Arrête de la suivre...
Mais il est des choses que je ne peux contrôler. Que je ne veux contrôler. Mes pas, ce soir-là, par exemple. Ils battaient le pavé à un rythme lent et je n'avais pas besoin de penser à leur ballet. Je n'avais besoin de penser à rien. Il faisait poisseux. Il faisait sombre. Il faisait silence. Ou presque. Le métronome plus loin de talons claquant sur les pavés humide m'enseignaient un tempo immanquable. Et sa robe jaune flottant dans les halos lumineux des lampadaires sous lesquels elle passait trop rapidement était le phare qui me guidait aveuglément. Comme un navire. Comme un moucheron sans volonté face à une flamme trop dangereuse pour lui. La nuit m'encerclait. Seule elle était nette au milieu de ce décor sans contours. De cette brume nocturne. Comme un voile. Un putain de voile noir et détrempé. Ma veste collait à mes bras tant l'air de la nuit était humide. Il avait plu toute la soirée et si maintenant le brouillard oppressant avait remplacé l'orage chaud, mes cheveux continuaient à dégouliner sur ma nuque et dans mon dos, sainte cascade Ô combien désagréable sur ma gueule de bois flotté. Un radeau à la dérive... Pas mieux que moi. Pas mieux pour moi. Et ma clope éteinte qui pendait à mes lèvres n'arrangerait rien. J'étais seul comme une cigale en hiver et elle était seule comme le soleil dans son ciel. Hé. 'L'est trop tard pour les poèmes. J'm'en voudrais si je me mettais à chanter. J'dérapai un coup sur la chaussée humide pour un bon électrochoc et me remis à ma marche silencieuse. Comme une putain d'ombre fourbe. Dont l'ombre se fondait aux ruelles sombres qui me murmuraient des horreurs dans un vent sifflant. La tête me tournait, je sentais la nausée me gagner... Je ne savais pas ce qu'elles me racontaient, ces ruelles, mais elles étaient trop nombreuses. J'en avais peur, je crois. Peur de les regarder, peur de les écouter. Alors je ne faisais que les entendre, tâchais de ne pas m'y laisser aller. L'alcool de la soirée remontait, j'me sentais vraiment aussi mal que si j'avais une épée dans la jambe. Je la regardai en louchant. Non non, j'en avais pourtant pas. Pourtant... plus ça allait, plus j'avais de mal à mettre un pied devant l'autre. Plus le temps passait... Hé ! Tu te décides à passer, temps ? J'avais l'impression d'arpenter des kilomètres et il n'était que trois heures du mat'. Tout ça pour suivre les pas d'une gonzesse dont j'avais même pas vu le visage. Juste les jambes d'une déesse dans une robe jaune pâle aux halos des lampadaires à gaz...
Arrête de la suivre.
C'est vrai ça. Pourquoi je la suivais ? Bordel, je devenais tordu à ce point. Je m'imaginais quoi, là ? À quoi ça rimait tout ça ? Je marchais dans la rue aux talons de ce brin de fille comme un rameur aux tambours. Pour juste avoir l'impression d'être bon. Un bougre pas trop mauvais. Pour me racheter. Mon œil. J'étais juste rond comme un moineau. J'avais pas besoin de me trouver des excuses pour agir stupidement. Comme toujours. Un putain d'alcoolique pas capable d'assumer sa soirée arrosée et qu'espérait juste que cette fille aux cheveux courts et à la robe longue se retourne. Pour voir ses yeux, croiser son regard. Et espérer... Je voulais quoi ? De la reconnaissance ? De l'attention ? Elle me tournait le dos et je la suivais, la tête basse et le regard sombre à cause de la nuit et de la bière... qu'aurait-elle pensé de moi si elle m'avait vu. Que penserait-elle de moi si elle remarquait qu'un grand con comme moi la suivait depuis trop longtemps. Elle m'aurait pensé fou. Ou pire. Je ne ressemblais qu'à un putain de psychopathe, dans une rue noire à devoir se forcer pour ne pas entendre ces rues là murmurer des insanités, des horreurs. Alors que tout ce que je voulais, c'était me sentir vivant. J'existais, à la suivre. Je voulais croire que j'étais utile, que j'avais une place, à la suivre. Que j'avais ma place. Une autre, pas celle réservée au comptoir du restau le plus proche ou parmi les putes à espérer y croiser un regard similaire au sien. Hé... je me giflai intérieurement. Où est-ce que je voyais ma place, sérieux ? Sur le pavé froid, le nez au cul de la première blonde qui passa. Et qui croire, alors, hein ?! Celui qui me disait que j'étais fou, un putain de psychopathe en mal d'amour, en surplus de gnôle à l'instinct de violence et d'auto-destruction à trois cent barres au-dessus des normes de sécurité, ou l'autre, tout aussi fou, persuadé qu'il avait sa place dans cette rue qu'il ne sentait pas sereine, au complexe d'Aegis sur-développé et qui, -bordel!- était en train d’accélérer la cadence pour la rattraper au coin de cette rue où elle allait s'aventurer... Hé !
