Rappel du premier message :
Alors c’était ça.
Alors c’était ça Impel Down.
L’immense porte et le fauteuil tout aussi démesuré se mélangent et les craquements de l’une comme de l’autre en font autant. Puis, presque aussitôt, le silence revient, le vrai silence qui compense le chaos quand il retombe.
Une lumière douce a envahi la nef, une lumière de fin de journée. Non, le rouge qui se levait n’était pas l’aube. Il était le début du crépuscule et maintenant l’horizon est violet. Indigo.
L’horizon… Avec en fond ce tableau sorti de mes souvenirs les plus flous, de mes désirs les plus fous, et devant ce halo gris blanc qui pénètre dans le hall où je reste un instant immobile à récupérer forme humaine, c’est comme si le lieu s’était drapé d’une aura nouvelle pour l’occasion, pour le moment de ma sortie.
Je. Ma. Oubliés les autres, oubliée même Izya. Je n’ai d’yeux que pour ce trou béant là-bas, ici, à vingt pas. Entre les échardes grosses comme des sabres qui pendouillent de chaque côté contre les gonds, le jour.
La nuit, presque. Mais le jour pour moi. L’air, le dehors. L’ailleurs.
Je l’ai fait. J’y suis.
J’avance dans une brume d’extase. Si je m’écoutais, je baiserais le sol à peine franchi le seuil.
Et après tout, je suis tout seul, je n’ai que moi à écouter. La pierre ici a goût de sel malgré sa noirceur.
Les paupières en fente, je me relève et admire le paysage comme si le soleil était au plein zénith. Et à nouveau je souris. Toutes les puissances sont forcément avec moi, sans quoi je serais sorti au plein midi et j’aurais été aveuglé, incapable de voir quoi que ce soit de ce qui m’attendait dehors.
Pas comme en cet instantané parfait où j’ai soudain tellement de volume autour de moi que mon esprit vagabonde par-dessus toute la scène tel un oiseau. Une seule fraction de moment et le voilà qui saisit mon corps décharné et à demi-nu en contrebas. Moi, pauvre hère dont l’allure ferait frémir le plus myope des déshérités de la vie. Chien fou, chien bâtard des fonds de ruelles sordides. Après le sursaut de la remontée, me voici de nouveau comme je suis vraiment : affamé, couvert de puces et presque exténué. Misérable. La pleine lumière et cette vision externe de moi-même me donnent le vertige et je dois remettre genou à terre. Mes oreilles bourdonnent, je sens les tremblements monter et mon équilibre devient instable même ainsi rabaissé.
-C'est ici que ça s'arrête pour vous tous…
Paradoxalement, cette voix qui devrait me faire frémir encore plus me stabilise, comme un point d’ancrage pour mon oreille interne qui s’en saisit comme avec un grappin. Je ne vomis pas, le brouillard se dissipe et je me rappelle. Le jugement, les autres, et surtout cette petite poésie qui résonne et remonte dans l’escalier vers le niveau inférieur où elle a été prononcée par Rimbau. Tetsuda, l’amiral, nous attend.
Lui aussi, complètement oublié.
La luminosité que mes attentes y avaient placée quitte les alentours comme un voile se déchire. Je vois le gris du soir tomber comme il est vraiment. Lourd, pesant, humide et froid. J’avise les mâts des bateaux trop nombreux et leurs voiles qui claquent dans le vent qui se lève, les débris qui jonchent la mer sombre devant, les monceaux de rocaille déplacés à mes pieds par un combat qui se termine à peine, par un combat qui n’était pas le mien. Je sonde de tous mes sens en berne pour chercher qui et pourquoi mais rien ne me touche d’autre que cette aura guerrière et trop fière, plus fière que moi encore. Un amiral, devant nous, là. Maintenant.
Et sans doute celui face auquel mes jeunes années ont le moins de chances de réussir à peser, de réussir à me faire gagner le petit temps supplémentaire dont j’ai besoin pour trouver quoi faire à part me relever comme j’en retrouve à peine l’énergie. Celle-ci, je l’ai puisée dans le cynisme abandonné à l’étage où je me suis découvert une fille. Le rebondissement me paraît bon pour faire appel à cette ultime force qu’est l’ironie.
C’est pour la distribution gratuite que tu es venu, mon garçon ? J’ai bien peur qu’on soit à court, à cette heure.
