La lame. Rien que la lame. Elle s’élève lentement, jusque atteindre une parallèle parfaite avec le sol. Puis elle s'active férocement. D'abord d'un bond en avant, qui transperce, ensuite une rotation, d'une habile torsion du poignet, qui déchire. Enfin elle s’élève vers le ciel, tranchant tout sur son passage. Je la suis et bondit dans son sillage, passe par dessus un adversaire imaginaire, et une fois derrière lui, d'un coup horizontal, lui tranche la tête propre et net. Celle-ci n'a pas atteint le sol que je me retrouve déjà sur mes appuis, en garde.
-Fiou... »
J'expire profondément, le calme revient peu à peu, et je rouvre les yeux. La salle d'entraînement est vide. Comme chaque fois que j'y viens depuis que je me trouve que QG de West Blue. Personne pour admirer à quel point je suis bon. Que je suis bon, mais que j'en ai marre aussi...
-Lyn', on fait une pause ? »
Le panda-nain, assit en tailleur près de là, médite. Les yeux fermé, il hoche lentement la tête de droite à gauche.
-Allez quoi, ça fait des heures qu'on est là, j'en peux plus. »
L'animal hoche cette fois la tête de haut en bas. L'air de dire : « Si, t'en peux. »
-Mais sérieusement, regarde autour de toi ! Il n'y a personne, tous les marines de la région passent leurs journées à boire et dormir. Pourquoi j'pourrais pas faire pareil ? »
Et merde... Je le sais pourtant, que je devrais la fermer, parfois. Ma femme se redresse d'un coup, me jette un regard courroucé et saute d'un coup sur mon épaule. Je vois venir le taquet, mais elle se trouve à cinq centimètres de mon crâne, difficile d'esquiver. Elle reste agssise là, mais ne me regarde plus, et boude clairement. Fait chier...
-D'accord, d'accord, on s'y remet..., je soupire. Mais si j'crève d'épuisement, ce s'ra ta faute, et tu t'en voudras toute ta vie. »
Soudain plus guillerette, la bestiole se frotte contre ma joue. Sans déconner... L’Épine de West Blue. La célèbre, l’insaisissable... Menée par le bout du nez par une peluche d'une cinquantaine de centimètres. J'vous jure, ce qu'il faut pas faire...
-Bon alors on continue, » je m’apitoie avec dignité.
Je me remets en position, mais la porte de la pièce s'ouvre, et je suis interrompu par Gus'. Gus', c'est un grand gaillard d'une quarantaine d'années, qui commence à s’empâter. Faut dire que le QG de West n'est pas réputé pour sa discipline. Ses cheveux courts, poivres et sel, commencent à fuir son crâne. Ses yeux gris ternes ont le même éclat que celui du type qu'on emmerde royalement. Même son manteau de marine est devenu grisonnant à force de manque d'entretien. Il mâchonne négligemment un cure dent, tout en m’interpellant.
-Hey ! L'nouveau. Y'a l'Chieur qui veut t'voir. Genre maint'nant. »
Celui qu'il nomme amicalement l'Chieur, c'est Yvat Fèrsué. L'adjudant chargé de transmettre les ordres des supérieurs sur toute la base. Un bureaucrate sans la moindre compétence physique, qui a obtenu son grade grâce à l'argent de maman et papa, et qui prend un plaisir malsain à faire bouger toutes les feignasses peuplant les lieux. Bon d'accord, je ne suis pas tendre. Mais l'Ch... hum, Yvat a décidé le jour même où nous nous sommes rencontré qu'il ne m'aimait pas. Je ne vais tout de même pas prendre de gants... Tout le monde m'apprécie. Je ne peux être qu'appréciable. Tout chez moi dégage le type sympa. Je ne vois pas quel est son problème. Bon c'est peut-être aussi parce qu'il n'aime personne. Ou parce que, le jour de mon arrivée, ayant comprit que personne dans la base ne l'appréciait, je lui ai joué un tour, histoire de faire rire les copains, de m'intégrer.
