Il y a le vent sur la plage, il y a les cris des mouettes sur les falaises. Et il y a les ronchonnements du tavernier. Je rumine devant mon verre plein. Je n’y ai pas touché depuis que je suis là. Une première en un an d’alcoolisme et de dépression. Je préfère me laisser envahir par les vapeurs sucrées qui s’en dégagent. Cette odeur me pénètre et je frissonne. Il y a seulement quelques semaines, je me battais aux côtés d’un homme. Oui, un homme. Et pourtant, j’étais réticente à cette idée. Mais la situation était bien trop complexe pour que je puisse m’en sortir seule. Le souvenir qui me restait de cette aventure était l’adrénaline qui m’avait emplie toute entière. Une sensation que je définirais comme la plus agréable au monde. Je ferais n’importe quoi juste pour revivre ça. Le poing du barman s’abattit lourdement sur la table et je sursautai en sortant de mes pensées. Mes yeux bruns se sont relevés sur son visage tordu par la colère. Jeff n’avait pas l’air de bonne humeur aujourd’hui. C’est rare. Il est d’un caractère jovial et enjoué en temps normal. Ses coups de sang se produisent seulement lorsque quelque chose le contrarie sérieusement.
-Maudits pirates… Ils ne font que profiter de la faiblesse de la Marine sur cette île !
-Ils te piquent toujours tes recettes ? Je croyais que la situation s’était arrangée depuis quelque temps…
Forbans des mers. Je ne les connaissais pas bien. On racontait d’eux la cruauté légendaire dont ils faisaient preuve. On disait aussi qu’ils étaient tous à la recherche de trésors fabuleux. Sur Las Camp, c’est la pauvreté fabuleuse qu’ils trouveront. Alors pourquoi continuer à persécuter des boutiquiers déjà endettés ?
Un sabre dans le dos et l’autre posé sur ma cuisse, j’étais la personne qui sortait du décor. Mon accoutrement n’est pas si familier à ces contrées. Etant donné que j’étais originaire du pays de Wa, il y avait de quoi être étonné.
-C’est vrai que je n’en avais pas revu depuis un petit moment mais… D’autres sont arrivés…
Le soupir exaspéré de l’homme me fendit le cœur. J’étais peut-être froide par moments mais je ne restais pas de marbre devant les malheurs des autres ! Cependant, j’ai compris au regard que m’a lancé le tavernier, que moi aussi j’avais ma part de responsabilité dans cette affaire… Gloups. C’est vrai que je promettais tout le temps de payer… Mais ma consommation en tonneaux était bien trop lourde pour ma bourse et la vérité ne sortait pas tout le temps de ma bouche…
-Je payerai bientôt… Ce n’est qu’une question de temps… répondis-je précipitamment.
-Tu me le répètes tout le temps. C’est bien joli les promesses ! Mais moi, j’attends toujours mon dû ! J’ai été généreux pendant un moment. Moi aussi j’ai mes problèmes. Une semaine. Je te laisse une semaine pour me rembourser.
J’ai senti ma gorger se nouer. Je comprenais soudainement ce que ces paroles voulaient dire. Argent, sinon justice. Qui dit justice, dit prison. Et moi, je n’avais pas envie de me retrouver en tôle juste pour une dette trop lourde à porter. J’ai repoussé mon verre. Non-consommation est égale à un remboursement. Mais j’étais trop inquiète, trop chamboulée, pour pouvoir m’enivrer du doux breuvage. Jeff attendait depuis bien trop longtemps.
-Wahaha ! Tu as de l’humour à ce que je vois !
Première fois qu’on me dit que je suis drôle. Est-ce que j’ai une tête à rigoler ? Non. J’ai une tête de dépressive. Et cet imbécile aurait dû le remarquer bien plus tôt. Serrer les poings. Se mordre les lèvres. Mais garder un air impassible et distant. C’est que je me disais. Calme. Rester calme. Ces paroles mentales sont mes pilules contre la colère qui me ronge. Ce moustachu m’échauffait les oreilles. Je ne pouvais que me taire devant ses moqueries. Une femme. Il pensait que je n’étais qu’une femme. Fragile et inoffensive. Tss… Ces machos ! Qu’ils aillent voir chez le tarlapinpin si j’y suis…
Il me fallait trouver un travail qui rapporte. J’avais d’abord pensé à femme de chambre… J’ai fini par abandonner. Mon idéologie est bien trop différente de celle de ce pays. Et je n’étais vraiment pas à la hauteur des tâches domestiques demandées… Bref… Soit je n’étais pas un homme et je ne pouvais m’acquitter de leurs travaux, soit je n’étais pas assez féminine pour faire le ménage… Et voilà que j’étais tombée sur ce comité d’entraide entre chasseurs. Je m’étais prise à imaginer des personnes compréhensives. Mieux valait pour moi d’oublier ce qu’était la rêverie. Avachi sur sa chaise leur « président » avait ouvert des yeux ronds en entendant ma requête. Qu’ils m’aident à attraper un grand pirate. Cette demande entachait mon honneur évidemment, mais j’étais assez réaliste pour savoir que j’étais trop faible pour me confronter à un primé endurci. J’avais besoin d’argent. Et eux, ils me riaient au nez. Tellement charmant et poli.
