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La mort venue du ciel

Shimotsuki, début d’après-midi.

L’ambiance n’était pas au beau fixe dans la maison. Gon porta à ses lèvres le bol de soupe miso et la dégusta en silence. Les enfants jouaient dans le jardin avec les autres enfants de l’île. Mila, sa femme, ne parvenait pas à comprendre. Ils s’étaient disputés dans la matinée et la tension était encore palpable. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi il devait partir et la laisser alors que tout ce qui l’attendait dehors, c’était la mort. Le monde extérieur était rempli de monstres, certains à forme humaine, d’autres à forme animale. Mais discuter était peine perdue. On ne va pas à l’encontre de son destin.

-Mila, essaye de comprendre. Chaque jour, le journal m’apporte des nouvelles de plus en plus désastreuses. Les pirates, les révolutionnaires, le gouvernement… Ils sont tous pourris jusqu’à la moelle. Et cela s’étend, comme une gangrène. Je me dois d’endosser la tâche ingrate de l’amputeur qui sauve l’humanité avant que cette corruption ne pourrisse le monde entier et n’arrive jusqu’à chez nous.
-Mais pourquoi toi ? Pourquoi ne restes-tu pas tranquillement ici, loin de tout cela ? On vivrait heureux.
-Je ne peux pas. C’est à moi de le faire, je le sais. Personne ne le pourrait.

Il prit une nouvelle gorgée et posa son bol, vide. Aujourd’hui, il avait décidé de franchir la seconde étape de son initiation parmi les maîtres kendoka. Il avait déjà réussi à vaincre maître Hadoc trois jours plus tôt et il devait encore remporter cinq victoires avant de pouvoir être considéré comme le digne représentant de Shimotsuki. Lors d’une réunion, les maîtres lui avaient promis de lui remettre le meitou Firmament s’il parvenait à montrer sa supériorité sur tous les professeurs de kendo.

Il se leva et ramassa ses deux sabres avant de les positionner dans son dos grâce à une sangle. Une bise sur le front de sa femme lui permit de remarquer qu’une larme coulait sur sa joue.



Je m’en suis bien sorti face à la technique du sabre de bois de maître Hadoc, mais je ne dois surtout pas me reposer sur mes lauriers. Je ne suis pas encore prêt à affronter la technique à trois lames de maître Musashi ou la technique à quatre lames de maître Jubei. Je pense qu’en savoir un petit peu plus sur la technique des poignards volants pourrait m’être très utile pour mon expérience personnelle.

Sa méthode de combat est très particulière mais n’est pas réellement très dangereuse. Il s’agit plus d’une aide lorsque l’on maîtrise déjà un style de kendo. Je ne devrais pas avoir trop de mal à vaincre maître Hanzo, mais je vais tenter de faire durer le combat au maximum pour pouvoir étudier sa façon de faire.



L’accord qui avait été passé entre les professeurs et Gon devait être gardé complètement secret, mais le sabreur soupçonnait quelques fuites. Il marchait à travers les habitations et plusieurs regards se tournaient vers lui lorsqu’il passait. Habituellement, les gens le saluaient mais cette fois il sentait quelque chose de différent chez certains. C’était étrange. Sans trop y faire attention, le sabreur toqua à plusieurs reprises à la porte du dojo des poignards volants. N’entendant pas de réponse, il se permit d’ouvrir la porte pour vérifier que le maître était bien présent.

Quelle surprise cela fut lorsqu’il pénétra dans le dojo ! Les murs de bois étaient totalement dévastés, le sol était jonché de copeaux et les tatamis étaient éventrés. Incroyable ! Qu’est ce qui avait bien pu se passer ici pour qu’un désordre pareil règne ? Gon n’eut pas beaucoup de temps pour s’interroger sur la question car ses pensées furent interrompues par un poignard qui se planta juste devant ses yeux. Immobile, choqué, le sabreur apprenti tourna lentement la tête vers la lame. Elle venait de s’incruster dans une poutre verticale de la porte d’entrée. L’arme se mit à vibrer, de plus en plus fort jusqu’à se décrocher toute seule et repartir d’où elle était venue. Le jeune Blacknife suivit le mouvement des yeux et son regard se posa sur maître Hanzo qui réceptionnait le poignard calmement au creux de sa main.

-Bonjour Gon. Je n’attendais pas ta venue aussi tôt. C’est donc moi que tu es venu défier. Ce sera un grand plaisir pour moi que de t‘affronter. Et un plaisir plus grand encore si tu parviens à me vaincre. Veux-tu du thé ?
-Du thé ? Heu non. Non merci.
-Je dois prévenir les autres maîtres pour qu’ils assistent au combat. Tu devrais t’installer confortablement en les attendant. Je finirai mon entraînement pendant ce temps.
-Bien. En ce cas, je prendrais bien une tasse de thé. Je vous remercie.

