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À chaque clef, sa serrure ... [PV : Césare Di Auditore]

Parce que reconnaître ses faiblesses est l’apanage des grands. Juché en haut d’une falaise, l’assassin observait paisiblement l’horizon. Le Soleil qui se couchait illuminait les cieux d’un panache sanglant aux ourlets violacés. C’était un magnifique spectacle, mais son esprit conditionné ne voyait là qu’une tâche de sang diaphane s’étalant sur du vélin vierge. Le gouffre que la sphère lumineuse laissait lui paraissait être l’impact d’une balle, comme s’il avait appliqué sa sentence au ciel entier. Orgueilleux, certes, mais n’était-ce aussi pas là l’apanage des grands ? Souriant à cette étendue aquatique comme à un ennemi, il écarta les bras. Il était simplement vêtu d’une tunique noire, dont les lassés relâchés laissaient apercevoir son torse glabre, sculpté par les efforts et le temps. Sa crinière brune était attachée en un catogan serré, savamment étudié, laissant échapper quelques mèches éparses. Dans la continuité, une légère barbe de quelques jours venait auréoler la beauté sauvage de l’Auditore. Il était pieds nu, mais le manque de sandales ne semblait pas lui avoir nuit lors de son escalade. Une fine pellicule de sueur apparaissait sur son front, mais le vent l’assécha en quelques secondes. Il était paisible et dominait de sa prestance l’ensemble des lieux. Il était pareil à un aigle, survolant les cieux, sa pupille ciblant chaque détails de la scène avec une acuité renforcée par l’expérience. Il se sentait apaisé en cet endroit, nulle suprématie, nul crime. Il était seul et avait pour unique rival l’immensité de ce monde. Il s’en trouvait à la fois grandis et diminué. Une sensation plutôt plaisante, malgré les apparences.

L’assassin inspira un grand coup, puis bascula le poids de son corps vers l’avant. Il glissa lentement dans le vide, sentant les battements de son cœur s’accélérer, les vents se disputer son corps. Il ferma les yeux, faisant preuve d’une foi absolu envers son acte de grâce, et se recroquevilla dans les airs. Il tourna sur lui-même puis en reprenant le contrôle sur son équilibre, il tendit les jambes et écarta de nouveau les bras, accueillant le vide avec un sourire enfantin. Il voyait la surface se rapprocher à une vitesse inimaginable, tandis que les roches de la falaise défilaient à ses côtés. L’assassin éclata de rire puis il tendit les bras, creusant l’eau de ses mains. Il fendit l’eau sans un bruit, et s’enfonça sous les flots sans douleur. Les vagues se refermèrent sur lui, et emportèrent son rire dans les abysses. Quelques mètres puis loin, l’assassin émergea, chassant l’eau de ses cheveux d’un geste de la tête. Quelques badauds s’étaient assemblés là, pour la plupart des enfants, et avaient admiré le saut de l’homme, exécuté à la perfection. Exécutant un crawl parfaitement maitrisé, Rafaelo rejoignit la grève et gagna la rue bordant le port en escaladant grâce aux quelques prises éparses le long du quai. Il s’assit sur le rebord d’un muret puis ôta sa chemise, profitant des derniers rayons de Soleil. Il étala son vêtement et fit jouer discrètement sa musculature, tirant quelques gloussements aux demoiselles qui le contemplaient. L’Auditore leur offrit un magnifique sourire, puis roula sa chemise avant de l’essorer. Il ne pouvait pas perdre de temps en frivolités, il devait rencontrer son frère un peu plus tard dans la soirée, afin de lui offrir une petite séance d’entraînement. Bien qu’il fût moins doué que lui dans certains aspects du combat au corps à corps, Rafaelo possédait quelques enseignements supplémentaires sur moult domaines. Césare était plus un stratège qu’un assassin, il maniait peut être à merveille la diplomatie du poignard, mais il n’apparaissait pas toujours comme la meilleur des dagues. Il fallait bien que le jumeau l’emporte sur quelques points contre son frère ! S’ajoutant à cela son fruit du démon. Ah, au moins il pourrait se targuer de lui en lui contant sa baignade.

L’assassin jeta son vêtement essoré sur son épaule puis offrit un clin d’œil à la plus farouche des spectatrices avant de gagner les profondeurs de la ville. Il s’enfonça sans sourciller dans l’ombre, et gagna en quelques minutes sa planque de fortune. Il avait trouvé un petit local abandonné, passant à travers un cabanon, non loin de la caserne. Il y avait camouflé son matériel habituel pour pouvoir se promener librement en ville. Contrairement à Césare, il ne montrait jamais son visage sous l’identité d’un assassin. Bien qu’il fût jumeau de ce dernier, celui-ci possédait des traits physiques bien trop distincts pour pouvoir être assimilé à Rafaelo. Ce n’était que lorsqu’on les mettait côte à côte que l’on pouvait en effet imaginer leur parenté. Ainsi, à visage découvert, le jeune homme était libre comme l’air, bien qu’il se sente parfois obligé d’intervenir lors de quelques altercations, selon sa propre notion de justice. Mais ce n’étaient là que de rares exceptions. Il posa donc sa chemise sur une planche érodée par le temps, puis enfila à la hâte son attirail, prenant soin d’embarquer tout ce qui pourrait lui être utile. Les entraînements entre les deux frères prenaient souvent la forme d’un affrontement au cours duquel celui qui l’emportait rabâchait cet événement jusqu’à ce que la victoire change de camp. Mais quoi qu’il en soit, il leur permettait aussi de se jauger et de progresser ensemble, cet objectif n’étant que renforcé par la petite rivalité qui en ressortait. L’assassin sourit à cette idée, victoire ou pas, il n’en voulait jamais à son frère. Si celui-ci avait exigé, car c’était bien le terme, que Rafaelo lui fournisse quelques exercices aptes à palier ses défauts, c’est qu’il voulait tout simplement surmonter leur dernière mésaventure en s’entraînant d’arrache pied. Il fallait dire qu’Olid Amara s’était bien moqué d’eux, et ils avaient failli y passer. Enfin, plutôt Césare, mais ce fut lui la première cible, et il n’aurait très certainement pas encore tout à fait digéré le fait que son frère soit arrivé in extremis pour lui sauver la mise. Ne prévoyait-il pas tout avec un coup d’avance ? Se faire prendre de court devait lui en coûter. Quoi qu’il en soit, Rafaelo s’en moquait quelque peu. La rancœur de son frère ne ferait qu’ajouter un peu de piment à leurs combats. Il ne se réjouissait pas du malheur de son frère, mais plutôt du fait que cette mésaventure puisse le pousser à s’améliorer encore plus. À tout chose, malheur est bon.

La nuit était tombée depuis plus d’une heure lorsque l’assassin arriva au point de rendez-vous prévu. Il se dissimula dans un coin d’ombre, revêtu de sa tunique d’assassin noire, et attendit que son frère ne se manifeste pour sortir de sa gangue de ténèbres. Il posa une main calme sur le pommeau de sa rapière et ferma les yeux, faisant le vide en lui. Il calma les battements de son cœur et entraîna son ouïe à percevoir chaque son de l’endroit, se les appropriant. Une technique que son défunt Maestro lui avait appris. Il suffisait de se synchroniser avec l’atmosphère des lieux environnants et la première chose s’écartant de la normale s’imposerait à lui d’elle-même. Simple, du moins en théorie. Il fallait une concentration absolue et ne laisser aucune penser parasiter cette méditation. L’assassin était cependant rompu à ce genre d’exercices, mais il était toujours bon de revenir aux bases. On ne pouvait édifier une citadelle que sur de solides bases. Il en était de même pour un gouvernement, où le peuple faisait office de base. Que dire alors du gouvernement en vigueur ? Peut être était-ce là une des raisons pour lesquelles son frère voulait le rencontrer, aussi. Avait-il ne nouvelles informations ? Ou, peut être en avait-il appris un peu plus sur cette fameuse clef en argent, retrouvée à Tequila Wolf …
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SAEPE PREMENTE DEO,
FERT DEUS ALTER OPEM...


  • Observateur silencieux, dans l’ombre, sans jamais rechercher cette miroitante lumière, qui éclaire l’âme et le corps, faisant de vous un héros, ou un déchus, un criminel. Le rôle que c’était fixé Césare était bien difficile, regarder le monde dans son ensemble, sans jamais intervenir, voir le monde, sous sa véritable forme, plus loin, plus haut, que tout autre homme. Voir et se venger. La rancœur que nourrissait le serpent révolutionnaire à l’égard du gouvernement était un poison doux-amer, une forme de combustion, qui le réduirait en cendre un jour. Il le savait, il en jouait, L’empereur était joueur avec les cœurs, avec le sien également. Existe-il meilleur entrainement, meilleur technique, que celle qui marche sur son utilisateur ? Réaliste, Césare savait influencer sa propre pensée, s’encourager, se détruire, se tirailler… Entrant dans un cycle, ou la violence qu’il dégageait n’était qu’une modeste partie de celle que son esprit développait… Et au fur et à mesure que la colère montait, son esprit la faisait croitre, encore et toujours. Il ne se lasserait jamais d’observer ses propres émotions, de les manipuler… Comme si son corps, son âme et son esprit n’étaient pas les seules composantes de sa personne. Possédé par une entité supérieure, qui le rongeait. Le génie. Certains jalousent ceux qui en sont doués, mais pour son détenteur, à un degré aussi élevé que le faux-roi révolutionnaire, c’était une malédiction, qui le perdrait. Feux-follet, son génie, sa vie, cette flamme vacillante, n’avait pour destin que d’exploser en un jaillissement extrême, à répandre une chaleur violente, suivie de cette odeur de souffre… Pour s’éteindre à jamais, ayant marquée de son illumination.

    Une allumette qu’il craquerait au bon moment. Qui se consumerait en même temps que sa vie, et donnerait naissance à des dizaines, des centaines, des milliers d’autres flammes. Césare mourrait quand le gouvernement serait renversé. Ce serait nécessaire. Un tel détracteur, un tel criminel, une personne qui avait commis tant d’atrocités, ne pouvait décemment se déclarer pour la liberté. Elle ne justifierait en rien les actes qu’il avait prévu de commettre. Elle ne justifierait jamais l’état dans lequel l’Empereur laisserait le monde. Pauvre sots, imbéciles heureux, moutons suivant une justice sociétaire… Jamais ils ne comprendraient la nécessité d’actes pareils. Une partie de lui même les réfutaient également…

    Il abandonnait son humanité. Il abandonnait toutes ses valeurs qu’ils s’étaient pourtant forgés au prix de nombreuses vies, au prix de nombreuses batailles. L’homme se transformerait, deviendrait un immonde démon tentateur, un spectre des champs de bataille, une entité si abominable, que son nom serait proscrit. Un entité telle que tout ce qui lui sera associée aurait l’amère gout de la violence, de l’injustice et de l’impardonnable.
    Ce serait alors à
    lui de jouer, à lui de faire avancer le monde dans le bon sens, de rétablir l’équilibre. Rafaelo. L’assassin en serait capable, tant par son grand sens de l’équité, de sa justice sainte, que par sa verve cinglante et si entrainante. Césare le savait, il le poussait dans ces derniers retranchements, il le formait en quelque sorte, à assurer ce rôle.
    Même si son frère ne le voulait pas. Ce garçon, son petit frère de quelques minutes à peine, faisait partie de l’équation, était la composante la plus essentielle, car c’était la seule sur laquelle le révolutionnaire ne spéculait pas. Il savait.


    La mer était d’encre. Reflets bleutés sur une étendue d’ombre. Son royaume se tenait là, devant ses yeux… Ces creux dans les vagues, cette partie immergée de l’iceberg, ce rouleau compresseur, capable d’écraser toute vie. Sa vue s’étendait sur tout l’océan, sans qu’il n'en rencontre aucune résistance d’aucune sorte. Les îles, c’était là une difficulté pour celui qui veut régner. Divisés, incontrôlables, il fallait alors plier sous sa volonté un nombre incalculable de populations différentes, tant par leurs mœurs, leurs traditions, que leur « gouvernement », qui leur était au finale, propre. Césare savait qu’à la fin, l’accession au pouvoir par son camp ne changerait pas grande chose. Plus réaliste, ou peut-être simplement plus clairvoyant, le confrériste savait qu’il y aurait des injustices. Simplement, le monde qu’ils construiraient ne l’accepterait plus.

    Quittant son promontoire, rochers surplombant la mer, l’Empereur se dirigea vers le centre-ville, se baladant comme un fantôme, observant, encore et toujours. Se donnant des arguments, pour continuer cette quête, cette purge, que son frère et lui avaient commencé des années auparavant.
    Son chapeau cachant la majeur partie de son visage, il savait bien que personne ne saurait le décrire. Quelqu’un avec une masse de cheveux verts, tout simplement. Et après quoi ? On ferait la guerre à tout ceux portant une coiffure à la teinte d’émeraude ? Non, son déguisement, à l’instar de son frère, était efficace, bien plus que tous pouvaient l’imaginer. Ce n’était pas parce que son domaine n’était que la stratégie et le corps à corps que sa discrétion était en reste. Redonnons à Césare ce qui revient à Césare. C’était pour cette raison que c’était Rafaelo l’assassin, et non lui même. Le premier était tout simplement le meilleur, et l’Empereur, bien trop subtile, pour ce priver d’un si merveilleux outil.