Alors c’était ça Impel Down.
L’immense porte et le fauteuil tout aussi démesuré se mélangent et les craquements de l’une comme de l’autre en font autant. Puis, presque aussitôt, le silence revient, le vrai silence qui compense le chaos quand il retombe.
Une lumière douce a envahi la nef, une lumière de fin de journée. Non, le rouge qui se levait n’était pas l’aube. Il était le début du crépuscule et maintenant l’horizon est violet. Indigo.
L’horizon… Avec en fond ce tableau sorti de mes souvenirs les plus flous, de mes désirs les plus fous, et devant ce halo gris blanc qui pénètre dans le hall où je reste un instant immobile à récupérer forme humaine, c’est comme si le lieu s’était drapé d’une aura nouvelle pour l’occasion, pour le moment de ma sortie.
Je. Ma. Oubliés les autres, oubliée même Izya. Je n’ai d’yeux que pour ce trou béant là-bas, ici, à vingt pas. Entre les échardes grosses comme des sabres qui pendouillent de chaque côté contre les gonds, le jour.
La nuit, presque. Mais le jour pour moi. L’air, le dehors. L’ailleurs.
Je l’ai fait. J’y suis.
J’avance dans une brume d’extase. Si je m’écoutais, je baiserais le sol à peine franchi le seuil.
Et après tout, je suis tout seul, je n’ai que moi à écouter. La pierre ici a goût de sel malgré sa noirceur.
Les paupières en fente, je me relève et admire le paysage comme si le soleil était au plein zénith. Et à nouveau je souris. Toutes les puissances sont forcément avec moi, sans quoi je serais sorti au plein midi et j’aurais été aveuglé, incapable de voir quoi que ce soit de ce qui m’attendait dehors.
Pas comme en cet instantané parfait où j’ai soudain tellement de volume autour de moi que mon esprit vagabonde par-dessus toute la scène tel un oiseau. Une seule fraction de moment et le voilà qui saisit mon corps décharné et à demi-nu en contrebas. Moi, pauvre hère dont l’allure ferait frémir le plus myope des déshérités de la vie. Chien fou, chien bâtard des fonds de ruelles sordides. Après le sursaut de la remontée, me voici de nouveau comme je suis vraiment : affamé, couvert de puces et presque exténué. Misérable. La pleine lumière et cette vision externe de moi-même me donnent le vertige et je dois remettre genou à terre. Mes oreilles bourdonnent, je sens les tremblements monter et mon équilibre devient instable même ainsi rabaissé.
-C'est ici que ça s'arrête pour vous tous…
Paradoxalement, cette voix qui devrait me faire frémir encore plus me stabilise, comme un point d’ancrage pour mon oreille interne qui s’en saisit comme avec un grappin. Je ne vomis pas, le brouillard se dissipe et je me rappelle. Le jugement, les autres, et surtout cette petite poésie qui résonne et remonte dans l’escalier vers le niveau inférieur où elle a été prononcée par Rimbau. Tetsuda, l’amiral, nous attend.
Lui aussi, complètement oublié.
La luminosité que mes attentes y avaient placée quitte les alentours comme un voile se déchire. Je vois le gris du soir tomber comme il est vraiment. Lourd, pesant, humide et froid. J’avise les mâts des bateaux trop nombreux et leurs voiles qui claquent dans le vent qui se lève, les débris qui jonchent la mer sombre devant, les monceaux de rocaille déplacés à mes pieds par un combat qui se termine à peine, par un combat qui n’était pas le mien. Je sonde de tous mes sens en berne pour chercher qui et pourquoi mais rien ne me touche d’autre que cette aura guerrière et trop fière, plus fière que moi encore. Un amiral, devant nous, là. Maintenant.
Et sans doute celui face auquel mes jeunes années ont le moins de chances de réussir à peser, de réussir à me faire gagner le petit temps supplémentaire dont j’ai besoin pour trouver quoi faire à part me relever comme j’en retrouve à peine l’énergie. Celle-ci, je l’ai puisée dans le cynisme abandonné à l’étage où je me suis découvert une fille. Le rebondissement me paraît bon pour faire appel à cette ultime force qu’est l’ironie.
C’est pour la distribution gratuite que tu es venu, mon garçon ? J’ai bien peur qu’on soit à court, à cette heure.