Alors que la baston générale faisait trembler et vacciller le pouvoir dans la fosse, un homme, tout de noir vêtu, légèrement éméché et surtout peu d'humeur à fêter cette nouvelle année se tenait sur les bancs des gradins. Il se leva et entama sa procession. Lentement mais fermement, cette homme en costume, se dirigeait vers un endroit bien précis pour une mission bien précise. Il allait devoir convaincre un homme alors que lui même n'était pas convaincu. Un cigare sur le bord des lèvres, l'homme arpentait les gradins de la fosse en esquivant les projectiles volant dans tout les sens, s'écartant pour laisser passer deux hommes entrain de s'ébouriffer, bloquant ici et là deux trois coups placés en douce par des tire laines du coin mais toujours sans s'arrêter. Il marchait, inexorablement vers sa cible alors que tout autour de lui n'était que chaos, coups et bastons. Des cris, des pleures des rires, un vacarme pas possible assourdissait l'endroit. D'un coin de l’œil, le gentleman fixa son nouveau patron qui faisait sauter des têtes et des têtes à tour de bras. Le Jack s'approchait de Monthy, s'approchait du contrôle de l'île, s'approchait de son but, s’approchait de l’apothéose. Ankou lui, s'approchait simplement du tireur d'élite engagé pour défendre à distance le Monthy. Dans cette simple mission, il allait devoir parler et ça tombait plutôt bien, ce soir, il était inspiré. Tellement qu'il fredonna un air d'antan et y glissa des paroles.
C'est à travers de larges grilles,
Que les sans cervelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu'en-dira-t-on.
Avec impudeur, ces vipères
Attendaient un moment précis
Que, rigoureusement j'espère
N'arrivera pas ici...
Gare au gorille !...
Tout à coup la prison bien close
Où tabassait le bel animal
S'ouvre, on n'sait pourquoi. Je suppose
Qu'il avait du lui faire très mal.
Le singe, en sortant de sa cage
Dit "C'est aujourd'hui que j'la récupère !"
Il parlait de cette ville pas très sage,
Vous aviez deviné, j'espère !
Gare au gorille !...
L'patron de la ménagerie
Criait, éperdu : "Nom de nom !
C'est assommant car le gorille
N'a jamais connu de rébellion !"
Dès que la vermine engeance
Sut que le singe était un bourreau,
Au lieu de profiter de la chance,
Elle fit feu des deux fuseaux !
Gare au gorille !...
Les lames qui, naguère,
Le couvaient d'un œil décidé,
Fuirent, prouvant qu'elles n'avaient guère
De la suite dans les idées ;
D'autant plus vaines étaient leur craintes,
Que le gorille est un luron
Supérieur à l'homme dans l'étreinte (mortelle),
Bien des cadavres vous le diront !
Gare au gorille !...
Tout le monde se précipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf un groupe rustique d'élite
Et un Monthy en bois brut;
Voyant que toutes se dérobent,
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les trognes
Des élites et du scélérat !
Gare au gorille !...
"Wah ! criaient les élites,
Qu'on puisse nous défier,
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, enjoué !" ;
Le Monthy pensait, impassible,
"Qu'on me prenne pour un troufion,
C'est complètement impossible..."
La suite lui prouva que non !
Gare au gorille !...
Supposez que l'un de vous puisse être,
Comme le singe, obligé de
claquer un gus ou des guerriers bien piètres
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatre jours, m'échoie,
C'est, j'en suis convaincu, la fuite
Qui sera l'objet de mon choix !
Gare au gorille !...
Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux d'la friction vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la ribambelle,
Comme l'aurait fait les pros du rififi,
Il saisit le Monthy à l'oreille
Et lui mis la tête dans l'tapis !
Gare au gorille !...
La suite serait délectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable,
Ça nous aurait fait rire un peu ;
Car le Monthy, au moment suprême,
Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour même,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !...