content d’avoir tenu. Affichant alors un sourire, le marin ne fit pas attention aux vociférations de la déjection et se contenta de lever son bras droit.
- Enfoiré ! Tu ne réchapperas pas à la mort la prochaine fois ! Je vais te faire payer au centuple cet affront, stupide chien du gouvernement !, vociféra le capitaine pirate en récupérant peu à peu un souffle normal.
- C’est la fin !, s’exclama Showl, indifférent aux vociférations du futur cadavre, en abaissant son bras valide.
Etonné par ces mots, le baraqué ne vit pas s’écraser 4 tirs de bazookas dans son dos, ni l’épéiste qui fondit sur lui au même moment et enfonça sa lame au plus profond du cœur du loubard. Dans une dernière plainte, l’imposant forban s’écroula au sol après que le justicier ait retiré sa lame et se soit en allé, confirmant son mépris absolu envers la piraterie. Tous stupéfiés par ce tour de force, les avortons finirent par oublier le corps gisant à leurs pieds et déversant un flot continu de sang. Maintenant, dans l’esprit du lieutenant ne subsistait qu’une seule et unique question : Combien avaient pu s’échapper grâce à l’écran de fumée ? Certainement quelques-uns, comme peuvent le prouver les traces de pas en direction du barrage de droite et des marins blessés qui paraissent assommés, écrasés, bousculés par la foule de mécréants. Bien évidemment, on ne pouvait être sûr des chiffres puisque ceux de départ n’étaient que de vulgaires approximations. Tant pis. Pour le moment, l’important était de compter le nombre de morts, vérifier leur identité et leur prime, au cas où. Ceci fait, le groupe put rentrer à la base avec les corps des criminels primés et celui du matelot. À leur retour, le colonel constata avec ravissement que la plupart n’avait rien, mais obligea l’élite à aller se faire soigner pour sa très fâcheuse blessure à l’épaule. N’essayant pas de s’y soustraire au vue du marin tué, il se contenta d’obtempérer. Après tout, mieux valait vite en finir pour pouvoir faire un rapport détaillé de l’opération et recevoir son argent pour les primés. Durant l’entretien, le commandant de la base lui fit savoir que sa bibliothèque était achevée et que les livres collectés y avaient été rangés selon les desiderata du noble. Fort content, l’héritier des Dark en fit l’inauguration le lendemain matin-même. Avec les 18 millions obtenus pour les quelques primés, un à 30, quatre à 5 et deux à 2, il pouvait déjà prévoir des agrandissements.
Quelques heures plus tard, alors que les réserves de nourritures manquaient cruellement, le vigile s’écria soudain : « Terre à l’horizon ! ». Immédiatement, tous sortirent de leur état de torpeur dû au manque de glucose et s’organisèrent pour préparer l’amarrage. Après plusieurs jours de lente agonie, c’était bien profitable que de penser à recharger le navire en vivres. Et l’équipage entier, revigoré grâce à ces pensées encourageantes, vivait à nouveau et s’activait autant qu’en cas d’attaque soudaine de pirates. Pendant ce temps, ayant dû réduire son nombre de services à chaque repas de huit à cinq, le noble terminait sa tasse au thé saveur Gin-Seng. Très rare, par conséquent fort difficile à se procurer, importé directement de Grand Line de l’île aux mille-et-une-saveur : Tipas-Rey. Evidemment, pour lui, c’était tout naturel d’importer ce dont il avait besoin. Pour d’autres, soit environ 98% de la population mondiale cela ressemblait à s’y méprendre à un caprice de noble. Hélas, le sabreur ne pouvait leur en tenir rigueur d’avoir l’esprit aussi étriqué puisqu’ils n’avaient probablement pas reçu une éducation exemplaire, faute d’argent sans l’ombre d’un doute. Cependant, le moment paraissait plutôt mal choisi pour en parler. L’arrivée au port devait se faire d’une minute à l’autre et, étant le capitaine, la tâche lui incombait de donner les ordres ainsi que de s’assurer du bon déroulement de l’amarrage. Dans cette optique, après avoir reposé sa tasse vide en porcelaine fine frappée aux armoiries de son illustre famille sur la petite table en chêne verni, d’une qualité douteuse et à coup sûr moins onéreuse que son mobilier en ébène , confectionné par le plus talentueux ébéniste que le monde ait connu, portant également le symbole de sa longue lignée d’ascendants, l’homme en costume se leva et quitta la pièce pour rejoindre le pont grouillant de matelots incapables qui essayaient tant bien que mal de rendre possible le jet de l’ancre une fois arrivés à l’embarcadère, et en proie à une agitation sans précédent. Et dans tout ce tintamarre, l’officier paraissait être comme un Tenryuubito au milieu de la populace : pas à sa place. Malheureusement, sa présence était requise pour manœuvrer correctement le vaisseau et que tous travaillent efficacement. Rester en retrait n’était pas possible. Après tout, pour que le travail soit bien fait, rien de tel que d’y participer d’une manière ou d’une autre. Que ce soit en prenant le commandement ou en effectuant la sale besogne. Bien entendu, pour un noble le choix ne se posait pas. Quelle humiliation ce serait que d’effectuer les tâches de sous-fifres. Cela donnait l’impression fausse que le bas-peuple pouvait prétendre à un titre d’aristocrate. Rien au monde n’était plus insultant pour une personne de la haute-noblesse que d’être comparé d’égal à égal à un citoyen banal. Fort heureusement, cela n’arriverait pas. Donner des ordres lui convenait parfaitement comme veiller à leur respect. Et alors que le bateau arrivait au port, l’élite ordonnait aux matelots les dernières tâches pour que tout se déroule correctement. Sans aucun accroc. Lorsque l’ancre fut jetée, le lieutenant descendit en premier et patienta, le temps que ses subordonnés fassent de même et se rangent au garde-à-vous. C’est alors qu’il leur annonça la bonne nouvelle : l’équipage allait se rendre à la base marine de l’île que l’homme aux cheveux noir de jais avait contacté quelques minutes auparavant en apercevant des navires de la marine baignant dans le port avec sa longue-vue, où un repas leur sera offert ainsi que l’hospitalité pour la nuit. Même si cela n’était pas dans ses habitudes d’accepter l’aide d’autrui. Néanmoins, c’était un bon moyen de remonter le moral de ses troupes avant la suite du voyage. Sur ces paroles fort encourageantes, la procession se dirigea vers le bâtiment, arborant un drapeau sur lequel avait été dessinée une mouette, visible de loin, situé sur les hauteurs de la ville et relativement près du port, certainement dans un souci de facilité à effectuer des missions en mer.