Vous savez, en tant que voleur recherché, ce n'est pas évident d'être dans une base pleine de marines. Vous ne me croirez peut-être pas, car vous connaissez mon calme et mon sang-froid légendaires, mais j'étais un peu nerveux. Du coup, je lui ai piqué son pot à crayon préféré, et l'ai accroché tout en haut du mât du drapeau de la marine, dans la cour. On a tous bien rigolé, à le voir retourner la base pour le retrouver. Et secouer la perche pour le faire tomber. D'accord, j'admets que ce n'était pas bien malin. J'aurais pu trouver beaucoup plus créatif, mais j'étais nerveux, je vous dis. Bref, c'est donc cet homme qui me réclame aujourd'hui. Ce qui ne peut vouloir dire qu'une chose. Une mission. Et merde... Dire que je me plaignais de devoir m'entraîner. Sur mon épaule, les yeux de Lyn' s'embrasent d'excitation. Bordel j'y couperai pas. Il faut dire qu'elle s'ennuie ferme, dans son corps de bestiole. Et qu'elle a hâte de me « tester ». De voir s'il elle m'a bien modelé. Alors que je n'ai pas la moindre envie de risquer ma vie. Une étincelle d'espoir me pousse à demander :
-Le Chieur ? Tu sais pourquoi ?
-Nan, me répond l'autre. Enfin, j'crois qu'il a parlé d't'envoyer au diable... Ou d'te lire une fable... Nan honnêtement, j'sais plus, j'préfère pas t'dire, ça va être une connerie. J'ai pas franch'ment écouté. »
L'étincelle est noyée brutalement par un tsunami de déprime.
-D'accord. Merci Gus'.
-Pas d'prob'. Bon j'vais m'en j'ter une moi... »
Le marine fait demi-tour et s'apprête à partir, puis comme s'il se souvenait soudainement de quelque chose d'important, se retourne et me lance :
-Ah putain, au fait ! Avec les copains on s'est dit qu'si t'arrivais à lui faucher son taille-crayon porte bonheur... T'sais c'lui en forme de licorne rose là...
-Celui où pour tailler le crayon il faut le lui mettre sur le front ?
-Ouais c'lui là ! Bah si t'y arrivais à l'faucher, y'a Tom' qui dit qu'il pourrait le bricoler pour inverser le système.
-Tu veux dire... Tailler le crayon par le...
-C'est exactement c'que j'dis, ouais. »
Il me fait un sourire qui dévoile une mâchoire jaunie, à laquelle il manque trois dents. Je lui retourne un demi sourire espiègle. Bon d'accord, un énorme sourire enchanté. Lyndis est trop excitée à l'idée d'avoir enfin un peu d'action pour me reprendre.
-J'y penserai, Gus', j'y penserai. »
Et le voilà qui s'en va. Je ne tarde pas à le suivre, après avoir rassemblé mes affaires. Pendant le peu de temps que cela prend, un panda surexcité me presse de me dépêcher. Franchement, vivement que je retrouve ce con de Lion Bleu...
* * * * * *
Un peu plus tard, me voilà devant le bureau du Ch... d'Yvat Fèrsué. Dans un couloir tout ce qu'il y a de plus corridoresque, un canapé est installé face à la porte, pour les personnes attendant leur tour. Il n'y a pourtant jamais la queue, pour venir voir Yvat. Il apprécie simplement beaucoup de se faire attendre. Une sorte de complexe d'infériorité, j'imagine. Peut-être qu'en remontant dans son enfance, on trouverait un événement qui expliquerait pourquoi décider de recevoir ses rendez-vous seulement à son heure est si important pour lui. Ou peut-être est-ce une vengeance envers les marines qui lui manquent de respect chaque jour... Mon opinion d'expert pencherait plutôt pour la deuxième solution.
Bref, deux personnes sont là, à attendre. Affalée dans le sofa, Naylha, la tête reposant sur une main, me regarde arriver, l'air fatiguée. Ou normale... Je ne l'ai jamais vu autrement que fatiguée, du coup je me dis que c'est peut-être son expression naturelle. Elle me salue d'un signe de la main dans un bâillement bruyant. Elle a sûrement la flemme de parler. Cette feignasse se débrouille toujours pour esquiver toute corvée et tout entraînement. Elle n'en reste pas moins d'une force redoutable, et peu osent la défier. Je me demande ce qu'elle fait là. En général le Ch... Fèrsué se débrouille pour lui éviter de partir en mission. Il a le béguin pour elle.
A coté, debout adossé contre le mur, se trouve Wonsul. Le regard froid, immobile, silencieux, il ne me jette même pas un coup d’œil. L'attitude parfaite du type mystérieux et ténébreux. Je ne saurais dire pourquoi, mais ça me tape sur les nerfs... C'est un solitaire, qui n'hésite pas à trancher de sa lame tout ce qui est sur son chemin. Civils et collègues compris. S'il n'est pas encore en taule, c'est simplement qu'il ne se débrouille pas trop mal à l'escrime, et progresse rapidement. C'est sans doute la seule personne dans cette base qui, même s'il préfère le faire en extérieur, s'entraîne autant que je le fais. Enfin, que Lyndis me force à le faire. Du coup, la politique pratiquée à son endroit est : « mieux vaut l'avoir avec nous que contre nous. »
-Salut, j'entame. Le Chieur vous a convoqué aussi ?