-Braaaak !!!
Je dérapai en m'arrêtant, surpris. Je retirai le pavé mouillé que j'avais sous l’œil et me retournai d'un bloc vers le son dans mon dos. Une tâche bleue, informe, qui gesticulait, affolée. Je réalisai soudain mon problème et plongeai ma main dans la poche de ma chemise pour en retirer mes lunettes que je fixai vivement sur mon nez. La nuit m'apparut tout à coup plus claire, plus nette, plus précise. Et je pus ainsi voir ce... ce Con de Cormoran le nez dans l'caniveau et une patte dans une bouche d'égout. Putain de connard de lui. Depuis quand me suivait-il ? Depuis combien de temps l'avais-je oublié ? Pourquoi cet imbécile avait-il subitement éprouvé le besoin de passer queue par dessus bec juste au moment où j'allais établir le contact ? J'entendais nettement ma partie rationnelle se moquer de ma partie brumeuse et déprimée. Je recrachai mon dépit d'un mollard sur la chaussée et me pliai pour décoincer cet oiseau de malheur de son piège à rats. Mais je le fis résigné et un peu soulagé. Comme s'il m'avait libéré d'un rêve trop prenant. Trop effrayant. Dont je n'aurais pu m'éveiller seul. Je le soulevai en douceur et le reposai sur la route non sans lui flatter le haut du crâne. Autour de nous, la pluie recommençait à tomber. Timidement encore. J'avisai le mégot de clope négligé à mes lèvres et soupirai. Je le balançai dans le caniveau. Pour que les rats apprécient le cancer en plus de la peste. Elle, elle avait tourné le coin de la rue après m'avoir lancé un regard que je n'avais su interpréter. Je m'en voulais. De quoi, je ne savais pas bien, mais je m'en voulais. D'avoir agi stupidement. De ne pas avoir pu agir comme je le voulais. D'avoir laissé passer ma chance, de n'avoir pas pu... la protéger... d'une ville vide... je ne savais pas bien, mais je m'en voulais. Comme toujours en fait. Alors je forçai le Cormoran à détourner le regard et à faire demi-tour. Nous rentrâmes à l'auberge. Je le pensais tout du moins.
-KYAAA*humnmnn
Je tournai les talons sans réfléchir et me précipitai dans la ruelle.
Bordel
Mais il est des choses que je ne peux contrôler. Que je ne veux contrôler. Mes pas, ce soir-là, par exemple. Ils battaient le pavé à un rythme lent et je n'avais pas besoin de penser à leur ballet. Je n'avais besoin de penser à rien. Il faisait poisseux. Il faisait sombre. Il faisait silence. Ou presque. Le métronome plus loin de talons claquant sur les pavés humide m'enseignaient un tempo immanquable. Et sa robe jaune flottant dans les halos lumineux des lampadaires sous lesquels elle passait trop rapidement était le phare qui me guidait aveuglément. Comme un navire. Comme un moucheron sans volonté face à une flamme trop dangereuse pour lui. La nuit m'encerclait. Seule elle était nette au milieu de ce décor sans contours. De cette brume nocturne. Comme un voile. Un putain de voile noir et détrempé. Ma veste collait à mes bras tant l'air de la nuit était humide. Il avait plu toute la soirée et si maintenant le brouillard oppressant avait remplacé l'orage chaud, mes cheveux continuaient à dégouliner sur ma nuque et dans mon dos, sainte cascade Ô combien désagréable sur ma gueule de bois flotté. Un radeau à la dérive... Pas mieux que moi. Pas mieux pour moi. Et ma clope éteinte qui pendait à mes lèvres n'arrangerait rien. J'étais seul comme une cigale en hiver et elle était seule comme le soleil dans son ciel. Hé. 'L'est trop tard pour les poèmes. J'm'en voudrais si je me mettais à chanter. J'dérapai un coup sur la chaussée humide pour un bon électrochoc et me remis à ma marche silencieuse. Comme une putain d'ombre fourbe. Dont l'ombre se fondait aux ruelles sombres qui me murmuraient des horreurs dans un vent sifflant. La tête me tournait, je sentais la nausée me gagner... Je ne savais pas ce qu'elles me racontaient, ces ruelles, mais elles étaient trop nombreuses. J'en avais peur, je crois. Peur de les regarder, peur de les écouter. Alors je ne faisais que les entendre, tâchais de ne pas m'y laisser aller. L'alcool de la soirée remontait, j'me sentais vraiment aussi mal que si j'avais une épée dans la jambe. Je la regardai en louchant. Non non, j'en avais pourtant pas. Pourtant... plus ça allait, plus j'avais de mal à mettre un pied devant l'autre. Plus le temps passait... Hé ! Tu te décides à passer, temps ? J'avais l'impression d'arpenter des kilomètres et il n'était que trois heures du mat'. Tout ça pour suivre les pas d'une gonzesse dont j'avais même pas vu le visage. Juste les jambes d'une déesse dans une robe jaune pâle aux halos des lampadaires à gaz...