Après avoir marché un peu, le régiment arriva aux portes de la base. Un garde s’avança alors et leur demande la raison de leur venue. Ayant été averti durant le coup de fil passé de ce contrôle, le noble répondit simplement, calmement, avec une nuance de froideur dans la voix, qu’ils étaient attendus par le commandant du lieu. Apparemment au courant, le soldat les laissa passer bien volontiers sans s’attarder davantage en bavardages inutiles. Tout semblait parfaitement réglé et ordonné ici, contrairement à d’autres forts que ses missions lui avaient permis de visiter. Cela lui faisait bien plaisir. Etant un fervent défenseur de l’ordre, et prônant la rigueur, ce type de base lui permettait de croire encore en ces valeurs oubliées de tous, ou presque. En effet, qui donc se soucie de la discipline aujourd’hui ? C’est à peine si les membres des hautes-classes respectent ces règles élémentaires. Que dire des miséreux et des pestiférés alors ? Hélas, seul, il ne pouvait rien améliorer. Et les partisans ne paraissaient pas nombreux. Malgré cela, l’heure n’était pas à ce genre de débats mais plutôt à son entrée dans les quartiers de leurs hôtes. Le militaire les conduisit jusqu’à la porte principale et actionna le mécanisme d’ouverture tandis que la cinquantaine de marines se questionnaient sur les possibles choses présentes à l’intérieur. Et pendant que la lourde porte pivotait, peu à peu, les matelots de l’élite voyaient des silhouettes se dessiner pour progressivement distinguer des contours nets. Finalement, après une courte attente, la troupe put pénétrer à l’intérieur de l’édifice. L’entrée donnait sur un impressionnant hall bien décoré et d’une incroyable propreté. Mais alors que tous regardaient en admirant presque ce couloir, une personne descendit les escaliers en marbre avec une lenteur voulue pour que les arrivants puissent l’observer. Au vu des médailles sur sa poitrine, il devait s’agir du chef de la base, le colonel Hiruzen. D’une apparence soignée et à l’âge mûr, le teint pâle avec une barbe bien entretenue, ses cheveux bruns coupés court, avec des yeux d’un vert émeraude qui allaient bien avec son nez aquilin et son expression enjouée dessinée sur son faciès, portant un costume bleu marine, étrangement, avec une cravate assortie et sa veste de gradé par-dessus, ses bras écartés en l’air, le quinquagénaire leur souhaita la bienvenue :
- Ah ! Vous voici ! Quel plaisir de vous voir en bonne santé, malgré tout, et de vous accueillir dans ce lieu de rassemblement pour tout confrère ! commença-t-il.
Descendu, le commandant de la base continua son petit discours en se dirigeant vers ses invités et, plus précisément, vers son homologue élite, le lieutenant Dark Showl :
- J’espère que votre fin de voyage ne fut point trop pénible et que vous êtes arrivés sans embuches jusqu’ici. J’avais d’ailleurs averti à ce sujet les gardes pour vous éviter des incommodités supplémentaires. Il faudra, en outre, que vous me contiez vos mésaventures mon cher lieutenant, j’ai hâte d’entendre vos faits d’arme et surtout comment se déroule la vie dans les formations élites. Vos périlleuses missions doivent être autrement plus trépidantes que celles que je distribue à mes garnisons, continua-t-il.
À cela, le noble répondit avec un ton tout aussi cordial mais un peu froid, cependant :
- Merci pour ces aimables paroles. Les derniers moments de notre périple se passèrent très bien et j’ai pu constater à quelle discipline étaient rompus vos hommes, répondit-il. Je vous raconterai mes passionnantes missions avec plaisir quand il vous plaira, assura-t-il.
- Oh, mais j’y pense, vous devez être affamés ! C’est justement l’heure du diner. Venez donc vous sustenter en notre compagnie, s’exclama le barbu.
- Et bien, c’est entendu !, concéda l’élite.
Sur ces mots, l’hôte conduisit la petite troupe jusqu’au réfectoire tout en racontant des anecdotes sans fin, ayant parfois un rapport avec ce que les murs affichaient comme ornementations, à l’attention exclusive de son confrère. Le tout avec une importante gestuelle, toutefois mesurée dans la grandeur des mouvements. Le trajet passé et le marin âgé posté devant les portes de la salle d’où s’échappaient des cris et des rires, tous s’immobilisèrent et attendirent que parle le colonel. Celui-ci ne s’attarda plus en bavardages inutiles et s’écarta bien vite pour simplement laisser passer les estomacs affamés. En l’espace de trois secondes, l’entièreté du groupuscule fut entrée à l’exception du riche noble.
- Venez donc dans mes appartements diner, mon cher ami, annonça le barbu. Mes soldats prendront bien soin des vôtres, soyez sans craintes, ajouta-t-il pour être certain de ne recevoir aucun refus.
- Ma foi, ce sera avec plaisir, répondit l’homme aux cheveux noir de jais. Et ce n’était pas la précaution de son interlocuteur qui lui faisait accepter ce repas. Le bien-être de ses hommes lui était parfaitement égal si cela pouvait accroître le sien.
Alors les deux hommes se dirigèrent vers les dits-lieux tout en discutant. Pour l’aristocrate, force était de constater que le vieux marin n’avait pas sa langue dans sa poche. Mais puisque son ascendance n’était point pure, la conversation allait pratiquement en sens unique. C’était regrettable au vue de ce que cet officier faisait pour lui, cependant que pouvait-il y changer ? Rien du tout, évidemment. Porter secours à la noblesse n’avait rien d’extraordinaire en soi et relevait du naturel. Cela faisait parti intégrante du devoir de citoyenneté auquel tout citoyen devait se soumettre. Néanmoins, cet accueil chaleureux montrait bien que le chef de la base ne plaisantait pas avec l’aide aux confrères.