Gon s’installa en tailleur sur le coté de l’ère de combat et sirota son thé en observant le maître. Sa technique de combat était extrêmement particulière. Il lançait des poignards et ceux-ci lui revenaient. Irrémédiablement. Encore et toujours.



C’est très ingénieux… Hanzo-sensei à un aimant très puissant au creux de chaque main ce qui lui permet de récupérer les sabres qu’il lance. Ainsi, il peut à tout moment avoir un style de combat au corps à corps ou à distance en fonction de ses besoins. Je l’ai peut-être sous-estimé finalement. Il va falloir que je sois très prudent. Les distances de sécurité ne comptent plus avec ce genre d’adversaires.

Ce que je me demande, c’est pourquoi il me laisse assister à sa séance d’entraînement ? En faisant cela, il me permet de voir sa technique, de la comprendre et d’y trouver une parade. Peut-être veut-il me donner le plus de possibilités pour remporter ce duel. Ou peut-être cherche-t-il à m’impressionner. En tout cas, sa technique est très intéressante. Il se peut que je l’utilise plus tard.


Dernière édition par Gon Blacknife le Ven 13 Sep 2013 - 17:50, édité 1 fois
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Le maître avait allumé un grand feu au dessus du toit du dojo. Ce système de communication entre des points éloignés pouvaient sembler primitifs depuis l‘arrivée des Den Den Mushi mais il s’agissait également d’une tradition. Et on ne peut rien contre les traditions. A l’origine les feux prévenaient d’une attaque, d’une urgence. De nos jours, ils servaient simplement d’invitation aux autres. D’ailleurs les autres maîtres furent tous réunis en moins d’une heure. Beaucoup furent surpris d’apprendre que Gon avait décidé d’affronter maître Hanzo directement après Hadoc. La logique voudrait qu’on élimine les adversaires par ordre croissant de puissance. Or, Hanzo-sensei avait toujours battu maître Chun, le professeur de l’école du sabre à une lame. Mais Gon faisait ses propres choix et personne n’avait à lui dicter la façon d’appréhender son épreuve. Ils s’installèrent donc en silence autour de l’arène centrale, tout en prenant bien garde de préserver une bonne distance entre eux et les combattants.

Ils connaissaient tous parfaitement le style de combat des poignards volants et personne ne tenait à se trouver trop près lorsque les lames commenceraient à voler. Maître Musashi ne put retenir un signe d’agacement lorsqu’il s’installa pour la troisième fois sur un gros copeau de bois qui lui rendait la position à genoux très inconfortable. Mais il parvint à trouver une position et ne fit pas de commentaires, même si son regard était très expressif sur son opinion vis-à-vis de l’état de délabrement du dojo.



Bon, visiblement tout le monde est là. Alors qu’est ce qu’on attend encore ? Pourquoi personne ne bouge ? Ah merde, il faut que je m’asseye moi aussi ! Voilà, comme ça ? Oui, visiblement c’était ça vu que maître Honda se lève. Maître Hadoc est venu lui aussi, mais il porte un brassard noir, signe qu’il a été déjà été vaincu. D’ici peu de temps, ils porteront tous ce brassard, héhé. Enfin, je l’espère, j’ai toujours de l’appréhension à affronter maître Jubei. Il a tout de même quatre sabres. Je sais bien que cela ne fait pas tout mais tout de même… Ha, on dirait que ça commence.



Honda-sensei s’était levé et avait réajusté son kimono. Il toussa un moment et ouvrit les bras pour prendre la parole.

-Gon, je pense me faire la voix de tous en disant que ton choix nous a surpris. Décider d’entrée de jeu de défier l’école des poignards volants, c’est très courageux. Aujourd’hui les lames seront vraies et le danger réel. Mais tu as fait forte impression lors de ton duel avec maître Hadoc, tu as donc notre feu vert à tous. Que l’honneur soit de mise, messieurs.

Alors qu’il se rasseyait, Gon et maître Hanzo se levèrent simultanément. Leurs regards se croisèrent sans laisser transparaître la moindre émotion. Gon avait bien appris de son précédent duel. Il apprendrait probablement beaucoup également de celui-ci. Les deux sabreurs se placèrent au centre de l’arène, face à face. Les sabres sortirent de leurs fourreaux, les pieds se positionnèrent et les têtes se levèrent. Puis, plus un bruit, plus un mouvement, plus un clignement d’yeux. Et soudain, le gong se mit à résonner…

En un clignement de paupières, Gon était déjà sur maître Hanzo. Il tenait absolument à réduire au maximum la distance de combat pour ne jamais être défavorisé face aux techniques à distance de son adversaire. Les deux petits poignards du professeur avaient une lame très légèrement courbée de telle sorte que les sabres de l’élève glissaient le long des lames pour aller se bloquer au niveau de la garde. Il ne fallut pas beaucoup d’échanges pour que Gon ne le remarque et change de stratégie. Au lieu de frapper fort, il se mit à frapper vite. Des petites pointes rapides à des endroits précis. Mais le sensei n’en était pas à son premier combat et ses mouvements étaient assurés.

