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Sören, Sören, ne vois-tu rien venir ?

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Malgré tout le trouble qu'il éprouvait au fond de lui, Sören s'était laissé embarquer par la beauté de la lune et le mystère des étoiles. Silencieux, il écoutait son amie déchiffrer les inscriptions d'un panneau au moins aussi énigmatique qu'une tour qu'il n'avait jamais vue. Il ne savait pas lire, comme la plupart des gamins de l'île. Mais il était bon en orientation, et il s'étonnait de ne rien reconnaître, autour de lui.

C'était immense, vallonné, parsemé de grands cailloux qui imprimaient la nuit de leurs grandes ombres paternelles. Le garçon frissonna. Qu'est-ce qu'il allait prendre, en rentrant ! S'il rentrait... non, il n'était pas pressé. Peut-être même n'était-il plus vraiment sur l'île du Loupiac ? Peut-être avait-il franchit un de ces portails magiques comme il y avait dans les contes que Brom racontait le soir à la veillée ?

Il inspira profondément l'air glacé, se réjouissant de sentir ses poumons lui brûler. Les nuits étaient encore fraiches, et il ne s'était pas beaucoup couvert. En lisant, Louve avait soufflé un petit nuage blanc qui rappelait combien il faisait frais. Et cette tour, cette grande tour un peu penchée, elle leur tendait les bras. Il leur semblait distinguer, tout en haut, la flamme d'une petite lampe à huile qui vacillait dans la pénombre. Chaleur, un accueil possible. Peut-être un autre sorcier ? Non. Il n'y croyait pas vraiment, aux sorciers... avant.

Les deux enfants échangèrent un regard entendu, et Sören prit la main de Louve. Ils étaient repartis pour un nouveau chapitre de leur aventure nocturne.


-Fais attention en montant.

La petite peinait un peu, par manque d'habitude des sols terrestres. Mais son ami était là pour l'aider et quand elle trébuchait, tous deux riaient. Ainsi, les deux enfants parvinrent à escalader la colline étroite et escarpée avec l'agilité des cabris et l'intrépidité des conquérants. Ils ne craignaient pas la chute, n'y songeaient même pas. Pour eux, la vie n'était qu'une ascension. Tout en haut de cette tour, et même au-delà !

Cette nuit, ils avaient semé de drôles de graines. Ils feraient leur moisson de légendes tout là-haut, dans les étoiles. Ou tout en bas, auprès du Grand Poisson-Chat. Dans tous les cas, ils n'y penseraient pas. A la chute.

Arrivés à la tour, ils s'étonnèrent un moment de ne pas découvrir de porte. Pourtant, il y avait bien cette petite lumière, et ces fenêtres aux carreaux si propres dans le clair de lune... alors ils firent le tour, patiemment, en marchant sur des champignons pourris et séchés par l'hiver. Ça crissait comme des feuilles mortes sous leurs pas, sauf que c'était mieux. Plus insolite, plus magique.

Sören marchait le nez en l'air. Au sommet de la tour, il y avait aussi une gouttière qui en faisait le tour, et quelqu'un avait posé une série de pots de fleurs dans la rigole. Pas de géraniums, ç'aurait été de mauvais goût. Au lieu de ça, des coquelicots et des capucines qui se balançaient au gré de la brise, alors même que ce n'était pas la saison.

Mais il n'eut pas vraiment le temps de s'attarder. Louve s'était engouffrée dans une fissure tout juste assez large pour les laisser passer, entre deux buissons de ronce qui prospéraient sur le sol de schiste. Et à l'intérieur, il faisait sombre, vraiment très sombre. Et ils progressèrent à tâtons, soudain très sérieux. Leurs mains s'affolaient quand elles se prenaient dans des toiles d'araignées, et quand leurs tisseuses violemment délogées venaient leur grimper sur le poing. Mais ils avancèrent, jusqu'à buter sur une première marche. Il y avait encore un écriteau, tenu par un drôle d'épouvantail souriant. Sören craqua une allumette, pour permettre à Louve de le déchiffrer. C'était sans doute une énigme qui conduisait tout droit jusqu'à un trésor... ou peut-être même mieux encore. Il trépignait d'impatience, au point d'éteindre la flamme de son allumette d'un geste un peu trop vif. Alors, il en craqua une autre, mais fit un faux mouvement. Et l'épouvantail prit feu, illuminant brusquement l'écriteau et ses lettres brunies :