Après une petite marche, ils arrivèrent devant les appartements et y entrèrent. Immédiatement, deux matelots leurs firent enlever leur veste, du moins celle de leur patron puisque l’héritier des Dark ne portait jamais quelque chose par-dessus son costume. Dans les formations élites, la discrétion passait avant tout. Et on ne pouvait pas vraiment dire que les vestes de gradés étaient conçues pour cela. Pour cela, on autorisait donc les officiers à ne pas porter leur veste correspondant à leur grade sans qu’une lettre de renvoi ne leur fût adressée. De cette manière, les ennemis ne pouvaient être certains de leur appartenance à la Marine et les civils se comportaient alors normalement en leur présence, ne se doutant pas des justiciers hors-paires oeuvrant dans l’ombre pour la Justice, ce qui facilitait grandement les missions. Effectivement, passer incognito se révélait souvent bénéfique quand le but était l’arrestation ou la prise de connaissance du terrain. Et cela se retrouvait dans la majorité de ses tâches. Pendant que le sous-fifre suspendait leur veste, ils rejoignirent le salon pour encore parler un peu. Comme pouvait le remarquer le noble, le mobilier était d’assez bonne qualité et témoignait des revenus du propriétaire. Visiblement, cela devait bien payer les démantèlements de mafia ou la chasse aux pirates par ici. Chacun prit place dans un sofa en cuir fin, opposé l’un à l’autre, disposés autour d’une modeste table basse en bois de chêne. Prenant de suite ses aises comme le suggérait son hôte, l’extrémiste-radicaliste croisa ses jambes en passant l’une au-dessus de l’autre, puis s’enfonça dans le confortable divan en mettant ses bras sur le dessus du dossier. À peine ce fut fait qu’on lui proposa de boire un petit rafraîchissement pour se désaltérer et oublier les désagréments du voyage. Quelques secondes plus tard, le subordonné lui apporta sa boisson et fit de même pour son supérieur. Cela fait, le serveur se retira et laissa les deux hommes se plonger dans la discussion. Ceux-ci la reprirent là où ils l’avaient laissé, c'est-à-dire à cette histoire vantant un, soi-disant, exploit du colonel. Ce dernier aurait réussi à arrêter, sans la moindre arme et seul, un gang de mafieux qui sévissait dans les environs et dont le chef était primé à plus d’une quarantaine de millions de berry’s. Tout cela paraissait peu vraisemblable, même si les criminels n’étaient qu’une trentaine de petites frappes, quand on voyait le vieux marin chaleureux qui semblait avoir bientôt ses premiers rhumatismes. Après cette « croustillante » anecdote, l’épéiste raconta à son tour un fait, celui de sa bataille en mer contre l’équipage du pirate au Bisentô. Lorsqu’il eut fini, son interlocuteur parut enthousiasmé par le récit et le flatta alors. À ce moment précis, ce fut l’heure de passer à table et c’est donc ensemble qu’ils partirent s’installer à la longue table en verre. Tandis que le temps s’écoulait et que l’après-midi était déjà bien entamée, ceux-ci continuaient de manger les plats variés qu’on leur apportait en six services. De quoi faire un repas correct pour un bourgeois. Cette fois-ci, ce fut d’autres jeunes recrues qui apportèrent et rapportèrent les mets peu raffinés tel qu’un homard et sa sauce cocktail sur un lit de riz parsemé de quelques feuilles de basilic avec trois quartiers de citron. Pour lui, ce n’était que du connu et du reservi, mais cela semblait satisfaire largement le colonel. Mieux valait donc se taire pour ne pas heurter la sensibilité du quinquagénaire. Tout le monde sait qu’à cet âge-là les gens sont facilement irritables et s’emportent pour un rien. Il convenait donc de faire profil bas et de se sustenter avec ce qu’on lui servait. Ni plus, ni moins. Après tout, cela restait mangeable. Certes, pas du meilleur goût qui soit, mais qu’importe. On ne pouvait faire autrement de toute manière. La bienséance était très claire à ce sujet, ne pas offenser son hôte de quelque manière que ce soit. Le repas se termina donc lentement, le colonel s’émerveillait devant la nourriture et son invité tentait, en vain, de trouver des qualités à ces « victuailles ». La seule chose lui remontant le moral était de savoir que ses hommes devaient être encore plus mal nourris que lui. Et cela, ça faisait réellement du bien. Imaginez seulement si des sous-fifres avaient une qualité de vie supérieure à celle de leurs commandants. On ne peut même pas le faire, tant cela nous coûterait d’efforts. Heureusement, d’ailleurs.
Après avoir quitté la table, le barbu lui montra la merveilleuse vue que lui offrait sa baie vitrée. Comme le noble pouvait le voir, elle donnait sur l’océan, mais également, et surtout selon le commandant, sur la cour d’entraînement des marines. On apercevait d’ailleurs un bataillon qui s’entrainait à manier le sabre avec un instructeur gradé, obligatoirement. Décidément, les deux hommes n’avaient pas autant de points communs que prévu. Cela se ressentait d’autant plus lorsqu’ils abordaient le sujet des goûts culinaires. Lui était un fin gastronome alors que son aîné avait tout l’air du petit gourmet. La différence était donc largement perceptible. Et ce n’était qu’un de leurs nombreux points de divergence. Il ne faisait aucun doute que d’autres restaient à découvrir. Ils observèrent pendant quelques instants les matelots s’exerçant tout en parlant de sujets qu’abordait le haut-gradé. Toutefois, malgré tout ces défauts, force était de constater que son amphitryon se préoccupait grandement de l’accueil, certainement parce que ce type n’appartenait pas à l’élite et se concentrait donc sur le relationnel. Cela paraissait tout à fait plausible. En effet, quand on y regardait de plus près, on s’apercevait vite que le vieil homme n’avait rien du tueur pour la justice ou de l’extrémiste sans sentiments. Son poste de chef ici devait donc parfaitement lui convenir et rencontrer ses souhaits. Les gens de bases étaient bien moins combattifs et pugnaces que ceux de l’élitisme, qui commençaient par tester leur instinct de survie pour devenir troisième classe seulement. Evidemment, les objectifs pour monter en grade ne différaient guère. C’était bien souvent survivre en étant en première sur un champ de bataille ou bien éliminer de puissants ennemis du gouvernement. Dans les formations dites « classiques », les gallons s’obtenaient d’autres manières comme en entraînant de jeunes recrues ou en effectuant des missions gouvernementales. Les risques ne sont donc pas égaux voire même considérablement inégaux. C’est pour cela que le salaire différait aussi. Qui plus est, la force allait de paire avec. Il n’y avait aucune comparaison possible entre un basique lieutenant et lui-même. Tout en pensant à cela, son collègue l’emmena faire une visite guidées des bâtiments, à sa manière. En effet, ce fut une nouvelle occasion d’entendre les nombreuses et passionnantes anecdotes du vieil homme aux portes de la retraite. Et rien ne surpassait l’ancêtre lorsqu’il s’agissait de perdre toute crédibilité et son auditoire en même temps. Les minutes durant lesquelles ils déambulèrent, entrant tantôt dans un bureau d’officier qui paraissait occupé et en délogeant la personne pour permettre au noble de s’asseoir dans le siège pour en jauger le degré de confort, tantôt montrant les cuisines en essayant même de prouver son incroyable incapacité à seulement éplucher une carotte et tantôt ordonnant dans la cour principale un rassemblement général pour que son invité puisse constater le nombre d’effectifs, semblèrent durer des jours entiers tant son collègues e complaisait à alourdir l’atmosphère ou à plomber l’ambiance par des blagues plus que douteuses qui n’avaient guère de succès même auprès de ses hommes.
