Pulupulupulu
-A...Grrrissshhh.. Allo? Grissssh… Ceci est une ligne sécurisée, le message suivant est de la plus haute importance et doit être transmis directement au Contre-amiral Fenyang!... Grissssshhhh…
Grriiiishhh.. Ici le Lieutenant-Colo… Jenkins… Griiiissshhh… Suis en plein désert…. Grissshhh … à une dizaine de kilomètre de Rainbase. Griiishhhh… Griiiissshhh… Ah! Clac!
Voilà, le signal est plus clair cette fois.
Donc, ici le Lieutenant-Colonel Oswald « Double Face » Jenkins. Je suis à l’orée du désert de Rain Base en direction d’Erumalu. Là aura lieu une grande transaction de matériel militaire entre les hommes d’un mafieux reconnu ainsi qu’un détachement révolutionnaire dirigé par Karl « Marx » Houdenlovth. Je demande un appui militaire immédiat pour pouvoir intervenir et empêcher la transaction. Cette dernière aura lieu dans un peu plus de vingt-quatre heures.
Je tenterai de rejoindre Erumalu le plus rapidement à dos de chameau. Mais disons que ma progression a été… quelque peu ralentie…
Et Salem, Lilou s’est probablement fait capturer par Lord Charles Badwin, alias Igor Gargarismov. Je me fais du souci pour elle, mais elle a insisté pour que je stoppe d’abord l’échange avec la Révolution. Il faudra faire quelque chose et ce au plus vite.
Je compte sur toi, Boss.
Fin de transmission.
Clac!
Le Contre-Amiral l'avait fait convoquer. La plupart des officiers étaient partis, si bien qu'il ne pouvait lui même partir prêter main forte à ses hommes. Il présenta l'ordre de mission, s'assurant que Wallace comprenait bien par là qu'il s'agissait d'un test pour lui. Il sentait que Salem ne lui faisait pas encore confiance. Cela viendrait en son temps. Tout de même honoré par l'attention du Contre-Amiral, le monstre s'en alla guilleret. Sa première mission, et pas des moindres ! Ceci signifiait qu'il possédait au moins un peu de la confiance de Fenyang pour cela, certainement à cause du premier entretien qu'il avait eu avec Oswald. D'autant plus qu'il le connaissait un peu mieux à présent, peut-être était-il le meilleur homme pour le retrouver et l'aider du coup. Il s'empara de son trench-coat, enfonça son chapeau sur son crâne. Il filerait un coup de main à Jenkins, c'était la meilleure façon de prouver qu'il en avait dans le pantalon. Il farfouilla dans son bureau, s'empara de sa boîte de pilules, puis se dirigea vers le pont du Léviathan. Les hommes s'écartaient à son passage, on discutait dans les coins et on le montrait du doigt. Peut-être que c'était une des raisons pour lesquelles il avait saisi cette occasion de s'échapper un petit moment de ce navire. Le regard des autres, il était obligé de l'affronter au quotidien, mais il y avait vraiment trop de monde ici. De plus, avec les derniers évènements, la méfiance était de rigueur envers les nouveaux venus, même ceux qui arboraient le symbole de la marine. Le Docteur franchit le pont sous le regard haineux des rares qui osaient encore se trouver sur son chemin, puis il disparut dans la foule de Nahohana. Enfin, disparut ... passa un peu plus inaperçu disons. On put voir un borsalino brun cassé marcher au milieu de la cohue pendant un peu plus d'une minute, avant qu'il ne se perde dans les méandres de la cité.
"Aaaaah, salam, je vous souhaite le bonsoir mon noble ami ! Approchez, approchez, venez plus près !" le harangua un petit homme au turban turgescent.