-C’pas un travail pour les gonzesses, chasseur de primes ! C’est une vocation ! C’est un rêve ! Tes cure-dents ne t’aideront pas à arrêter un pirate ma poule !
Mes yeux se sont étrécis comme ceux d’un chat. Je gardais ma langue de vipère au fond de moi et ne put que foudroyer l’homme d’un air froid. Il allait commencer son baratin. Je n’avais aucune envie de l’écouter. Son rire, la larme qui perlait à son œil et la manière dont il me tournait en ridicule ne me plaisait guère. Alors je suis sortie sans un mot de plus, ignorant les derniers sarcasmes qu’il me lançait.
De retour dans la rue, assise sur un banc, je fixai avec un regard sombre ma bourse. Vide. Le néant complet. Je soupirai en baissant la tête. J’aurais dû m’arrêter bien avant que les dettes ne commencent. L’ivresse avait eu raison de moi. Je suis bonne pour la prison maintenant. Ah, que c’était beau d’être alcoolique…
Une feuille volait non loin de là. Elle tourbillonnait, emportée par les bourrasques de vent, puis, elle glissa doucement sous mes yeux. Je les écarquillai un instant. L’hésitation me prenait. Je n’étais même pas sûre qu’il soit sur l’île en ce moment. Le poids de ma bourse me revint en mémoire et je secouai la tête, fermement décidée à aller jusqu’au bout. Je pris l’avis de recherche en vitesse. J’allais devoir mener ma petite enquête. Et le meilleur endroit où j’allais trouver les informations, c’était le port !
Après avoir traversé la ville ; ce qui est une sacrée trotte si on est une asociale comme moi ; je me retrouvai donc à l’endroit donné, grouillant de son animation habituelle. Les marins, les marchands, et dans les coins reculés de ce lieu, les pirates. On les repérait facilement aux bandes qu’ils formaient au fond du port. Une boule s’était formée dans mon estomac. J’avais… Peur ?... Non. Je ne peux avoir peur… C’est… La chose la plus déshonorante au monde ! Un soupir passa à nouveau sur mes lèvres. Non, décidément, ce n’est pas seule que je pourrais effectuer une chasse digne de ce nom. J’observais les alentours, cherchant la personne qui voudrait bien m’aider dans ma besogne.
-Maudits pirates… Ils ne font que profiter de la faiblesse de la Marine sur cette île !
-Ils te piquent toujours tes recettes ? Je croyais que la situation s’était arrangée depuis quelque temps…
Forbans des mers. Je ne les connaissais pas bien. On racontait d’eux la cruauté légendaire dont ils faisaient preuve. On disait aussi qu’ils étaient tous à la recherche de trésors fabuleux. Sur Las Camp, c’est la pauvreté fabuleuse qu’ils trouveront. Alors pourquoi continuer à persécuter des boutiquiers déjà endettés ?
Un sabre dans le dos et l’autre posé sur ma cuisse, j’étais la personne qui sortait du décor. Mon accoutrement n’est pas si familier à ces contrées. Etant donné que j’étais originaire du pays de Wa, il y avait de quoi être étonné.
-C’est vrai que je n’en avais pas revu depuis un petit moment mais… D’autres sont arrivés…
Le soupir exaspéré de l’homme me fendit le cœur. J’étais peut-être froide par moments mais je ne restais pas de marbre devant les malheurs des autres ! Cependant, j’ai compris au regard que m’a lancé le tavernier, que moi aussi j’avais ma part de responsabilité dans cette affaire… Gloups. C’est vrai que je promettais tout le temps de payer… Mais ma consommation en tonneaux était bien trop lourde pour ma bourse et la vérité ne sortait pas tout le temps de ma bouche…
-Je payerai bientôt… Ce n’est qu’une question de temps… répondis-je précipitamment.
-Tu me le répètes tout le temps. C’est bien joli les promesses ! Mais moi, j’attends toujours mon dû ! J’ai été généreux pendant un moment. Moi aussi j’ai mes problèmes. Une semaine. Je te laisse une semaine pour me rembourser.
