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Fundation, big shit and stuff

Le vieux est v'nu m'sortir d'ma bouteille pour des raisons qu'j'en ai encore pas trop idée de quoi il s'agit. Là, pour le moment, j'me contente de l'suivre en hochant la tête à ce qu'il me dit et qu'j'écoute pas. J'ai mal au crâne, l'estomac dans les chaussettes, et j'pense que j'l'aurais envoyé bouler si une bonne balade ne m'aurait pas fait du bien. Faut dire qu'la soirée d'hier a été... Productive. Enfin, pas pour tout l'monde. J'me souviens pas d'tout, juste de trois gonz' et d'deux trous... J'crois qu'c'est l'Kiril qu'a embarqué la troisième... Ou p'tet le blondinet... Bref, un des nouveaux quoi.

"Voilà, on y est."

J'lève les yeux d'mes pensées pour les poser sur c'qui s'dresse devant moi. Une grosse bâtisse, surement pleine d'trous, et d'toiles d'araignées, et d'choses et d'autres aussi. C'est glauque, c'est moche et ça tombe en morceaux. J'aime bien.

"C'était la maison de Patine. Elle te revient de droit maintenant."

"Elle flotte ?"

"Euh... Non..."

"Alors j'peux pas l'embarquer..."

"Ben non! C'est une maison, une bâtisse, une baraque, un truc pour vivre dedans ! Pas pour naviguer !"

Et j'suis censé répondre quoi à ça moi ? Pas b'soin d's'échauffer comme ça, surement la gueule de bois qui le rend grinche. Je hausse les épaules et me retourne. Y'a l'océan tout prêt. L'espèce de manoir est planté au sommet d'une corniche qui surplombe les vagues. C'est dingue comme ça fait cliché. J'ferme les yeux, respire un coup, et j'vais m'mettre à penser ce que j'pourrais en faire. J'ai pas besoin d'un truc pareil moi. Même si j'voulais y vivre ça m'servirait à rien. Trop grand. Inspirer, expirer, penser... Voir.

Y'a plein d'monde sur s't'île mec. Pourquoi tu n'leur laisserais pas ?

Pour qu'ils la foutent en l'air ? Si c'est à moi, j'veux qu'ça serve à un truc bien.

Ben j'garde, y'a des ronds à s'faire ! Y'a plein d'artisans qui cracheraient pas là d'ssus ! R'garde bien.

Perso, j'm'en fout des ronds. J'rouvre les yeux et m'tourne vers l'immense rocher difforme qu'est Dead End. J'l'observe, jusqu'au bout d'son plus p'tit caillou. Je scrute, et j'm'évade d'mon corps pour rien rater. C'est dingue c'te sensation. J'laisse derrière ma gueule de bois, et j'vais voir celle des autres. Tous les gus avachis, qui arrivent pas à se r'lever tellement ça tape. Les deux gonz' qui s'réveillent gentiment pour s'rendre compte qu'elles vont bouffer des vers, et vice versa. J'les aimes bien celles-là. Les bistrotiers qui comptent leur sous, ou bien qui s'arrachent les ch'veux pour les tonn'lets qu'ont disparus sous leur nez. Tous...

On peut le dire, Dead End c'est choppé une belle quillée hier soir.

Et puis j'vois les autres. Les oubliés, les invisibles, ceux qui n'ont rien à faire dans ce monde, mais qui y sont quand même. Y'en a qui trifouillent dans les égouts, à la recherche des pertes de la nuit dans la merde et dans la pisse. Y'en a qui servent de livreurs, de postier, mais il chôment aujourd'hui ceux-là, leurs employeurs sont tous KO. Y'en a qui jouent aux grands, qu'on voulu faire la teuf comme leurs vieux qu'ils n'ont pas. Ceux-là ils ont tous la tête au fond d'un seau. Ok, j'crois qu'j'me suis décidé. J'reviens à mon corps et m'tourne vers le vieux.

"Papy, c'te baraque, elle s'ra pour les gosses."

"Lesquels ?"

"Tous. Tous les gamins d'Dead End. Z'ont pas d'vioques pour s'occuper d'eux. Is z'en trouv'ront ici."

J'entend l'vieux qui grogne. Mais c't'un bon grognement. Il montre qu'il est content. Preuve que j'peux aussi avoir d'bonnes idées des fois, non ?