- « Nul n'entre s'il n'est géomètre. »

Il était vrai qu'elle en aurait eu besoin, d'un bon géomètre, la tour... mais comme aucun des deux enfants ne savait ce que cela pouvait bien signifier, ils poursuivirent leur route en laissant le malheureux épouvantail se consumer derrière eux. Sören avait tout de même réussi à sauver son chapeau, un vieux chapeau de cuir à l'épreuve de la pluie du temps. Un peu grand pour lui, mais dans quelques années, il lui irait sans doute très bien. Et puis, ça l'aidait à oublier sa déception de ne pas encore avoir trouvé de véritable trésor...


Dernière édition par Sören Hurlevent le Sam 16 Nov 2013 - 21:02, édité 1 fois
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Malgré l'heure tardive pour deux jeunes enfants, malgré les kilomètres de marche qu'ils n'avaient pas manqué d'arpenter à travers des arbres, des tunnels et des monts à pics, ils durent pousser l'allure dans la montée des marches. Du moins Sören pressa-t-il Louve de presser le pas comme elle  toussait à cause de la fumée qui les suivait jusque dans l'escalier en colimaçon. Il avait dû la tirer par la manche pour l'arracher à la contemplation de la paille qui se consumait lentement et de ce sourire figé qui fondait petit à petit dans le rouge des flammes. Tu est cendre et tu retourneras à la cendre. Et elle continua de le regarder longtemps après qu'il l'eut entraîné. Jusqu'à ce qu'elle finisse par trébucher sur une marche cassée et accepte enfin de suivre le jeune fermier jusqu'au prochain étage. Il y avait de la lumière disait-il. Peut-être pourraient-ils y passer la nuit en quête d'un gîte et du couvert. Ou au moins un champ pour y dresser un abri ironisa-t-il. Louve, elle, n'avait jamais connu que sa cabine pour dormir. Enfin, sa cabine et parfois un banc, ou un hôtel. Ou ce canapé que ce monstre avait partagé avec elle. Il était bizarre ce monstre. Il faisait un peu peur, mais elle ne savait plus pourquoi. Ni pourquoi elle l'avait bien aimé...

Elle cogna le dos de Sören qui s'était brusquement arrêté au premier palier, la tirant de ses songes et souvenirs. Là la fumée s'amoncelait en un gros nuage noir dans lequel Louve était persuadée de distinguer des éclairs. L'épouvantail était-il fait avec une herbe à foudre ? L'odeur de brûlé emplissait l'escalier et chaque craquement de branche de l'épouvantail douze volées de marche plus bas résonnaient sur chaque pierre avec la violence d'une remontrance bien sentie. Pourtant, tous deux hésitaient à pousser cette porte. Une hésitation due à la fébrilité et l'excitation plutôt qu'à la crainte et l'appréhension. Qu'allaient-ils découvrir dans cette tour ? Quels autres mystères les y attendaient ? Ils se regardèrent un instant et rirent à gorge déployée puis poussèrent ensemble la double porte qui s'ouvrit dans un chuintement ressemblant à un soupir. Il y eut un appel d'air qui décoiffa louve. La fumée s'engouffra dans la pièce et derrière eux, les flammes enjambèrent les deux cent marches, soudain affamées. Il jeta Louve dans la pièce pour l'y mettre à l'abri, une fois encore et bondit sur les portes pour les refermer, isolant de ce monstre de flammes le couple d'enfant qu'ils formaient. Il se tourna vers Louve pour s'enquérir de son état, mais celle-ci ne le regardait pas.

Elle était debout au milieu de ce qui ressemblait à un jardin, les yeux perdus sur les centaines de fleurs et de plantes qui avaient envahies les lieux. Bien qu'envahi ne fut pas le mot au regard des divers pots, sacs de terreau et arrosoirs disséminés un peu partout dans la pièce. Dans la serre. Une serre dans une tour. Mais les fleurs n'étaient pas la plus incroyable des visions. Oh certes, il y en avait de toutes les formes, de toutes les tailles, de toutes les couleurs. Des Orchidées géantes à la Rafflésie naine en passant par des nénuphars des roches. Et c'était magnifique à observer. Et puis les fragrances se mélangeaient toutes dans un parfum de fraicheur naturelle qui emplit la tête de Louve qui ouvrit ses narines très grand.

