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Une semaine au Purgatoire

Les draps sont froissés.
De ces plis qui indiquent qu'un corps s'y est tourné puis retourné sans cesse les heures précédentes. Les nuits précédentes.

Le lit avait pour habitude d'être fait au carré. Simple, propre. Cadré. Une semaine qu'il se laissait aller à une hygiène de célibataire. Une semaine que les draps trainaient sur le sol trop propre de cette chambre personnelle que trop peu de bottes avaient foulé ces sept derniers jours. Un médecin, le premier. Les suivants, il ne fut pas autorisé à passer son nez par l'entrebâillement.


Les oreillers sont froids.
De cette fraicheur désagréable qui ne fait que retourner un couteau dans cette plaie béante. Ce vide terrible.

Le tissu froid contre une joue unique avait été la seule ancre durant cette semaine. Pour ne pas sombrer. Pour toujours rappeler ce qui était perdu ; pour le rappeler de façon perverse. Ce qu'on n'avait jamais vraiment pris la peine de reconnaître comme indispensable. Ce qu'on avait jamais vraiment pris la peine de considérer comme plus qu'un élément du décor. Un bête objet banal. Cette épaule qui manque et que l'on a toujours confondu avec un froid porte-manteau. Cet oreiller trop rembourré et trop froid... Il est trop profond. On croit s'y noyer les rares fois où l'on trouve le sommeil. On se pense mort en ouvrant les yeux dans un sursaut. On espère s'être trompé. Que le cauchemar n'est pas celui que l'on croit. Qu'il ne se continue pas une fois les yeux grands ouverts à fixer ce plafond parfait. Parfaitement rigoureux. Parfaitement impersonnel et parfaitement silencieux. On espère pour mieux se désespérer. Et toujours cet oreiller froid pour ne pas oublier où la réalité se situe.
Même si le rêve est mile fois plus doux.


Les draps sont trempés.
De cette humidité navrante qui ne sèchera probablement jamais complètement. De cette triste fontaine que rien ne semble pouvoir épancher.

On n'a véritablement conscience de ce que l'on a que lorsqu'on le perd. On a véritablement conscience de ce qui nous est cher, de ce qui nous est précieux, de ce qui nous est indispensable que lorsqu'on le perd.
On a véritablement conscience de ceux qu'on aime que lorsqu'on les perds.

On essaie.
On essaie encore.
De se dire que non.
Que tout ça n'est pas vrai.
Pas vraiment aussi dur que ça.
On essaie de penser à autre chose.
On tente de se dire que notre esprit joue.

Se joue de nous.

Que ce ne sont pas nos larmes qui coulent comme des torrents inassouvis. Et que l'on arrivera à se défaire de cette putain de pince de 45 qui étreint un cœur trop fragile. Que ce vide affreux qui s'est insinué jusque dans une poitrine douloureuse on pourra le combler comme on a pu combler les autres. Que bordel ce n'est pourtant pas la première fois. Que cette lance qui paralyse le corps au matelas trop dur, qui étrique la pensée comme un serre-joint, ne peut pas être réelle. Que l'on ne peut pas être tombé amoureux.


Qu'elle ne peut pas être tombée amoureuse.
De cet amour impossible que l'on narre dans ces contes pour enfants, le soir au coin de l'âtre. De ces histoires qui font plus mal encore quand on se rend compte à quel point les contes de fées sont loin de la vérité.

Red...

Pourquoi donc n'avait-elle pas remarqué à quel point elle s'était attachée à lui ? Ils avaient toujours été aussi proches ?
Comment avait-elle pu se méprendre à ce point sur ces sentiments ?
Comment pouvait-elle encore en être l'esclave, immobilisée sur son lit par une jambe cassée, des côtes fêlées et une lance chauffée au fer rouge dans la poitrine ?

Red est là-bas...

Un bras se tend, mollement. Dans la direction que sa boussole mentale lui indique chaque seconde de chaque minute. Chaque minute de chaque heure. Chaque heure de chaque jour. Là-bas... loin... Sur la main blanche, une forme noire qui tourbillonne lentement. Laconiquement. Innocente aux tourments qu'elle entraîne chez son hôte. Impuissante, en fin de compte.
Le bras retombe. Puis le corps fragile se redresse à son tour. S'assoit sur les draps froissés et froids. La main se tend et attrape un combiné qui manque clairement de soins.

Pullu Pullu.

...Red...

Pullu Pullu

...Red...

Pullu Pu*Gotcha!

Pour la troisième fois cette semaine, le combiné est reposé avant le moindre signe de réponse.

...Red est...
-Je t'en supplie, tais-toi...

Et de l'autre côté du fil, l'escargophone laisse bien malgré lui couler une unique larme.


...Inaccessible...
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