    Mais s’il l’on veut que son tranchant ne s’érode pas, on doit l’entretenir, et c’était pour cette raison que le jeune homme avait convoqué son homologue à un petit entrainement. Ou plutôt, à cette sorte de rituel que s’imposait Césare après chaque missions, éternel insatisfait, voulant corriger toutes ces erreurs. Sans exceptions. Se dirigeant vers la planque de Tequila Wolf, enfin, la seconde, il sentit l’odeur de la poudre en passant près de la caserne, et ne pu retenir un sourire. S’imaginaient-ils que les deux criminels, les deux révolutionnaires, qui causaient tant de trouble, étaient installés à quelques mètres de leur porte. Surement pas. S’installant dans un coin d’ombre, il attendit son frère. Son diable de jumeau. Leur fiertés étaient telles, qu’un simple entrainement comme celui-ci terminait bien souvent en une joute digne d’une bataille épique. En effet, tout les deux détestaient perdre, et railleurs, se jetaient à la figure l’échec de l’autre jusqu'à la rencontre suivante. L’assassin entra enfin dans le local. Cette fois ci, Césare la jouerait différemment.
    Sortant de l’ombre, il alla à la rencontre de son frère, s’arrêtant à mi chemin, sa voix railleuse, s’élevant dans la pièce.

    « Te souviens tu de cette clef ? »

    Joignant le geste à cette parole, il sortit une clef argentée, d’une dizaines de centimètre, au schéma alambiqué, et aux écritures inconnues. Attendant que son frère le rejoigne et brise cette distance entre eux, l’Empereur la lui lança, dans un petit sifflement, semblable au rire d’un serpent. Il reprit la parole.

    « Je vais te dévoiler son utilité, ainsi que nos plans futurs, que tu puisse me donner cette avis extérieur si important à mes yeux. »

    Ses yeux s’ouvrirent soudainement, le jaune de sa pupille foudroyant, se reflétant dans l’obscurité d’une capuche. Se fendant comme d’un coup de poing, il atteignit Rafaelo au genoux, d’une rapidité dont lui seul avait la maîtrise.

    « Mais avant ça, faisons notre office ! »



Dernière édition par Césare Di Auditore le Lun 30 Mai 2011 - 17:22, édité 1 fois
    Pax melior est quam iustissimum bellum

    Si seulement … si seulement les hommes étaient un tant soit peu humains. La violence n’engendre que la violence, et le sang se répand dans l’étrange harmonie belliqueuse qui en découle. Une tâche à la couleur lie-de-vin s’épanchant sur un tissu que trop usé par le temps. Le fil donc il est tissé n’est que l’écheveau de multiples vies entrelacées, s’abreuvant de souffrance et d’horreur pour qu’elles puissent se transmettre, incurable maladie. Là est le vice de notre ère, l’homme. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère, et nous ne sommes pourtant plus capables de nous rallier. Nous sommes séparés, amoindris dans de multiples querelles mesquines et inavouables. La corruption est telle que l’âme s’en retrouve souillée dès le berceau. Il n’y a plus de retour possible, nous sommes les parias. Nous devons mourir pour le salut de nos semblables, mais l’égoïsme est une valeur propre à l’homme. Quel besoin y a-t-il à se sacrifier si un autre le fait ? Oui, car il y en aura toujours un pour le faire, non ? Ah, que de viles pensées, favoriser sa propre personne à un dessein plus grand. Futiles humains, ne voyez-vous donc pas plus loin que votre propre misère ? Vous qui nous sondez du haut de vos privilèges, ne voyez-vous pas ces enfants qui se meurent, asphyxiés par vos propres déchets ?

    Hors de question que ce silence continue, hors de question que je laisse ces crimes impunis. S’il en est ainsi, alors soit, je souillerai mon âme pour notre lendemain. Laissez-moi me gorger de cette haineuse violence. Haïssez-moi, et alors vous pourrez apercevoir votre salut. Je ne suis que le guide, mais n’attendiez-vous pas que quelqu’un se souille les mains à votre place ? Non, je ne prétends pas changer ce monde, je le désire seulement. Et pour cela, j’aurais besoin de vous : l’homme a toujours fait face. Il faut seulement lui fournir un ennemi contre lequel il pourra se dresser. Un ennemi commun à tous pour qu’une nouvelle paix émerge de ce chaos. Gouvernement, Marine … votre suprématie n’a que trop duré ! Bientôt le peuple se lèvera et le son de vos têtes rebondissant sur le sol sonnera le glas d’une nouvelle ère. Ainsi, je dois me dresser, vous écraser et me faire haïr. Ainsi seulement les hommes seront unis face à un même ennemi. Ainsi, l’homme aura la possibilité de devenir meilleur.

    Et pour cela, moi, Rafaelo Di Auditore, je vous ordonne de …


    Les pas de Césare étaient reconnaissables entre milles. Non pas que sont jumeau soit en permanence capable de reconnaître la démarche de son frère, bien qu’il y ait du vrai là dedans, mais il préférait se baser sur des indices purement logiques. Il connaissait les propriétés du fruit de son aîné, et avait remarqué que la répartition de son poids en était souvent modifiée. C’était d’ailleurs légèrement vexant pour Rafaelo, qui passait des heures entières à sculpter son physique, tandis que Césare n’avait qu’à penser muscles pour devenir le plus imposant des lutteurs. Mais il était aussi vrai que l’assassin avait ainsi mis à l’épreuve son corps et en connaissait les moindre défauts, et il pouvait ainsi jouer de son savoir face à ses nombreux adversaires. Césare était fort, certes, mais il ne pouvait prétendre au même savoir que son frère par ce simple aspect : sa condition lui obligeait une certaine subtilité dont son aîné n’avait pas même besoin. Rafaelo ne pouvait compter que sur son corps et n’en avait pas véritablement un de rechange, si on pouvait parler ainsi du pouvoir de son frère.

    Un pas lourd, mais une cadence trop rapide pour le poids estimé. Les notions de biologie étaient indispensables pour tout bon Assassin. Les fibres musculaires de son aîné étaient certainement densifiées par le pouvoir de son fruit, ce qui expliquait la souplesse et le poids. Ce qui n’expliquait pas pour autant le fait que Césare soit aussi hâtif. Il était rare de voir son frère si … jovial. Rafaelo fit glisser sa demi cape derrière son épaule et ouvrit les yeux pile au moment où son frère apparut face à lui. Il lui offrit un sourire narquois, pareil au sien. Leurs visages étaient comme deux miroirs, mais leur apparence était si différente qu’on ne pouvait décemment pas les targuer de jumeaux. À la question de son frère, Rafaelo se contenta de hausser les épaules, faisait-il dans la rhétorique maintenant ? Evidemment qu’il s’en souvenait : il n’oubliait jamais rien, et c’était lui qui l’avait récupérée. Il éluda cette question qui n’en était pas une, et osa un bref regard à cet ésotérique objet. En effet, plutôt étrange qu’une telle clef soit conservée par un haut gradé du gouvernement, il y avait là un beau mystère à éclaircir. Pourquoi une clef ? Enfin bon, Rafaelo s’était convaincu de laisser son frère chercher seul, sans y mettre son grain de sel. Césare l’avait voulu, certes, mais l’assassin n’aimait pas pour autant rester dans l’inconnu. Ce n’était pas son domaine de prédilection, lui qui désirait avant tout un contrôle absolu de chaque chose en sa possession. Le meilleur moyen pour qu’un plan soit infaillible n’était-il pas d’en maîtriser tous les aspects ?

    « Avis extérieur ? Hmpf … on sait déjà tous les deux ce que j’en pense, frangin ! » répondit-il, dévoilant toutes ses dents dans un sourire moqueur.

    Fléchissant le genou, Rafaelo amortit alors le coup asséné par son frère. Sa rotule éclata le plancher, assez douloureusement. Césare n’y était pas allé de main morte ! Une légère tâche rubis apparut sur le pantalon de toile de l’assassin. D’un geste, il se dégagea et recula d’un saut de main. Il passa une main sur sa blessure, y constatant une petite écorchure. Une chance que le plancher soit vieux et abîmé : le résultat n’aurait pas été le même avec du granit !

    « Tu sais ce que j’aime chez toi, mon très cher frère ? C’est que je n’ai aucun remord à te poignarder ! » se moqua Rafaelo, faisant apparaître ses dagues secrètes sous ses mains.

    Il écarta les bras, incitant malicieusement son aîné à prendre par au combat, puis il se fendit d’une feinte, destinée à lui offrir une ouverture. Ce n’était pourtant pas la peine de rêver, Césare ne tombait jamais dans ce genre de panneau. Rafaelo en profita pour tourner sur lui-même et fendit l’air du talon de sa botte. Il se rattrapa en posant une main au sol, tout en rengainant sa lame secrète. Il se stabilisa en plaçant son coude sous son plexus solaire, puis il se propulsa en avant à la force de ses jambes. Il donna une impulsion supplémentaire avec son bras et se retrouva en l’air, juste au dessus de son frère. Il leva le bras gauche, où trônait toujours la dague secrète. Ses deux genoux écrasèrent alors les épaules de son frère, mais malheureusement sa dague ne fit pas mouche où il le désirait. Rafaelo se releva d’un roulade, et se maintint dos à la fenêtre. Il sourit de nouveau à son jumeau, puis il rengaina la seconde lame d’un geste svelte.

    « Quand vas-tu enfin être sérieux ? » le taquina-t-il, tout en dégainant sa rapière.

    Le jeune homme se plaça de profil, épée vers l’arrière, dans sa main gauche. Il invita son frère à porter le premier coup en lui faisant signe d’approcher de son autre main. L’assassin tenait la rapière à la manière d’un poignard, mais il avait placé son petit doigt de l’autre côté du pommeau, afin de pouvoir faire pivoter l’arme en cas de besoin. C’était là une prise plutôt étonnante, tirée d’une astuce soufflée par son défunt maître. Elle était peu puissante, et rarement efficace, mais l’effet de surprise était souvent total. Ah, et surtout, ce coup là était inédit pour Césare …
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    AB JOVE PRINCIPIUM...
      Les hommes sont, le plus souvent, extrêmement décevants. Surtout pour un génie, qui arbore le monde d’une manière si théorique, que la vaste étendue qu’il foule n’est qu’un vaste réseau de chiffres et de donnés. Les humains ne sont alors qu’une anomalie, une erreur, que l’on peut supprimer de l’équation. Le monde ne s’en porterait que mieux, non ? Sans toutes ces guerres intestines, ces massacres, ces injustices, perpétrés par une « élite » autoproclamée, qui ne sait que brimer, oppresser et faire de la terre, un enfer.
      Se libérer de ces chaines. Prendre son envol. Ne plus jamais les laisser faire. Signer un pacte avec le diable, les démons et toutes sa troupes d’immondes créatures. Vendre son âme. Vendre son corps. Vendre sa liberté. Ne plus jamais être considéré comme un homme, mais comme une cible. Ne plus jamais exister, mais juste subsister. Survivre, perpétuelle proie des chiens, perpétuelle menace à éradiquer. Le gardien silencieux d’une justice pour tous. D’une justice qui ne fait pas d’un homme, le détenteur des pleins pouvoir… D’ou lui venait cet idée, d’ou lui venait cette envie, celle de pouvoir aller jusqu’au sacrifice pour une cause si étrangère, si éloignée, de tout ce qu’il pouvait penser ? Sa famille était morte pour cela. Et si une valeur était véritablement ancrée en lui, c’était bien celle de cet organe si puissant, de cette communauté, cette chaîne, la seul qu’il est gardé.

      Césare, le démon tentateur. Césare, l’Empereur ophidien. Le bourreau. Ce qu’il est devenu, pour respecter les choix de son père, pour honorer sa mémoire et le venger. Le révolutionnaire, n’avait pas, comme son frère, cette soif de justice, ni cet envie d’idéal. Non, lui, n’était qu’un bloc de haine. Il était la personnification d’une colère qui, traversant les âges, s’instilla en lui, goutte par goutte, infiltrant sa psyché, et le transforma en ce servant du malin.
      Le petit garçon vif et intelligent avait disparu. L’homme juste avait périt. Il ne restait plus que le ressentiment, la vendetta, et cette cruauté.