Mais non, là n'était pas le plus beau spectacle. Le plus beau spectacle résidait en sept petits êtres. Ces sept petites fées qui voletaient en se cachant les unes derrières les autres et visiblement persuadées qu'on ne les voyait pas. Parce qu'elles restaient parfaitement immobiles, ailes exclues, et surtout se cachaient les yeux de leurs mains. Infaillible.

-...Bouh ?

Et elles sept de sursauter comme une souris nez-à-nez avec un chat et de s'enfuir en virevoltant, à pousser des petits cris apeurés et à partir se cacher dans diverses plantes variées.

-C'est des vraies fées ? T'as vu, c'est des fées ! Revenez ! Vous voulez jouer à cache-cache ?

Et Louve de s'élancer à leur poursuite à grands renforts d'éclats de rires.

Étonnamment, elle ne renversa pas de pot de fleur, de brisa pas de vase et ne glissa pas sur la flaque d'eau qui gisait au pied d'un arrosoir percé. Et à ça, une seule explication : la tour n'était pas très stable. La petite pirate put alors courser les petits être qui, malgré une vitesse de pointe et des virages à cent quatre-vingt degrés, ne lui échappèrent que l'espace d'une bonne minute. À cause de la panique et du boucan soudain, l'une d'elle heurta un pot suspendu d'où tombaient en cascade des feuilles blanches de la taille de la tête de Louve. Laquelle la rattrapa au vol et l'enferma dans la paume de sa main. Elle se précipita ensuite vers Sören pour lui montrer sa trouvaille en hurlant sa joie. Juste devant le regard du jeune paysan, elle entre-ouvrit les mains pour laisser voir la petite créature, pelotonnée sur elle-même. Elle avait les cheveux blonds comme un brin de paille -et l'expression était bien plus frappant chez elle que chez n'importe quel autre humain- de petites mains aux longs doigts fins. Mais surtout, ses fines lèvres tremblaient tellement qu'elle en bégaya.

-N-Non. Ne-ne prenez pas m-m-mon ombre. S'il-s'il vous plait...
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-J'crois qu'elle a peur... eh, faut pas avoir peur. On est pas méchant.

C'était vrai et il disait ça avec son cœur et son grand sourire d'enfant. N'empêche qu'elle n'y pouvait rien, elle se recroquevillait un peu plus dans la main de celle qui la séquestrait, en tremblant tant et tant qu'une fine poudre tombait de ses ailes.

-T'es quoi ? Un papillon ? Faut qu'tu fasses gaffe. Brom, y dit toujours qu'les papillons, y peuvent plus voler quand y z'ont plus leur poudre sur les ailes.

Un petit cri. La fée cessa de remuer, et leva ses grands yeux larmoyants vers ses deux bourreaux.

-J'm'appelle Sören. Et elle, c'est Louve ! Toi, tu t'appelles comment ? Et puis, c'est quoi cet endroit ?
-Euh... c'est que, euh... vous allez pas me prendre mon ombre ? Vous venez pas pour ça ?
-Diable, non.
-Le diable ? Oh. Ça fait longtemps qu'on l'a pas vu.
-Parce qu'il habite ici ?
-Euh... Je sais pas. Mais il vient, des fois. Il prend mes amis avec lui, et quand on les revoit, ils ont plus leur ombre. Et puis, et puis ils parlent tous d'un monstre avec beaucoup de cheveux blonds !

Les deux enfants échangèrent un long regard. Louve avait toujours les yeux qui brillaient de mille étoiles. Sören peinait à conserver sa contenance d'aîné. Les fées, les jolies plantes, la grande tour, et maintenant, le diable et un monstre ! Et ils n'en étaient qu'à faire leurs premiers pas dans les jeunes années de leurs vies ! Ils prenaient conscience de la bénédiction qui leur avait été faite le jour où ils étaient venus au monde. Peu importait les mauvaises saisons, dans l'esprit du jeune garçon. La faim, c'était un peu dur. Mais travailler, il le faisait bien, et le soir, il peinait encore à s'endormir. Assez pour trouver la force et le désir d'aller courir la campagne avec tous ses chats. Sentir l'épaisseur de la rosée dans ses bronches, la douceur de la nuit en été et les odeurs des buissons chargés de soleil et de rayons de lune.

-C'est par où pour aller voir le diable ?
-Yiih ! Mais j'en sais rien, moi ! Puis laissez-moi tranquille !