En fin d’après-midi, on lui demanda soudain si un petit duel au kendô ne l’intéressait pas. Bien évidemment, une réponse par l’affirmative ne tarda pas à être prononcée par le lieutenant qui se laissa alors amener jusqu’à la salle d’entraînement vue tout à l’heure. Une pièce bien grande, décorée dans le style traditionnel, mais assez sobrement compte tenu du fait que des combats ou entraînements y avaient lieu. À peine entrée, un matelot les pria d’aller se changer dans leur cabine respective où avait été placée une tenue plus adéquate. Quelques minutes plus tard, les deux adversaires se faisaient face, tout deux un bâton de bambou entre les mains, tandis que le même subordonné s’avançait entre les combattants et déclarait que le match pouvait commencer. Ils reculèrent alors d’un même bond avant de s’élancer à l’identique pour tenter d’asséner un coup à l’adversaire. Entre officiers, la confrontation risquait de s’éterniser, surtout si les règles stipulent qu’il n’y a de vainqueur que lorsqu’un des manieurs est incapable de poursuivre ou forcé à l’abandon. Autant dire que ce n’était pas près de finir. C’est alors que les armes s’entrechoquèrent, ne donnant l’avantage à aucun. Afin de tester le colonel, l’élite haussa le niveau et entama une phase d’attaque intense en donnant de puissants coups ne cherchant à atteindre que le bois adverse. Pourquoi ne pas essayer de gagner rapidement ? À vrai dire, une victoire aisée ne l’intéressait nullement, d’autant plus si le vieil homme ne se battait pas sérieusement. Il fallait donc acculer la proie pour que celle-ci en vienne à donner le meilleur d’elle-même en profitant de la poussée d’adrénaline qu’engendre une situation pareille. C’est précisément ce que l’escrimeur faisait. Tout est une question de pression. Plus elle est importante, plus la victime s’énerve, tente de réguler son taux d’hormones et se surpasse pour diminuer cette pression. Mais un vieux rabougri pouvait-il encore réussir cela ? Rien n’était moins sûr. Pour le savoir, une défense devait se construire puis se solidifier. Hélas, la première étape restait au point mort. Jusqu’à ce que le vieux militaire se décide à agir. D’un unique coup, l’attaque de l’élite fut stoppée. L’enchaînement ne se fit pas attendre et c’est un coup horizontal latéral que faillit se prendre l’homme aux cheveux noirs de jais. Fort heureusement, ses réflexes étaient largement suffisants pour pouvoir rapidement poser une défense. Il n’avait eu qu’à provoquer l’entrechoquement. Si son adversaire ne pouvait rehausser le niveau, la confrontation prendrait vite fin. C’est alors que, tout d’un coup, le vieillard se mit à accroître sa vitesse et à abandonner son style traditionnel pour en adopter un plus personnel en pivotant sur son pied gauche afin de donner un autre coup latéral horizontal, mais avec plus de force et de vitesse. Bloquant à nouveau, mais moins aisément, le lieutenant se douta que le colonel avait commencé les choses sérieuses. Un peu tard peut-être. Cependant, cela ne l’empêchait pas de mettre à mal la défense du riche homme. Avec ces incessantes pirouettes, les attaques fusaient sur les deux flancs du noble et ne permettaient pas de bonnes esquives. Dès lors, il fallait qu’il se batte aussi sérieusement s’il ne souhaitait pas perdre lamentablement. Sa contre-attaque ne se fit pas attendre. En un coup, l’adversaire fut désarmé. C’était sa chance ! Le marin de MarinFord tenta alors d’asséner un violent coup vertical. A sa surprise, son attaque fut parée grâce au bâton que le commandant de la base avait réussi à ressaisir à temps. Décidément, si rien n’était fait, ce serait une cuisante défaite face aux improbables techniques de son collègue. Comme les rôles s’inversaient, l’invité devait prouver sa valeur et montrer la supériorité des élites. Mais cela ne semblait pas simple, loin de là même. C’est alors qu’il lui sembla avoir compris une chose essentielle. Juste à ce moment-là, l’arme adverse se rapprochait dangereusement de ses côtes. Sans que le bonhomme ne s’en doute, il venait de grandement aider l’épéiste. Alors que le bâton s’approchait, le jeune s’accroupit brusquement, à temps néanmoins, pour laisser passer le danger au-dessus de lui. Dans cette position, et avant que ne le réalise son hôte, le tacticien faucha le pied au sol avec son propre bout de bois avant d’effectuer un petit tour sur lui-même pour asséner en se relevant un violent coup dans la joue gauche de son opposant. Celui-ci voltigea alors un peu pour retomber face contre terre, vaincu.