-Technique du sabre de plomb. Kiai !

La technique de son école, celle que lui avait appris maître Honda, était son meilleur atout. En se concentrant, il pouvait augmenter le poids de son sabre momentanément. En l’augmentant juste avant de toucher sa cible, la force de l’impact est multipliée. Et savoir rendre son sabre léger ou lourd au bon moment, Gon s’y était entraîné toute sa vie. Il maîtrisait cela à la perfection. A cet instant, le duel prit un tournant en direction du jeune bretteur. L’ancien avait bien du mal à supporter la force des assauts du disciple d’Honda.



C’est bien, j’ai un bon rythme ! Si je continue comme ça, il va finir par se fatiguer et m’offrir une faille dans sa défense. Il ne faut surtout pas que je relâche l’offensive, sinon il pourra utiliser ses couteaux pour me les lancer. Regardez maître, votre technique est la meilleure, j’espère que vous êtes fier de moi. Il n’a plus aucune chance à présent ! Hey ! Mais où il va ! Merde, l’enfoiré !



Hanzo sensei avait réussi à profiter d’une demi seconde de battement pour se baisser et rouler vers l’avant afin de se retrouver derrière Gon. Relevant la tête immédiatement, il balança son poignard dans le dos du bretteur à deux sabres qui se retourna juste à temps pour chasser le projectile d’un coup de lame. L’arme vola dans les airs et retourna immédiatement vers son lanceur. Dés réception, le sensei en lança un nouveau, immédiatement suivit du second couteau. Gon esquiva le premier avec grâce et se prépara à réceptionner le second qui le suivit de quelques instants. Alors qu’il se satisfaisait de son contre, il sentit une violente douleur à l’aine du coté droit. Il vit alors le premier couteau que le professeur avait lancé revenir en sens inverse pour aller se réceptionner dans sa paume.

-Tu ne prends pas le temps de réfléchir Gon. Tu savais pourtant qu’ils revenaient vers moi. Tu m’as vu à l’entraînement.
-Je ne me ferais plus avoir comptez là-dessus !

Vexé, Gon se remit à charger son adversaire, mais celui-ci l’assaillait de projectiles tranchants sans arrêt et il devait en permanence essayer de garder les deux poignards dans son champ de vision. C’était très fatiguant psychologiquement. Après plusieurs minutes, il parvint à réduire l’espace entre eux deux pour pouvoir l’atteindre de ses deux sabres.


Dernière édition par Gon Blacknife le Ven 13 Sep 2013 - 18:49, édité 1 fois
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Les deux combattants se permirent une pause officieuse pour souffler un coup. Cela faisait plus de quinze minutes que les coups pleuvaient sans discontinuer et l’endurance était mise à mal dans les deux camps. Gon sentait les muscles de ses bras le brûler comme rarement et il savait que le vieux qu’il affrontait ne se sentait pas mieux. Comment ce vieillard pouvait-il encaisser ses assauts de plomb aussi longtemps sans craquer ? Même s’il était un grand praticien du kendo, sa structure ne devrait pas lui permettre de supporter de telles charges.

Les regards se soutenaient sans jamais sourciller. Jamais Gon n’avait eu à affronter quelqu’un ayant des techniques à distance et il se sentait vraiment déboussolé.



J’aurais probablement dû affronter maître Chun en premier. Ou même tenter de battre à nouveau maître Honda. Je n’avais réussi qu’une fois, mais peut-être aurais-je pu m’en sortir à nouveau… Arf ! Ressaisis-toi Gon ! Ça ne sert à rien de chercher des excuses ! Il aurait fallu l’affronter de toute façon au bout d’un moment ! Et ce n’est pas une semaine qui aurait tout changé. Je dois juste me sortir les doigts du cul et foutre enfin une branlée à Hanzo sensei ! Ce serait une bien trop grande déception que de perdre à la deuxième épreuve seulement. Je vais gagner ce combat. Je dois juste analyser un petit peu plus son style et adapter le mien en fonction…



Gon se redressa et fit un signe de tête à son opposant pour lui montrer que le combat allait reprendre. Le maître des poignards volants acquiesça et se remit en garde. Tous les maîtres se redressèrent pour assister à nouveau à l’affrontement. Cette fois-ci, Gon se contenta d’observer, sur ses gardes, attendant de subir une attaque. Hanzo ne perdit pas de temps et lança un de ses poignards bien au-dessus de Gon et le second juste en aplomb de lui-même. L’instant d’après, il se mit à charger, complètement désarmé sur Gon. Déstabilisé, celui-ci n’osa pas attaquer le maître démuni. Pendant ce temps, le poignard que le vieux avait lancé au-dessus de Gon revenait en direction de sa main. L’élève se trouvait à présent dans la trajectoire de l’arme.

