C'était encore le chaos à la base de Marie-Joie. Ce genre de chaos frénétique qui montrait toute la limite de la puissance du Gouvernement. A travers la Marine, les bureaucrates voulaient tout diriger, et pour contrer toute menace contestataire, opposaient une volonté de fer à tout savoir, tout connaître, pour agir avant d'avoir à réagir. Ici, aujourd'hui, le Gouvernement avait subi. Il avait pris de plein fouet l'inconnu, l'incompréhension. La machine infernale qui broyait le quotidien venait de hoqueter sur une broutille de pierre, un petit machin qui s'était insinué entre deux rouages. Un détail nommé révolution.
J'étais passée chez moi, mon vrai chez-moi, pour me changer. Fini Jade, je ne pouvais plus endosser ce rôle. Pas alors que je m'apprêtais à retourner le plan de Grand Bob contre la Marine. Mon seul regret immédiat : ne pas pouvoir me débarrasser de cette tignasse noire. Bon, puisque nous allions en expédition punitive, il y avait un intérêt à rester la plus discrète possible. L'espace d'un instant, je fus tentée de regarder dans ma cachette à escargophones, pour apaiser ce tourment dans mes entrailles. Mais alors que j'avais la main tendue, je me repris. Et si j'avais un message urgent ? Comment concilier mes priorités ? Sauver Sisa, ou Mosca de Torcy, ou quel que fut son nom, était un objectif primordial.
Avec un soupir chargé de scrupules, je partis.
Et dans la base, je donnai de la voix, pour me faire entendre au-delà des appels et des cris. La pluie s'était arrêtée, et je décidai d'y voir un bon signe du destin. Ce qui m'était nécessaire pour faire face au gradé qui se présenta après mes demandes autoritaires, et puisque j'avais cru bon de me « la jouer » dans leur cour, il répondit au tac-au-tac en m'interrogeant sur place. Comme si le regard de dizaines d'hommes allait me faire quelque chose. Je m'étonnai de la force que je puisais en moi. Il y a moins d'un an, je n'aurais jamais cru que j'avais en moi autant de... opiniâtreté. Je n'aurais jamais pensé que je pourrais me tenir droite devant un lieutenant-colonel sans avoir à avoir recours à des ruses pour paraître son égale. Là ? J'étais persuadée d'être infiniment plus supérieure en tout que lui.
- « Bon, vous voulez quoi ? J'ai autre chose à faire que m'occuper des agent CP. »
- « Agent Raven-Cooper, Lieutenant-Colonel. Agent assermenté du Cinquième Bureau, détachée auprès d'un agent du Sixième Bureau, qui vous avez du voir dans le bureau de votre supérieur. Un grand type dans le genre costaud. » Parce que, toi, personne te parle. Je l'insultais, sans même craindre sa réaction. « Nous enquêtions sur une cellule révolutionnaire qui opérait ici, à Marie-Joie. Avec potentiellement une infiltration au cœur de la Marine. C'est pour cela que vous n'étiez au courant de rien. Un peu plus tôt cette nuit, un piège a été tendu pour ces révo. Mais apparemment, le traître s'est manifesté et l'attaque s'est retournée contre nous. L'agent du Sixième Bureau a été capturé. Il faut monter rapidement une expédition de sauvetage. »
- « Et pourquoi est-ce que nous obéirions à vos ordres ? Jusque là, vous avez été capables de nous tenir à l'écart ? Pour le résultat que ça a donné ? »
- « La Marine n'était pas tenue à l'écart. Le Lieutenant-Colonel Sisa était notre correspondant. Il est d'ailleurs parti avec une poignée d'hommes à la poursuite des révolutionnaires. »
- « C'est vrai, chef. Je l'ai vu, plutôt, avant l'attaque. » objecta un clampin depuis la foule assemblée autour de nous.
- « Dans ce cas, pourquoi encore réclamer de l'aide ? »
- « Parce que nous n'avons pas de temps à perdre. Imaginez-vous si mon collègue se met à parler ? Il est spécialisé dans la lutte contre la révolution, il connaît le nom des agents infiltrés et des espions. C'est une perte que le Gouvernement ne peut encaisser. Et il est le seul à connaître les suspects pour le rôle de la taupe. De plus, croyez-vous vraiment que ce sont de simples révolutionnaires qui ont réussi à mettre à mal votre défense ? Non, bien sûr que non. » Et hop, un coup de briquette, pour caresser dans le sens du poil. « Le Bunker, ça vous dit quelque chose ? Apparemment, il aurait fait cause commune... »
J'avais lancé ça, comme ça, pour voir si ça allait retomber, et où et comment ça allait retomber. Surprise totale, quand le lieutenant m'attrapa par le bras et me tira un peu à l'écart.
