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Sombre office






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Les grands criminels portent avec eux une espèce de prédestination qui leur fait surmonter tous les obstacles, qui les fait échapper à tous les dangers, jusqu’au moment que la providence, lassée, a marqué pour l’écueil de leur fortune impie.

A.D.

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L’alerte avait été donnée dans le Royaume de Saint-Urea et les passages auprès de la Dame de Pierre s’étaient aggravés. La maitresse de South Blue avait activé tous ses réseaux et déversait sur son territoire autant d’espions et d’informateurs qu’elle le pouvait, c’est à dire à peu près autant que les meilleurs services de renseignements gouvernementaux. Elle dormait peu depuis la tentative d’assassinat manqué et de nombreuses personnes venaient la rencontrer en personne. Il y avait là des paysans aux mains sales mais à l’œil pétillant qui sentaient l’homme de qualité à une lieue, des jeunots aux vêtements amples mais qui ne parvenaient pas à dissimuler parfaitement des formes décidément bien féminines, des vieillards encapuchonnés à l'aspect faiblard mais qui ne se dispensaient pas du port discret d'une épée, et tout ce petit monde formait un ballet incessant devant la porte du cabinet personnel de Stanhope.

Son hôtel particulier était devenu une forteresse et l’on n’eut pas donné la charge de tel bâtiment sans un régiment entier de soldats expérimentés. Rydd était logé depuis quelques jours directement sur place car l’on souffrait trop de perdre une si fine lame de vue. Ainsi le chasseur de primes passait ses journées à attendre entre les espions et les alguazils, de sorte que l’agacement le gagnait de plus en plus. Ainsi il ne manqua de peu, et ce plusieurs fois, que le réputé Tigre Rouge ne raccourcisse quelques militaires qui pensaient être de la même qualité que lui. Finalement Anne en vint à l’introduire ce qui indiquait sans nul doute l’apparition de nouvelles informations. Elle était toute entière absorbée par ces documents mais releva la tête à l’entrée de Rydd et l’invita à s’asseoir devant elle.

« Asseyez vous Mr Steiner, vous méritez bien d’être assis pour notre entretien.
-Merci.
Dit Rydd du ton le plus poli qu’il put.
-Avez vous des informations sur l’assassin ?
-Confiez vous le rassemblement des moutons à autre que le berger ? Et avez-vous oublié que je suis retenu ici bon gré mal gré?
Demanda spirituellement le musculeux chasseur de primes.
-Certes… Et bien, moi j’en dispose d’informations. Notre homme ou plutôt le votre, est au Royaume de Bliss. Un navire vous attend aux docks pour vous conduire, vous prendrez vos informations et vos ordres là bas.
-Parfait. »

Aussitôt Rydd prit la porte en homme dont les habitudes martiales ne le quittaient jamais et qui, au demeurant, faisaient le bonheur de femmes comme Stanhope. Arrivé dans la cour, un groupe de soldats l’invita à prendre place dans un carrosse qui l’emmena directement aux docks. Diantre ! Voilà un homme qui a fortement ennuyé Stanhope pour qu’on soit tout miel avec moi. Songea Rydd tandis qu’il sautait dans le carrosse.

Il fut déposé devant le navire qui devait le conduire et à peine fut il sur le pont que l’ancre fut levée et que l’équipage se mit en branle.


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La traversée se fit sans encombre et Rydd profita largement de la diligence forcée des militaires (qui avaient surement des ordres pour être plus que sympathiques à son endroit).

Fraichement débarqué au Royaume de Bliss, une nouvelle escorte de marines se fit fort de mener directement notre chasseur de primes à destination de ces ordres de mission. Ainsi il fut conduit, non pas directement au QG de la marine, mais à une caserne fort bien entretenue mais également très simple et qui ne présageait rien à l’extérieur. Pourtant une fois entré il était évident que l’endroit était une de ces places secrètes où les grands officiers ou grands conspirateurs, deux races si similaires, adoraient se retrouver pour fomenter quelques mauvais coups. C’est ainsi que Rydd fut présenté à deux officiers assez âgés, pour preuve l’un d’eux ne semblait plus capable de marcher. L’autre ingambe se leva promptement de sa chaise pour accueillir le nouveau venu.