Le Docteur haussa un sourcil, déclenchant un petit glapissement chez le commerçant qui se réfugia derrière son étal, tremblant à chaque pas du colosse. Il y avait les hommes. Il y avait les hommes poissons. Et il y avait Wallace. Passer inaperçu n'était pas son fort. Il disparut au coin d'une rue, se dirigeant visiblement vers le port. On entendit le fracas d'un corps contre l'eau, puis plus rien. Doté d'une bonne apnée, Wallace n'émergea des flots qu'à bonne distance du port, là où aucun oeil ne pouvait le voir. Puis il se dirigea vers les îles que l'on voyait se distinguer à l'horizon, faisant fi des dangers du delta d'Alabasta. Il regagna ainsi l'autre côté, touchant le sable du désert au nord d'Erumalu. Pourquoi ne pas avoir pris le bac ? Tout simplement pour toutes les raisons invoquées plus tôt, il n'aimait pas se mêler à la foule. Le psychologue agoraphobe. Non, ça allait bien plus loin. Ils ne pouvaient pas comprendre, jugeaient ce qui était différent. Lui savait, connaissait tous ces mécanismes de défense, et ne jurait que par un monde meilleur. Il ferait en sorte de changer les mentalités, c'était pour cela qu'il avait rejoint les rangs de la Marine, après tout. Et qu'il avait passé tant de temps à se cultiver, à améliorer et aiguiser son esprit. Le Docteur émergea sur la plage, comme si cela était normal. Il défit ses affaires, les étendit sur la plage et se roula dans le sable chaud pour réchauffer son corps. Mécanisme animal s'il en était, mais lorsqu'on était un monstre, ce n'était pas ce genre de détail qui faisait la différence.
Il resta là quelques instants, se reposant de la traversée éprouvante des eaux du delta. Ses mains croisées sous sa tête glabre, il se laisser réchauffer par le soleil, bien qu'il fut doté d'un sang chaud. Il aimait la chaleur, son organisme ayant quelques troubles quant à son homéothermie. Alors il lui fallait se requinquer avant de repartir affronter la chaleur pesante des ruines d'Erumalu. D'autant plus que Jenkins avait dit devoir se trouver un chameau. Cela lui laissait une petite marge de temps. Le colosse se releva au bout d'une dizaine de minutes, chassa le sable qui s'était incrusté sur sa peau puis s'empara de ses vêtements, déjà quasiment secs. Il les posa sur son épaule puis reprit son chemin, avec son petit baluchon. Les ruines de l'antique cité se dessinaient déjà au loin. Un sourire affreux se dessina sur le semblant de faciès qu'arborait Wallace, alors qu'il inspirait à fond, soulagé d'arriver aussi vite à destination. Attendez. Le monstre fronça les sourcils. Il ouvrit la bouche, laissa tomber son baluchon. Approchant son museau du sable, il renifla. Il leva la tête se retourna. De nouveau, il aspira une grande goulée d'air, goûtant le climat aride du désert. Oui, il y avait une odeur. Quelque chose de fort et musqué. Autant que dix hommes enfermés dans une cage pendant une semaine. Enfin, c'était ainsi qu'il le percevait. Le Docteur se redressa, regarda autour de lui sans rien voir. Puis il renifla de nouveau. Avait-il été pris en chasse ?
"Qui est-là ?" lâcha-t-il, au hasard.
Silence. Trop de silence. Se préparant à l'assaut d'un prédateur quelconque, le Docteur ouvrit ses mains, mettant en évidence ses griffes. Lorsqu'un cliquetis étrange se fit entendre derrière lui. Il se retourna, et avisa une imposante silhouette masquée, armée d'un fusil de la taille d'une diligence. Un géant ? Ici ?! Pensant au pire, Wallace lui fit un signe de paix, levant ses deux mains. Il ne l'avait pas même vu venir ! Attendez-voir, cette dégaine, il la connaissait. D'autant plus que les mots lâchés par Oswald avaient fait mouche. Révolutionnaire. Marx. Qui n'allait jamais sans Marx ? Lénine. C'était Lénine ? Ah. Bah. Non pas qu'il fut condamné d'avance, mais ce n'était pas si loin de la vérité.
"Depuis quand me suivez-vous, Lénine ?" grommela le Docteur, entre ses dents acérées.
"Da. Je te suis depuis que tu es parrrti, Marrrine." répondit le géant masqué, pointant son canon colossal vers Wallace. "Tu vas me mener à ton petit camarrrade, je n'ai pas le temps de négocier."
Le médecin fronça les sourcils. Il s'était fait avoir bien rapidement. D'autant plus que le géant avait su rester discret tout du long. Ce type était des plus doués qu'il avait pu avoir l'occasion de voir. Cependant, il était aussi l'un des plus ouverts à la discussion parmi la fratrie. Il l'avait lu, il le savait.