- « Le Bunker, pour de vrai ? »
- « Aucune idée, c'est une information de derrière minute qui m'est arrivée par mes canaux d'informateurs. Ce qui est étrange. Vous savez, les révo, le Bunker... Pas forcément le meilleur mélange. » Encore une fois, je tentais ma chance, en rebondissant sur cette histoire de 'traître'.
- « Le Bunker... C'est un pirate, mais peu primé. Parce qu'on arrive pas à mettre à son crédit la moitié des crimes qu'on suppose être de son cru. Et puis, son mode opératoire. Ça change une fois sur l'autre, et il agit de partout. »
Pas étonnant, si le Chevalier avait endossé son identité.
- « Peut-être une flotte, avec différents capitaines ? Ou alors un coalition de pirates qui agissent sous le même nom ? »
- « Qu'importe. Ce qui nous intéresse, c'est que d'après nos informations, le Bunker s'en prend à des cibles révolutionnaires. »
- « Ah... » Autant dire que ça, ça ne m'arrangeait pas. « J'en conclus que vous ne désirez pas forcément son arrestation ? »
- « Vous plaisantez ? Un pirate qui fait notre boulot, au nez à la barbe de la Marine. On rêverait de lui mettre la main dessus, et de lui poser quelques questions.. » Ah... Autant dire que ça, ça ne m'arrangeait pas du tout, du tout... Encore une fois, j'allais devoir improviser sur le chemin. Finalement, c'était encore ce qui marchait le mieux. J'avais beau tout planifier, il y avait toujours un truc qui allait de travers. Éviter le danger, c'était finalement l'appeler de tous ses vœux.
- « Bien, nous sommes donc d'accord. Une force d'intervention rapide et réduite, pour mettre fin aux agissements de la cellule révolutionnaire et de ce Bunker. »
- « Mon Colonel ? » un soldat nous interpella de loin. « Il y a une troupe d'hommes-poissons à l'entrée, qui dit être ici pour aider la demoiselle. »
- « QUOI ? »
- « Alors, la demoiselle, c'est un Agent, et eux, ce sont mes informateurs, et des citoyens près à faire leur devoirs civiques. Ils viennent avec nous. »
- « Non, mais ne manquait plus que ça !!!? »
- « Ah, c'est vrai, vous n'étiez pas au courant. Les révolutionnaires ont tenté de discréditer les hommes-poissons, pour leur faire porter le chapeau, provoquer une attaque injustifiée sur les Ecailles et les faire passer pour des martyres. En plus bien entendu de faire perdre son temps à la Marine et avoir le temps de filer tranquillement. Donc, j'ai court-circuité ce complot et ils viennent nous aider. »
- « … Je n'aime pas ça, et je ne vous aime pas. Bon, ils sont partis où, vos révo ? »
- « Je n'ai pas à être aimée par un type comme vous. Et qu'est-ce que j'en sais ? Le Bunker, c'est votre rayon non ? »
Nan mais oh.
Je plantais le gars et allait à la rencontre des hommes-poissons. Un regard avec Caïus, et je sus que tout allait bien. Aussi bien que possible, en tous cas.
- « Hum, les gars, à tout hasard. Un navire, genre Conquistador, avec un certain Bunker dessus, ça vous dit ? »
– « Je ne sais pas pour un Bunker, mais on m'a parlé d'un navire isolé plus loin sur Red Line, à l'embouchure de la rivière du Grand Ligneray. » On avait décidément tort de sous-estimer les simples matelots. Ce dernier rougit et bégaya quelque chose sur la tour de contrôle et les rapports météo. Un truc qui ne m'intéressait pas.