J’ai senti ma gorger se nouer. Je comprenais soudainement ce que ces paroles voulaient dire. Argent, sinon justice. Qui dit justice, dit prison. Et moi, je n’avais pas envie de me retrouver en tôle juste pour une dette trop lourde à porter. J’ai repoussé mon verre. Non-consommation est égale à un remboursement. Mais j’étais trop inquiète, trop chamboulée, pour pouvoir m’enivrer du doux breuvage. Jeff attendait depuis bien trop longtemps.
Deux jours plus tard, au Comité d'Entraide des Chasseurs de Primes de Las Camp…
-Wahaha ! Tu as de l’humour à ce que je vois !
Première fois qu’on me dit que je suis drôle. Est-ce que j’ai une tête à rigoler ? Non. J’ai une tête de dépressive. Et cet imbécile aurait dû le remarquer bien plus tôt. Serrer les poings. Se mordre les lèvres. Mais garder un air impassible et distant. C’est que je me disais. Calme. Rester calme. Ces paroles mentales sont mes pilules contre la colère qui me ronge. Ce moustachu m’échauffait les oreilles. Je ne pouvais que me taire devant ses moqueries. Une femme. Il pensait que je n’étais qu’une femme. Fragile et inoffensive. Tss… Ces machos ! Qu’ils aillent voir chez le tarlapinpin si j’y suis…
Il me fallait trouver un travail qui rapporte. J’avais d’abord pensé à femme de chambre… J’ai fini par abandonner. Mon idéologie est bien trop différente de celle de ce pays. Et je n’étais vraiment pas à la hauteur des tâches domestiques demandées… Bref… Soit je n’étais pas un homme et je ne pouvais m’acquitter de leurs travaux, soit je n’étais pas assez féminine pour faire le ménage… Et voilà que j’étais tombée sur ce comité d’entraide entre chasseurs. Je m’étais prise à imaginer des personnes compréhensives. Mieux valait pour moi d’oublier ce qu’était la rêverie. Avachi sur sa chaise leur « président » avait ouvert des yeux ronds en entendant ma requête. Qu’ils m’aident à attraper un grand pirate. Cette demande entachait mon honneur évidemment, mais j’étais assez réaliste pour savoir que j’étais trop faible pour me confronter à un primé endurci. J’avais besoin d’argent. Et eux, ils me riaient au nez. Tellement charmant et poli.
-C’pas un travail pour les gonzesses, chasseur de primes ! C’est une vocation ! C’est un rêve ! Tes cure-dents ne t’aideront pas à arrêter un pirate ma poule !
Mes yeux se sont étrécis comme ceux d’un chat. Je gardais ma langue de vipère au fond de moi et ne put que foudroyer l’homme d’un air froid. Il allait commencer son baratin. Je n’avais aucune envie de l’écouter. Son rire, la larme qui perlait à son œil et la manière dont il me tournait en ridicule ne me plaisait guère. Alors je suis sortie sans un mot de plus, ignorant les derniers sarcasmes qu’il me lançait.
De retour dans la rue, assise sur un banc, je fixai avec un regard sombre ma bourse. Vide. Le néant complet. Je soupirai en baissant la tête. J’aurais dû m’arrêter bien avant que les dettes ne commencent. L’ivresse avait eu raison de moi. Je suis bonne pour la prison maintenant. Ah, que c’était beau d’être alcoolique…
Une feuille volait non loin de là. Elle tourbillonnait, emportée par les bourrasques de vent, puis, elle glissa doucement sous mes yeux. Je les écarquillai un instant. L’hésitation me prenait. Je n’étais même pas sûre qu’il soit sur l’île en ce moment. Le poids de ma bourse me revint en mémoire et je secouai la tête, fermement décidée à aller jusqu’au bout. Je pris l’avis de recherche en vitesse. J’allais devoir mener ma petite enquête. Et le meilleur endroit où j’allais trouver les informations, c’était le port !
Après avoir traversé la ville ; ce qui est une sacrée trotte si on est une asociale comme moi ; je me retrouvai donc à l’endroit donné, grouillant de son animation habituelle. Les marins, les marchands, et dans les coins reculés de ce lieu, les pirates. On les repérait facilement aux bandes qu’ils formaient au fond du port. Une boule s’était formée dans mon estomac. J’avais… Peur ?... Non. Je ne peux avoir peur… C’est… La chose la plus déshonorante au monde ! Un soupir passa à nouveau sur mes lèvres. Non, décidément, ce n’est pas seule que je pourrais effectuer une chasse digne de ce nom. J’observais les alentours, cherchant la personne qui voudrait bien m’aider dans ma besogne.
Dernière édition par Honaka Suzuke le Lun 2 Sep 2013 - 10:56, édité 1 fois