"Il est inutile d'en venir là, mon ami. Il existe toujours une solution pacifique. Donnez-moi la possibilité de vous aider, et nous arrangerons cette histoire rapidement. Je suis venu interférer avec les affaires de votre ami Marx, laissez-moi lui parler. Il existe toujours une solution pacifique." répondit Wallace, sans frémir.
"Oui-da. Et tu penses que je vais me fairrre avoirrr parrr tes petits discourrrs ? Je te demande de me rrrévéler où se trrrouves Ossoualdeuh Jenneukinnesseuh. Je veux rrretrouver mon frrrèrrre." trancha-t-il, chargeant son fusil.
Le Docteur déglutit, les mains toujours levées. Une simple histoire de vengeance ? Les Révolutionnaires étaient donc tombés si bas ? Sur Drum, ils avaient largement baissé dans son estime. On pouvait chercher à arranger les choses de l'autre côté, mais là, c'en était trop. Ils devenaient des criminels trop prompts à faire couler le sang. En cela, il voulait les aider, leur faire comprendre que ce n'était pas la bonne solution.
"Une simple vengeance ? Voyons, Lénine. Vous valez mieux que ça. Je pensais que les révolutionnaires étaient des hommes au coeur noble, des hommes qui cherchaient à faire changer les choses. Mais vous ne seriez donc que des bandits ? Des hommes qui échangent des armes contre des vies humaines ? Des hommes qui sont capables se sacrifier des milliers d'innocents pour tuer un mauvais homme ?" commença-t-il, cherchant le regard de ce géant masqué.
Le canon s'approcha un peu plus. Avec un tel calibre, il ne resterait rien de Wallace s'il en prenait un tir à bout portant. Il déglutit de nouveau, tenant bon Lénine. Il ne pouvait faillir, il n'en avait pas le droit. Il était un homme de la Marine, un homme de justice et d'honneur. Ceux-là avait choisi d'abandonner l'honneur pour le profit de la justice. Ou l'inverse. Cela dépendait des individus. Il n'était pas pire adversaire que celui qui était convaincu d'agir pour le bien de tous. Ceux-là n'abdiquaient jamais. Après quelques secondes, le géant releva le canon de son arme. Hésitait-il ou ...
"Il est plus agrrréable et plus utile de fairrre l’expérrrience d’une rrrévolution que d’en écrrrirrre." répondit-il, toisant le Docteur.
Un frisson passa dans l'échine de Wallace. Au moins cet homme ne le condamnait pas directement à cause de son apparence. Il lui fit signe de passer devant lui, de sa main libre. Le monstre se baissa pour ramasser ses affaires, ce qui lui valut de se retrouver avec un canon de la taille d'une maisonnée sur la tempe. Il leva les mains, montra qu'il récupérait seulement ses affaires, puis se releva en les mettant sur son épaule.
"Suis moi. Avant que les scorrrpions ne viennent jouer avec nous. Nous discuterrrons mieux à l'ombrrre des ruines. Nous confrrronterrrons nos idéologies, et en ferrons un colloque en présence de Karrrl, oui il serrra content." conclut-il, poussant Wallace du bout de son canon.
Les deux hommes, pour faire court, se dirigèrent vers les ruines. Le canon de Lénine était toujours prêt à tirer sur le Docteur au premier signe d'agressivité de sa part. Erf. Il était dans de beaux draps. Venu prêter main forte à Oswald, voilà qu'il était entre les mains des révolutionnaires. Mais il allait être introduit auprès de Marx, n'était-ce pas une bonne chose ? Il n'était pas reconnu parmi les siens, cela jouait certainement en sa faveur en cet instant. Ah, il leur montrerait qu'il n'était pas n'importe qui ! Les révolutionnaires comprendraient leurs erreurs, et tout serait résolu sans la moindre goutte de sang. C'était seulement à ce prix qu'il était prêt à se confronter à eux. Malheureusement, Wallace n'était pas aussi dupe. Il farfouilla dans la poche de son pantalon et caressa sa boîte de pilules. Il espérait ne pas avoir à s'en servir, mais pour l'heure, il était plutôt en mauvaise posture ...