- « Bon, ben voilà. Vous voyez, quand on veut, on peut. »
- « Vous... Bon, un bâtiment a été affrété pour vous. L'Exodus, vous connaissez ? »
- « Evitez-moi votre ironie, vous savez très bien que oui. Mon frère se joindra-t-il à notre mission ? »
- « Il a des ordres bien clairs : arrêter le Bunker. A vous la responsabilité de sauver votre coéquipier. Vous et vos... alliés devraient pouvoir faire ça ? »
- « Mais parfaitement. C'est une mission pour les experts, pas pour les amateurs, voyez-vous ? Mon rapport ne manquera pas de mentionner votre aide au combien inestimable... »
J'étais passée chez moi, mon vrai chez-moi, pour me changer. Fini Jade, je ne pouvais plus endosser ce rôle. Pas alors que je m'apprêtais à retourner le plan de Grand Bob contre la Marine. Mon seul regret immédiat : ne pas pouvoir me débarrasser de cette tignasse noire. Bon, puisque nous allions en expédition punitive, il y avait un intérêt à rester la plus discrète possible. L'espace d'un instant, je fus tentée de regarder dans ma cachette à escargophones, pour apaiser ce tourment dans mes entrailles. Mais alors que j'avais la main tendue, je me repris. Et si j'avais un message urgent ? Comment concilier mes priorités ? Sauver Sisa, ou Mosca de Torcy, ou quel que fut son nom, était un objectif primordial.
Avec un soupir chargé de scrupules, je partis.
Et dans la base, je donnai de la voix, pour me faire entendre au-delà des appels et des cris. La pluie s'était arrêtée, et je décidai d'y voir un bon signe du destin. Ce qui m'était nécessaire pour faire face au gradé qui se présenta après mes demandes autoritaires, et puisque j'avais cru bon de me « la jouer » dans leur cour, il répondit au tac-au-tac en m'interrogeant sur place. Comme si le regard de dizaines d'hommes allait me faire quelque chose. Je m'étonnai de la force que je puisais en moi. Il y a moins d'un an, je n'aurais jamais cru que j'avais en moi autant de... opiniâtreté. Je n'aurais jamais pensé que je pourrais me tenir droite devant un lieutenant-colonel sans avoir à avoir recours à des ruses pour paraître son égale. Là ? J'étais persuadée d'être infiniment plus supérieure en tout que lui.
- « Bon, vous voulez quoi ? J'ai autre chose à faire que m'occuper des agent CP. »
- « Agent Raven-Cooper, Lieutenant-Colonel. Agent assermenté du Cinquième Bureau, détachée auprès d'un agent du Sixième Bureau, qui vous avez du voir dans le bureau de votre supérieur. Un grand type dans le genre costaud. » Parce que, toi, personne te parle. Je l'insultais, sans même craindre sa réaction. « Nous enquêtions sur une cellule révolutionnaire qui opérait ici, à Marie-Joie. Avec potentiellement une infiltration au cœur de la Marine. C'est pour cela que vous n'étiez au courant de rien. Un peu plus tôt cette nuit, un piège a été tendu pour ces révo. Mais apparemment, le traître s'est manifesté et l'attaque s'est retournée contre nous. L'agent du Sixième Bureau a été capturé. Il faut monter rapidement une expédition de sauvetage. »
- « Et pourquoi est-ce que nous obéirions à vos ordres ? Jusque là, vous avez été capables de nous tenir à l'écart ? Pour le résultat que ça a donné ? »
- « La Marine n'était pas tenue à l'écart. Le Lieutenant-Colonel Sisa était notre correspondant. Il est d'ailleurs parti avec une poignée d'hommes à la poursuite des révolutionnaires. »
- « C'est vrai, chef. Je l'ai vu, plutôt, avant l'attaque. » objecta un clampin depuis la foule assemblée autour de nous.
- « Dans ce cas, pourquoi encore réclamer de l'aide ? »
- « Parce que nous n'avons pas de temps à perdre. Imaginez-vous si mon collègue se met à parler ? Il est spécialisé dans la lutte contre la révolution, il connaît le nom des agents infiltrés et des espions. C'est une perte que le Gouvernement ne peut encaisser. Et il est le seul à connaître les suspects pour le rôle de la taupe. De plus, croyez-vous vraiment que ce sont de simples révolutionnaires qui ont réussi à mettre à mal votre défense ? Non, bien sûr que non. » Et hop, un coup de briquette, pour caresser dans le sens du poil. « Le Bunker, ça vous dit quelque chose ? Apparemment, il aurait fait cause commune... »
J'avais lancé ça, comme ça, pour voir si ça allait retomber, et où et comment ça allait retomber. Surprise totale, quand le lieutenant m'attrapa par le bras et me tira un peu à l'écart.
