C'est la troisième fois déjà que j'arrive à Tortuga. Et deux fois j'ai du me battre. Mais pas cette fois. Non, pas cette fois...
Cette fois, quand le cuirassé vient s’arrêter lentement sur le plus large des quais et que je saute à terre avec Izya, aucune arme ne nous menace.
Car nous sommes la menace.
Et tous ceux qui sont la, tous ces marins endurcis, tous ces pirates redoutables, tous ces chiens de mer nous regardent avec un respect nouveau. Les bruits ont courus, volés plus vite que n'importe quel piaf. Et ils savent. Ils savent d'ou nous venons. Ils savent que nous avons arpenté l'enfer ou ont fini tant des leurs. Que nous l'avons traversé. Et que nous en sommes sortis vivant.
Victorieux ? Peut être qu'ils le pensent aussi.
Nous sommes des fantômes. Des fantômes revenus du dernier voyage des pirates. Et il n'est pas besoin d’être visionnaire pour comprendre que désormais les temps vont changer. Comme les mats privés de drapeaux qu'Izya a laissé derrière elle.
La foule murmure et s'ouvre devant nous comme un champ balayé par le vent. Des mains se tendent et s’arrêtent avant de nous toucher. Et nous avançons pendant que la moitié de Toruga nous emboite le pas jusqu'au centre de l'ile. Jusqu'au trois mats juché tout la haut et dont le mat porte le drapeau des Usuriers.[...]
-Messieurs, j'ai deux nouvelles à vous annoncer. Une bonne, et une mauvaise.
Sourire de requin aux lèvres, négligemment accoudé au dossier du fauteuil ou siégeait autrefois Greed et ou ne restent que mes initiales à moi, je toise les usuriers d'un air rigolard. Ils sentent la peur, ils transpirent, ils planquent leurs mains sous la table, ils échangent des regards en coin et je peux presque lire les questions dans leurs têtes. Mais qu'est ce qui s'est passé la bas ? Mais qu'est ce qui va se passer ici ? Pourquoi il me regarde comme ça ? Mais pourquoi il me regarde comme ça ? Et qui est cette fille étrange avec lui ?
Les temps changent messieurs, nouveau patron, nouvelle politique. Et pour une fois que c'est moi qui la dicte, je prends le temps de savourer le moment.
La mauvaise, c'est que je suis maintenant la tête la plus chère de Grand Line et que je compte m'installer définitivement dans le coin.
L'affiche qu'on m'a remis à la descente du bateau va rouler sur la table et se déplie comme un tapis de défilé juste au milieu, laissant les braves patrons du coin frôler l'apoplexie en contemplant le chiffre et son cortège de zéro. Ouais moi aussi ça m'a fait ça. Le type qui me fumera gagnera d'une seule traite plus d'argent que moi en une vie, y'a de quoi fantasmer sec. Quelques secondes d'attente, le temps de voir. Le temps de les laisser faire leur choix, voir si l'un d'eux est prêt à tenter le coup tout de suite, pendant que je n'ai pas l'air armée, pendant que je n'ai qu'un bras. Mais non, ils ne bougent pas. Ils se souviennent encore de la précédente démonstration et des deux sièges vide qu'elle a laissé en face de moi...
Les Usuriers sont des malins, des survivants. Alors ils attendent et ferment à regret leurs regards sur l'affiche pour revenir vers moi. Et je vois leurs doutes, leurs cerveaux qui calculent, qui évaluent, qui se demandent combien de temps la marine va mettre a venir ici. Et comment ils vont pouvoir y survivre. Comment oui ? Moi je sais. Et je les vois commencer à le comprendre. Après tout, il y a une bonne nouvelle non ?
-Et la bonne, c'est qu'on va tous y survivre quand même. Tortuga est morte messieurs, longue vie à Armada !
Le reste n'est qu'une longue suite de petits détails qu'il suffit de bien assembler. Tenus par leur trouille les Usuriers m'écoutent. Et puis ils s’intéressent. A leur survie d'abord, puis au reste. Aux formidables possibilités d'Armada. Et si le doute est toujours la, en embuscade derriére leurs yeux, il y a maintenant autre chose devant, une certaine avidité, une frénésie naissante à mesure que je réponds aux questions de moins en moins véhémentes et plaintives et qu'ils réalisent que oui, tout ça pourrait bien devenir réel. Réel, et terriblement profitable...
Ils sont à moi !
Et pendant que les plus emballés se lancent d'eux mêmes dans la gestion des détails que je n'ai fait qu'esquisser, qu'ils se répartissent les taches et les zones, listent les difficultés et qu'ils convoquent leurs hommes de confiance pour répandre le message et le vent de bouleversements qui l'accompagne, je me tourne vers Izya et je la rejoins. Pour regarder avec elle par la fenêtre de la salle du conseil. Au centre de Tortuga, loin au dessus de la place ou la foule qui nous a suivi depuis les quais s'est rassemblé et attend, anxieuse, bruissante de rumeurs, et de murmures.
-Regarde les Izya, ils n'attendent que ça. Montre leur qui tu es !
Dernière édition par Red le Mar 19 Nov 2013 - 22:36, édité 4 fois