« Tigre, permettez moi de garder l’anonymat, néanmoins sachez que nous sommes, et il désigna également son collègue paralytique du doigt, les correspondants et les obligés de la Dame de Pierre.
-Fort bien, mes ordres ? Demanda Rydd avec la concision requise pour ce genre d’évènements.
-Notre homme est ici, dans les quartiers de la mafia. Et il désigna un cercle rouge sur une carte.
-Toute petite mafia qu’elle soit, elle reste dans ses fonds et est la véritable instigatrice de ce complot. Surenchéri le second officier qui était resté muet jusqu’alors.
-Quoiqu’il en soit, votre objectif n’est pas de régler le problème de crime organisé qui gangrène ce Royaume mais bien d’interpeller l’assassin maladroit de Mme Stanhope.
-Gardez vous bien de le tuer attendu que cet office devra être fait au grand jour afin que l’impact ne soit que plus grand et le message entendu de tous.
-Très bien, pouvez vous donc m’indiquer un moyen rapide d’accéder à notre homme ?
-Mieux que cela nous allons vous détachez une escouade de nos meilleurs hommes qui vous assisterons dans votre tâche et qui vous obéirons comme si vous étiez Kenpachi en personne.
-En ce cas je ne perds pas un instant. Auriez vous quelques informations utiles pour moi ?
-Certes oui. Le bâtiment en question est probablement le plus grand du quartier. Il y a là plusieurs d’étages et vous devrez donc lutter pour parvenir jusqu’à votre homme qui n’aura probablement pas la bonne idée de vous attendre à l’entrée…
-Du reste Mr Steiner, œuvrez comme bon vous semble. Vous êtes ici comme un roi en son palais.
-Parfait !
»

Et tout en s’en allant il songea que la Dame de Pierre devait être fort courroucée mais surtout particulièrement puissante pour étendre son bras si loin et, se faisant, mettre une ombre si terrible qu’un Royaume se plie en quatre dès que vient son justicier.

Arrivé dans la cour un officier se mit aussitôt aux ordres et Rydd s’enquit de la bonne route à emprunter. Tout en allant le chasseur de primes revoyait les deux vieux officiers dont l’un, bien qu’affectant de mirer le fond de son verre, n’était pas parvenu à masquer totalement son inquiétude. Fort de ces réflexions lui même trembla de ne pas réussir sa mission et d’ainsi s'exposer au courroux d’une femme si redoutable.


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Sans s’en rendre compte la petite escouade de marines parvint à l’endroit voulu avec une étonnante rapidité. Devant Rydd se trouvait un bâtiment à la façade fort respectable qui ne semblait pas indiquer qu’il abritait quelconques criminels. L’officier jugea bon d’éteindre le doute dans l’esprit de son supérieur improvisé.

« Il s’agit bien de notre bâtiment. Trois étages, dont on ne sait rien depuis fort longtemps. Une chose certaine notre homme et là, malheureusement pas seul.
-Qu’importe qu’il soit seul ou non, de toute façon je ne sortirai pas d’ici sans avoir mit la main dessus. D’autres sorties ?
-Non que celle-ci.»


Et sans attendre il invita les hommes à avancer. Prenant les devants il envoya un si solide coup de pied dans la porte d’entrée que celle-ci s’envola sur plusieurs mètres. A l’intérieur ce fut cris et hurlements de stupeur tandis qu’un homme en tenue moulante rouge faisait son entrée.

Le rez-de-chaussée accueillait une sorte de tripot clandestin où s’affairaient de nombreux civils. Voyant une vingtaine de marines, fusil à la main, pénétrer dans l’endroit, ils eurent tôt fait de quitter la place par l’unique sortie. Une fois les civils dehors, ne restaient plus que les mafieux.

«Notre homme tirent des rayons soporifiques. Constituez plusieurs groupes et s’il fait mine de bouger les mains faites feu sans sommation. Et gardez cette entrée quoi qu’il en coute.
-Et vous ?
-Moi je m’en vais prendre une revanche bien méritée.»


Déjà les mafieux de l’étage s’élancèrent contre lui. C’était là de la piétaille, juste bonne à assurer l’ordre auprès de civils. Ainsi Rydd ne porta même pas la main à son sabre pour faire son office et quelques coups de poings précis eurent tôt fait d’assommer le premier rempart.