Après le duel, tout deux se complimentèrent mutuellement tout en allant profiter d’un sauna pour détendre les muscles. L’élite ne manqua pas de souligner les étranges mouvements du colonel, mais redoutables. Ce dernier rigola alors en expliquant que les formations élites ne permettaient pas à leurs membres la liberté de créer leur propre style, sauf à partir d’un certain grade. Et qu’en cela, elles brimaient ses fidèles. Par contre, le colonel reconnut que la puissance des élites n’était pas usurpée. Que du contraire même. Pour lui, qu’un lieutenant batte un colonel paraissait improbable voire impensable alors que pourtant, pour le noble, cela n’avait rien d’extraordinaire. Showl trouvait cela on ne peut plus normal, connaissant bien les forces des différents grades et les faiblesses, c’aurait été une honte de perdre face à un marin « classique ». Evidemment, ses pensées en restèrent et aucune ne fut prononcée, dans le but de ne pas entrer dans un vain débat qui ne déboucherait que sur une querelle qui pourrait compromettre leur relation, jusque là assez bonne. Dans cette pièce, d’où s’échappait de la vapeur d’eau, régnait une touffeur intolérable. Du moins, à quelques choses près. En effet, les deux collègues supportaient sans difficulté particulières ces conditions inhabituelles. Toutefois, ils durent sortir une dizaine de minutes seulement après y être entré pour éviter une déshydratation. Tandis que les marins se rhabillaient et buvaient un peu pour se rafraîchir, le temps s’écoulait et le jour laissait déjà place à la nuit tiède et reposante. C’est alors que le barbu toucha son menton, certainement dans le but de réfléchir, et finit par annoncer que le lieutenant serait aussi son invité pour ce soir. Le vieillard enchaîna alors en disant qu’à partir de là, il serait judicieux que ses invités passent la nuit chez lui en invoquant l’excuse que ce ne serait guère prudent de regagner leur navire au milieu de la nuit pour se réveiller de bonne heure. À contre-cœur, Showl consentit à dormir dans cette base, pensant que tenter de refuser n’amènerait à rien si ce n’est accepter par la suite. Décidément, la journée n’avait pas été très productive, cependant il devait sa survie à cet énergumène au grand cœur. Ce ne pouvait donc être raisonnable que de remercier ingratement ce bienfaiteur. Le commandant de la base semblait n’avoir de cesse d’aider son prochain contrairement à l’extrémiste-radicaliste qui n’hésitait pas à tuer son prochain quel qu’il soit. Leurs personnalités s’opposaient donc en presque tout point. Une des rares choses qu’ils avaient en commun était leur goût au sujet des raffinements auxquels ils pouvaient avoir accès. Certes, là aussi leurs aisances financières ne sauraient être comparées. Mais si l’on commençait à prendre en compte les richesses de chacun, jamais le noble n’aurait de point commun avec qui que ce soit. Et ce serait fort dommage. Cela ferait le même effet que si on lui enlevait son humanité. C’était dire la gravité de cet acte au niveau du comportement et de la perception qu’autrui pouvait avoir de lui. Les différences de richesse restaient donc tapies dans l’ombre, histoire qu’un grand bouleversement n’ait lieu. Et donc pour en revenir à leurs similitudes, ce colonel possédait nombre de qualités inculquées aux plus hautes classes sociales, à la haute aristocratie, telles que la courtoisie, la bienséance, le souci de ses invités, et bien d’autres encore. Leurs ressemblances se situaient donc plus dans le domaine du comportement que dans celui de l’éducation. Le soir venu, après un autre repas infâme qui tira en longueur, l’élite alla se coucher dans son lit, heureusement très confortable, que son hôte lui avait indiqué et qui se trouvait dans la chambre d’ami des appartements du chef des marins. Bien évidemment, on lui assura que ses hommes seraient logés à la même enseigne que les matelots d’ici, même si leur sort lui paraissait insignifiant et n’aurait pas troublé son viril sommeil, le lieutenant remercia Hiruzen pour cette attention.
Le lendemain, bien avant l’aurore, l’aristocrate avait fait sa toilette, son lit et s’entraînait seul dans l’une des salles réservées à cet effet que lui avait montré la veille le colonel. Pour lui, une bonne journée commençait systématiquement par quatre heures d’entraînement intensif avant d’aller déjeuner, afin de rester en forme et de se dégourdir les muscles. Comme à son habitude, le noble commençait par des petits coups dans le vide pour augmenter progressivement la cadence et la puissance. La suite se poursuivait au sabre et paraissait similaire puisqu’il s’agissait également d’effectuer des attaques en accroissant au fur-et-à-mesure leur intensité. Ces deux parties terminées, tout ce qui restait à faire était d’obtenir une musculature plus importante par la pratique des habituels exercices comme les pompes et les abdos. Lors que cela aussi était fait, la dernière chose consistait à prendre une bonne douche ou se reposer dans un jacuzzi. Pendant ce temps, son collègue dormait paisiblement, si l’on peut dire, en ronflant au risque de provoquer un tremblement de terre. Ce n’est qu’en retournant à 9h dans les logis lui étant attribués qu’un homme barbu, à peine réveillé, lui souhaita le bonjour avant de se diriger probablement vers la salle de bain. En lui-même, scandalisé par une telle désinvolture, flemmardise et nonchalance, déshonorant la Marine entière en donnant l’impression aux gens que les marins sont « Peace and Love ». Mais évidemment son faciès ne montrait rien de cela et traduisait seulement une sympathie à l’égard de son homologue, à l’apparence peu soignée et à l’esprit embrumé. Une petite heure plus tard, les deux compères entamaient le repas matinal en admirant le paysage déjà fort éclairé par le soleil haut dans le ciel. Cette fois-ci, il n’y eut pas différents plats, mais un buffet bien garni et doté de quelques raretés telles que de la papaye de Grand Line et du jus de cerise importé de Drum. Le lieutenant dû même reconnaître que les mets n’étaient pas du tout mauvais. Un aveu bien rare voire trop selon ceux qui l’avaient eu à leur table. Durant le repas, les deux hommes discutèrent et concentrèrent la discussion autour des occupations matinales de l’héritier des Dark. Le colonel semblait stupéfait d’entendre à quelle heure ses homologues « fous » entamaient la journée. Evidemment, cela changeait des horaires des normaux. Entre de 10h à 18h et 6h à minuit, voire plus, la différence apparaissait clairement dans leurs heures de travail. Toutefois, Showl préféra ne pas relever ce « détail » et se contenta de répondre aimablement à son hôte qu’il était un cas à part, dans l’élite. Bien que ce ne fut qu’un vulgaire mensonge. Après avoir quitté la table, le vieux militaire l’invita à faire une petite partie de golf. Apparemment, la rosée se dissipait vite par ici. N’ayant encore rien de prévu et ne voulant pas l’offusquer, il accepta et se laissa conduire jusqu’à un grand terrain réservé exclusivement pour la pratique de ce sport et situé derrière les bâtiments, non loin de la forêt. À sa grande surprise, aucun matelot n’attendait pour leur donner les différents équipements. Le commandant de la base apporta alors deux tenues et en tendit une à son invité. Ce dernier, mal à l’aise à l’idée d’enfiler cela, malgré qu’elle semblait ne pas avoir encore été portée, opta pour la seconde solution : mettre sa propre tenue. En effet, l’homme aux cheveux noir de jais emportait toujours ses vêtements de golf au cas où. Simple habitude de noble.
