Jude Pomme

Fut un temps où Jude n'était pas encore Jude justement, mais une petite fille nommée Ringo, prénom choisi par sa mère en hommage à son île, Ringo de la Toré exactement, oui, oui, fille de l'officier et du sous-officier de la Marine du même nom. Évidemment vu que ses deux parents n'étaient pas capables de décider lequel des deux allait raccrocher sa carrière pour jouer les parents modèles, ce fut dans les pattes de son chère grand-père que la môme avait atterri. Oui, dès la naissance Jude fut chanceuse, car en effet, sa mère et son père étaient connus pour être des tyrans sans pareil au sein de leur navire, on pouvait dire qu'elle avait ainsi échappé belle en se la coulant tranquille chez son cher retraité de grand-père. Ce dernier étant lui même un ancien de la marine, on peut facilement dire que c'est le sang marin qui coule dans leurs veines, aussi il ne fut pas étonnant que le vieux au fil des âges devenu un poil sénile se décide à définitivement prendre le large une fois lassé de sa vie terrestre.

Alors à dix ans, pendant cette décennie, sa cadette avait eu l'occasion de le voir travailler sur son voilier, bien avant même qu'elle naisse, dans sa cave le vieil homme avait déjà entamé la construction de son navire. Bout à bout, morceau par morceau, un vieux rêve qui le guidait à la fin de ces jours sous le regard attentif d'une enfant qui face à cette passion devait bien vite s'auto gérer. Là encore une chance ! C'est bien à lui que Jude doit son côté débrouillarde et malicieuse, sa grande complicité avec les pommes aussi... En effet sur l'île où il vivait, celle qui avait vu naître son grand-père, arrière-grand-père ou encore sa mère, seul un fruit poussait, le pommier !

Enfin, c'était surtout que rien d'autre n'y avait été planté surtout ! Quoi qu'il en soit, les différentes variétés de pommes régnant sur ce lieu se succédaient au fil des saisons offrant toujours de quoi grignoter entre les repas tardant à venir. Et au menu ? Des pommes bien sûr ! En veux-tu en voilà ! De tout le temps passait là-bas, elle avait eu l'occasion d'apprendre probablement toutes les recettes à base de cette dernière... Du sucré au salé ! Du jus de pomme à l'alcool ! Principale source de revenus annexe de son aïeul, ancien seconde pompe, le sens des affaires, comme la cuisine, ou encore l'art des artifices, curieusement elle se plaisait à coupler le tout, mais c'est une autre histoire. Pour conclure, c'est là que la môme faisait son apprentissage de la vie, le tout bien sûr sous le constat amer de ses parents lors de leurs visites quasi annuelles... Oui, bon, on ne peut pas être partout n'est-ce pas ?

Surtout lorsque comme eux on aspire à monter en grade, à changer d'univers de conditions... Un rêve bien fou qui n'arrivera jamais, encore qu'être officier était déjà bien, mais bon, la nature humaine... Inutile de débattre sur l'ambition des parents, vu que cette histoire est celle de Jude non ? Bah le souci, c'est malheureusement que cette dernière est liée à son tracé actuel... Ce qui nous amène à ce triste jour de printemps et à la quatorzième année de la demoiselle dont nous comptons le récit passé. Presque quinze ans d'attente et dure labeur et enfin la quête d'un vieil homme était finie ! Un bateau sans grande prétention certes, mais magnifique tout de même trônait alors fièrement dans la cave qui l'avait vu naître, d'ailleurs c'était justement cet emplacement là qui poussait la remarque perplexe de la jeune Jude face à son aîné en extase devant sa création...

¤Euh... Papi... Comment tu vas le mettre sur les flots là ?...

Oui, car regardant de long en large, seule une porte de soixante-dix centimètres de large et deux mètres max de hauteur... Comment un voilier de trois de large et six mètres de long pourrait passer par là ?... Ah nous n'avions pas précisé que Papi était artificier dans la marine... Et qu'elle fut sa brillante idée ? Faire exploser le mur de la cave pointant vers la mer pour « libérer » son précieux... Donc de là la falaise explosait et Papi se retrouvait sur les flots prêts à partir à l'aventure comme il l'avait calculé ? Non. Si la môme avait bien fait de remonter amusée en pensant que ce vieux rat plaisantait, le vieux lui aurait mieux fait de ne jamais finir sans bateau... Allez savoir comment il s'était débrouillé, la finalité : Il n'était plus de ce monde, ni lui, ni son bateau, ni la cave et bientôt même plus la maison qui placée au bord de la falaise commençant à s’effriter, allait rejoindre les flots... Et voilà comment en une journée, il ne restait plus rien, mis à part Jude... Enfin, Ringo encore à cette époque.