Il emprunta dès lors l’escalier menant au premier des trois étages. Ici se trouvait une grande salle d’entrainement où de nombreuses personnes en costume s’exerçaient. L’assassin bleu était au fond, s’escrimant avec plusieurs adversaires. L’arrivée de Rydd fut plus que remarquée, l’assassin s’exclama de surprise et détala par l’escalier menant à l’étage supérieur non sans alerter toute la population présente. C’est ainsi qu’une bonne quinzaine de mafieux, costume impeccable et lunette sombre, se ruèrent sur lui avec l’intention indiscutable de le faire redescendre rapidement.

Ces hommes étaient plus doués que les précédents, il y avait là quelques gaillards particulièrement forts. Mais le monde n’est pas constitué que de bons et de mauvais combattants. Ainsi Rydd eut l’opportunité de montrer que la puissance pouvait être très contrastée. Ces hommes qui pouvaient probablement se vanter de pouvoir tenir tête à plusieurs combattants n’avaient pas pour autant la capacité de vaincre le Tigre Rouge. Le seul avantage était celui du nombre mais malheureusement même le meilleur banc de poissons finit invariablement par être dévoré par un requin. Il y eut bien quelques moments où les hommes donnèrent du fil à retordre à Rydd, mais ils n’eurent pas le temps de se satisfaire de cet état que déjà ils s’effondraient sur le sol. Il laissa ainsi ce groupe de combattants sur le sol, se tordant de douleur.

Gravissant les marches qui le séparait du second étage Rydd s’arrêta net dès le palier.

«Ah je me disais bien que la chose n’allait pas être si simple…»

Cet étage n’était qu’un couloir, particulièrement long et étroit. Au bout de celui-ci on pouvait constater la présence d’un canon et de plusieurs hommes dont certains armés de fusils. Cet endroit n’avait qu’une vocation, empêcher l’avancée d’un ennemi.

Rydd n’eut pas le temps d’établir un plan de bataille que déjà la bouche du canon fut dissimulée par un nuage de fumée. Quelques secondes plus tard, la façade du bâtiment explosa à l’endroit où le boulet de canon avait explosé. Le traqueur constata les dégâts que venait de laisser le projectile, un trou béant offrait une vue imprenable sur la rue en contre-bas.

« Voilà qu’ils s’offrent des portes de sorties maintenant… Les marines ne servent plus à rien. »

Mais déjà le canon était rechargé et envoyait un nouveau projectile sur Rydd. Celui-ci esquiva en homme trop désireux de se préserver d’une explosion si puissante. Il décida donc d’attendre une nouvelle détonation avant de courir jusqu’à ces ennemis. L’exercice fut fait avec brio puisqu’à peine le boulet passa à hauteur de la tête de notre chasseur de primes que celui-ci se rua en avant pour aller cueillir ses adversaires retors.



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La justesse du récit nous impose de préciser que pendant ce temps là les explosions avaient rameuté un petit groupe de passants ; lesquels furent bientôt grossis par les curieux, et la foule devint plus compacte encore en ce qu’elle ne savait pas pourquoi elle était là. Dès lors la foule se laissa aller à ce qu’elle fait le mieux, la spéculation. Ainsi il ne fallut pas quelques minutes pour que les rumeurs les plus fantasques se propagent dans toute la rue. C’est alors qu’un marine de l’escouade jugea bon de rasséréner la populace en précisant qu’un chasseur de primes bien connu, Le Tigre Rouge, procédait à une interpellation capitale et qu’il était aidé en cela par le fleuron de la marine de Bliss. Ce qui devait être une information visant à amener le calme ne jeta pourtant que l’excitation et le tumulte au sein de la foule. Bientôt la rumeur se répandit comme une trainée de poudre dans les rues et en quelques minutes pas un homme n’ignorait que le chasseur de primes le plus réputé de South Blue faisait escale dans le Royaume de Bliss.

Mais pour l’heure le traqueur n’avait aucune idée de ce qui se tramait au dehors et tâchait d’esquiver boulets de canon et balles de fusils. Alors qu’il était arrivé à presque la hauteur du canon il fut gratifié de ses efforts par un boulet le frappant en plein ventre. L’explosion fut retentissante et endommagea fortement le couloir mais aussi les mafieux qui, trop près de la détonation, avaient été soufflés. Rydd en homme solide se releva sonné mais vivant et trouva en face de lui ces ennemis terrassés par leur propre incompétence.

Il ne put que s’arrêter devant la scène si particulière de canonniers qui venaient, pour ainsi dire, de se tirer dessus.

