" Réfléchir vite, bouger, prendre les bonnes décisions, ne pas douter, attaquer, parer, esquiver, courir, observer, respirer, patienter. Oui, beaucoup de choses doivent être apprises lorsque l'on veut devenir un chasseur de primes qui reste en vie. C'est une profession formidable où tu engrangeras beaucoup d'argent. Mais c'est aussi une vie de solitude, de rejet par une population qui ne te comprends pas nécessairement, qui te crains, voir te déteste. Heureusement je t'ai trouvé, et nous ne sommes plus seuls... Non plus jamais. " |
Je marche. J’avance. Je trébuche. Je trépigne. Ce qu’il est chiant. Oui, lui, Manfred. Il sourit. Il a l’air heureux. Il ne trébuche pas lui. L’endroit est sale. Ça pue le bandit, la mort. Pour nous c’est une odeur commune. Presque notre propre odeur. On est en traque. Je suis moins ravi que mon maitre. On était mieux dans le quartier supérieur. Ça sentait bon là bas. Manfred dit que ça pue le riche. Mouais… Pas le choix de toute façon. Pas de primes, pas de chocolats. Alors on s’enfonce dans la merde, la vraie. Le quartier inférieur. Les zones les plus mal fréquentées, on les connaît bien. C’est notre fond de commerce. Notre établissement à ciel ouvert. On se baisse pour ramasser les primes. Enfin je me baisse, Manfred il tape. Aujourd’hui il a juré que j’allais taper. J’y crois difficilement. Toujours la même histoire, je tape en entrainement, il tape en missions. Du coup je ne tape que Manfred, et c’est pas brillant…
A force de réfléchir on a parcouru du chemin sans que je le vois. J’ai pas dévissé mes mains de mes poches. Nonchalance de l’adolescence y parait. Nonchalance mon cul ! Toujours le même refrain ! Trop jeune, trop faible ! Alors je fais larbin, je regarde les lascars se faire défoncer par Manfred. Une certitude, c’est un vrai chasseur de primes. En kimono sombre, deux sabres à la ceinture, un sabre d’entrainement à l’épaule. La majeure partie du temps on voit pas un vrai sabre sortir du fourreau. Juste une attaque, ou deux et on repart avec les gaillards sur le dos. Enfin je porte, Manfred il tape.
On arrive devant une porte délabrée. On entre. Peu de lumière, une auberge poussiéreuse et des clients affreux. Tous des individus qui feraient peur à leurs mères, ceux là même qu’on refuse de reconnaître même si c’est de la famille. Manfred et moi, on est plutôt propre sur nous alors on ne manque pas de se faire remarquer. Ça se retourne partout pour nous dévisager. Y’en a même quelques uns qui se lèvent pour en savoir plus. Des beaux bébés ouais, muscles saillants, dents manquantes. La panoplie des mecs qu’on veut absolument éviter d’emmerder. Mais pas nous, c’est notre job, notre quotidien. On a besoin d’informations. On recherche les frères Griffs. Des voleurs qu’on pas parier sur la bonne maison. Maintenant ils ont une belle prime sur la tête. Alors les charognards que nous sommes flairent le bon coup. On se précipite. On veut les meilleurs morceaux. Le ton monte, Manfred sourit, les lascars grognent. Nous on est juste là pour poser des questions. Du coup on interroge. Enfin j’interroge, Manfred il tape.
On ressort de l’auberge, ça c’est bien passé. Pour nous toujours. On a un endroit comme cible. Une planque plus loin. Manfred il me regarde, il sourit. Qu’est ce qu’il est pénible quand il est comme ça. On se fait rattraper par d’autres gaillards pas très nets. On se retourne. Moi je reste sur le côté, j’ai le droit de rien faire. Mon maitre il se lance dans une pose ringarde. Il les regarde et il lance les avertissements d’usage.
«Messieurs, vous n’êtes pas de taille.»
Comme d’habitude il choisit mal les mots. Maintenant ça fait encore un groupe qui attaque. J’ai de la chance, ils sont nombreux. Quand c’est comme ça je dois me défendre. C’est bien parce que là Manfred il gueule pas. Y’en à plusieurs qui me foncent dessus. Je décoche un premier coup de poing. Ils esquivent pas très bien. Je cogne les mâchoires et ça vire vite au mélodrame. Sa se fou à genou, c’est désolé de nous avoir importuné. Maintenant on a du sang partout et va falloir nettoyer ça pour être présentables. Enfin je nettoie, Manfred il tape.