La fée s'envola dans une gerbe de poussière dorée, son ombre s'étalant de manière disproportionnée un bon mètre sous elle. Ça devait peut-être leur donner un peu confiance, ces grandes nappes noires qui avaient leur forme et qui se déplaçaient comme eux. Fragiles comme des papillons, mais pourvus d'une face obscure immatérielle, présente quand même.

-Faut pas être bien pour avoir envie d'aller voir le diable !
-Dis-nous juste où il est !
-Je sais pas !

Elle disparu derrière une longue feuille tachetée de mauve. Quand soudain, la porte claqua. Une cinquantaine de visages minuscules apparurent et disparurent dans une coordination presque parfaite. Dans la serre, ce n'était plus qu'un seul et unique murmure.

-... le diable !

Alors, Sören fit face. Il se retourna, jeta un regard noir au nouvel arrivant, et ouvrit grand les bras devant Louve. Comme s'il avait la force de la protéger, elle, et toutes les ombres de toutes les fées du monde.

-Leur faites pas d'mal !
-Mmmh ? Qu'est-ce que vous faites là ?
-On... euh, on s'était perdu, m'sieur ! Mais faut pas qu'vous les touchiez, vous leur faites peur !
-Mais qu'est-ce que je peux bien en avoir... mmh, attendez. Qu'est-ce que vous faites là ?
-Beh, j'viens de vous dire qu'on s'était perdu, et...
-Oh, très bien, mais vous savez, c'est interdit d'être... mmh... oh ! Je vous avais pas vu... Qu'est-ce que vous faites là ?
-Et vous, qu'est-ce que vous faites là ?
-... euh...

L'homme, qui n'avait de diable que la barbe courte et taillée en pointe, les cornes et une peau comme brûlée au feu, tourna les yeux aux quatre coins de la pièce. Sans cesser de revenir aux enfants qui lui faisaient face. Jusqu'à soupirer, d'un de ces longs soupirs à-travers lesquels l'on sentait peser tout le malheur du monde.

-... j'ai oublié...
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-Il ressemble pas au diable...

Le visage de Louve dépassait largement de sous les bras tendus de son jeune protecteur. Elle faisait la moue. Pas parce qu'elle était protégée, ça elle avait l'habitude au milieu de ses pères, et puis le jeune Sören le faisait depuis le début de la soirée. Dire qu'ils avaient commencé en criant parce qu'il avait voulu grimper sur le mât de son navire. Maintenant il était attentionné, gentil et précautionneux avec elle. Comme une grande personne. Mais en étant petite. C'était étrange, mais Louve s'adaptait plutôt bien. Alors elle resta derrière lui malgré qu'elle voulût se rapprocher de l'homme qui venait d'entrer par une porte dérobée qui ne donnait pas sur l'escalier qui devait toujours être en train de brûler. Juste pour lui faire plaisir. Non, si elle faisait la moue, c'est parce que...

-Je préférais le sorcier...

Louve tira la langue. Juste un instant. Et se détourna de l'homme qui l'observait avec de grands yeux ronds. Comme s'il la découvrait – et c'était un peu le cas. Elle retourna au milieu de pots de fleurs trop grands et dans lesquels elle aurait facilement pu se mettre en terre et essayer de s'épanouir comme une grosse fleur noire. Mais même en tournant autour du pot pendant de longues secondes à les chercher, aucune des fées ne se montra. À croire qu'elles et leurs ombres pouvaient disparaître purement et simplement.

-Vous avez fait peur aux fées... !

Les joues gonflées par la frustration et les reproches à l'encontre du monsieur diable, elle retourna se planter à côté du paysan aux multiples écorchures. Un chouette laissait de vilaines marques ; Louve s'en souviendrait.
L'homme avait le visage buriné et les traits fatigués. Son regard marron qui ne brillait pas du tout parut avoir un siècle de vie. Il semblait avoir vécu à outrance de trop longues années. Un quotidien devenu un combat perpétuel. Des mots trainants, une voix hésitante... Peut-être qu'entre les deux enfants et le vieil homme, les plus perdus n'étaient pas les plus évidents, où ceux qui le répétaient le plus.

-Ah !