Quelques heures plus tard, la partie s’étant conclue sur l’indiscutable victoire du lieutenant, les deux compères se complimentèrent mutuellement tout en regagnant les quartiers du colonel afin de se changer et d’enlever tout cette sueur qui perlait sur leur peau. Ce fut alors, l’heure de passer à table ou plutôt de prendre l’apéritif. Le repas, quant à lui, fut écourté et laissa le noble perplexe au sujet du nombre de plats. Six, c’était largement insuffisant. Mais tant pis, il fallut faire sans. Après ce modeste repas, il fut question d’une visite guidée de la ville avec, évidemment, le commandant de la base comme guide. Cette proposition fit réagir l’élite mentalement qui se demanda alors ce que fichait dans la marine un pareil lézard. Pas un instant depuis son arrivée il n’avait dû s’occuper de quoi que ce soit à propos de la base. Était-ce donc là un véritable marin normal ? Un feignant passant ses journées à se divertir au lieu de s’entraîner ou d’exterminer la vermine qui se proliférait à une vitesse affolante. Décidément, l’épéiste se rassurait de plus en plus d’être élite en voyant pareil comportement. Toutefois, il accepta la proposition, se disant que la visite pouvait lui apprendre des choses et redonner goût au vieillard d’imposer la Justice. Ils déambulèrent donc dans les rues sous un soleil de plomb. Malgré ses nombreuses tentatives, le riche marin ne parvint pas à faire s’engager un combat. Que ce soit en attirant « par un curieux hasard », le vieil homme dans une ruelle male famée regorgeant de rebuts de la société ou en proposant des « raccourcis » passant par des coins semblables. À chaque fois, son compagnon refusait poliment en prétextant que Showl raterait quelque splendide avenue, place ou encore boulevard. À la fin du tour, ils arrivèrent sur une place commerçante où un établissement paraissait en chantier. L’aristocrate apprit alors que les propriétaires n’avaient pu terminer les travaux par manque de moyens financiers, ou d’envie simplement constata l’officier de MarinFord en voyant que seul le terrain avait été aplani. Une idée lui vint alors à l’esprit : racheter cet emplacement et y bâtir une bibliothèque qui faisait terriblement défaut à cette ville. Le manieur de katanas demanda ainsi à son guide où se trouvait actuellement le maire. Son interlocuteur l’interrogea sur ses motivations avant de lui annoncer que le chef de la ville était un ami à lui de longue date, ce qui fut loin de stupéfier l’homme aux cheveux noir de jais compte tenu de ce qu’il avait vu depuis son arrivée. Une poignée de minutes et un coup de den-den mushi plus tard, le terrain était acquis et le maire promettait même d’apporter une contribution aux travaux si le futur bâtiment faisait honneur à cette importante place située dans le quartier bourgeois et accroissait les connaissances du peuple. Effectivement, en voyant les magnifiques sculptures, la pièce d’eau, le parc Gauti, du nom d’un célèbre architecte ayant vaincu dans cette cité et plus particulièrement dans cette partie-ci, on ne pouvait prendre cet endroit pour un quelconque lieu banal. Fort de cette acquisition, le jeune homme d’affaires attendait impatiemment sa rencontre avec l’architecte en charge des travaux, que lui avait trouvé dans le même temps ce cher Hiruzen, le lendemain. La fin de la journée fut ainsi écoulée en conversations à propos de cette future construction. Les jours suivants, quant à eux, furent partagés entre ses séances d’entraînement et ses visites sur le chantier, situé à deux pas de la base marine, qui battait son plein. Durant ces jours-là, le colonel sembla enfin vaquer à ses obligations de marin qu’il avait délibérément laissé de côté le temps que son invité s’acclimate à l’endroit. C’est alors qu’au huitième jour passé sur cette île, Showl surprit son hôte en pleine réflexion au sujet d’un problème majeur de pirates et lui demanda ce dont il retournait.
- Vous paraissez fort contrarié, un souci peut-être ? demanda l’élite.
- Ah mon cher Showl ! J’ai effectivement un problème que je n’arrive pas à solutionner, s’exclama le colonel.
- Oh ! Et quel est-il ? Peut-être suis-je à même de vous aider, répondit le lieutenant.
- Non, non, ça ira. Je m’en voudrais de vous importuner avec cela, assura le vieil homme.
- Que Nenni ! Je serais heureux de vous rendre quelque service, insista l’épéiste.
- Ah, soit ! Je vais vous raconter. Asseyez-vous donc, je vous en prie, pria le commandant de la base en désignant le fauteuil placé en face du sien.
- Bien, alors voilà : des hommes de main qui surveillaient le port ce midi m’ont appris qu’un grand nombre de brigands se réunissaient là-bas et ne devaient certainement pas y faire quoi que ce soit d’utile à notre chère société. Il faudrait donc que j’aille les arrêter, hélas, je ne puis quitter mon bureau car j’attends un important coup de fil. De plus, la plupart de mes troupes sont en mission. D’ailleurs, à ce sujet, j’ai pris la liberté d’y mêler des vôtres afin qu’ils puissent montrer leur savoir-faire aux miens. Le souci est que je n’ai donc que trente marins de disponibles, mais aucun officier compétent pour les commander dans ce genre de situation.
- Ma foi, je peux en prendre le commandement !
- Vous ? Mon invité ? Non, non, non, je ne puis vous demander pareille chose. Ce serait indigne.
- Allons, laissez-moi vous aider, en contrepartie de l’hospitalité que vous m’avez si gentiment offerte.
Le colonel se mit à réfléchir quelques instants, pesant le pour et le contre. Finalement, il se décida.
- Bon, très bien, c’est entendu, je vous laisse diriger l’opération. Mais comment parviendrez-vous à arrêter plus d’une centaine de pirates avec simplement trente matelots ?, interrogea le quinquagénaire.
- Et bien, avez-vous de l’armement ?
- Bien entendu, il y a de tout : du petit pistolet au mortier, en passant par le bazooka.
- Je vois. Puis-je aller voir vos stocks et prendre ce que je jugerai utile ?
- Si c’est pour accomplir un miracle, je n’y vois aucun inconvénient. Vous avez carte blanche, mon bon ami, mais réussirez-vous votre défi ? Cela reste dangereux même avec un arsenal incroyable.
- Ne vous en faites pas, répondit Showl tout en se levant et en quittant la pièce.
