Le fond de l'air était encore très frais. Quelques vestiges des dernières neiges subsistaient sur la place de l’Obélisque, pour le plus grand bonheur des enfants, qui, le nez rougi, profitaient de ces instants de bonheur hivernal. C’était le mois de janvier. Le jour, peu importe ; comme d’habitude, la Place de Saint-Urséa était bondée. Les marchands et autres artisans envahissaient la plus grande partie de l’espace. On trouvait encore quelque maraîchers malgré la saison tardive ; mais surtout des vignerons présentant leur vin givré, des orfèvres, bijoutiers, forgerons de plein air, menuisiers, potiers, bouchers, fleuristes… En un mot, toute l’activité économique était là, divisée en « quartiers » sur l’immensité de la place, hurlant ses passions aux badauds qui passaient, serrés les uns contre les autres pour se protéger du froid encore bien présent, même au cœur de la journée. Toutes les professions et tous les niveaux de vie étaient représentés : du plus pauvre des mendiants qui tendait la main à qui voulait bien l’entendre, aux plus riches des bourgeois qui étalaient devant le bas-peuple leurs richesses et leur supériorité.
Et au milieu de ce petit monde, un jeune homme en manteau d’hiver, affublé d’un galurin à plume violette, attirait l’attention des passants. Il était déjà encerclé par une bonne trentaine de personnes, majoritairement des familles et leurs enfants, dont les yeux écarquillés et les nez coulants pointaient vers lui. Sans un mot, le jeune homme sortit trois balles colorées de son habit et les tendit vers le public, tournant sur lui-même pour bien montrer à tous ses accessoires. Puis, il fit de même en exhibant l’intérieur de ses manches, afin de bien faire comprendre aux spectateurs qu’il ne faudrait pas y chercher l’origine du tour. Puis il commença à jongler. Rien de plus banal pour des gens de la ville, et ainsi, tous se regardèrent entre eux, se demandant s’ils n’avaient pas loupé la partie spectaculaire de la démonstration. Soudain, des « Oh ! » et des « Ah ! » commencèrent à fuser de part et d’autre. Ce n’était plus trois mais quatre balles qui volaient désormais ; et personne ne semblait avoir vu comment et quand le jongleur avait introduit la quatrième sphère. Tous se concentrèrent donc sur le ballet dansant, sur et certains qu’on ne leur referait plus le même tour. Seulement voilà, il en arriva une cinquième. Puis une sixième. Et enfin c’était 7 balles qui tournoyaient, sous les exclamations et les applaudissements. Le jeune homme continuait son jonglage. Une balle disparut soudain de la ronde, comme par magie. Puis une autre, et encore une autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une seule balle en l’air ; à ce moment le magicien salua ses spectateurs, sous les vivats et les applaudissements. Quelques berrys arrivèrent à ses pieds, alors qu’il ouvrait ses manches et montrait l’intérieur de son manteau, certifiant ainsi à tous l’authenticité de son tour de passe-passe.
Le jeune Nikolas Baeteman scrutait des yeux la foule qui l’acclamait. Rien de bien intéressant, jusqu’à ce qu’il repère une femme, particulièrement belle, à la toilette parfaite et aux habits riches. Ses cheveux noirs étaient coiffés en un chignon haut mais parfaitement exécuté. A ses oreilles pendaient deux perles simples, à son cou un magnifique collier d’argent et d’or. Elle était vêtue d’un manteau épuré en fourrure blanche, et d’une paire d’escarpins simples, mais dont des yeux attentifs pouvaient reconnaitre la patte d’un grand cordonnier. Sur mesure. Mais plus que le sourire rouge cerise, plus que les yeux aguicheurs de la dame, ce qui intéressait Baeteman, c’était son poignet droit. A peine dissimulé sous le manteau, on discernait un bracelet orné d’une superbe pierre rougeoyante, grosse comme un abricot. Ce n’était certainement pas du toc, surtout au vu des deux gorilles qui tentaient vainement de se faire discret dans la foule de badauds. Nikolas n’étaient pas encore au fait des personnalités importantes de cette ville, mais cette dame en était, sans l’ombre d’un doute. Et elle ne cessait de dévorer des yeux le jeune magicien. C’était presque trop beau pour être vrai.
« Pour mon prochain tour, il me faudrait un, ou une volontaire, messieurs-dames ! »
Plusieurs mains se levèrent, dont celle des enfants, sous le charme. Mais aujourd’hui, la magie n’était pas pour eux.Comme il l’espérait, la main gracieuse de la femme se leva.
« Mademoiselle – ou devrais-je dire Madame ?