      Le coup n’avait rien d’une tape sur l’épaule. Donné avec toute la puissance que pouvait lui octroyer sa vitesse, partant de loin pour venir chercher la rotule de son frère, c’était un avertissement, une mise en garde. A partir de maintenant, le sérieux était de mise. Toisant l’assassin, son regard, terrible, faisait office du pire des cauchemars… Comme si la mort se reflétait dans ces yeux dorés.
      Un sourire se dessina sur les deux visages des jumeaux monozygotes. En cet instant, ils se ressemblaient plus que jamais. Par égard envers son cercle, cette personne, la seule qu’il considérait comme méritant la vie, Césare portait les cheveux verts, de plus, le hasard avait voulu que ses yeux se teintent d’une lueur dorée, de prédateur… Les préoccupations de L’Empereur étaient telles, que son visage affichait en permanence une moue qui le différenciait énormément de son frère. En ce moment de joie, de grâce et de liesse, les deux visages auraient pu être associé. Cette outrance, cet égo, cette joie, cette lueur dans le regard, en tout point commun, et pourtant, si différent.

      Fonçant vers l’homme paré de blanc, il lança un coup de pied direct, facial, que le révolutionnaire n’eut pas de mal à éviter, petite réponse à une ouverture au flanc bien trop ouverte pour être une faiblesse. L’Empereur connaissait bien son frère, son travail constant, et sa maîtrise du combat. Il ne laissait jamais rien au hasard, malgré son caractère nonchalant, c’était un bêcheur.
      L’air se fendit, sous l’impulsion de Rafaelo, tandis qu’en se fendant, Césare ne vit pas arriver la suite, un saut venu de nul part. Tandis qu’il amortit la chute de son frère, le bourreau sentit une lame pénétrer son flanc, fendillant une côte flottante. Encore la douleur, encore et toujours. La colère monta en flèche, tandis que d’un coup de genoux, Césare accompagna la fuite de Rafaelo.


      Il Lucio Divino | L'oeil Divin.

      Ce serait la seule brimade qui lui autoriserait. La seule et unique. Enlevant sa veste d’un geste délicat, puis l’envoya se mettre en boule dans un coins de la salle. Son sourire perdu de sa jovialité. Ses yeux luisirent d’une étincelle mauvaise, tandis que l’air semblait s’épaissir autours du jeune loup. Un grincement de dent.

      « Vois-tu frère… Je n’ai pas envie de te voir mourir. » Dit-il, alors qu’il lança un couteau papillon en ligne droite sur l’assassin.

      « Incremento… Prima Forma. »

      Sa vitesse était improbable, tandis qu’il rattrapait le poignard, lançant son chapeau dans le champ de vision de son adversaire du soir. Plongeant, le révolutionnaire tenta de faucher son ombre, tandis que ce dernier ne l’esquiva. En se cambrant et en forçant au maximum, Césare plaça un coup de talon dans la trajectoire de Rafaelo, destiné à l’étourdir.


    Dernière édition par Césare Di Auditore le Lun 30 Mai 2011 - 17:29, édité 1 fois
      Ordo ab chao

      Ne soyez pas si critiques, vous qui ne savez rien. Je n’ai jamais pu comprendre comment un jugement pouvait émerger du néant, comment certains hommes se croient plus puissants que leur statut ne leur permet. Nul ne peut me comprendre car jamais aucun mortel n’a embrassé la cause des ténèbres. Vous êtes bien sots de me croire humain … Certes, je l’étais avant tout ceci, je l’étais avant que ma chair, avant que mon sang ne me soit enlevé. Je l’étais avant de perdre ma famille. Je suis né pour souffrir, et c’est avec cette douleur que je joue. J’ai perdu mon âme en pariant sur la bonté de l’homme, et aujourd’hui je ne cherche pas à la retrouver. Je suis votre châtiment, je suis votre sentence : je suis ce que le monde a fait de moi. Un outil, une arme de destruction. Et vous, qu’y avez-vous gagné ? Le repos, oui. La paix, car « post mortem nihil est », après la mort, il n’y a rien. Alors, mon ami, mon frère, sache que je t’offre là la paix que ton âme désire mais que ton cœur ne peut t’offrir. Je suis le glaive de la justice, le poignard de l’ombre. Celui que tous craignent mais qui pourtant ne frappe pas le juste dans le dos. Connais-tu mon crédo, pauvre âme ? Non, je m’en doutais. Une vie humaine pour l’ensemble de l’humanité, ce n’est rien. Pourquoi ris-tu ? Ah, tu penses que ta mort ne va rien changer ? Pauvre imbécile … ce n’est pas ta vie qui est dans la balance. J’ai parlé de vie, non pas de mort. Ta vie, je la prends, mais elle ne vaut rien en ce monde. Ta mort, elle, je l’offre aux citoyens dont tu as profité. Ah, je vois que tu commences à saisir. Oui, je mets ma propre vie dans l’équation, car il faudra bien une vie toute entière pour purger ce monde du chaos. Car l’ordre nait du chaos, il en a toujours été ainsi.

      Ainsi, tu penses que je ne fais qu’exécuter les ordres ? Non, je ne fais qu’appliquer ma justice. Mon frère partage mon âme, on ne peut me faire douter, comprends-tu ? Je suis incorruptible car ma cause est juste. Mon âme est souillée par les morts que j’ai causé, mais mon cœur reste pur, tout comme ma cause. Je suis animé par la lumière, mais mon linceul est d’ombre. Tu ne me crains pas, pauvre homme, et je le sais. Je n’attends pas la crainte, mais seulement la rémission de tes péchés, repose en paix, car ton âme le mérite. Repose en paix, vieil homme.


      … de mourir.


      Il s’agissait d’un simulacre de combat à mort où l’un des deux combattants ne s’arrêterait qu’une fois que son adversaire serait au tapis. Comment progresser si on ne se trouvait pas un adversaire à dépasser ? C’était là une course infernale chez les jumeaux : ils étaient toujours à la poursuite l’un de l’autre. Il était cependant amusant de noter les différences fondamentales animant ces deux êtres. Rafaelo ne se complaisait pas dans le massacre et la mort, et possédait encore une aura de pureté innocente, mais il était moins ancré dans les réalités politiques et diplomatiques de ce monde que son frère. Il jugeait sur l’instant, étudiait sa proie et ne sortait que rarement de ce contexte. Certes, il pouvait imaginer sur le long terme les conséquences de ses actes, mais il y voyait surtout la façon la plus directe de crever cet abcès infâme de corruption et de destruction. Césare, lui, était plus sombre, plus lunatique. Lui qui avait vu la véritable face de ce monde. On ne pouvait oser le cerner dans toute sa complexité, si ce n’était qu’il était dévoré par la vengeance. Il avait troqué l’innocence de Rafaelo pour une sagacité et un haine à toute épreuve. Voilà pourquoi Rafaelo pouvait se reposer sur lui sans même oser douter de lui, voilà pourquoi leurs arts de combat étaient si différents.

      À vrai dire, Césare était beaucoup moins subtil que Rafaelo pour ce qui était de la mise à mort. Le plus jeune était sobre dans ses mises en scène et visait juste sans chercher à s’amuser au dépend de sa proie. Il opérait par frappes chirurgicales et ainsi ne ratait que très rarement son coup. Il aimait cependant le défi et mettre ses capacité à l’épreuve était quelque chose d’extrêmement plaisant, comme en cet instant. Mais minimiser les risques avait fait de lui un grand assassin, du moins plus grand que les meurtriers de bas étages qui disaient agir au nom de la justice. Il avait un souci du détail et ne faisait quasiment rien au hasard dans le cadre de ses missions. Il était convaincu d’agir pour la justice, et cette conviction ne l’en rendait que plus fort, ou plus dangereux, selon les avis … mais il s’agissait là d’un jeu, un jeu qui durait depuis maintenant vingt ans. Il allait montrer à son frère que son fruit du démon ne valait rien face à l’entraînement. Il allait lui montrer qu’il ne devait en aucun cas se relâcher, et que la victoire passait par une exigence à toute épreuve.

      Le combat avait bel et bien commencé. Rafaelo releva son épaule et donna une impulsion vers le bas. Jouant de ses doigts, il fit décrire un arc de cercle montant à sa rapière, alors que le couteau papillon quittait à peine la main de son frère. Il releva sa main, et la lame gagna en hauteur, traçant un demi cercle argenté dans la nuit. La lame de la rapière se retrouva alors dans une ligne perpendiculaire au torse de l’assassin, mais la pointe dirigée vers la fenêtre, située derrière lui. L’assassin ramena alors sa main droite sur la garde de son arme et la força a continuer son mouvement de rotation. La lame revint alors vers le sol avec une grande vitesse, mais accompagnant le mouvement d’un geste souple du poignet, Rafaelo appuya le bout du pommeau de sa rapière contre la paume de sa main droite. Il fournit alors une puissante impulsion et l’arme s’envola en ligne droite, vers son adversaire. Il y eut tout d’abord un son feutré, suivit d’un autre, plus sourd. La lame de la rapière avait planté le chapeau de Césare contre le mur d’en face. Rafaelo arqua un sourcil perplexe avant d’appuyer une jambe contre le rebord de la fenêtre pour éviter une dangereuse attaque de son aîné. Il se récupéra en un roulé boulé qui l’amena de l’autre côté de la pièce. Foutrement rapide, le frangin … L’assassin ne perdit pas de temps à se demander ce qu’il était advenu du couteau-papillon, déjà les yeux fauves de son frère le fixaient, face à lui. Il se protégea la face d’un bras droit hésitant, tandis que sa main gauche fondait vers la garde de sa rapière, enfoncée dans le mur. À peine ses doigts eurent saisis le pommeau de l’arme, qu’un coup puissant vint le cueillir. Son coude replié contre sa tempe lui évita d’être assommé, mais l’attaque fut assez puissante pour le sonner une seconde et l’envoyer s’écraser quelques mètres plus loin sur le plancher. Au moment même où l’impact le projetait, un sourire amusé se peint sur les traits du jumeau …

      Il tenait en effet sa rapière d’un main ferme, et son bras ne faiblit pas au moment de l’impact. La force du coup de son frère suffit à lui permettre d’arracher son arme du mur, et à tailler dans le vif. Le chant cristallin de son arme parfaite résonna dans la pièce, suivit aussitôt d’un fracas épouvantable. Rafaelo se retrouva assit dans les débris de la charpente de la planque et il s’en tira avec un grognement de douleur. Il éjecta un crachat chargé de sang, puis se tira du trou que son corps avait creusé. Penchant la tête à gauche, puis à droite, il fit craquer sa nuque et se remit aussi tôt en position de combat, alors qu’au centre de la pièce trônait le chapeau de son frère, coupé en deux par le tranchant effilé de son arme. L’assassin se baissa un peu vers l’avant, et saisit de son autre main trois dagues de lancer. Il les plaça entre ses doigts, puis les lança droit devant lui, sans prendre même le temps de viser les points sensibles de son aîné. Il s’exécuta d’une roulade, et dégaina sa lame secrète gauche. Il trancha en diagonale, afin de faire reculer son adversaire lorsqu’un spasme lui fit lâcher sa rapière. Il se déplaça sur le côté et récupéra l’arme en plain vol de son autre main. Une large tâche de sang avait envahit sa chemise au niveau de son épaule, et descendait le long de son bras. Un bref coup d’œil en arrière lui fit apercevoir une écharde dans le mur défoncé encore maculée de son précieux liquide carmin. Saloperie de baraque insalubre ! L’assassin rengaina sa lame secrète, puis arma son pistolet de manche d’un simple geste du poignet. Il lâcha pour cela la rapière, mais c’était un sacrifice nécessaire. Son frère s’était montré bien plus rapide que lui, chose que Rafaelo n’acceptait pas car ce n’était que le produit d’un sordide maléfice issu de ce fruit. Ah … il était rapide, mais le serait-il plus qu’une simple bille en plomb ?


      « Tout vient à point à qui sait attendre … » nargua l’assassin.

      Et … il fit feu.
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        Dans ces rêves, il était encore un gamin. Entouré et choyé. Dans ces rêves, son père et sa mère se tenaient près de lui, dans l’encadrement d’une porte. La lumière était si forte à l’extérieure, que le cotre jour l’empêchait de voir ses parents en détail, ces géniteurs n’étant alors que deux silhouette, auréolées. Dans ces songes, il riait, s’amusant avec de petite figurine avec son frère, un sourire naturel sur le visage, celui d’une béatitude, d’un bonheur presque parfait. Dans ces songes, tout prenait fin, après une explosion. Les flammes commençaient à grignoter son monde, tandis qu’une odeur de chaires brulées emplissait l’air. La chaires de ses parents, en feu, tandis que le paradis ce transformait en en Enfer, tandis que tous mourrait et que les deux frères pleuraient, au cendre de ce monde enflammé.
        Sans jamais qu’il puisse voir le visage de ces deux être bienveillant. Frustration, tandis que la colère plantait ses griffes dans sa peau, disséminant les germes d’une haine qui ne demandait qu’a grandir, qu’à être entretenue. A chaque jour passant, il sombrait de plus en plus, se complaisant dans cet enfer, devenant une partie de celui-ci, un provocateur. Agitateur du chaos, car toute cause en a besoin, pour faire régner son ordre et proposer ses solutions, la haine qui le rongeait pouvait devenir un frein, un obstacle, sur sa conquête du pouvoir. Son comportement insociable, et sa manière d’être, insupportable… L’Empereur n’était pas là pour plaire, mais bien pour renverser.