Une quinzaine de minutes plus tard, l’officier d’élite avait rassemblé la trentaine de soldats dans la cour intérieure et leur expliquait sa stratégie sous le regard inquisiteur du colonel qui l’observait depuis sa baie vitrée. Lorsque les préparatifs furent terminés, la troupe se dirigea vers le lieu indiqué avec l’armement choisi par le noble. Le plus difficile allait être de mettre en place la tactique sans éveiller l’attention des forbans, certes, bêtes, mais pas suffisamment pour être complètement aveugles. Arrivés au port, le lieutenant constata avec surprise que l’estimation du nombre de pirates était fausse et qu’en réalité, plus de 150 devaient être présents, soit le quintuple de ses effectifs. Face à un tel surnombre, le bien allait éprouver des difficultés pour triompher complètement. Pendant plusieurs minutes, les soldats se faufilèrent entre les bâtiments ou montèrent sur les toits. Au final, les mécréants furent encerclés à 300°, le génie de l’héritier des Dark ne pouvant exploiter l’eau, malheureusement. Il s’agissait donc de l’unique issue des flibustiers qui faisaient un tel vacarme en rigolant et en buvant qu’un concert paraissait n’être qu’un cri dans un cour de récréation. D’ailleurs, puisque cette partie du port n’était pas réservée aux navires, mais à la pêche, ils ne pouvaient que se jeter dans l’eau et attendre de mourir. Ses troupes s’étaient donc placées de telle sorte que quatre sous-fifres avec bazooka se tenaient sur les toits, un barrage de cinq hommes donc quatre tireurs et un avec bazooka étaient postés dans chacune des deux ruelles sur les côtés. Le reste, c'est-à-dire dix-huit matelots et lui-même, se préparait à l’assaut dans la rue principale, caché derrière les maisons.
Tous dissimulés, les marins attendaient le signal de leur supérieur. D’ailleurs, quel était-il ? Pouvait-il réussir à faire un signal pouvant être compris à la fois par les hommes au sol et ceux sur les toits ? Rien n’était moins sûr. Toutefois, l’échec ne faisant pas parti de son vocabulaire. C’est avec cette certitude en tête que le lieutenant sortit de sa cachette et se mit pile en face des boucaniers, attirant leur attention par la même occasion. Alors, à cet instant précis, les tireurs sur les toits firent feu, détruisant tout au centre et faisant s’élever un épais nuage de fumée. C’est alors que, tous en même temps, les autres marins embusqués se montrèrent et firent feu également, pendant quelques secondes, lorsque Showl eut abaissé son bras droit. Camouflés dans la fumée, les mécréants paraissaient ne pas réagir. Etaient-ils tous morts ? La suite dissipa vite cette pensée saugrenue. De l’air grisâtre qui avait été dégagé commença à sortir des forbans par dizaines qui, furieux, tentèrent d’avancer vers les forces de l’Ordre, malgré leur vulnérabilité due à l’inhalation des gaz. D’autres criaient et se demandaient ce que cela signifiait. Une chose restait certaine, la plupart préférait se battre plutôt que de fuir. Que de futilités ! Rabaissant son bras droit, une nouvelle salve d’attaques s’abattit sur les ennemis et en stoppa un bon nombre dans leur course effrénée vers l’avenir. Cependant, ces morts ne suffisaient pas pour stopper l’assaut, toujours plus sortaient de l’ombre, tandis que certains devaient causer des soucis aux soldats postés sur les côtés. Fort heureusement, les barrages étaient bien gardés. Mais cela permettrait-il de gagner sans perte ? On ne pouvait l’assurer. L’élite baissa alors son bras gauche, donnant l’ordre aux marins sur les toits de rouvrir le feu. De nouvelles détonations se firent entendre, immédiatement suivies d’explosions ainsi que de cris étranglés de douleur et des râles sordides. Avec cette nouvelle offensive, le nombre d’ennemis devait avoir considérablement diminué. Hélas, cela n’enrayait pas les vagues d’ennemis fonçant sur le noble. Que ces hors-la-loi l’ennuyaient ! Faisant cesser le feu des sous-fifres derrière lui, il fondit ensuite dans la masse pour mener sa propre attaque. Son but ? En tuer un maximum avant d’arriver devant l’écran opaque de particules restées en suspension dues aux tirs de bazooka. Ses katanas dégainés, le nombre de corps des forbans au sol s’accroissait rapidement, notamment grâce aux blessures causées par les balles de fusils. Son plan semblait fonctionner, jusqu’à ce qu’une détonation se fit entendre, lui faisant stopper sa répression violente. L’homme, transpercé en plein cœur, s’écroula sur le sol, le regard livide, lâchant son arme par la même occasion. Le sang, rougeâtre, se répandit rapidement, formant bien vite une flaque. C’en était fini des rêves de cet humain, de sa vie, de ses joies et de ses peines. Dans quelques secondes, tout appartiendrait au passé, ce serait de l’histoire ancienne. Première victime connue dans le camp de la Justice, c’était fort dommage. L’héritier des Dark, non-touché, regarda le matelot connaître ses derniers instants avant de se tourner en direction d’où provenait le coup. Dans le nuage, une silhouette imposante apparut, riant à gorge déployée. Qui était-ce donc ?
Progressivement, l’écran de fumée se dissipait et laissait transparaître une ombre inquiétante qui, petit à petit, se matérialisait. Puis, d’autres ombres se mêlèrent, rendant le tout indistinct. Une chose demeurait indiscutable, le rire caverneux ne s’arrêtait pas et glaçait le sang des matelots. Finalement, le nuage se dissipa complètement, grâce à une brise providentielle. Devant lui apparurent alors une dizaine de forbans dont une montagne de graisse, sans la moindre égratignure. Comment cela se pouvait-il ?! Aucun n’aurait dû en réchapper ! La réponse ? Ces déchets du monde se protégèrent avec les corps de leurs compagnons, s’en servant comme de boucliers. Quelle horreur ! Décidément, ces crapules ne craignaient rien ni personne. Le marginal, un pistolet dans une main et un cadavre criblé de balles et en lambeaux dans l’autre, rugit alors :
- Gwahahahaha !!! Etonnés de me voir en pleine forme ?! s’enquit-il. Vous allez voir ce qu’il en coûte de provoquer les pirates du Lagon et plus spécialement moi, leur chef, le grand Cabrio !, menaça-t-il.
