- HIYAAAAAAAAAA !!!
Le jeune sergent m’attaquait de front, les yeux fermés, le corps tout tremblant. Le pauvre craignait vraiment d’avoir à m’affronter. Eh bien eh bien… Etais-je si effrayant que cela… ? Très bonne question. Soupirant donc, je levai les yeux en l’air, tout en évitant son offensive pathétique, avant de lui faire un croc-en-jambe, non sans lui administrer un léger coup sur la nuque. Premier à terre. Un gamin qui manquait cruellement d’entrainement, malgré son courage et sa bonne volonté. Il était après tout celui qui avait osé m’attaquer en premier après quelques minutes d’hésitation de la part de tous mes adversaires. D’ailleurs, ces derniers eurent un mouvement de recul, alors que je leur faisais pourtant signe de venir m’attaquer. L’un d’eux eut également les tripes de s’avancer, là où ses amis reculaient. Il avait enfilé des poings américains et commençaient à sautiller comme un boxeur, l’air sûr de lui, sourire aux lèvres. A en juger par sa mine patibulaire, ce petit devait être un vrai cas dans les rangs. Un futur marin d’élite, il n’y avait pas de doute possible. Sortant ma deuxième main de la poche de pantalon, je lui fis signe de m’attaquer, ce qu’il fit aussitôt. Malheureusement, lui aussi était mauvais puisqu’après trente secondes seulement, je l’avais cloué au sol.
- Quoi… ? Vous avez peur ? Ce n’est qu’un simple entrainement mes agneaux. Vous pouvez venir à plusieurs si vous voulez !
Un simple entrainement ? Non. C’était plus que ça. Chaque année et ce depuis l’an 1618, j’avais pour habitude d’organiser un petit concours qui réunissait les jeunes talents de la marine. Mon but ? Déceler les valeurs fortes qui tiendraient notre faction à l’avenir. Mais depuis que Blacrow Rachel m’avait quitté, je n’avais pas eu ne serait-ce qu’un apprenti qui arriverait à sa cheville. Tous ceux à qui je donnais une chance de m’émerveiller me décevaient ; et cette année n’allait sans doute pas être différente des autres. Aucun de ces jeunes recrues ne me ferait palpiter. A chier, j’vous jure. Un troisième marine vint à moi, mais son corps vola quelques mètres plus loin, après que j’eus simplement dévié le sabre de bois qu’il voulait loger sur l’une de mes épaules. Pitoyable. N’y avait-il pas une perle rare qui me ferait palpiter tout comme l’avait fait Rachel à son plus jeune âge ? N’y avait-il pas un petit digne de confiance à qui je pourrais fièrement transmettre mon savoir ? A croire que non. Car les autres newbies des rangs répétaient les mêmes erreurs que leurs camarades. Ils fonçaient dans le tas, sans réfléchir. Attaquer intelligemment était trop demander apparemment…
- Je vais m’ennuyer à ce rythme. Personne n’a d’amour propre ou quoi ?
Le petit rire qui accompagna cette petite pique, eut tôt fait d’énerver ces jeunes. Ceux qui avaient été battus se relevaient courageusement. Ceux qui n’avaient pas encore eu les couilles de me porter un assaut se réveillaient et se motivaient. De quoi m’arracher un sourire à la fois narquois et intéressé. Bien. Voir de la motivation dans leurs yeux m’enchantait carrément ! Ce pourquoi j’avais daigné dégainer mon sabre en bois pour leur faire face. Ce geste sonna le début d’hostilités un brin intéressant. Malgré l’irritation qu’avait provoquée ma phrase, les jeunes venaient à deux ou à trois et m’obligeaient à me défendre avec mon sabre en bois. L’un d’eux réussit même à m’infliger un maigre coup de pied, ce qui m’arracha une exclamation enchantée. Je voulais des tripes, du courage, de l’ardeur à la tâche et autant dire que j’avais presque été servi. Presque. Puisque cette motivation de leur part ne dura pas vraiment plus d’une demi-heure. La fatigue et le découragement les avaient pitoyablement gagnés, si bien que mes adversaires d’une journée avaient fini au sol. Leur exploit commun se résumait donc à un maigre coup de pied. Déplorable, vraiment. Mais alors que je comptais quitter le vaste dojo dans lequel nous étions, je vis un dernier prétendant. Toujours debout.
Avec un de ces regards qui ne trompaient pas…
- Toi, dis-je en pointant mon sabre en bois vers le jeune homme. Attaque-moi avec tout c’que tu as dans le ventre.