«Mais où diable la constance va-t-elle se nicher ?»
Marmotta Rydd.

Mais conscient que le temps pressait et surtout avide d’en découdre avec sa cible, il s’élança vers l’étage qu’il savait être le dernier du bâtiment. Si le rez-de-chaussée était un tripot clandestin sans allure, le premier étage une salle d’entrainement sans reliefs et le second un couloir défensif particulièrement mal pensé, le dernier étage était un luxe de raffinement et d’élégance. La pièce était savamment pensée pour accueillir une bonne cinquantaine de personnes sans que cela ne soit jugé ni trop petit, ni trop grand. L’ambiance était chaude grâce à un bois sombre et laqué qui constituait la majeure partie du décor. Le tout était intelligemment rehaussé de poteries de qualité et de tableaux de maitres.

Mais si Rydd s’attendait à voir tout un groupe de mafieux il fut tout surpris de ne voir que l’assassin bleu sabre à la main et demi-sourire sur le visage.

«Je pensais en avoir fini avec toi.
-Grossière erreur que de croire que l’on en finit avec la Dame de Pierre lorsqu’on la rate.
-Il est vrai, j’ai manqué de préparation.

-Soit heureux, dans quelques minutes tu risques de manquer d’autre chose. »


Et en quelques instants il fut sur l’assassin conscient que la rapidité était la clé pour vaincre ce détenteur de fruit du démon. Soudain, Rydd fut prit d’un terrible frisson et, tout en combattant, jeta un regard affolés aux alentours. Il cherchait du regard d’éventuels miroirs, instruments des plus dangereux qui le perdirent déjà précédemment. Il n’en fut rien, la salle semblait totalement dépourvue d’un quelconque dispositif réfléchissant. Aussi put il se livrer de nouveau tout entier à cet affrontement.

L’assassin n’avait pas la possibilité de lâcher son sabre ne serait-ce que d’une main. En effet, le Tigre délivrait des coups si sauvages qu’il fallait la force de deux bras pour ne pas ployer. Le traqué tenta bien un instant de parer d’une main mais il fut puni d’une telle attaque qu’il en tomba à la renverse.

« Une fois que ton secret est connu, tu n’es plus le même adversaire.
-J’aurai du te tuer… »

Et le combat reprit de plus belle, Rydd s'escrimait avec autant de calme et de méthode que s'il eût été dans une salle d'armes. Il changeait régulièrement de gardes, changeait ses appuis et maintenait une pression constante. L’assassin n’était pas en reste et paraît avec fureur tentant d’obtenir une ouverture satisfaisante. Dans la pièce ne résonnait alors que le bruit furieux des lames qui s’entrechoquent et qui soulevaient des myriades d’étincelles rendant la scène de combat moins brutale et plus majestueuse.



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Dans la rue en contrebas la foule était nombreuse et attendait un dénouement comme l’on attend avec impatience la fin d’un numéro comique. Les marines avaient depuis longtemps abandonné l’idée de disperser l'attroupement toujours plus grand et compact. Rien ne laissait penser qu’un combat si serré et si terrible avait lieu à quelques mètres au dessus d’eux. Alors chacun y allait de son pronostic et, ne connaissant pas l’ennemi de Rydd, la presque totalité des paris allaient dans le sens du chasseur de primes. Mais la foule est capricieuse et était toute prête à ovationner un tout autre vainqueur. Car oui, bien que criminel, l’assassin s’il gagnait serait le champion de cœur des gens de rien qui abhorraient tous les Rois et peut être plus encore la sordide Dame de Pierre. Alors que la tension retombait un coup tranchant extraordinaire vint relancer la vigueur populaire au même moment qu’il ouvrait la façade sur plusieurs mètres.

Rydd venait d’acculer son adversaire et n’avait manqué que de peu de l’immobiliser de façon définitive. En effet, il était tellement concentré que la moindre attaque semblait capable de pourfendre le plus solide des alliages. L’assassin commençait d’ailleurs à montrer quelques faiblesses et ne pouvait imaginer que son adversaire n’en soit pas au même stade de détresse physique. Mais Rydd était un de ces hommes aux muscles de fer et aux nerfs puissants qui ne s’écroulent que pour mourir.