        La petite salle tremblait sous l’exercice des deux frères… Petite, insalubre, un parfum de vétusté trainait dans l’air, tout comme cette poussière, soulevée à chaque attaque des jumeaux. Le sol en bois paraissait solide, grâce à un enchevêtrement de corde, tissés fermement, en dessous de sa structure. On ne pouvait pas en dire autant des murs, qui semblaient se plier à chaque bourrasque de vent. La petite fenêtre, qui donnait sur l’océan – le repaire était construite près du port, au pied de l’étendue bleutée, n’avait plus de vitre que des carreaux brisés, tandis que l’armature semblait pouvoir s’effondrer à chaque instant. Le toit était percé, et on aurait pu se croire dans un atrium, tant la lune éclairait les deux frère. Au dessus de cette sorte de cour murée, une bâtisse, vieille et délabré, penchait vers la droite, comme si l’architecte c’était amusé à savoir quand elle s’écroulerait.
        Les colonnes face à la petite ouverture sur la mer étaient écroulés, si bien que le semblant de plafond, à cet endroit, tanguait, à contrario de côté de la cour, ou les colonnes étaient restées intactes –ou presque.

        C’est sous la robe argenté de la dame de nuit, que nos deux comparses, s’amusaient… Mais comme bien souvent, dans les jeux fraternels, le jeu dégénérait, très vite. Surtout lorsque ces protagonistes sont des assassins. Surtout lorsque l’un deux était un homme cruel et orgueilleux, véritable serpent. Ce duel n’était pas qu’un simple face à face pour lui, c’était un moyen de se repentir, de ces erreurs passées, et de celle a venir… Une manière de contrer la figure du destin, de lui faire un pied de nez. Jamais il ne resterait inactif, jamais il ne se morfondrait sur son sort, luttant, encore et toujours, devant une roue dont la présence lui donnait une envie incroyable de sortir de ses gonds. Ce duel, c’était aussi un moyen de monter à Rafaelo. D’abords qu’il était digne, de commander à une force de la nature aussi compétente que lui, ensuite, que face à l’intellect et le génie, la compétence seul ne servait à rien. C’était le combat de David contre Goliath, restait a savoir du quel des deux était le géant.

        La joute prenait en sérieux, lors de l’enchainement de L’Empereur, le coup bien placé fit perdre l’équilibre à son jeune homologue, mais lui permit également de récupérer un outil précieux, dont il fit bon usage, la pointe dessinant une trace de feu, labourant sa chemise. Reculant, le choc avait déjà commencé à entamer le bois d’une des colonnes, faisant s’effondrer un pan de mur. Roulade arrière, tandis qu’un morceau de bois ne lui tombe dessus. Ignorant la douleur, il se tourna vers son frère, qui venait de s’extirper, tirant trois dagues vers lui.
        Césare se fendit, tournant autours des trois projectiles inoffensifs. Quelque chose de louche dans cette attaque sans queue ni tête. Rafaelo préparait quelque chose.

        « Tout vient à point à qui sait attendre … »

        Une balle fonça vers lui. Il aurait pu l’éviter… S’il l’avait vu venir. En aucun cas son pouvoir ne lui permettait, pour le moment, de régir à la milliseconde, et la balle s’enfonça dans ses chaires, transperça ses os, et ouvrit un trou béant dans sa poitrine. Ah il savait viser… Le cœur, mort instantanée. Le corps de Césare tomba en arrière sous le choc et la balle ressortie entre ses deux omoplates.
        Sa stratégie aurait marchée sur tout autre adversaire que l’Empereur. Seulement voilà, son partenaire était son jumeau, se sordide animal, monstre haineux, qui ne craignait rien, pas même la mort. En se relevant, il déchira sa chemise, une drôle de lueur dans le regard. Sa voix s’éleva, railleuse.

        « Et après… ? Parle moins, augmente ton efficacité plutôt que tes paroles. »

        Il riait, envoyant les trois dagues de son frère à trois point différents de son corps. Se précipitant une nouvelle fois, de cette vitesse que jalousait tellement son jumeaux, le révolutionnaire donna un large coup de pied dans les débris, qui s’élevèrent, obscurcissant sans doute le champ de vision de l’Auditore. Césare en profita pour tenter un coup au foie, suivit d’un direct au menton. Repoussant son frère, il pivota autours de lui. Son coude percuterait les reins de Rafaelo, tandis que de son bras droit, il assènerait un puissant crochet au niveau du nerf sciatique.
        Dolus an virtus quis in hoste requirat ?

        On vous dit qu’un nourrisson ne peut pas conserver de souvenirs de sa vie. On vous dit qu’avant quatre ans c’est impossible, et pourtant, j’entends encore la clameur des combats, je sens encore les cendres et la douleur. Comment le pourrais-je, puisque je n’étais pas né ? Certains parlent de souvenirs fabriqués, de choses que j’ai cru vivre, mais ce n’est pas vrai. Je vois cette ombre assassine chaque nuit, j’entends le cri de ma mère, chaque nuit. Je souffre en silence de cette plaie purulente qui nécrose petit à petit mon âme. La vengeance, voilà ce que mon cœur désire mais je ne peux céder à ce bas instinct. J’ai vu tellement de morts, tellement de charniers que je ne sais plus à présent distinguer ce qui est juste de ce qui ne devrait pas l’être. J’exécute, ordre ou individus peu m’importe, je suis … un meurtrier. Oui, je l’avoue, mais pourquoi devrais-je m’en soucier ? C’est par ce biais que je refoule ma rage, c’est par ce biais que mon amertume se dissipe et que je peux, un court laps de temps, me replonger dans les délices d’une vie saine et sans ambages. Je ne suis pas l’homme sans cœur que vous aimez vous imaginez, je suis comme vous : j’aspire à la paix, mais à votre différence, je lutte pour un monde meilleur. Un peu archaïque comme concept, mais il ne faut souvent pas chercher bien loin pour trouver une solution. Celle-ci me convient parfaitement, car elle me permet d’assouvir mes instincts. Elle me permet de tuer sans avoir à supporter le poids du péché. Oui, il peut m’arriver de me délecter de ces morts, mais elles sont nécessaires. Mon âme est souillée, mais je ne peux me résoudre à me détourner de cette voie, car alors je perdrais cette lueur d’espoir qui me fait continuer d’exister. L’homme est ingrat par nature, je n’attends rien de vous, mais sachez simplement que je veille à ce que le monde évolue. Je suis le grain de sable qui fera sauter la roue de son ornière, je suis le catalyseur de cette nouvelle marche du destin.

        C’était là un étrange tableau. La Lune filtrait par les vitres crasseuses de l’abri rudimentaire, offrant un spectacle macabre. Un liquide noir et épais maculait les murs et le sol de l’endroit. Un homme se relevait lentement, tandis que l’autre restait au sol. Durant ces quelques secondes, on put entendre le ressac de la mer et le vent qui s’engouffrait par les moindres failles du cabanon. Le bruit qui en résultait ressemblait au mugissement de centaines d’âmes damnées, issues de ces crimes dont les jumeaux étaient coupables. Puis, lentement, la silhouette allongée se releva, baignant dans son sang. Rafaelo n’aurait pas tiré s’il savait que son frère ne se relèverait pas. Certes, il l’avait fait sous le coup de la rage, mais il était assez sage pour contrôler de telles pulsions. Il savait pourtant qu’à partir de là, le jeu dégénèrerait. Il savait que Césare reviendrait à l’assaut, plus sauvage que jamais. Non pas qu’il regrettât son geste, mais il était inconsidéré et il n’était pas vraiment sûr de pouvoir suivre la cadence démoniaque de son ainé. S’il ne pouvait être mis à mal par ses lames et ses tirs, l’assassin le pouvait lui. Chaque blessure engendrait des semaines de guérison et de rééducation. Il ne devrait donc se concentrer que sur une seule chose : minimiser les dégâts. Oh, ce n’était bien sûr que la première partie de l’histoire. Il ne fallait surtout pas se précipiter. Prendre son temps était la clef de la réussite. Par habitude, Rafaelo ne se lançait jamais dans un combat perdu d’avance, et il prenait toujours le temps d’étudier la situation. Ce combat ne faisait pas exception à la règle. L’assassin se recula d’un pas et tira son épée courte de sa ceinture.

        « Je ne voudrais pas te tuer, frangin, tu fais un magnifique sac de frappe ! »
        se moqua-t-il, ne pouvant néanmoins cacher qu’il était tendu à l’extrême.

        L’Empereur contre-attaqua aussitôt, renvoyant les trois dagues à leur possesseur. Trois trajectoires, l’insouciant … Rafaelo se laissa tomber en arrière, évitant les deux dagues supérieures. La troisième, cependant, vint tailler une trace rouge sur sa cuisse, ouvrant tissu et chair. L’assassin tomba lourdement en arrière, grimaçant sous la douleur, mais parvint à se rétablir en roulant sur le côté. Il ramassa de son bras blessé sa rapière et s’aida de celle-ci pour se relever. Il sentait le sang couler le long de sa cuisse, celle le brûlant à atrocement. Cette attaque lui laisserait une cuisante cicatrice, et il mettrait plusieurs jours à s’en remettre. Ce fruit était … énervant ! Lui qui cultivait son corps en chaque instant, lui qui le poussait dans ses dernières limites voyait ses efforts tournés en ridicule par un simple pouvoir issu d’un pathétique fruit ! Il ne pouvait pas être aussi faible, pas après tout ça !

        Rafaelo se redressa, faisant taire la douleur sourde qui lui martelait l’épaule et la cuisse. Il se tint droit devant son frère, adoptant un masque d’impassibilité parfait. Il n’avait qu’à les ignorer, elles finiraient bien par se taire ! Une pluie de débris s’éleva alors devant lui, encore cette vitesse ! L’assassin croisa ses bras et tailla dans les deux diagonales, éliminant les morceaux de bois les plus imposants. Il lança ses deux armes sur le côté, les envoyant se planter dans le mur et exécuta dans le même mouvement un salto vers l’avant pour éviter le coup qui n’allait certainement pas tarder à venir. L’assassin sentit le vent fouetter derrière lui, tandis qu’il dut poser un genou à terre pour se rétablir. Bien vu. Il posa machinalement sa main sur sa cuisse, comme pour apaiser la douleur décuplée, puis se releva. Déjà son adversaire fusait vers lui ! Ne pouvant réagir à temps, il fut repoussé contre le mur jouxtant la fenêtre par un violent coup dans le foie. Fort heureusement, son armure était là pour le protéger ! Le coup lui coupa presque la respiration, mais ce n’était rien comparé à ses précédentes blessures. Rafaelo cogna le mur avec un hoquet de surprise et tout le cabanon s’ébranla sous le choc. Relevant le bras droit, il para le direct que son frère tenta de lui asséner. Trop prévisible, Césare, trop prévisible ! Une main vint alors le cueillir et le repousser de ce mur, l’approchant un peu plus de la fenêtre. L’assassin sourit de ce revers de la médaille, une idée commençait à germer en lui…

        Rafaelo évita le premier coup de son frère en frappant dans son coude, déviant ainsi l’attaque. Il pivota ensuite sur lui-même, parant le second coup du plat de la main. Il se servit alors de la puissance du coup de son frère pour la retourner contre lui. Il tira son aîné et l’envoya bouler contre le mur, au niveau de la fenêtre. L’assassin lâcha un petit éclat de rire et découvrit ses dents, tout en dégainant ses deux lames secrètes. Il se lança alors vers son frère et lança ses deux mains en avant. La Lune découpait l’ombre de l’Empereur sur la fenêtre, dommage pour lui. Les lames étincelèrent un bref instant, puis un épouvantable fracas retentit. Les vitres volèrent en éclat, ainsi qu’une partie du mur. Rafaelo venait de percuter son frères, dagues en avant. Aidé de son poids, il avait ouvert un passage vers l’extérieur, vers la mer. Rendue lumineuse par le reflet de la Lune, celle-ci offrait un magnifique contraste avec les ténèbres du refuge des deux frères. Le temps sembla se figer un instant, les débris volaient autour des assassins, l’infini de l’océan s’ouvrait devant eux.

        « Un seul point faible … »
        murmura Rafaelo à son aîné, un sourire amusé sur les lèvres.
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        Aerosmith - Dream On.


          Adepte de la destruction, le corps et l’esprit ne me résiste pas. Suppôt de la mort, j’ai acquis, à force des années, une manière de la donner, que l’on qualifierait presque d’art… Haine et vengeance son mes crédos, et je ne connais ni l’empathie, ni la compassion. Un monstre serait plus doux que moi, car ses actes ne sont ni calculés, ni motivés par son esprit, mais bel et bien par sa nature.
          L’homme est parfois pire qu’une bête. Lorsque résonne le son de la vendetta, de la guérilla, il n’hésite pas une seconde, et tue sans remords, justifiant sa barbarie, la dissimulant sous un atour autrement plus attrayant, l’honneur. A cause de ce dernier, on s’entre déchire, on se tue, on se fait la guerre, on se fait l’amour… Il n’y a que l’imbécile, qui se voile la face, pour justifier ses actes par cette sorte d’héroïsme primaire et contrefait. Ce n’est pas vraiment de sa faute, ce n’est pas une idée sortie d’un patrimoine génétique, ou d’une idée de génie, non, c’est un bourrage de crâne. La société nous pousse à faire des choses étranges pour nous intégrer, pour grignoter quelques échelons en son sein, pour lui donner satisfaction, sans s’apercevoir qu’au final, elle nous a brisée. Le monde est un moule, on ne devrait pas être forcé d’entrer dans son cerclage, de se déformer pour en épouser les bords et au final, ne jamais se sentir à notre place.

          Plutôt que notre âme, je briserais les conventions, je déformerais le moule pour en faire un endroit accueillant, pour tous, sans exception. Si pour cela, je dois me damner, si pour cela, je dois épouser la mort, en faire mon amante la plus intime, la partager avec tout ceux qui se mettront en travers de notre route, alors je le ferais. Ce n’est ni une envie, ni un besoin, c’est une nécessité qui m’a été dictée, par la main du destin. Celle qui tisse les fils des vies humaines, qui les tranche et le raccommode. Alors je me battrais jusqu’au bout, alors je mettrais terme à ce cercle de haine, celui là même qui me dévore, alors je combattrais, jusqu'à la fin, pour tout ces destins, toutes ces vies parties trop vites, par la faute des hommes.
          Je les hais, mais pourtant, je les sauverais… Que cela reste entre vous et moi, il ne le sait pas encore.

          Spoiler:

          Anna Scarlet était vice amiral, dans la glorieuse marine du gouvernement mondiale. Encore fraîche, malgré ses vingt six ans, parmi lequel une dizaine de service, elle possédait une sorte de candeur dans la voix. Sensuelle, prenant bien garde à tout faire pour se mettre en valeur. Elle avait gravit les échelons avec panache, femme, dans un monde d’homme. Blonde, ses cheveux tiraient vers le blanc cassé, tandis que sa peau était encore pure, comme à ses dix huit ans. Rien dans cette femme, n’aurait pu préparer son interlocuteur à sa grande folie, à ce petit grain que certains ont, obligatoire pour qui veut réussir dans un milieu hostile. La Vice-Amiral Scarlet était ce que l’on peut appeler une collectionneuse. Croqueuse d’homme comme de femme, elle suivait une règle, celle de ne jamais passer une nuit seule, et de ne jamais avoir le même homme dans son lit plus de deux nuits d’affilées. Pas si choquant, c’est l’autre aspect du mot collectionneuse qui apportait frayeur à ceux qui la côtoyait. Avant d’aller plus loin, il faut savoir que la jeune femme possédait les pouvoirs d’un fruit démoniaque, qui en faisait une des personnes les plus craintes en ce monde et dans l’autre… Elle avait la possibilité de mettre en stase -comme cryogénisé, le matériel comme l’immatériel… A l’instar du fruit des pattes, qui permettait à son utilisateur de repousser toutes choses, elle avait le pouvoir de capturer, dans un rayon de deux mètres autours d’elle et au contact, toutes choses existantes…
          Elle s’amusait à capturer les plus belles choses qu’elle voyait, pour le plaisir. Au départ se n’était qu’une distraction, qui se transforma bien vite en besoins, celui de posséder les plus spécimens dans sa collection. Grande gueule au caractère bien trempée, tout ses subordonnées tremblait lorsqu’elle piquait un de ses fards si connus de la brigade…


          C’est une femme qu’il vaut mieux ne pas titiller, si l’on ne veut pas finir dans un bocal.

          Ce matin là, elle s’était levée de mauvaise humeur, comme si elle avait voulu posséder quelque chose, sans pouvoir pour autant l’obtenir. La frustration se transforma bien vite en une sorte de colère, ou de vexation… A son âge, et lorsque l’on est aussi forte, on ne peut accepter que tout ne nous soit pas dût. Cependant, pas le temps de s’apitoyer sur son sort, qu’un couperet tombe, de la part de l’EMM, une convocation à une petite sauterie, menée par la brigade scientifique… Ce qui lui parût bien étrange. Attrapant une robe courte de couleur bleue foncée, elle réajusta son manteau d’officier, avant de sortir.

          Si Césare avait choisi cette endroit comme planque, c’était pour son isolement, son calme et bien sur, sa difficulté d’accès. Aux alentours, ce n’était qu’un vaste champ de friches, impraticable. On ne pouvait se rapprocher de la petite bâtisse que par le ponton, qui faisait front à la mer, puis venait une petite entrée dégagée dans le sol meuble, qui débouchait sur un escalier creusée à même la pierre. C’est dans le silence d’une nuit à la lune si claire, qu’un coup de feu retentit, l’atteignant en pleine poitrine. Son corps chuta violemment en arrière, s’écrasant au sol comme un pantin désarticulé. Le vide, le néant… Il ne mourrait pas vraiment lorsqu’une blessure sensée pourtant l’achevée le touchait. Sa conscience semblait flotter, dans une sorte de rêve aux marges de la réalité. L’obscurité se fit plus intense autour de lui, et l’humidité de l’air sembla être un voile l’empêchant de respirer, tel une couche visqueuse l’entrainant vers la mort… Ou des centaines de mains se tendaient vers lui, réclamant justice pour leur bourreau. Le souffle putride de ces âmes déchues, tués de manière violente, lui murmurait que ses tourments seraient éternels. La peur rattrapait alors l’immortel Empereur, qui courait vers la seul lueur d’espoir qui se dessinait dans cet horizon délabrée, ou les ruines se transformaient en d’horribles champs de souffre. Son corps étendu là, brillait de mille feux, en comparaison du milieu nocturne dans lequel il s’engluait.
          Ses yeux s’ouvrirent. Réplique de son cauchemar, le voile mit du temps à se réadapter à la réalité. Il est plus facile de s’adapter à la mort qu’à la vie, la première vous prend et vous emporte instantanément, tandis que l’autre est le résultat d’une gestion, d’une longue attente.

          « Je ne voudrais pas te tuer, frangin, tu fais un magnifique sac de frappe ! »

          Colère. Son frère ne se doutait pas du supplice qu’il vivait à chacune de ses chutes dans le royaumes des morts… Ils ne tolèrent pas les vivants, ni ceux qui végètent entre deux états si contradictoires. Le combat fit rage alors, d’une rare intensité. C’était étrange, son frère semblait se laisser malmener. Le coup au foie fit son effet, tandis qu’il repoussait son jumeau vers la fenêtre. Ses coups rencontrèrent résistance, et l’Empereur ne toucha pas Rafaelo.
          Pire, il se sentit entrainé, lancé sans ménagement contre la fenêtre. La mer ! Il percuta durement le mur ainsi que l’encadrement, des éclats de verres se fichant dans son dos, et traçant de larges estafilades brulante le long de ses joues. Ce n’était pas terminé. Son frère se jeta sur lui, deux dagues se plantèrent dans ses épaules, et termina de briser le mur. Basculant dans le vide, Césare vit la mer comme une fatalité, un coup du destin, de la faucheuse. S’il tombait, sans doute que l’Empereur ne se relèverait pas, après autant de blessure. Frappant de toutes ses forces dans le ventre de Rafaelo, il le fit basculer, échangeant sa position avec la sienne.

          Il extensione !

          Les os de son coude percèrent sa peau, la douleur devenant si forte et si sourde, que le révolutionnaire ne la sentait presque plus. Formant un entremêlât de plusieurs aiguilles assez larges, Césare donna un coup de coude rageur, sous l’effet de la colère. Dérapant sur une dizaine de centimètres, ses os se stoppèrent entre deux poutres de la fondation, plus solides. Un craquement sinistre accompagna la fin de sa chute. Un cri de douleur, bref, étouffé, s’étrangle en plein milieu de sa gorge. Stabilisé, il se glissa par le trou béant qu’avait été la fenêtre, jetant un œil à son frère, en contrebat. Un sourire se peint sur son visage, alors qu’il rit de bon cœur.

          « Bien essayé frère, mais j’ai gagné ! Comme toujours… Que veux-tu, je suis l’ainé ! ».

          Une fumée opaque sortait de la pipe du vice-amiral Scarlet, un air amusé saignait son visage, ses lunettes renvoyant quelques rayons lunaires. Césare Di Auditore, c’était sa cible. Leader d’un pauvre groupe révolutionnaire, qui n’avait à son actif, que l’assassinat de quelques poltrons de son gouvernement. Pas dénué de charme, avec ces cheveux verts et ses yeux de loup, il aurait presque été à son gout si celui que l’on surnommait « L’Empereur », n’avait pas été une cible. Un homme vint vers elle, et lui souffla une nouvelle plaisante.

          « Ils sont en place ».

          Eteignant sa pipe, son sourire redoubla d’intensité, devenant inquiétant, ses yeux verts émeraudes plantés dans ceux de son subordonné, elle prononça les parole fatidique.

          « Voyons déjà s’il peut résister à celle là.. »

          Se retournant vers la bicoque, elle attendit trois secondes, puis vint une explosion. Intense, la boule de feu s’éleva dans les airs. Bien dosé, elle n’avait qu’endommagée les parties supérieures, laissant les fondations à leur place. Se retournant vers les hommes qui l’accompagnaient, elle cria presque, sa voix forte et intelligente brisant le silence quasi-religieux qui avait suivit la déflagration.

          « A l’assaut camarade ! Il me le faut vivant ! »


          L’odeur du souffre. Ou quelque chose s’en approchant. Tout avait été vite, bien trop vite, et a peine eut-il le temps de sentir quelque chose de chaud venir du sol, qu’il avait été en propulsé sur une dizaine de mètre, en arrière. L’explosion avait vaporisée sa peau, détruisant la moitié de son crâne. La douleur ? il ne l’avait même pas sentit… Mais au fur et à mesure que ses cellules se reformaient, la brise devenait un bourreau. Des gémissent sortait de sa gorge brulée, et il ne parvenait même pas à se relever, tellement la souffrance lui coupait le souffle et ses moyens.
          Plus l’Empereur regagnait des forces, plus des questions importantes arrivaient à se former en lui. Est-ce que son frère allait bien ? Qui avait bien pu oser s’en prendre à lui ? Pour quelles obscures raisons ? Une vague de colère le prit à la gorge, plus grande encore que la déferlante de souffrance qui l’avait cloué au sol. Le soulevant, cette traitresse qui venait de se transformer en amie lui permit d’ouvrir les yeux, de se remettre sur pied. Alors qu’une petite troupe commençait à s’avancer vers lui, leurs armes blanches à la main, Césare ne s’en préoccupa pas. Son premier souci, vérifier si Rafaelo était en vis. Se penchant vers les bords, il vit la silhouette de son jumeau, dans l’eau. L’Empreur savait ses chances de s’échapper quasi-nulles.

          « Frère ! Pars devant ! C’est un piège ! On se retrouve au point alpha ! Je me débrouillerais ! »

          Son frére discuta, voulant l'aider, mais il lui fit comprendre que ce dernier serait un fardeau, ainsi blessé. Au plus profond de son esprit, il savait. Mieux valait un que deux mort. Le premier homme lui tomba dessus, fendant l’air de son sabre. Saisissant son poignet, son visage à moitié carbonisé murmura, d’une voix à peine audible, et terriblement inquiétante.

          « Et tous périront de ma main… Ce n’est pas de la justice divine, mais bien de celle des hommes… Œil pour œil, dent pour dent »

          Sautant en l’air, il passa derrière son opposant d’un salto avant, tordant le bras, lui brisant l’épaule, tandis que sa main, leste, lui fractura une vertèbre. Le deuxième coup tomba, vif, rapide, précis. Se baissant pour éviter une estafilade inutile, il faucha le deuxième marine, planta un de ses couteaux papillons dans l’ahorte. Se relevant, sa face à moitié rongée par une chaire putride, ou les os pointaient encore, un rire terrible s’éleva. Ils foncèrent tous en même sur lui, alors que ses métacarpes ne s’allongèrent, et qu’il se retrouva pourvus de trois lames osseuses effilés, d’une dizaine de centimètres.
          Esquivé, trancher dans le vif. Une feinte sur la droite, alors que sur la gauche, un sabre lui entaille l’épaule. Deux coups très rapides tranchent deux têtes. Pivotant, l’Auditore plante de nouveaux ses « griffes », perforant un estomac, et un foie. Sautant, se précipitant sur la vague qu’il entamait alors bout par bout, il effectue une sorte de rotation, tranchant dans le vif. Les coups pleuvent. Tellement qu’il ne savait même pas si le sang sur ses vêtements étaient à lui ou à ses ennemis. Dégageant une brèche, une vingtaine de marine au sol.
          Sautant sur le ponton, il part en courant… Fuir, encore et toujours, tandis que sa régénération est enfin complète. Fuir, cela devait avoir été inscrit dans ses gênes… Cependant, avec un gouvernement pareille, comment faire autrement ? Il vit les lumières de la ville se découper dans l’obscurité, tandis que des silhouettes inquiétantes, se dressaient devant lui.