-Mouais, répond Naylha en mâchant sa phrase. »
Elle n'ajoute pas un mot. Trop d'efforts pour elle j'imagine. Wonsul ne décroche pas une syllabe, ne bouge pas d'un poil.
-Et heu... vous savez pourquoi ? J'insiste.
-Bah un truc à faire, j'crois, bougonne la jeune femme.
-T'as pas réussis à y couper cette fois ? je lui demande dans un sourire éloquent.
-Non, ça commence à faire trop longtemps que j'ai rien foutu. Le Chieur dit qu'il pourra pas m'éviter le renvoi, si je m'esquive encore. »
Je m'amuse qu'elle appelle Yvat par son surnom alors que lui-même n'a d'yeux que pour elle. Wonsul intervient.
-Pourquoi tous nous demander ? Je ne travaille pas en équipe. »
Oh pitié ! Qu'est-ce que c'est cliché ! Ses manières de loup solitaire m'insupportent.
-Tu seras bien content d'avoir une équipe pour te sauver les miches, je réponds, quand tu te retrouveras dans la merde. »
Bon j'admets que c'est un peu hypocrite de ma part. Du temps où je rapinais, je travaillais toujours seul. L'excitation qu'on ressent lors d'un larcin dangereux réussit de ses propres mains, c'est incomparable. Et mes larcins à moi étaient toujours spectaculaires, extrêmement périlleux, mais menés avec brio. Bref, je ne suis pas de très bonne foi, mais ce type m'horripile.
-Parce que tu n'es pas capable de te sauver les miches tout seul, toi ? » il ironise, glacial.
Ok, là c'est la guerre.
-Bien sûr que je peux ! Je suis tout de même l'É... »
Le panda nain sur mon épaule me met un taquet derrière la tête juste à temps.
-Tu es quoi ? J'ai pas bien entendu.
-Je suis Liam O'Connor. Crois moi, tu entendras souvent ce nom, dans les semaines à venir. Et toujours précédé du terme « le Grand ». »
Un sourire narquois déride son faciès de granit.
-C'est ça... Et avec au milieu le mot « couillon », non ? »
Bon alors là, c'est Lyndis qui enrage et s'apprête à se jeter de mon épaule pour lui trancher la carotide avec les dents. Alors que je suis moi-même sur le point de lui renvoyer une réplique bien cinglante et pleine d'esprit, complètement maître de moi.
-Ah ouais ? Bah toi t'es qu'un... »
Mais Naylha nous interrompt de sa voix monocorde.
-Bon les gars, arrêtez votre concours de bites, ça m'fatigue. »
Étrangement, nous nous figeons tous les trois. Elle a beau ne pas s'en réclamer, la jeune femme détient une autorité naturelle. Elle n'a pas bougé d'un iota, mais son air renfrogné nous calme immédiatement.
-Un type se ramène en plus. »
Et effectivement, quelqu'un vient du bout du couloir.
[HRP : Un p'tit peu long, mais c'est de l'intro. Ça sera forcément plus court ensuite.
Note pour Sengoku : Tu peux t'caler ici si tu veux du coup. Sinon tu arriveras quand tu voudras.
Note pour Mr PNJ : Si Sengoku décide d'arriver plus tard, c'peut aussi être Yvat Fèrsué qui est à la bourre et débarque. Tel que je l'imaginais, Naylha et Wonsul sont inclus à la mission en « punition ». Naylah fait jamais rien, Wonsul n'écoute personne et blesse aussi ses collègues et les civils. C'est une sorte d'épreuve pour se racheter en gros. Liam y est parce que le Chieur peut pas le piffer. Surtout depuis l'histoire du pot de crayon... Si tu veux changer tout ça et y mettre tes propres raisons, y'a pas de soucis ! T'as aussi carte blanche avec Liam, son panda, et les autres, fais toi plaisir pour les faire intervenir. Sinon j'te laisse nous introduire dans le bureau et décider de l'objectif de la mission, l'important étant que ce soit de l'infiltration. Ou un truc qui permette de choisir l'infiltration. (Après ça peut foirer au milieu, c'est pas bien grave. ^^)
Voilà, à part ces p'tits points qui sont nécessaires au scénar' que j'ai imaginé, tu pourras intervenir quand tu veux et comme tu veux ! =) Merci de ton temps et de nous prendre en charge. La bise.]