Et le combat se poursuivit avec la même intensité malgré l'affaiblissement de l’assassin bleu. Le traqueur voyait qu’il avait affaire avec fort parti et redoubla de vigilance. Il changea, se remit à la tierce, para prime et voyant son adversaire se redresser se fendit pour toucher au but. Au premier sang versé l’assassin montra qu’il était rouge comme tous les autres ; prenant acte de sa défaite il entreprit donc de prendre une nouvelle fois la fuite. Étant placé idéalement du côté de la façade éventrée par un précédent coup de sabre de son Satan, il fit volte-face et prit le parti de sauter. Rydd était sur ses talons et alors qu’il voyait sa cible dans les airs, dégaina un pistolet et tira adroitement dans une de ces jambes.

Ne pouvant parer l’assassin fut atteint sans grande difficulté et, dès lors qu’il n’était plus livré qu’à la pesanteur et avec ça parfaitement déséquilibré, il s’effondra sur le sol dans un bruit sourd. Rydd descendit aussi vite que possible les différents étages pour arriver enfin dans la ruelle où il fut accueillit par des hourras assourdissants. Non loin l’assassin venait d’être mit aux fers et était solidement encadré par l’escouade de la marine afin qu’il ne soit pas livré à la vindicte populaire.

L’officier vint se mettre aux ordres de Rydd.

«Monsieur ?
-Nous rentrons au plus vite voir vos amis ces messieurs les officiers.
-A vos ordres ! »

Et le groupe se déplaça donc vers, non pas cette fois la caserne discrète du début de cette histoire mais le QG central du Royaume de Bliss. L’assassin bien que blessé parvenait à marcher, on lui avait solidement liés les mains et le moindre geste de sa part n’entrainait qu’un solide coup de crosse. La foule nombreuse continua de saluer sur tous le trajet et l’on entendait des « Vive Le Tigre Rouge » « Vive la marine » et « Vive Bliss ».



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Arrivé au QG la foule resta devant la grille sans pouvoir y pénétrer. Rydd s’en vint prendre ses ordres et fut interpellé par le vieillard qui lui avait déjà donné instructions auparavant.

« Félicitations.
-Ce ne fut finalement pas grand-chose.
-Vous êtes néanmoins blessé !
S’inquiéta faussement le militaire.
-Quelque peu, j’ai pris un vilain boulet de canon et plusieurs coups d’épées sans importances.
-Ah bon…
S’étonna l’homme d’entendre que l’on pouvait supporter un tir de canon.
-Mes ordres ?
-Ah ! C’est à dire que c’est délicat…
Affirma penaud l’officier.
-Tiens donc !? Rajouta Rydd qui sentait le mauvais plan venir.
-Il se trouve que Mme Stanhope craint trop que notre homme s’échappe et souhaite l’exécuter dès maintenant.
-Et bien c’est pour le mieux ! Que m’importe qu’il soit sacrifié ici ou là bas.
-C’est que… Monsieur… La Dame de Pierre a expressément demandé que vous vous chargiez de l’exécution. Pour que ce soit un homme de Saint-Urea... Vous comprenez, la symbolique…
-Allons bon que me chantez vous là avec vos rodomontades !
-Et plus encore.
Continua l’officier qui sembla feindre d’avoir entendu les réprobations du Tigre. Elle souhaite que l’exécution se fasse en public et qu’elle soit particulièrement sanglante.
-Je ne suis pas bourreau moi et ne m’y connaît guère. N’avez vous pas un habitant du Royaume de Saint Urea sous la main pour remplir ce lugubre travail ?
-Si fait monsieur ! Mais même ainsi cet homme ne serait connu que de peu de personnes alors que vous êtes vous l’un des premiers homme du Royaume. Et de surcroit, comme vous portez déjà la cagoule, vous ne souffrirez pas de quelconques représailles attendu que personne ne vous connaît sous ce masque.
-Trouvez-vous un autre laquais pour faire cette sale besogne. Pour ma part je refuse catégoriquement de le faire.
Et déjà il quittait la place lorsqu’il fut rattrapé d’une main ferme.
-Monsieur, La Dame de Pierre prévoyant cette réaction m’a fait dire que ce n’était pas un service qu’elle demandait mais bien un ordre qu’elle faisait. Et que si vous doutiez encore de l’importance de cette mission, elle saurait bien vous rappelez qu’un mot d’elle suffirait à vous perdre.
-Bougresse !
S’exclama haineusement Rydd.
-Aussi je me fais fort de réaliser les préparatifs et vous ferez appeler dès que votre présence sera requise.» Et il quitta la place avec un air de supériorité sur le visage.