- Pour vous… Ce sera Mademoiselle. », Répondit-elle d’un ton aguicheur, s’avançant au centre du cercle pour rejoindre le prestidigitateur. Ses deux gardes du corps tentèrent vainement de protester, mais un regard bien senti de la bourgeoise suffit à les faire taire, et les deux hommes restèrent sur place, visiblement nerveux, et attentifs aux moindres faits et gestes de l’homme à la plume violette. Baeteman déglutit, et retrouva son habituel sourire. Il tira de son vêtement un paquet de cartes. En piste. Il s’agissait d’un banal tour de carte, sans difficulté, mais qui faisait toujours son petit effet ; et qui avait le mérite de détourner l’attention durant un petit moment. En effet, les cartes étaient couvertes d’un léger huilage inflammable, que Nikolas pouvait embraser en frottant son pouce et son index dessus, à l’aide d’un gant au revêtement spécial. Il demanda donc à sa victime de tirer une carte au hasard, puis s’en saisit, sans la regarder. En un geste, la carte s’enflammait dans les mains du jeune homme, crépitant, provoquant l’étonnement de la foule. Il jeta la carte à terre, la laissant se consumer lentement. Quelques secondes plus tard, Nikolas tirait une carte identique du paquet, et le tour était joué. Il fallait agir tout de suite. Se saisissant du paquet de cartes inflammables, il annonça :
« Le spectacle est terminé pour aujourd’hui, braves gens ! Merci à vous ! », Avant d’enflammer l’ensemble du paquet et de jeter les cartes autour de lui, comme un rideau de feux d’artifices. Les vivats et applaudissements furent immédiats. Il s’inclina alors vers la Dame, lui saisit la main droite, la porta à ses lèvres et y déposa un doux baiser, avant de faire apparaître une rose rouge dans sa main gauche et la lui offrir. La fleur n’avait bien sûr pour intérêt que de détourner l’attention de la jeune femme, tandis que la main droite du voleur s’affairait à détacher et subtiliser le bracelet en toute discrétion. Complétement charmée, la Dame envoya un baiser gourmand en direction du jeune homme, alors qu’elle s’éloignait. Et à Baeteman de partir à son tour dans la direction opposée, son méfait accompli.
Une fois sorti de la place, et après avoir suffisamment marché, il put admirer le fruit de sa rapine : le bracelet n’était certainement pas un simple bijou, et devait valoir à lui seul une petite fortune. La pierre en son centre était extrêmement bien taillée, et luisait d’une flamme rougeoyante en permanence, quel que soit l’angle sous lequel on l’admirait. Il fallait maintenant trouver un endroit où revendre la pierre sans attirer l’attention. Mais pour l’instant, une petite taverne de quartier faisait de l’œil à un Nikolas assoiffé et frigorifié. Après tout, il méritait bien une boisson chaude. Il rentra donc dans l’établissement, peuplé d’ouvriers et d’artisans, avec la prestance d’un conquérant, et commanda un café noir en s’installant confortablement sur un fauteuil usé.
Et au milieu de ce petit monde, un jeune homme en manteau d’hiver, affublé d’un galurin à plume violette, attirait l’attention des passants. Il était déjà encerclé par une bonne trentaine de personnes, majoritairement des familles et leurs enfants, dont les yeux écarquillés et les nez coulants pointaient vers lui. Sans un mot, le jeune homme sortit trois balles colorées de son habit et les tendit vers le public, tournant sur lui-même pour bien montrer à tous ses accessoires. Puis, il fit de même en exhibant l’intérieur de ses manches, afin de bien faire comprendre aux spectateurs qu’il ne faudrait pas y chercher l’origine du tour. Puis il commença à jongler. Rien de plus banal pour des gens de la ville, et ainsi, tous se regardèrent entre eux, se demandant s’ils n’avaient pas loupé la partie spectaculaire de la démonstration. Soudain, des « Oh ! » et des « Ah ! » commencèrent à fuser de part et d’autre. Ce n’était plus trois mais quatre balles qui volaient désormais ; et personne ne semblait avoir vu comment et quand le jongleur avait introduit la quatrième sphère. Tous se concentrèrent donc sur le ballet dansant, sur et certains qu’on ne leur referait plus le même tour. Seulement voilà, il en arriva une cinquième. Puis une sixième. Et enfin c’était 7 balles qui tournoyaient, sous les exclamations et les applaudissements. Le jeune homme continuait son jonglage. Une balle disparut soudain de la ronde, comme par magie. Puis une autre, et encore une autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus une seule balle en l’air ; à ce moment le magicien salua ses spectateurs, sous les vivats et les applaudissements. Quelques berrys arrivèrent à ses pieds, alors qu’il ouvrait ses manches et montrait l’intérieur de son manteau, certifiant ainsi à tous l’authenticité de son tour de passe-passe.