          Ab origine fidelis.

          Un autre homme serait mort trois fois. Un autre homme ne pouvait tenir tête à un assassin aussi retors, et pourtant là étaient les faits. Césare, l’Empereur, l’Invincible. Un jour, il le battrait, un jour il lui ferait tâter de sa justice. Ce n’était pas qu’un entraînement, c’était une lutte pour le pouvoir, chose que Rafaelo lui concédait facilement, mais en aurait-il été de même si son frère avait perdu ? Probablement, mais personne ne pouvait en être sûr. Cet accord tacite assurait un lien indéfectible entre les frères car sans cesse renouvelé. Le plus jeune admirait l’autre, et le jalousait tout en se soumettant. Il était important pour lui de trouver une personne sur laquelle se reposer, sinon son combat en serait cruel et tout sauf juste. Il avait besoin de cette base stable que lui fournissait son aîné, mais ne pouvait prétendre à le surpasser dans ces conditions.

          La chute fut lente. Il entendit résonner le crissement de l’os contre le bois, le fracas de son corps contre le verre. Ceci suivait une douleur sourde dans le ventre, et la sensation que le monde basculait. L’assassin se retrouva tête en bas, les yeux rivés vers la structure en bois. Il vit le bras de son frère, coincé entre deux poutres, encadré par des milliers d’éclats de verre, où la lumière de la Lune se reflétait. Ce contraste entre ombre et lumière était d’une étrange beauté, mais une sauvage rancœur détruisait ce fugace instant de grâce. Un filet de sang retraçait sa chute, en une spirale étincelante. Ses deux bras étaient écartés, terminés par de meurtrières lames suintantes de ce liquide carmin, mais c’était là celui de son frère. Une douleur lancinante avait envahit son abdomen, son armure était entamée par une lame de verre. À peine l’idée de la blessure lui vint à la tête qu’il s’écrasa dans l’eau, générant une gerbe noire et bruyante. Le choc lui coupa presque le souffle, mais le sel s’infiltrant dans ses blessures le ramena à sa propre condition en un éclair. Il voulu hurler sous le choc, mais seule l’eau s’engouffra dans sa bouche. Il retira d’un geste le fragment de verre qui lui avait ouvert le flan, et se propulsa à la surface d’un battement de pieds. Il accueillit l’air avec délice, mais se tint néanmoins les côtes, à moitié paralysé par la douleur. Chargée d’eau, sa capuche bascula en arrière, révélant son visage à la Lune. Il inspira bruyamment puis se laissa basculer en arrière, tout en se maintenant grâce au balayage de ses pieds.

          « Viens donc te baigner dans ce cas ! » se moqua-t-il, riant de bon cœur.

          Même s’il était persuadé que son frère l’avait emporté grâce à son fruit, il savait que le combat était juste, et honorable. Césare savait qu’il était supérieur, et pourtant il prenait la peine de se battre de toutes ses forces. Il aimait son frère et l’aidait ainsi, mais le confortait sans le savoir dans sa volonté d’acquérir une force semblable. Il était un assassin, pas un pirate. Troquer la mer contre la force nécessaire à éradiquer la Marine lui était aisé, de ce fait. Rafaelo grimaça de nouveau, lorsqu’un mouvement du torse lui fit réveiller ses blessures. Le sel se chargeait de nettoyer les plaies, mais c’était tout sauf plaisant. Son épaule, sa cuisse et son flanc droit étaient bien amochés, il ne pourrait pas en tirer grand-chose dans les jours à venir. Il commença à se laisser aller dans l’eau lorsque le murmure du vent lui porta une bien étrange nouvelle. Des pas. Beaucoup de pas. Il n’eut que le temps de se retourner pour voir deux ronds lumineux à quelques mètres de là, ainsi qu’une troupe conséquente d’hommes. Il ne les aperçut que très brièvement, seule sa position lui permettait de les distinguer, Césare ne le pouvait ! Soudain, alors que ses lèvres commençaient à formuler un avertissement, un son lourd et profond monta du cabanon. Un mélange de chaleur et de lumière vint cueillir son frère chancelant et l’envoya au fin fond du brasier. Quelque chose se brisa alors en Rafaelo. L’eau voulu l’emporter, mais elle ne fit que lui procurer une gangue protectrice qui lui épargna le souffle de l’explosion.

          Un reflet argenté attira alors son attention, volant vers le port. L’œil exercé de l’assassin reconnu là sa propre épée, ou était-ce celle de Césare ? Elle se découpait dans les ténèbres, mortel présage. Tout avait volé en éclat ! L’assassin hurla de rage et, ignorant toutes ses blessures, il se rua à l’assaut du port. La décharge d’adrénaline et de fureur occulta toute réaction logique. Ce fut seulement la voix dégénérée de son aîné qui le ramena à la raison. Rafaelo sentit son sang se glacer, puis la frayeur fit place à la colère. Il leva les yeux vers Césare et le spectacle de sa face décomposée, littéralement, lui souleva le cœur, emportant toute dernière once de compassion pour ses agresseurs.

          « Jamais ! Je vais les tuer, peu importe mes blessures, peu importe la mort ! »
          rugit-il, en réponse à la demande son frère.

          L’assassin avait senti une haine implacable se calquer sur son âme et bien peu de choses pouvaient lui permettre de s’en détourner. Il finit par se plier de mauvais gré aux demandes de son aîné, mais pour la première fois de sa vie, il ne l’écouterait pas. Pour la première fois, c’était à lui de le sauver. Césare était en danger et il cherchait à tout prix à le protéger. Ridicule ! Il pouvait tout autant remplir ce rôle ! Il se glissa sous l’eau, serrant les dents sous la douleur. Au moins cette brève discussion lui avait permis de recouvrer ses esprits et de réfléchir. L’explosion était parfaitement cadrée, parfaitement exécutée. Ces hommes savaient ce qu’ils faisaient, ils étaient là pour eux. Mais pourquoi avoir attendu que Rafaelo ne tombe à l’eau ? Etait-ce un pur hasard ? Peut être … Quoi qu’il en soit, il devait à tout prix déterminer qui était le meneur de cette opération. L’assassin sortit la tête de l’eau sans faire la moindre vague. Il se cramponna au ponton d’amarrage et se hissa en retenant un gémissement sur la structure de bois. Il se glissa, comme une ombre, dans le port et se maintint camouflé derrière les bateaux amarrés, il voyait de là un fourmillement de Marines qui se dirigeaient vers la zone de l’explosion. Il dégaina ses lames secrètes, et se faufila derrière l’un d’eux. Une pointe métallique surgit de sa gorge, et il s’effondra sans que personne ne le remarque. L’assassin le tira à l’abri et lui ôta ses habits de Marine. Il camoufla dans un tonneau sa propre armure éclatée et revêtit les habits du mort. Il retourna le col de façon à ce que le sang ne puisse être vu, et vissa la casquette sur son front pour masquer son visage. Il récupéra ainsi l’épée du Marine, mais il réussit à fixer sa ceinture de dagues, ainsi que sa sacoche à bombes fumigènes. Il conserva ses deux dagues secrètes, jouant avec le tissu pour masquer les deux brassards. Il ressemblait, ainsi, à un Marine un peu négligé. L’assassin fit discrètement glisser le corps dans l’eau, et s’assura qu’il restât là. Il s’avança ainsi à découvert, son visage étincelant de haine. Il se faufila dans les rangs des Marines. L’agitation le préservait de tout soupçon.

          Rafaelo Di Auditore marchait à l’arrière de la dernière troupe qui chargeait son frère. Il courait doucement, ses deux lames dégainées. Il tira l’épée rudimentaire du soldat et fit mine de charger avec eux. Il vit soudain Césare, maculé de sang, fuir. Cette image lui serra le cœur. D’un geste, il rengaina ses lames et se mit à la poursuite de son aîné. Il était au milieu de la troupe chargée de « jouer aux rabatteurs ». Le sang de l’assassin ne fit qu’un tour. Il se laissa dépasser pour rester au fond de la file, et commença son œuvre. Le dernier Marine n’eut que le temps de voir un sourire malsain illuminer son compagnon lorsqu’il lui abattit une lame acérée dans la gorge. Rafaelo ne laissa pas le temps au corps de tomber. Il sauta sur deux autres Marines et les tua avec ses armes, une seul coup dans la nuque. Dans la clameur de la poursuite, les soldats tombaient comme des mouches, tous avaient les yeux rivés sur leur cible qui s’enfuyait. Pas un n’eut l’intelligence de surveiller leurs arrières. Il n’en restait plus qu’une vingtaine, presque tous en rangs. L’assassin en avait occis une première dizaine avant qu’un premier homme ne remarque l’hécatombe. Il se retourna, pour faire suivre un ordre, mais il ne fut accueillit que par la dague acérée que l’assassin lui lança. L’arme lui cloua littéralement le bec, et il s’effondra sans un bruit. Il sauta par la suite sur deux autres hommes et se retrouva, cette fois, au centre de la mêlée. Il les tua sans sourciller, et en élimina deux autres avant que les Marines ne réagissent. Ils poursuivaient une cible, mais ne s’attendaient pas forcément à ce qu’une tierce personne ne vienne diminuer leur rangs. Rafaelo ne leur laissa pas le temps de contre-attaquer, il sortit sa bombe fumigène et la gratta contre le sol. Il ne la lança cependant pas et écrasa la boule métallique dans les dents d’un Marine. Il l’envoya ainsi au sol, et expédia l’arme improvisée vers un homme qui tentait de dégainer son arquebuse. La sphère éclata alors en une immense gerbe de fumée. Les quinze Marines restants furent aussi tôt submergés par les volutes étouffantes et la plupart en lâchèrent leurs armes. L’assassin, quant à lui, s’était protégé le visage de sa tunique et répandait la mort à chaque coup. Il ne lui fallut que quelques secondes pour venir à bout de ses derniers adversaires avant de mettre un genoux à terre, suffoquant et toussant sous l’effet de son propre gaz. Une large tâche rouge s’épanchait au niveau de son abdomen, ainsi qu’au niveau de sa cuisse. Le sang coulant de son épaule s’était infiltré dans son gant et une sensation de moiteur tiède avait envahit sa main droite. Il était assez amoché, mais rien de grave. Peu à peu, il sentit la douleur lui revenir, par vagues. L’adrénaline et la colère l’avaient brutalement supplantée le temps du combat. Rafaelo retint sa respiration puis sortit du nuage de fumée, qui commençait à se dissiper sous l’effet d’une légère brise. Le spectacle qui se révélait sous la Lune était bien macabre. Tout le long de la ruelle, une dizaine de corps était éparpillée, tandis qu’un amas de vingt Marines trônait à l’entrée de la petite place. La plupart avaient été tués d’un seul coup, et aucun n’avait survécu. Ce n’étaient là que des petites frappes que l’assassin avait réussi à neutraliser grâce à ses talents. Il y avait fort à parier que la donne aurait été changée en confrontation directe …

          L’assassin rengaina ses deux lames secrètes et se saisit de deux sabres, appartenant aux Marines et s’avança vers la silhouette arrêtée au milieu de l’esplanade. Il tira d’un coup sec sa tenue de Marine et l’arracha, révélant sa tunique d’assassin. Il s’avança à la lumière, à visage découvert, en direction de son frère. À l’instar de celui-ci, il était maculé de sang et offrait un spectacle macabre. Il s’arrêta à quelques mètres de son aîné, encore auréolé de la fumée générée par son fumigène.

          « Ecraser l'innocent qui résiste, c'est un moyen que les tyrans emploient pour se faire place en mainte circonstance. Les pauvres gens ne soupçonnent jamais le diable, quand même il les tiendrait à la gorge. » s’annonça-t-il.

          Il rabattit sa capuche sur son visage angélique et vit tourner ses deux épées, ignorant les signaux de douleur, récurrents. Mieux valait mourir que laisser Césare se sacrifier. Mieux valait tous les tuer que le laisser fuir. L’assassin vint se ranger aux côtés de son frère, faisant face aux ombres mouvantes qui se dessinaient dans la lumière de la Lune. Il se mit en position de combat, ne pouvant néanmoins pas lever son bras droit autant qu’il l’aurait voulu. Il était légèrement replié sur le côté gauche, et maintenait sa jambe gauche légèrement de biais. Des signes très peu visibles, mais qui témoignaient de la gène occasionnée par ses blessures.

          « Jamais entendu parler de point alpha. »
          fit-il à son frère, tuant toute réprimande de sa part.

          C’était bien entendu faux, mais il affichait par là sa détermination. Il ne le laisserait pas tomber. Il n’avait de plus pas été un poids, car s’il savait manier son arme, il savait aussi comment compenser les faiblesses, et dans ce cas les blessures, de son corps. Il pouvait encore faire quelque chose pour son aîné, même si cela impliquait de se sacrifier. De plus, ils s’étaient tous lancés à la poursuite de Césare et n’avaient pas même eut l’idée de s’occuper de lui. Etait-il une quantité négligeable à leur yeux ? Il ne fallait pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. L’assassin doit être discret dans tous ses faits et gestes.