Triste n'est-ce pas ? N'empêche que la seule chose qu'avait retenu la gamine était le ridicule de l'action de son aïeul, comment un artificier avait-il pu si mal calculé son dosage ?... Pas étonnant qu'il soit resté seconde pompe... Enfin, le bon côté restait qu'il avait effectivement rejoint la mer avec son voilier, bon en morceaux, mais n'allons pas pinailler. Mot pour mot, c'était les arguments « consolants » dont la môme avait usé auprès de sa mère... La même qui est resté choquée depuis ce jour, la même qui a quitté la marine aujourd'hui pour repartir sur son île cultivée des pommes, la même qui comptait « rattraper » le temps perdu et surtout l'éducation, ainsi que garder notre protagoniste auprès d'elle... Raté ! Aussitôt papa rembarqué, la môme avait suivi, tout plutôt que restait coincer dans son coin paumé à nouveau. Le soutien tout ça tout ça ? Ah vous vous ne connaissez pas encore bien Jude pour évoquer une stupidité pareille... Avec elle, comme toute bonne négociatrice se respectant, c'était la règle du donnant/donnant qui s'appliquait eh oui la fille ingrate ne se sentant pas redevable, il ne fallait pas chercher plus loin... Encore qu'elle avait tôt fait de le regretter...

A ses dépens, Ringo avait appris qu'être la fille d'un officier d'un navire était plus quelque chose à cacher quand on est qu'une seconde pompe (comme Papi). Quatre années insupportables sur le même ex-bâtiment que le paternel et cela bien sûr une fois son contrat avec la narine signé, oui seulement à ce moment-là qu'il annonçait sa mutation après avoir bien sûr bien dénoncé la tête blonde comme étant sa fille adorée. Sadisme ou gaffe incalculée ? Faudra lui demander ! Quoi qu'il en soit, pas besoin d'un dessin pour comprendre l'accueil dont la miss a bénéficié... Formation difficile, mais constructive, malicieuse, pas vue, pas prise, le temps lui appris la fourberie et son équipage a su payer sa mauvaise attitude à diverses reprises lors de colique massive inexpliquée les jours de grands rassemblements ou examens... ou encore cette curieuse histoire d’incendie dans les douches parfumées à la pomme... Soit disant, que l'eau au sol aurait pris feu et curieusement certains s'étant perdu à la boire étaient ivre... Ne parlons même pas des pommes « explosives ». Bref. La providence lui a par la suite offert un accès aux cuisines en temps que commis de cuisine, là encore, éternelle incomprise, impossible de faire passer sa passion pour les pommes ! Forcément, Jude ne veut cuisiner que ça. Non, non, elle n'avait jamais été du genre à y mettre du sien...

Après quatre ans compliqués, finalement en poussant à bout le navire la demoiselle avait enfin obtenu une mutation, bien que forcé et pour cette dernière, c'était sous le nom de Jude Pomme qu'elle fut inscrite... Pourquoi ? Bah simplement que son chef cuisto l’appelait comme ça par moquerie et que finalement il en avait oublié son vrai nom, forcément le temps l'avait catalogué si on peut dire et aujourd'hui à dix-neuf ans on lui en donne difficilement seize, parfois ça l'arrange bien... Quoi qu'il en soit, son ambition se porte sur un bâtiment plus « grand », car elle a ouïe dire que son géniteur, ce traître et le mot est bien choisi, serait lui-même toujours en service. Forcément pour en faire baver à Tomato Ketchup (le surnom de son père), il va falloir passer au-dessus ou du moins s'en rapprocher assez pour lui rendre la pareille...

Quoi ça s'arrête là ? Bah oui, vous vous attendiez à quoi ?