DÉDALE
Entre chien et loup, le cargo sur lequel j’avais embarqué quelques jours auparavant était enfin arrivé dans les eaux territoriales de Zaun. Je voyage au gré du vent, comme le font les nuages, mais j’ai un pressentiment en voyant cette île qui n’est qu’amas de bétons et d’acier. Où mes pas m’ont-ils guidé cette fois ci ?
...
L’astre du soleil n’est bientôt plus qu’un halo au loin, à peine perceptible sur l’onde glacée des eaux. Le navire marchand vogue encore et toujours en direction du sud de l’île. Malgré le calme apparent on peut nettement sentir le tumulte de la mer charrier le vaisseau de la cale jusqu’au pont. Le vent souffle et repousse l’embarcation, un vent froid et sinistre qui n’annonce rien de bon quant à l’hospitalité des habitants qui vivent ici. Réprimander par le capitaine, les matelots rentrent la grand-voile. Cet équipage semble être formé d’un corps régulier et officiel comme peut en témoigner leurs uniformes, mais l'on peut également y compter quelques marginaux : somme toute des gens du voyage qui troquent le fruit de leurs sueurs contre une place à bord.
L'un de ces marginaux, un homme au corps taillé dans le marbre par le temps et l’effort, s’activait sur le pont avec entrain et bonne humeur alors qu’il tenait, quelques minutes plus tôt, une mine des plus sombres. Il agrémentait chacune de ses actions de cris forts et entrainants qui ne manquaient pas de motiver les troupes, officielles ou non. Il ne laissait rien trainer sur le pont qu’il s’acharnait à faire briller quand il n’était pas à harnacher le cordage aux poulies. Hyperactif, il se démenait de tous côtés sous le regard de l’assistance laissée bouche bée. Celle-ci s’enhardit en le voyant si prompt à faire la besogne alors qu’il n’était qu’un de ces hommes de passage. Régulièrement on pouvait le voir faire des poses comme celle des culturistes, ses muscles saillant encourageaient le soleil au loin à s’attarder sur sa peau, mais celui-ci continuait à décliner jusqu’à finalement s’éteindre. Les lampes à huile venaient très vite illuminé le pont alors que la nuit chassait le jour.
Commandant ses troupes depuis la barre qu’il maniait fermement, le capitaine avait bon pied bon œil. Il n’avait surtout qu’un seul pied et qu’un seul œil à dire vrai, mais il s’en servait le bougre tant et si bien que rien ou presque ne lui était inconnu sur son rafiot. On pouvait nettement voir sur le parquet la trace qu’avait laissée sa jambe de bois depuis toutes ces années. Il était vêtu, d’un habit en cuir sombre et rendu sobre par l’usure habituel et le temps qui s’était écoulé. Sa barbe de deux semaines le piquait, on pouvait le voir se l’asticoter fréquemment et porter plus souvent encore sa main à son genou, à l’intersection du moignon et de sa prothèse en bois. Ces douleurs lancinantes avaient le chic pour le faire grimacer et il grimaçait si souvent que les traits de son visage étaient à présent marqué par ces rictus qui le rendaient plus…Moins sympathique. Cependant, sa condition ne le rendait pas inapte à son poste à hautes responsabilités. Commander était toute sa vie, tout ce qu’il savait faire et ses yeux aussi noirs que les abysses des fonds mers savaient sonder les âmes des vies dont il était responsable. Portant un chapeau de dandy en total contradiction avec le reste de sa tenue et d’ailleurs aussi, bien trop grand pour sa petite tête. Ce dernier se traina tant bien que mal jusqu’à ses appartements à quelques mètres derrière la barre laissée aux bons soins du commandant en second.
Le corps en appuie sur sa jambe fléchit, elle-même posée sur la proue du navire, Isley observait l’ile qui n’était plus qu’à quelques milles désormais. Les eaux jusque-là tumultueuses s’étaient calmé à mesure où la température s’était rafraichit. Toutefois, ce vent sombre, lui, ne fléchissait pas. Lugubre, il sifflait, soufflait contre le corps de cet homme à la crinière de lion. Ne fléchissant pas pour si peu, il accueillait cet inquiétant présage en souriant. Cela lui rappelait les quelques passages sombres de la vie de son ami le doyen, laissé derrière lui au pays. L’adversité forge les hommes et lui était justement une de ces lames qui cherchait à s’entrechoquer, à s’affûter contre le fils des autre épées. Le feu des lampes se reflétaient dans ses yeux marron tandis que la pénombre s’appropriait le reste de son visage. Certains hommes prenaient le temps de tourner leur regard sur le lion qui ne cessait de fixer la cité, on aurait dit que son âme entière était absorbée par le mystère et les promesses qu’elle renfermait.
Dernière édition par Isley Hune le Mar 1 Oct 2013 - 13:44, édité 1 fois