          Ave Caesar, morituri te salutant.


          Dernière édition par Rafaelo Di Auditore le Mar 31 Mai 2011 - 14:18, édité 1 fois
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            L’homme n’a jamais été vraiment prudent. Plutôt que de s’enquérir de ce qu’ils ne savent pas, avant d’offenser quelque chose qu’ils ne comprendraient de toutes manière que très peu, ils préfèrent essayer. Et récolter les conséquences de leurs actes. Ce ne serait qu’à ce moment précis, qu’ils essayeraient de s’échapper, de ne pas subir les foudres du jugement, la sentence pour leurs défauts. Instinct de survie, qui les pousseraient à pactiser avec ce qui les terrorises. Instinct de survie, qui les condamnerait à une vie de vile servitude. Le mythe de la boite de pandore. Dans une jarre, tout les pêchés avaient été enfermés. L’humain ne trouva meilleur idée que de l’ouvrir, et de répandre la douleur, le mal et la colère. Le premier homme, qui habitait un paradis terrestre, ne trouva meilleure idée que de gouter au fruit interdit. Ce n’étaient que des légendes, et pourtant, elles peignaient de manière excessivement réelle le portrait des humains.

            Ils avaient ouvert la porte à la douleur, qui ouvrit la voie à la colère. A présent, le mal s’infiltrait par tous les pores de sa peau. A présent, il devenait le serpent tentateur, qui fit germer l’idée que le fruit était délicieux… L’Empereur n’était plus un homme doué de raison, mais une bête meurtrière que l’on avait mit à terre, malmenée, blessée.
            Et c’est lorsque la bête se relève qu’elle s’avère la plus dangereuse.


            Il courait. Presque nu, seul son pantalon avait en partie accusé le souffle de l’explosion. Il courait, sentant les planches de bois pourries lui écorcher les pieds à chaque pas. Le Révolutionnaire ne pouvait pas mourir. En tout cas, il ne le pouvait pas réellement. Ressentant la douleur plus hardiment encore que les autres, ne l’attendant plus comme le signal d’un danger, mais comme la punition pour ses fautes, l’Empereur n’aimait pas reconnaître ses erreurs, et sentir la douleur picorer autant son corps que son esprit. Peu à peu, à force de l’air fouettant son corps à moitié calciné, la souffrance l’éveillait. Césare n’en avait pas vraiment conscience, mais ceux qui l’avaient ainsi maltraité allaient payer le prix fort pour son sort. La bête que son intellect et sa raison retenaient venait d’être libérée.

            Le jeune homme la sentait pulsée, là, sous sa peau. Il la sentait dans toutes les fibres de son corps, dans chacun de ses mouvements. Il la sentait prendre place en son cœur, plus solidement encore que des liens. La lune éclairait son visage par moment, dévoilant une rangée de dents blanches et luisantes, accompagnées du regard torve d’un jeune loup. Le prédateur en lui, cette espèce de force animale qu’il avait toujours possédée. La réflexion n’avait plus sa place, tout n’était plus que violence.

            La stratégie était pourtant si simple. Un groupe assez nombreux était là pour l’affaiblir. Sachant pertinemment qu’il ne suffirait pas, la Vice-Amirale avait décidé d’en positionner quelques uns en contrebas, afin de le rabattre vers un autre groupe. L’objectif était lui aussi très simple. Lui faire passer des points de contrôle, lui faire perdre ses forces peu à peu, sans qu’il ne puisse réellement s’en apercevoir. Qu’il arrive la langue pendante, fatigué, se prosternant devant elle, pour qu’il abrège ses souffrances… C’était tout à fait le style d’Anna. Plus le temps passait et plus elle était impatiente de le voir déboulé, après le virage qu’effectuait le ponton, s’enfonçant dans les prémices de Tequila Wolf.
            Oui, mais elle avait oubliée une donnée importante. Elle avait sous-estimé ses adversaires… Car oui, ils étaient plusieurs. Deux ombres assassines, deux hommes se protégeant l’un l’autre.


            Une dizaine d’hommes venaient à sa rencontre. C’était pathétique. Sautant par dessus la première vague, armés de leurs dards. Il se retourna en l’air, tout en sortant les dagues qu’il avait patiemment amassées. Retombant, ses armes pénètrent deux crânes. Puis trois, puis quatre. La fatigue affluait en lui comme un ennemi autrement plus dangereux et pervers que tout autre. L’odeur de sang voilait son raisonnement, l’air en était saturé et de veilles pulsions se réveillaient. Des os poussaient sur certaines parties de son corps, tandis que ses genoux et ses coudes, ses poings et même son crâne, se transformaient en armes meurtrières.

            Laissant là les corps à moitié éventrés, amputés et mutilés, il continua sa fuite meurtrière. Une autre dizaine d’hommes chargèrent, tandis que le jeune homme continuait sa destruction méthodique. Des coups bien placés, pour déstabiliser, paralyser et lui permettre de se défendre… Il accusait un nombre incroyable de blessures, tout en continuant de donner la mort. Un coup de griffe qui fauchait une tête. Un sabre récupéré qui déchirait des entrailles. Un coup de coude qui pénétrait des chaires. Une lame qui découpa un membre. Tout se déroulait si vite et intensément, qu’il n’avait plus l’impression de voir que par flash, sortes de visions teintées de rouge carmin. Puis soudain, un accalmie, de très mauvais augures. La douleur vrillait ses tympans, brouillait sa vision, et le démangeait grandement. Des formes obscures s’agitaient devant lui, à la lueur de la lune. Des démons, ou des fantômes, venus réclamer leurs tributs? Césare n’avait jamais été croyant en quoi que ce soit, mais l’aspect étrange de cette scène le rendait perplexe.


            Une ombre se glissa à ses cotés, et L’Empereur reconnu immédiatement son frère. Sa présence le calma, lui assurant la stabilité nécessaire à leur fuite. Son jumeau avait cet effet sur lui, tout comme lui avait cet effet sur son jumeau. Deux parties d’une même âme, qui une fois ensemble, ne faisait plus qu’une. Alors lorsqu’il argumenta, Césare ne trouva rien à ne lui dire pour le dissuader. Son seul et bref commentaire fut sincère. Tournant la tête vers Rafaelo, ses yeux jaunes brillaient d’une lueur qui n’exprimait ni la haine, ni la constente envie de meurtre qui l’animait.

            « Merci frère… »

            Il n’avait pas le temps d’expliciter sa pensée, et n’en avait pas besoin. Une nouvelle vague d’une vingtaine d’homme leur tomba dessus. Quelle erreur, sur un ponton si mince, que d’envoyer autant de chaire à canon. Cela dissimulait quelques tactiques, ou était l’œuvre d’un imbécile. Deux coups en ligne droite, deux lames affilées, accueillirent les premiers bougres qui s’avançaient vers eux en courant. Ce fût ensuite une avalanche de coups. En diagonale, à la verticale, une feinte, et un piquée. Une sorte de démonstration de leur talent… Et il était monstrueux pour leurs ennemis. L’hécatombe se termina très rapidement, tandis que les deux frères se regardèrent en souriant, se saluant à la manière d’acteurs remerciant leurs publique.
            Soudain, un doute et un pressentiment voilèrent le regard mordoré de L’Empereur. Cette odeur, il l’avait déjà sentit auparavant ! Son poed battit l’air rapidement, mais cueillit avec une certaine douceur le cou de son frère, l’entrainant dans les flots, tandis qu’une explosion, de face, le fit s’envoler sur trois ou quatre mètres, alors qu’il se réceptionnait sur ses pieds, toujours vivants.

            Les vieilles blessures qui venaient de se régénérer, où étaient encore entrain de le faire, se rouvrirent, saignant abondement. Il était nu, et en face de lui, un régiment l’attendait, armé. Se tournant vers son frère, tandis que des coupures saignaient sa face, il déclara d’un air si sérieux, que son jumeau ne pourrait désobéir.

            « Fuit Rafaelo ! Fuit ! Tu n’as pas mes facultés, et cette bataille te serait fatale ! Je ne veux pas te perdre… »

            Courant, utilisant une dernière fois son accélération foudroyante, ne laissant pas à son frère le temps de le contredire, L’Empereur savait pertinemment qu’il courrait à sa perte. La première salve le cueillit avec force, les plombs pénétrant sa peau, le traversant de part en part. La douleur afflua, mais n’eut pas le temps de le clouer sur place. Sa détermination était trop grande pour être stoppé par quelques foutues balles. Il ne renoncerait pas. Continuant à courir, la deuxième vague l’arrêta une nouvelle fois dans son élan, des trous se dessinants sur sa peau, crachant un liquide rougeâtre. Fermant les yeux, il occulta toutes ses souffrances, se jetant sur ses ennemis, en déchiquetant quelques uns de ses griffes, complétement dévêtu. Personnification de la mort ou ange venu délivrer quelques âmes impies ? Il ne ressemblait plus à L’Empereur tyrannique et cruel dont il arborait le masque. Généreux, ses coups étaient précis, apportant la fatalité sans douleur. L’espoir était entrain de renaître en lui… Eclairant l’obscurité et les ombres qui s’agitaient perpétuellement en lui tel un phare, lui montrant la voie, le guidant dans les eaux troubles.

            Et ce fût la fin… Son corps n’en supportât pas plus, s’arrêtant en plein mouvement, tandis qu’il vacillait. Un dernier coup de patte du lion blessé, une dernière tentative de se rebeller contre la fatalité, alors que son bras retomba dans le vide, n’ayant rencontré aucune résistance.
            Césare s’écroula, nu, sur l’asphalte… Son corps suintant de blessures, qui recouvraient chaque centimètres ou presque, de sa peau.


          Minuo Ego autem vos.
          ipse ego te perduint.
            Bercé par le flot des âmes, l’assassin n’est qu’un outil dans les mains de la fatalité. Il ne fait que rompre le fil de vie tissé avec soin, s’accaparant là un des pouvoir des trois Moires. Sa lame était pareille au ciseau d’argent destinant toute vie à une fin misérable au seuil des enfers. Seule l’immortalité de l’assassin était remise en cause, et pourtant, à travers ses actes et ses faits il vivrait éternellement, tel une légende de cet obscur monde. Il devenait peu à peu bien plus qu’un homme. Incorruptible, indestructible, il devenait le symbole d’une lutte, mais il n’était pas le héros que les gens demandaient. Non, il était celui dont ils avaient besoin, une légende nimbée de ténèbres destinée à faire vaciller la lumière pour secouer l’Homme. Il se devait de retourner principes et lois pour que le monde s’embrase et renaisse de ses cendres. Il devait mettre le feu à la fourmilière pou qu’un jour la justice en sorte et juge tous les hommes équitablement. En attendant cette nouvelle ère, précipitée par ses propres mains, il ferait office de justice et serait le couperet de sa propre loi, tombant sur les têtes des vers qui fouillaient imperturbablement le fruit pourrait que revendiquait être le Gouvernement. Il ferait choir ce monde de son perchoir et l’écraserait du talon comme on le fait avec un insecte. Il n’avait pas peur de la mort, pas peur du danger. À vrai dire, une seule chose le terrifiait : se perdre dans le conflit. Plus précisément, perdre ce qui faisait encore de lui un humain. Tant de sang avait coulé entre ses doigts qu’il n’était plus sûr de pouvoir frayer à égalité avec eux. Il avait peur de régresser en perdant la seule part de lui qui le rattachait à ses semblables car dès lors qu’il se perdrait dans la contemplation, au lieu de sauver le monde, il l’annihilerait. Mais n’était-ce pas mieux au final ? Retourner à l’état de nature … purger l’homme de l’homme. Plus d’injustices, seulement une loi inébranlable et plus ancienne même que le Gouvernement, une loi qu’eux même rechignaient de subir et que l’assassin leur infligeait constamment : la loi du plus fort.