- « Le Bunker, pour de vrai ? »
- « Aucune idée, c'est une information de derrière minute qui m'est arrivée par mes canaux d'informateurs. Ce qui est étrange. Vous savez, les révo, le Bunker... Pas forcément le meilleur mélange. » Encore une fois, je tentais ma chance, en rebondissant sur cette histoire de 'traître'.
- « Le Bunker... C'est un pirate, mais peu primé. Parce qu'on arrive pas à mettre à son crédit la moitié des crimes qu'on suppose être de son cru. Et puis, son mode opératoire. Ça change une fois sur l'autre, et il agit de partout. »
Pas étonnant, si le Chevalier avait endossé son identité.
- « Peut-être une flotte, avec différents capitaines ? Ou alors un coalition de pirates qui agissent sous le même nom ? »
- « Qu'importe. Ce qui nous intéresse, c'est que d'après nos informations, le Bunker s'en prend à des cibles révolutionnaires. »
- « Ah... » Autant dire que ça, ça ne m'arrangeait pas. « J'en conclus que vous ne désirez pas forcément son arrestation ? »
- « Vous plaisantez ? Un pirate qui fait notre boulot, au nez à la barbe de la Marine. On rêverait de lui mettre la main dessus, et de lui poser quelques questions.. » Ah... Autant dire que ça, ça ne m'arrangeait pas du tout, du tout... Encore une fois, j'allais devoir improviser sur le chemin. Finalement, c'était encore ce qui marchait le mieux. J'avais beau tout planifier, il y avait toujours un truc qui allait de travers. Éviter le danger, c'était finalement l'appeler de tous ses vœux.
- « Bien, nous sommes donc d'accord. Une force d'intervention rapide et réduite, pour mettre fin aux agissements de la cellule révolutionnaire et de ce Bunker. »
- « Mon Colonel ? » un soldat nous interpella de loin. « Il y a une troupe d'hommes-poissons à l'entrée, qui dit être ici pour aider la demoiselle. »
- « QUOI ? »
- « Alors, la demoiselle, c'est un Agent, et eux, ce sont mes informateurs, et des citoyens près à faire leur devoirs civiques. Ils viennent avec nous. »
- « Non, mais ne manquait plus que ça !!!? »
- « Ah, c'est vrai, vous n'étiez pas au courant. Les révolutionnaires ont tenté de discréditer les hommes-poissons, pour leur faire porter le chapeau, provoquer une attaque injustifiée sur les Ecailles et les faire passer pour des martyres. En plus bien entendu de faire perdre son temps à la Marine et avoir le temps de filer tranquillement. Donc, j'ai court-circuité ce complot et ils viennent nous aider. »
- « … Je n'aime pas ça, et je ne vous aime pas. Bon, ils sont partis où, vos révo ? »
- « Je n'ai pas à être aimée par un type comme vous. Et qu'est-ce que j'en sais ? Le Bunker, c'est votre rayon non ? »
Nan mais oh.
Je plantais le gars et allait à la rencontre des hommes-poissons. Un regard avec Caïus, et je sus que tout allait bien. Aussi bien que possible, en tous cas.
- « Hum, les gars, à tout hasard. Un navire, genre Conquistador, avec un certain Bunker dessus, ça vous dit ? »
– « Je ne sais pas pour un Bunker, mais on m'a parlé d'un navire isolé plus loin sur Red Line, à l'embouchure de la rivière du Grand Ligneray. » On avait décidément tort de sous-estimer les simples matelots. Ce dernier rougit et bégaya quelque chose sur la tour de contrôle et les rapports météo. Un truc qui ne m'intéressait pas.
- « Bon, ben voilà. Vous voyez, quand on veut, on peut. »
- « Vous... Bon, un bâtiment a été affrété pour vous. L'Exodus, vous connaissez ? »
- « Evitez-moi votre ironie, vous savez très bien que oui. Mon frère se joindra-t-il à notre mission ? »
- « Il a des ordres bien clairs : arrêter le Bunker. A vous la responsabilité de sauver votre coéquipier. Vous et vos... alliés devraient pouvoir faire ça ? »
- « Mais parfaitement. C'est une mission pour les experts, pas pour les amateurs, voyez-vous ? Mon rapport ne manquera pas de mentionner votre aide au combien inestimable... »
Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Mar 27 Aoû 2013 - 20:58, édité 1 fois