Près de deux semaines après les événements d’Impel down,
Quelque part sur Grand Line, 2ème voie.
Serpentant tel un immense dragon d’argent, voilà maintenant plus d’un jour que le convoi marchand avait quitté Helliday Island sous la protection de la marine, pour remonter à contre courant la plus dangereuse mer du monde jusqu’à sa destination : le Royaume d’Alabasta.
Transportant d’innombrables ressources en matières premières, nourriture de luxe, métaux et fournitures divers, les huit navires se suivaient donc en deux longues files, profitant du calme rassurant du nombre mais aussi des trois navires de guerre que la Marine avait daigné leur octroyer pour s’assurer la pérennité de leur commerce. L’escale depuis Marie Joa par Helliday s’était donc passée sans encombre malgré la réputation sulfureuse de l’île et de son exubérante maîtresse ; et jusque là nul pirate n’avait osé s’interposer sur leur route ou encore même les suivre. La loi du plus fort, voilà la seule chose que ces forbans comprenaient.
Voguant à une courte distance du convoi, le « Kourkz » veillait au grain.
Véritable fleuron de la Marine, ce petit destroyer compensait son apparence frêle au prime abord par une réputation d’invincibilité en combat maritime. Nombreux étaient les pirates à fuir l’affrontement contre les terribles chasseurs marins du commandant d’élite Fisherman. Nul navire n’était à l’abri de ses méthodes de combats, nul roi des mers de son redoutable arsenal sous marin. Jonas « Fisherman » veillait au grain et rien ne devait troubler la tranquillité du voyage.
Au cœur du « Kourkz », marins et officiers opèrent donc dans un calme et un silence rigoureux, conscient du devoir à accomplir ; et si jusqu’ici la vigie n’avait signalé aucune menace à l’horizon, cela n’empêchait en rien le quart de service de redoubler de prudence dans ces eaux si dangereuses.
Jonas lui-même battait le pont intérieur du centre de contrôle du destroyer, se faufilant d’un pas lent entre les consoles et les poutrelles dans un confinement et une pénombre que beaucoup auraient trouvé oppressant. Mais pour le vieil homme et son équipage, ni les étroites passerelles, ni les postes d’écoute étriqués ni même la moiteur du confinement ne révélaient de l’inconfort. Ils avaient tant vécu dans cette minuscule pièce, enfermés entre ces quelques planches de bois humides et seulement éclairés par une série de lucioles bleues sous verre. C’était leur foyer, leur lieu de travail… ils s’y sentaient sûrement bien mieux que sur le vaste pont extérieur d’un massif cuirassier ou même sur la terre ferme.
Jonas passa donc entre les divers hommes de service, s’assurant d’un simple regard et d’un hochement de tête que rien de devait arrêter la longue marche de la tranquillité. Il ignora donc le fin filet d’eau de mer qui passait entre deux planches, se glissa jusqu’au contrôle des communication, avant de continuer sa ronde silencieuse en direction de l’épaisse cabine d’escargo-sonar. Dans un silence quasi-religieux, il s’arrêta alors aux côtés du sous-officier en charge, à qui un relais d’escargo-sonar expérimentaux placés sous la coque du Kourkz offraient leurs oreilles et les joies du vacarme sous marin. Le clapotis des vagues sur les douze autres coques, le son lointain du chant des baleines, le frémissement des bancs de poissons environnant… rien n’échappait à la surveillance de ce qui avait fait du Kourkz la pièce maîtresse de la lutte anti-sous-marine. Entendez par là anti-tout ce qui a des écailles et qui se montre un peu trop hostile ou collant.
Sans un mot, Jonas attendit patiemment que son homme décroche ses oreilles des précieux écouteurs et lui fasse son rapport. Puis, tel un murmure, celui-ci lui souffla comme de peur d’éveiller un monstre proche :
-Rien à signaler.
Un hochement de tête approbateur, nulle parole, Jonas s’éloigna. Au sein de son navire, aucun bruit inutile n’était toléré et l’on vénérait le silence comme la meilleur des protections. En mer, un bruit de trop était souvent ce qui faisait la différence entre un équipage rentrant au port et une pile de lettres de condoléance aux veuves.