Arrête de la suivre.
C'est vrai ça. Pourquoi je la suivais ? Bordel, je devenais tordu à ce point. Je m'imaginais quoi, là ? À quoi ça rimait tout ça ? Je marchais dans la rue aux talons de ce brin de fille comme un rameur aux tambours. Pour juste avoir l'impression d'être bon. Un bougre pas trop mauvais. Pour me racheter. Mon œil. J'étais juste rond comme un moineau. J'avais pas besoin de me trouver des excuses pour agir stupidement. Comme toujours. Un putain d'alcoolique pas capable d'assumer sa soirée arrosée et qu'espérait juste que cette fille aux cheveux courts et à la robe longue se retourne. Pour voir ses yeux, croiser son regard. Et espérer... Je voulais quoi ? De la reconnaissance ? De l'attention ? Elle me tournait le dos et je la suivais, la tête basse et le regard sombre à cause de la nuit et de la bière... qu'aurait-elle pensé de moi si elle m'avait vu. Que penserait-elle de moi si elle remarquait qu'un grand con comme moi la suivait depuis trop longtemps. Elle m'aurait pensé fou. Ou pire. Je ne ressemblais qu'à un putain de psychopathe, dans une rue noire à devoir se forcer pour ne pas entendre ces rues là murmurer des insanités, des horreurs. Alors que tout ce que je voulais, c'était me sentir vivant. J'existais, à la suivre. Je voulais croire que j'étais utile, que j'avais une place, à la suivre. Que j'avais ma place. Une autre, pas celle réservée au comptoir du restau le plus proche ou parmi les putes à espérer y croiser un regard similaire au sien. Hé... je me giflai intérieurement. Où est-ce que je voyais ma place, sérieux ? Sur le pavé froid, le nez au cul de la première blonde qui passa. Et qui croire, alors, hein ?! Celui qui me disait que j'étais fou, un putain de psychopathe en mal d'amour, en surplus de gnôle à l'instinct de violence et d'auto-destruction à trois cent barres au-dessus des normes de sécurité, ou l'autre, tout aussi fou, persuadé qu'il avait sa place dans cette rue qu'il ne sentait pas sereine, au complexe d'Aegis sur-développé et qui, -bordel!- était en train d’accélérer la cadence pour la rattraper au coin de cette rue où elle allait s'aventurer... Hé !
-Braaaak !!!
Je dérapai en m'arrêtant, surpris. Je retirai le pavé mouillé que j'avais sous l’œil et me retournai d'un bloc vers le son dans mon dos. Une tâche bleue, informe, qui gesticulait, affolée. Je réalisai soudain mon problème et plongeai ma main dans la poche de ma chemise pour en retirer mes lunettes que je fixai vivement sur mon nez. La nuit m'apparut tout à coup plus claire, plus nette, plus précise. Et je pus ainsi voir ce... ce Con de Cormoran le nez dans l'caniveau et une patte dans une bouche d'égout. Putain de connard de lui. Depuis quand me suivait-il ? Depuis combien de temps l'avais-je oublié ? Pourquoi cet imbécile avait-il subitement éprouvé le besoin de passer queue par dessus bec juste au moment où j'allais établir le contact ? J'entendais nettement ma partie rationnelle se moquer de ma partie brumeuse et déprimée. Je recrachai mon dépit d'un mollard sur la chaussée et me pliai pour décoincer cet oiseau de malheur de son piège à rats. Mais je le fis résigné et un peu soulagé. Comme s'il m'avait libéré d'un rêve trop prenant. Trop effrayant. Dont je n'aurais pu m'éveiller seul. Je le soulevai en douceur et le reposai sur la route non sans lui flatter le haut du crâne. Autour de nous, la pluie recommençait à tomber. Timidement encore. J'avisai le mégot de clope négligé à mes lèvres et soupirai. Je le balançai dans le caniveau. Pour que les rats apprécient le cancer en plus de la peste. Elle, elle avait tourné le coin de la rue après m'avoir lancé un regard que je n'avais su interpréter. Je m'en voulais. De quoi, je ne savais pas bien, mais je m'en voulais. D'avoir agi stupidement. De ne pas avoir pu agir comme je le voulais. D'avoir laissé passer ma chance, de n'avoir pas pu... la protéger... d'une ville vide... je ne savais pas bien, mais je m'en voulais. Comme toujours en fait. Alors je forçai le Cormoran à détourner le regard et à faire demi-tour. Nous rentrâmes à l'auberge. Je le pensais tout du moins.
-KYAAA*humnmnn
Je tournai les talons sans réfléchir et me précipitai dans la ruelle.
Bordel
Dernière édition par Diele Timberwhite le Lun 12 Aoû 2013 - 21:40, édité 1 fois