Le jeune Nikolas Baeteman scrutait des yeux la foule qui l’acclamait. Rien de bien intéressant, jusqu’à ce qu’il repère une femme, particulièrement belle, à la toilette parfaite et aux habits riches. Ses cheveux noirs étaient coiffés en un chignon haut mais parfaitement exécuté. A ses oreilles pendaient deux perles simples, à son cou un magnifique collier d’argent et d’or. Elle était vêtue d’un manteau épuré en fourrure blanche, et d’une paire d’escarpins simples, mais dont des yeux attentifs pouvaient reconnaitre la patte d’un grand cordonnier. Sur mesure. Mais plus que le sourire rouge cerise, plus que les yeux aguicheurs de la dame, ce qui intéressait Baeteman, c’était son poignet droit. A peine dissimulé sous le manteau, on discernait un bracelet orné d’une superbe pierre rougeoyante, grosse comme un abricot. Ce n’était certainement pas du toc, surtout au vu des deux gorilles qui tentaient vainement de se faire discret dans la foule de badauds. Nikolas n’étaient pas encore au fait des personnalités importantes de cette ville, mais cette dame en était, sans l’ombre d’un doute. Et elle ne cessait de dévorer des yeux le jeune magicien. C’était presque trop beau pour être vrai.
« Pour mon prochain tour, il me faudrait un, ou une volontaire, messieurs-dames ! »
Plusieurs mains se levèrent, dont celle des enfants, sous le charme. Mais aujourd’hui, la magie n’était pas pour eux.Comme il l’espérait, la main gracieuse de la femme se leva.
« Mademoiselle – ou devrais-je dire Madame ?
- Pour vous… Ce sera Mademoiselle. », Répondit-elle d’un ton aguicheur, s’avançant au centre du cercle pour rejoindre le prestidigitateur. Ses deux gardes du corps tentèrent vainement de protester, mais un regard bien senti de la bourgeoise suffit à les faire taire, et les deux hommes restèrent sur place, visiblement nerveux, et attentifs aux moindres faits et gestes de l’homme à la plume violette. Baeteman déglutit, et retrouva son habituel sourire. Il tira de son vêtement un paquet de cartes. En piste. Il s’agissait d’un banal tour de carte, sans difficulté, mais qui faisait toujours son petit effet ; et qui avait le mérite de détourner l’attention durant un petit moment. En effet, les cartes étaient couvertes d’un léger huilage inflammable, que Nikolas pouvait embraser en frottant son pouce et son index dessus, à l’aide d’un gant au revêtement spécial. Il demanda donc à sa victime de tirer une carte au hasard, puis s’en saisit, sans la regarder. En un geste, la carte s’enflammait dans les mains du jeune homme, crépitant, provoquant l’étonnement de la foule. Il jeta la carte à terre, la laissant se consumer lentement. Quelques secondes plus tard, Nikolas tirait une carte identique du paquet, et le tour était joué. Il fallait agir tout de suite. Se saisissant du paquet de cartes inflammables, il annonça :
« Le spectacle est terminé pour aujourd’hui, braves gens ! Merci à vous ! », Avant d’enflammer l’ensemble du paquet et de jeter les cartes autour de lui, comme un rideau de feux d’artifices. Les vivats et applaudissements furent immédiats. Il s’inclina alors vers la Dame, lui saisit la main droite, la porta à ses lèvres et y déposa un doux baiser, avant de faire apparaître une rose rouge dans sa main gauche et la lui offrir. La fleur n’avait bien sûr pour intérêt que de détourner l’attention de la jeune femme, tandis que la main droite du voleur s’affairait à détacher et subtiliser le bracelet en toute discrétion. Complétement charmée, la Dame envoya un baiser gourmand en direction du jeune homme, alors qu’elle s’éloignait. Et à Baeteman de partir à son tour dans la direction opposée, son méfait accompli.
Une fois sorti de la place, et après avoir suffisamment marché, il put admirer le fruit de sa rapine : le bracelet n’était certainement pas un simple bijou, et devait valoir à lui seul une petite fortune. La pierre en son centre était extrêmement bien taillée, et luisait d’une flamme rougeoyante en permanence, quel que soit l’angle sous lequel on l’admirait. Il fallait maintenant trouver un endroit où revendre la pierre sans attirer l’attention. Mais pour l’instant, une petite taverne de quartier faisait de l’œil à un Nikolas assoiffé et frigorifié. Après tout, il méritait bien une boisson chaude. Il rentra donc dans l’établissement, peuplé d’ouvriers et d’artisans, avec la prestance d’un conquérant, et commanda un café noir en s’installant confortablement sur un fauteuil usé.
Dernière édition par Nikolas Baeteman le Lun 7 Oct 2013 - 21:18, édité 1 fois