Rydd quant à lui se dirigea donc vers le QG, hors de lui et peu résolu de faire un massacre. Il chercha un den-den pour communiquer au plus vite avec son maitre. Après quelques minutes, la voix caverneuse de Manfred Tigan se fit entendre.

«Maitre !
-Pas un mot Rydd, je sais ce pour quoi tu m’appelles. Aussi je ne peux que te recommander d’obéir rigoureusement aux ordres de Stanhope. Notre situation n’est pas plus brillante qu’auparavant et si Midas entend parler de nos projets nous aurons tellement de traqueur sur le dos que même Anne ne pourra assurer notre sécurité. Il faut donc se faire d’elle une ami et protectrice acharnée et donc je te conseille fortement de faire ce que tu dois.
-Savez-vous seulement qu’il m’est demandé de procéder à une exécution ? Et plus encore de faire durer le spectacle tel le plus infâme des bourreaux ?
-Et bien personne ne t’a demandé d’y prendre du plaisir ! Fait ton office et garde ta rancœur. Un jour peut être pourras tu faire comme tu l’entends. Pour l’heure tu fais comme tu le dois… »
Et il coupa la communication sans attendre une nouvelle ruade de son protégé.

L’escargophone valsa dans la pièce et Rydd proféra force jurons qui se répercutèrent dans une bonne partie du QG…


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Quelques heures s’écoulèrent avant que l’on vienne chercher le chasseur de primes. Il fut conduit à l’intérieur d’un élégant carrosse jusqu’à une grande place noire de monde. Cette place destinée aux exécutions avait en son centre une gigantesque estrade sur laquelle se trouvait déjà enchainé l’assassin bleu. Il était placé en X sur une table de bois posée à la verticale et n’attendait plus que son bourreau, une expression apeurée sur le visage.

A la vue de Rydd qui montait sur l’estrade ce ne fut que tonnerre d’applaudissements et chaleureuses salutations. Le traqueur lui était perdu dans ses pensées et se jurait en lui même qu’il ne se laisserait plus duper ainsi. Alors le vieil officier qui avait donné ses ordres auparavant prit place à ces côtés et prit la parole d’une voix étonnamment puissante.  

« Aujourd’hui une nouvelle fois la justice triomphe de ces adversaires ! L’assassin bleu qui venait de tenter une sordide attaque contre Anne Stanhope, dirigeante du Royaume de Saint Urea, vient d’être interpelé par l’action conjointe des forces de l’ordre de Bliss et de Rydd Steiner !

C’est lui même qui, porteur de la volonté de la Dame de Pierre, va faire justice à tout South Blue ! »


Et toute la foule plongea dans un profond silence tandis que le vieillard s’approchait de l’oreille de Rydd. « Faites le bien souffrir surtout… »

Rydd réprima une envie de trancher ce vil personnage mais se retint et s’approcha de l’assassin bleu. Il lui parla tout bas de sorte que personne autre que lui ne puisse entendre.

« C’est malheureusement la fin du chemin.
-Il n’est personne qui puisse se soustraire à sa destinée.
-Vous allez devoir souffrir.
-Je tâcherai de faire bonne figure.
-Adieu alors. »


Et Rydd dégaina son sabre ce qui eut pour effet de plonger la foule dans une inquiétude encore plus silencieuse qu’auparavant. Mais alors qu’il s’apprêtait à lui couper les doigts pour faire bonne figure, il lui plongea violemment le sabre dans le cœur ce qui ne lui arracha pas même un hoquet et il fut emporté par la mort sans s’en rendre compte.

La foule resta silencieuse pendant un certain temps avant d’exploser de rires et de cris, car la populace aime toujours voir la mort lorsqu’elle même ne la risque pas. Le vieil officier qui savait que le plan n’avait pas été respecté s’approcha pour réprimander Rydd mais il tomba sur un regard si éloquent qu'il comprit qu’une seule parole pourrait le tuer aussi roide que l’infortuné assassin bleu. Il le laissa donc aller sans rien dire.

Rydd était profondément contrarié et bien que ce ne fût pas la première fois qu’il tuait un homme jamais il ne l’avait fait pour le spectacle. Et même en ayant voulu être des plus expéditifs, le Royaume de Bliss se souviendra encore des années de cette exécution comme l’une des plus mémorable de son histoire. Oui… La foule est capricieuse…

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