On eut dit qu'il venait d'être piqué par une abeille. Son dos se redressa soudainement et son visage se détendit. Comme si ses travers étaient soudainement finis. Il fit quelques pas dans la direction des deux jeunes, plutôt rapide pour un homme qui paraissait si diminué. Sören tendit d'avantage les bras et repoussa Louve dans son dos, juste au cas où. Autour d'eux, un très léger bruissement d'ailes se fit entendre, comme un murmure d'étourneaux. Personne ne vit rien, mais tous surent que les fées s'étaient enfuies à l'approche du Diable qui ne portait pourtant plus attention du tout à ce qui l'entourait. Il se précipita sur un meuble à l'apparence aussi ancienne et branlante que la tour toute entière et ouvrit un tiroir qui grinça. Il en sortit un livre, aux pages cornées de l'avoir trop ouvert. Il l'étala fébrilement sur une petite table non loin, entre deux ficus fleuris, et le feuilleta. Son regard reprit instantanément des couleurs devant les regards suspicieux des deux jeunes enfants. Quoique celui de Louve était plus curieux qu'autre chose. Elle s'approcha à pas de loup pour regarder de quoi il s'agissait, mais Sören la retint par le bras. Soudainement, l'homme explosa en un cri de joie étrange et referma le livre d'un coup sec et il se détourna sans accorder le moindre regard aux deux enfants plus circonspects qu'auparavant.

Il traça son chemin au travers des divers feuilles et tiges et se précipita sur une dalle noire qui détonnait avec le reste de la pièce et de sous laquelle il sortit une grande pancarte en bois. Il la leva à hauteur d'yeux et lut ce qu'il y avait d'écrit. Sören ne sachant pas lire et Louve ayant des difficultés à déchiffrer les gribouillis, elle eut juste le temps de lire « Pour nourrir... » que l'homme reposa la pancarte. Il continua d'ignorer superbement les jeunes et se précipita à l'autre bout de la salle où il saisit un sceau, une truelle et remplit un arrosoir avec de l'eau. Il entreprit de mettre des grains et de l'engrais – ou du moins ça y ressemblait – dans la majorité des pots qu'il croisa sous le regard moins méfiants mais toujours sceptique de Sören. Aux yeux de Louve, il était déjà devenu beaucoup moins intéressant et elle avait recommencé sa chasse aux œufs, où les œufs avaient des ailes poudrées et des cheveux de paille.

-Vous avez une reine s'il vous plait ? Murmurait-elles aux jeunes pousses et tiges vertes qu'elle effleurait du bout du nez tant elle s'en approchait.

Le diable, lui, continua son petit parcours, arrosant ses fleurs, suivi de près par le jeune viticulteur qui gardait un œil sur lui.

-Vous faîtes quoi ?
-Aaaah ! Qui êtes vous ?
-Et vous vous êtes qui ?
-Moi, c'Quaystion.
-Quelle question ?
-Comment ça ?
-De quelle question vous parlez ?
-J'ai parlé d'une question ?
-Je vous ai demandé qui vous étiez, monsieur.
-Je suis Quaystion, alors arrêtez de m'en posez, garnements ! Et puis d'ailleurs, qu'est-ce que vous faîtes ici ?
-On est venus voir les fées !

L'homme cilla, étonné. Il regarda autour de lui, l'air subitement désemparé.

-Des fées ?

Il fit volte-face et commença à farfouiner entre les pots, à vider des tiroirs, à soulever des planches ou des dalles. Il n'arrêtait pas de murmurer le mot fées en boucle, comme une prière ou une invocation qui les aurait faites apparaître subitement. Le trouvant finalement assez amusant, Louve rit doucement et commença même à l'aider à chercher les fées. Et une nouvelle fois, il brandit une autre pancarte sur laquelle était collée des dizaines de post-it. Et visiblement, il y était écrit des choses formidables. Il éclata de rire et dans un espèce de hurlement guttural qui exprimait sa joie, il brandit les mains au ciel et se secoua à l'image de ces salades qu'on essore en les balançant au-dessus de la fenêtre.

-Les fées existent ! Et... Visiblement... Il faut les attirer avec du millefeuille... et...
-Voler leurs ombres... termina le jeune garçon
-Oui, en effet. Même si je ne sais pas pourquoi je fais ça. Mais c'est mon écriture. Alors je dois le faire. Je suppose.
-Il est bizarre je trouve quand même. T'as vu il a des cornes !
-Mais qu'est-ce que vous faîtes là ?
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