Le vieux commandant poursuivit sa ronde… c’était la troisième depuis moins d’une heure. Il se surprit ainsi à regarder ses mains s’agiter bien malgré lui, signe supplémentaire que quelque chose n’allait pas. Car depuis leur départ, son instinct de vieux baroudeur ne daignait pas lui accorder le moindre instant de repos, l’assaillant sans cesse de funestes impressions. Ses impressions amplifiant d’heure en heure, il se dit alors qu’il avait bien fait d’insister pour faire lui et son équipage partie du voyage, persuadé que sa présence ici serait tôt ou tard nécessaire. Et bien qu’il priait intérieurement pour ses hommes et les marins du convoi de se tromper, il était pour sa part de plus en plus sûr qu’un danger les guettait. Un grand danger s’il devait en croire les pointes relevées de sa moustache.
Il se dirigea donc vers le périscope sous marin qu’il rabaissa avant de plaquer ses yeux sur l’objectif, commençant ainsi à scruter les fonds marins de son œil expert… Lentement il tournis autour de l’arbre mécanique… mais seules l’obscurité des fonds marins les douze autres coques et leurs sillons d’embrun s’offraient à lui… Bien que peu convaincu, le commandant abandonna donc ce poste pour essayer de chasser ses sombres prédications en s’aérant sur le pont extérieur, avant que sa prudence maladive ne finisse par mettre son équipage sous trop de pression.
Lorsqu’il ouvrit la trappe du pont l’air frais du large le gifla, s’engouffrant dans ses narines et saisissant son visage alors couvert de sueur et d’humidité. L’homme huma alors à plein poumon, faisant ainsi le plein d’air pur et frais comme il remplirait les ballasts de son sous-marin personnel. L’air pur était une denrée rare dans la salle d’écoute et d’observation, et les nombreuses heures de surveillance ne lui laissaient que peu d’occasion d’aller se rafraîchir les sinus et les idées. Un instant le vieux marine ferma donc les yeux, profitant de cette fraîcheur comme d’une renaissance. Puis, il finit par se hisser entièrement sur le pont, avant d’aller s’accouder à la balustrade pour laisser son regard planer sur les autres navires. Nul marin n’était là pour lui tenir compagnie ; et cette solitude lui convenait parfaitement tant la promiscuité de l’entrepont pouvait être étouffante malgré les années d’accoutumance. Les minutes défilèrent donc sans un bruit autre que celui des vagues…
Puis, sans qu’il puisse jamais trop dire pourquoi, son regard s’attarda sur « l’invincible », fière frégate fermant la marche des colonnes marchandes. Une des pointes de ses moustaches remua légèrement… les poils gris de sa main se hérissèrent… et bien qu’aucun mouvement suspect ne puisse être visible d’aussi loin, le regard du vétéran des mers s’étrécit.
« L’invincible » explosa alors dans un gigantesque geyser d’eau et de bois, dont certains morceaux s’élevèrent à plusieurs dizaines de mètres dans le ciel ! Comme sous le choc, Jonas regarda sans un mot ni un geste retomber la pluie de débris dans les eaux, tandis que la proue et la poupe alors séparées de la frégate se laissaient avaler par l’écume.
A bord de tous les autres navires, marins et officiers se ruèrent alors sur leur bastingage pour observer la scène, alertés par le fracas du bois et des flots. L’incompréhension était de mise, tous s’exclamant dans la panique générales et cherchant à comprendre… mais pas Jonas.
Déjà l’homme s’était rué dans l’ouverture laissée disponible, glissant le long des barres d’échelles en hurlant avec force et détermination :Branle-bas de combat ! Tous à vos postes !
Aussitôt, une alarme se mit à rugir et à résonner dans l’entre pont du Kourkz tandis que tout l’équipage s’activait dans un chaos indescriptible ! Effrayées par l’atmosphère électrique qui s’est saisit du navire, les lucioles d’éclairage virèrent alors instantanément au rouge, nimbant le lieu d’une lumière funeste. Matelots et officiers se bousculèrent en hâte, chacun tachant d’arriver à son poste avec un désordre trompeur mais avec une efficacité à ne plus prouver. Le marmiton et ses casseroles fut renversé, l’on criait de toutes parts, on se ruait sur les consoles et postes de tir !
En moins d’une minute le navire était paré au combat, et retombait alors aussitôt dans un silence ou rien ne perçait. Seul les pas hâtif de Jonas se ruant au poste d’écoute résonnèrent dans le navire où tous retenaient leur souffle, conscient de la gravité de la situation même si aucun mot ou explication ne leur était encore parvenu.
Le commandant se pencha d’un air grave sur son subordonné, qui la mine crispée par la concentration tendait l’oreille à ce que la mer pouvait lui révéler. Une goutte de sueur perla lentement sur son front…
Dernière édition par Toji Arashibourei le Sam 05 Oct 2013, 14:04, édité 3 fois