Ne faisant pas grand cas des pitoyables menaces du loubard, l’épéiste se demandait plutôt ce qu’il allait construire en empochant la prime de ce bonhomme qui s’élevait à 30 millions selon l’affiche postée dans la base et épinglée. Mais rien de tel que de songer calmement à cela et dans ce cas, une élimination rapide du problème pouvait lui donner tout le temps nécessaire à sa réflexion. Cependant, le combat à distance était inutile à cause de leurs protections humaines. La seule possibilité restait de l’affronter en combat rapproché. Ce ne serait guère compliqué donc. La perte d’un homme du colonel allait être vengée. L’élite ordonna à ses soldats de ne rien tenter et de rester en retrait pendant que, lui, attaquerait. À ces mots, le capitaine pirate éclata d’un rire glauque et lança ses sous-fifres à l’assaut. Quelle négligence ! Que pouvaient-ils espérer à 10 contre un ? Pauvres avortons devant mourir prématurément. Les laissant approcher, le lieutenant ne bougea que quand les premiers n’étaient plus qu’à cinq mètres de lui. Là, son corps fondit de lui-même sur l’ennemi, tel un aigle fondant sur sa proie, tranchant chacun des insignifiants mécréants. Stupéfié, sans doute, par le sort tragique que venait de connaître son équipage, l’horrible déjection provoqua le noble en duel, pressé d’en découdre et de lui faire payer cette humiliation. Cela promettait un beau combat. Un combat de chef. Marine contre la Piraterie. Ne laissant pas de répit, l’extrémiste-radicaliste passa à l’offensive immédiatement en fonçant sur son adversaire du moment, katana à la main, et tenta de lui sectionner le bras gauche. Hélas, c’était sans compter sur la résistance farouche du flibustier. Celui-ci bloqua le coup en intercalant un cadavre entre son bras et l’arme du justicier, puis attaqua à son tour en préparant un coup de poing visant la tête. Comme on pouvait s’y attendre de la part d’une barrique, le poing fut assez lent et permit à l’héritier des Dark de l’éviter sans grandes difficultés en se baissant comme pendant son duel avec le barbu marin. La suite ne fut pas différente puisque le jeune homme en profita pour déstabiliser le forban en fauchant ses pieds disproportionnés. Ce pirate aspirait à devenir sumo ? Peut-être bien. Une chose restait certaine, ça ne facilitait pas la tâche du déséquilibre. Mais tant pis. De toute manière, les élites ne suivaient pas des entraînements spéciaux pour rien .Ses capacités devaient donc s’avérer suffisantes pour un type comme ça. Concentrant sa force dans son pied balayeur, l’officier réussit à faire flancher, malgré tout, le mécréant et même à le mettre au sol. Bien évidemment, même dans cette position instable qu’est la chute, le capitaine ennemi tenta tant bien que mal de se reprendre en lançant avec une effrayante impression le cadavre dans sa main gauche avec comme évident but de blesser le marin. Aussi incroyable que cela puisse paraître aux yeux de l’aristocrate, le corps tomba pile sur lui malgré une trajectoire douteuse. Hélas, il en fallait plus pour bloquer un épéiste. Après tout, un mort c’est comme une souche de bois pourrie. C’est ainsi que trois secondes plus tard, au lieu d’une masse informe, des cubes tombèrent au sol. Seule manière efficace d’éviter de se prendre une déjection en plein visage. Malheureusement, ce temps précieux perdu en futilités suffit pour que l’imposant personnage reprenne ses esprits. Dans ce cas, la seule solution demeurait d’user de vitesse pour empêcher le gros tas d’immondices de se relever. Fondant dessus, l’épéiste brandit une de ses armes devant lui tout en rapprochant. Un coup dans le cœur et c’en était fini. Une seule attaque, rien qu’une pouvait clore ce duel qui n’avait que trop duré. Bien rapidement, l’élite fut à portée suffisante et porta son coup. Le katana pénétra dans la chair, du sang s’écoula alors de la plaie béante. Ca avait fonctionné, le marin venait donc de terrasser ce type. Du moins, le pensait-il. Dans un accès d’ultime vengeance, l’obèse avait placé son bras entre la lame et sa pompe cardiaque, réchappant in extremis à un destin funeste. S’en rendant compte, le noble commença à enfoncer plus profondément sa lame, ce qui arrachait une vilaine grimace à son coriace adversaire. Mais, tenace, ce dernier pointa son pistolet sur le marin et tira en rafale, essayant de tuer l’aristocrate et ainsi rester en vie, jusqu’à ce que le riche homme n’ait d’autre chose que de reculer, touché à l’épaule gauche. Cette fois, c’était l’invité du colonel qui perdait l’avantage et le cédait au flibustier. La crapule semblait savoir se défendre un minimum, intéressant. Toutefois, le moment était venu de terminer le combat. Mais comment ? Son épaule blessée ne lui permettait que de se battre avec une arme. Une idée lui vint alors à l’esprit. D’un bref coup d’œil, l’officier scruta les alentours tandis que le tas d’immondices se relevait tant bien que mal, content d’avoir tenu. Affichant alors un sourire, le marin ne fit pas attention aux vociférations de la déjection et se contenta de lever son bras droit.
- Enfoiré ! Tu ne réchapperas pas à la mort la prochaine fois ! Je vais te faire payer au centuple cet affront, stupide chien du gouvernement !, vociféra le capitaine pirate en récupérant peu à peu un souffle normal.
- C’est la fin !, s’exclama Showl, indifférent aux vociférations du futur cadavre, en abaissant son bras valide.
Etonné par ces mots, le baraqué ne vit pas s’écraser 4 tirs de bazookas dans son dos, ni l’épéiste qui fondit sur lui au même moment et enfonça sa lame au plus profond du cœur du loubard. Dans une dernière plainte, l’imposant forban s’écroula au sol après que le justicier ait retiré sa lame et se soit en allé, confirmant son mépris absolu envers la piraterie. Tous stupéfiés par ce tour de force, les avortons finirent par oublier le corps gisant à leurs pieds et déversant un flot continu de sang. Maintenant, dans l’esprit du lieutenant ne subsistait qu’une seule et unique question : Combien avaient pu s’échapper grâce à l’écran de fumée ? Certainement quelques-uns, comme peuvent le prouver les traces de pas en direction du barrage de droite et des marins blessés qui paraissent assommés, écrasés, bousculés par la foule de mécréants. Bien évidemment, on ne pouvait être sûr des chiffres puisque ceux de départ n’étaient que de vulgaires approximations. Tant pis. Pour le moment, l’important était de compter le nombre de morts, vérifier leur identité et leur prime, au cas où. Ceci fait, le groupe put rentrer à la base avec les corps des criminels primés et celui du matelot. À leur retour, le colonel constata avec ravissement que la plupart n’avait rien, mais obligea l’élite à aller se faire soigner pour sa très fâcheuse blessure à l’épaule. N’essayant pas de s’y soustraire au vue du marin tué, il se contenta d’obtempérer. Après tout, mieux valait vite en finir pour pouvoir faire un rapport détaillé de l’opération et recevoir son argent pour les primés. Durant l’entretien, le commandant de la base lui fit savoir que sa bibliothèque était achevée et que les livres collectés y avaient été rangés selon les desiderata du noble. Fort content, l’héritier des Dark en fit l’inauguration le lendemain matin-même. Avec les 18 millions obtenus pour les quelques primés, un à 30, quatre à 5 et deux à 2, il pouvait déjà prévoir des agrandissements.