            Malheureusement, sa part d’humanité était menacée. Son frère se tenait à ses côtés, quasiment nu et percé de blessures. Il avait enduré bien plus que ce qu’un corps pouvait endurer. L’Immortel était en train de faiblir, et seul Rafaelo pouvait le ressentir, par ce lien unique qui unissait les deux jumeaux. Mais il était là, il ne le laisserait pas sombrer sans le payer de sa propre vie. L’assassin se baissa et attrapa deux sabres, un dans chaque main. Il les fit tournoyer dans ses mains, rudimentaires et mal équilibrés. Peu lui importait, tant qu’il déchirait les chairs. Il sentait la douleur et la fatigue engourdir chacun de ses membres, peu à peu, mais il n’en avait cure, il devait vaincre, quoi qu’il advienne de lui, tant que Césare restait en vie, ce n’était pas important ! L’assassin se tourna vers la masse grouillante des sbires du gouvernement qui levaient leurs armes en direction des deux Auditore. Il hurla à plein poumons, relâchant toute sa haine à l’encontre de ses adversaires, qui furent un instant figés de stupeur devant la colère qui émanait de cet être encapuchonné. L’assassin fit rugir ses lames, ne cherchant pas à retenir sa douleur, qui alimentait le feu de rage qui coulait en lui. Un voile rouge obscurcissait sa vision et il laissait son corps agir à sa guise. Parant d’une lame, il enfonçait l’autre dans la gorge d’un Marine, glissant sur le sol, il trancha une artère fémorale provoquant une lente et douloureuse agonie. Tout n’était que sang et douleur, tout n’était que carnage. Le sang coulait du ponton de bois, tâchant l’écume d’un rouge profond, tandis que les corps s’amassaient sur le mince promontoire. Ceux qui ne pouvaient y contenir tombaient dans la mer, dans un fracas retentissant de cris de souffrance. Au bout d’un instant, le bras de l’assassin devint trop frêle pour tenir sa lame, et il ne fit que lâcher l’arme qu’il avait subtilisé. Le bras droit le long du corps, il continuait de se battre comme si ce membre n’était qu’un accessoire dérangeant. Il se servit même de son propre sang pour aveugler un adversaire, tant le combat était ardu et qu’il avait réveillé ses blessures, suintantes à présent d’un sang noir et poisseux. Il en garderait une cuisante cicatrice, mais peu lui importait.

            La vision de l’assassin commençait à se troubler, ses forces le quittaient petit à petit, et il ne pouvait lutter contre cela. Une lame vint trancher le côté droit de sa capuche, manquant de peu son œil. Bientôt, ce fut au tour de son bras gauche de se faire taillader, il n’était pas fait pour supporter une telle masse d’attaques. Cela n’avait rien à voir avec une guerre : c’était une exécution en bonne et due forme. Un instant, il flancha, posa un genou à terre, mais ce ne fut que pour se relever et porter un coup mortel. Chaque pas semblait être le dernier, mais par la force de la volonté, Rafaelo faisait avancer sa corps, taisant les signaux de douleur qui lui perçaient le corps entier. S’il arrivait à éviter d’être trop gravement touché, il prenait en contre partie un nombre trop élevé d’attaques. Que ce soient des coups de pommeau, ou même de poing, il ne pouvait tous les éviter. Son corps trouvait là sa limite et il ne pouvait rien faire d’autre que limiter les dégâts. Puis, au bout d’un moment, ce fut fini. L’assassin s’affala, devant s’appuyer sur sa main pour ne pas s’allonger sur le ponton maculé du sang de ses adversaires. Sa tunique était lacérée et pendait en lambeaux, tandis que sa capuche révélait la moitié de son visage, l’habit était salement amoché, mais pas assez pour qu’on puisse reconnaître formellement l’assassin, et l’identifier. Mobilisant ses dernières ressources, l’assassin se releva et se tint droit à côté de son frère. Déjà, face à eux, se dressait le reste de la petite armada. Pourquoi autant d’hommes mobilisés contre eux ?! C’était ridicule ! Ils ne pouvaient avoir été aussi formellement identifiés. Rafaelo aurait du être au courant de tels mouvements chez les Marines, il aurait du s’y attendre. À moins que Césare s’y soit attendu, peut être que cette clef était la raison pour laquelle toute la Marine de Tequila Wolf s’était mise en branle ? Rafaelo tira la clef de sa poche, l’observa un instant puis l’y replongea. Ça n’importait plus, à présent. Il allait défendre sa vie aussi chèrement que possible. Il ne les laisserait pas l’avoir sans le regretter.

            Soudain, une douleur sourde vint le cueillir au creux de la nuque. L’assassin sentit son corps s’envoler et s’écraser sans bruit dans l’eau salée. Il serra les dents et étouffa un cri de douleur, tandis que son corps s’enfoncer dans les eaux sanglantes. Un bruit sourd monta alors des profondeurs et l’entraina encore plus profond, tandis que le choc lui arrachait ce qu’il pouvait lui rester de vêtements sur le torse. Toutes forces l’ayant quitté, Rafaelo se laissa remonter à la surface par la simple force que l’eau salée exerçait sur son corps. Il avait outrepassé ses propres limites et bouger le moindre muscles lui demandait un effort surhumain. Au moins, son sang circulait toujours en lui, c’était déjà une victoire en soi. Les bulles tourbillonnaient autour de lui en un carcan de chaleur et de douleur. Il refit surface et peina à simplement ouvrit les yeux. Il vit son frère lui parler, il vit l’éclat dans ses yeux puis il se rua à l’assaut. Rafaelo tendit une main vers lui, puis ce fut le noir absolu.

            ~~~

            L’odorat fut ce qui le revint en premier. Une odeur de pain chaud s’élevait autour de lui. Puis ce fut la perception de son propre corps endolori et de l’état de ses pauvres muscles. La douleur le frappa de plein fouet, mais il la supporta sans broncher : pourquoi était-il encore vivant ? L’assassin ouvrit lentement les yeux, la lumière lui fit regretter ce geste et lui tira un grognement. Il sentait qu’il était entouré de quelque chose. Il passa une main fébrile sur son torse et s’aperçu qu’il était bandé, mais plus encore : il était dans un lit, bordé. Quelques bruits résonnaient autour de lui, mais il attribua ça au remue ménage extérieur. Encore une fois, il voulut ouvrir les yeux. Ses pupilles s’habituèrent plus rapidement à la lumière. Il regarda autour de lui et aperçu une vareuse grise posée contre une chaise en bois, ainsi qu’une cuisinière rudimentaire. Il bascula sa tête de l’autre côté et aperçu une silhouette floue qui s’affairait autour d’une table. Il voulut ouvrir la bouche, mais retomba dans le noir total.

            ~~~
            « Je suis désolé pour votre frère, mais nous n’avons aucune nouvelle de lui. Quelle idée aussi, de se balader en pleine nuit dans Tequila Wolf, vous avez de la chance que ces dangereux Révolutionnaires se soient contentés de vous rouer de coups, messire. »

            Rafaelo acquiesça, avec un sourire forcé. Il était redevable à ce petit brin de femme après tout.

            « Désolé de tout ce dérangement, Signorina. Je vous serais à jamais redevable de ce que vous avez fait. Mais puis-je vous demander une dernière chose … qu’est-il arrivé à ces Révolutionnaires dont vous me parlez ? Je dois, à mon malheur avouer que je ne garde qu’un souvenir très confus de cette soirée … »
            mentit-il.

            La jeune femme soupira, ne pouvant dissimuler un léger sourire sous ses traits fins. Elle rajusta une mèche rebelle qui saillait de son chignon puis resservit l’assassin en thé, avant de se lever et d’inspecter à nouveau ses blessures. Elle mis quelques minutes à répondre. Juste assez de temps pour que le cœur de Rafaelo ne commence à s’emballer. Césare, bon Dieu, mais que c’était-il passé ?! Pourquoi avoir ainsi décider de braver l’impossible …

            « L’un est porté disparu, l’autre a été capturé et pendu. » murmura-t-elle « Désolé pour votre frère. »

            Le jeune Auditore arqua un sourcil et se tourna vers elle, elle lui posa un index sur les lèvres et lui fit signe de se taire.

            « Je ne veux pas savoir. Je veux juste me contenter d’avoir soigné un homme agonisant sur le pas de ma porte. » lui fit-elle, en parlant encore plus bas.

            Elle se méprit cependant sur ses intentions. Si elle l’avait reconnu, et si elle représentait un danger il n’avait qu’à la tuer. Non, c’était le sort de son frère qui l’importait, Césare … pendu ?! Non, c’était impossible. Il ne pouvait mourir comme cela. Il était l’Empereur, l’Immortel ! Il voulait bien croire à la première partie de leurs divagation, mais ce n’était pas ainsi que l’on pouvait tuer son frère. Un sourire se dessina sur sa face : il était encore vivant, pourquoi auraient-ils déclaré le contraire dans ce cas ?! Ainsi il était dans leur griffes, ou espéraient-ils le faire chanter ?

            « Je comprends, Signorina. Je ne vais donc pas vous importuner plus longtemps. Un jour viendra où je vous payerai ma dette, mais pour l’heure … »
            laissa-t-il en suspens.

            La jeune femme hocha de la tête et lui remis un paquet emmailloté. L’assassin le soupesa et l’ouvrit rapidement. Il contenait ses habits, rapiécés. Depuis quand savait-elle ? Et, surtout, pourquoi ne l’avait-elle pas déjà dénoncé ?

            « J’ai mis du temps à comprendre, mais vous parlez beaucoup dans votre sommeil, Sire Auditore. J’ai veillé pendant les quelques semaines où vous étiez convalescent à récupérer vos effets, et à les rapiécer. Sachez simplement que les coupables ne sont plus ici. Vous devriez vous contenter de cette seconde chance pour mener une vie honnête et sans problèmes. »

            Ainsi se résolvait le mystère. Elle en savait trop, beaucoup trop. Même jusque dans le détail de ses accessoires. Mais elle était inconsciente. Il ne pouvait la laisser vivre, même si elle lui avait sauvé la vie. Non, elle ne lui avait pas sauvé la vie, elle avait simplement permis à sa cause de perdurer. Elle n’avait été que l’instrument du destin et il ne pouvait se permettre de se laisser berner par de tels élans de sympathie. Elle était innocente, certes, elle l’avait aussi aidé mais si elle n’était pas avec lui, elle était par définition contre lui. Il était trop dangereux pour tous de la laisser vivre, mais il devait au moins lui proposer une échappatoire. Cette femme était à la fois son salut et sa fin, il ne pouvait en aucun cas la laisser agir à sa guise car si la Marine mettait la main dessus, il en serait fini de lui, de sa vengeance et de la Confrérie. Oui … la Confrérie. L’Union Révolutionnaire, la Police Secrète … tout ça était à lui tant qu’il n’aurait pas retrouvé son frère.

            « Rejoignez-moi, rejoignez-nous. » murmura-t-il, se levant brusquement et lui tendant la main.

            La jeune femme l’observa longuement et secoua la tête. Evidemment, il était un meurtrier, un opposant éminent de la Marine … un membre de l’Union Révolutionnaire. Il ne pouvait en aucun cas en être autrement. L’assassin sentit son cœur se serrer. Elle ne savait pas à quoi son refus l’obligeait. La cause était plus grande que l’Homme. La guerre ne mourrait jamais, chose pour laquelle il ne pouvait se permettre de laisser le moindre danger obscurcir sa route. Mais il devait avant tout trouver un moyen pour devenir capable de lutter contre le fléau qui les avaient balayés, son frère et lui. Il devrait trouver un moyen de devenir bien plus puissant qu’il ne l’avait jamais été … il devrait mettre la main sur un fruit du démon. L’assassin enfila sa tunique par-dessus ses bandages et fixa ses divers ustensiles. Il ne mis que quelques secondes à fixer le reste, et remarqua que les reprises étaient invisibles. Pourquoi tant de bonté devait être gâchée ? Et pourquoi de sa main … Ce geste le hanterait, il en était certain, mais il n’était qu’un homme au service d’une juste cause. Un grand pouvoir impliquait de grandes responsabilités. Tout d’abord, il devrait enquêter sur la réalité des événements passés, sur ce qu’il était advenu de Césare. Ensuite, il lui faudrait prendre la place de son frère pour mener ses hommes. Cette décision lui fendait le cœur, mais il devait en être ainsi, c’était ce que son frère aurait voulu. Ensuite, seulement, il partirait en quête d’un pouvoir plus grand. Sa force n’était que secondaire, mais si elle lui permettait de mettre à bas le gouvernement et ses sbires, ce ne serait là qu’un juste retour des choses pour ce que Césare avait sacrifié pour lui : sa vie. Mais il ne pouvait en son fort intérieur croire à sa mort. Ils étaient jumeaux, et il savait que son frère n’avait pas pu mourir. Il le retrouverait un jour et s’assurerait qu’il serait à ses côtés pour l’avènement de la famille Auditore !

            « Bien. Sachez que j’en suis sincèrement désolé. Ce n’est pas justice, mais nécessité. Mon bras défend le peuple, et le sacrifice d’une vie contre une cause entière n’est rien. Si je n’étais pas l’instrument, le destin m’aurait laissé mourir, mais il n’en a pas été ainsi. Que je puisse un jour pouvoir me repentir de ce geste, mais il est regrettable que pareille âme doive être châtiée d’un crime qu’elle n’a pas commis. La faute en revient à ceux qui tentent de contrôler notre destin. Blâmez-les eux, car sans eux, je n’aurais pas besoin d’exister. Requiescat in Pace. » lâcha-t-il, au moment où sa lame perforait le cœur de celle qui l’avait sauvé.

            Une larme s’échappa de l’œil droit de l’assassin, tandis qu’il posait sa victime à terre et lui fermait les yeux. Il rabattit sa capuche et sortit de la baraque, tous ses objets en place. Une vague de fureur déferla en lui. Le Roi est mort. Vive le Roi.
            Salus populi suprema lex esto
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