Pour éviter de se faire embrocher, Gon effectua un saut par-dessus son adversaire pour se retrouver de l’autre côté. Mais ce faisant, il se retrouva en plein milieu de la trajectoire du second couteau que le professeur avait lancé à la verticale avant de se mettre à courir. Ce n’est que grâce à un réflexe surprenant qu’il put taper dans la lame et le dévier avant d’être touché. Il avait vraiment eu très chaud cette fois-ci. Mais au moins, cela lui avait permis de remarquer quelque chose. Chaque lame était liée à une main et une seule. Il ne pouvait pas intervertir ses poignards de main.


Si je parviens à dévier ses poignards suffisamment pour qu’il soit obligé de croiser les bras, j’aurais l’ouverture dont j’ai besoin pour gagner ! Ha moins que… non, j’ai une idée encore meilleure ! Il va perdre ! Dès le prochain assaut.


Une lueur se mit à briller dans l’œil de l’adepte de Nitoryu lorsqu’il releva la tête. Il avait trouvé la faille pour anticiper la trajectoire des lames. Sans perdre un instant, il fit un pas rapide en avant pour faire croire qu’il allait charger. Se contenant à sa stratégie, Hanzo jeta sa première lame en l’air pour tenter de le prendre à revers. Mais Gon fit alors un saut en arrière et utilisa la pointe de son sabre pour intercepter le poignard en l’air. Le sabre se coinça dans le pommeau du couteau. Gon fit un tour sur lui-même afin d’utiliser la force centrifuge pour renvoyer le projectile à toute vitesse vers l’envoyeur.

Le poignard fonça en direction de l’autre main d’Hanzo juste au moment où il lançait le second. Les deux armes se percutèrent volèrent derrière le professeur à cause de la puissance de l’impact. Avant de retomber, Gon lança son propre sabre juste au-dessus de la tête de son opposant qui, surpris par la manœuvre et désarmé dut faire un pas en avant pour l’éviter. La stratégie de l’élève avait fonctionné. Il se réceptionna et bomba le torse avec un sourire éclatant sur le visage. Le sensei se figea une seconde, comprenant soudain son erreur. Il bougea frénétiquement les mains pendant un instant, mais le force implacable du magnétisme était instoppable. Les armes volantes se plantèrent dans ses mains en arrivant par derrière, attirées par l’aimant au creux de ses paumes.

-Haaa !!!! Tu m’as eu ! J’abandonne !

Les bras en sang, Hanzo-sensei retira les poignards de ses mains sans difficulté mais il était inimaginable pour lui de poursuivre l’affrontement. Il rangea ses armes dans un étui et salua Gon qui lui rendit avec respect. Une fois l’adrénaline de duel retombée, il n’éprouvait plus la moindre colère et avait même un sentiment de culpabilité pour avoir blessé un mentor. Mais les blessures n’étaient pas graves et le blessé ne lui en tint pas rigueur le moins du monde. Maître Honda se leva tandis que les autres applaudissaient la démonstration.


J’ai réussi. Honda sensei est fier de moi, ça me fait chaud au cœur. Je vais m’accorder un bon temps de repos avant de me lancer dans le prochain duel. Il faut que cette plaie à l’aine cicatrise. Même si elle ne me fait pas mal, je ne voudrais pas qu’un autre maître ne s’en serve pour me mettre en difficulté. Au moins, je sais que c’était le seul à privilégier la distance au combat rapproché. Je serais déjà plus dans mon élément à balancer des gros coups de bourrins tout en esquivent les lames. C’est plus mon style déjà. Mais une chose est sûre, j’essayerais de m’initier un petit peu à la technique de maître Hanzo. Ajoutée à mon Nitoryu, elle pourrait être dévastatrice et me donner un avantage évident sur les autres bretteurs.


Après le petit discours de félicitations, les professeurs sortirent du dojo en file indienne, laissant Gon seul, au milieu du dojo. Il avait gagné, il le savait, mais cela n’avait pas été de la tarte… Et ce n’était que la deuxième épreuve.
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