Cela fait déjà quelques heures que nous avons quitté le port de Goa. Il n’en aura fallu que deux pour que des voiles se profilent à l’horizon de nos six heures. Avec tout le ramdam qu’on a du causer cette nuit dans ce coin du Grey Terminal, ça m’aurait étonné qu’on nous lâche si facilement. On file à une allure assez rapide pour que seuls les meilleurs navires pirates puissent nous suivre facilement. On évite ainsi les loosers avec leurs barcasses pourries qui auraient voulu tenter leur chance sur la rumeur qui a du se propager. Pour vérifier qu’on était bien suivis, j’ai fait changer deux fois de cap dans la matinée. Ce n’est pas un bateau de la Marine et il suit la même route que nous, si c’est pas bizarre ça ? Pas sûr que ce soit les fameux détrousseurs de marchands qui opèrent par raids mais ça n’a pas l’air amical en tout cas. Je descends de la dunette tranquillement pour aller voir le quartier-maître qui gère les équipes de gréeurs.
- Réduisez encore un peu l’allure sans que ce ne soit trop visible. Notre ralentissement progressif de ce matin porte ses fruits, ils ne tarderont plus à nous rattraper. Vérifiez l’état des fusils perchés aussi, il ne faudrait pas qu’ils s’enrayent au mauvais moment. On aura besoin d’eux tout à l’heure…
- Bien mon lieutenant ! Diminution de la voilure selon vos ordres !
Même les hommes assignés aux manœuvres font du zèle, j’aime ça. Je continue la revue des troupes pour les derniers réglages. Les suivants sont les braves soldats qui mèneront l’assaut avec moi lors de l’abordage. Tous entassés sur le pont inférieur en une colonne centrale pour ne pas gêner l’équipe d’artilleurs. Il y a de tout : petits, grands, minces, costauds, bruns, blonds… Je lis de l’impatience sur les visages, celle d’être dans le feu de l’action mais aussi celle de voir cet épisode se finir. Tous ne sont pas faits pour aller au devant de la mort même s’ils sont épris de justice. Ils feront juste de leur mieux au moment fatidique.
- Notre lever de rideau viendra dans une heure tout au plus, camarades. Notre mission touche à son but alors ça va être le moment de tout donner. Je vois de la peur chez certains d’entre vous. Qu’ils n’aient pas honte, la peur est nécessaire pour vaincre. Celui qui n’a pas peur de la mort est un idiot avec lequel on boira un saké sur sa tombe. Celui qui surmonte sa peur de la mort, la domine sans l’oublier, celui-là est de ceux qui rentreront chez eux en vie, avec les honneurs et le sentiment du devoir accompli. Patience mes amis, patience. Notre heure arrive.
Le moral fait toute la différence dans un affrontement direct incertain. Le talent ne peut pas indéfiniment surpasser le nombre et je ne pense pas qu’il y en ait plus chez les pirates que la Marine. Notre plus grande peur vient de l’intérieur. Nous sommes nous-même notre propre ennemi. Nous avons tous vu ce qui s’est passé à Enies Lobby… Mais nous ne pouvons pas nous permettre de douter, sans quoi ce n’est pas une bataille que nous perdons, mais la guerre. Je termine mon tour du navire, il n’est pas si grand et nous ne sommes qu’une vingtaine après tout. Mais nous auront bientôt un vrai navire, gagné avec notre sang et notre sueur, je leur ai promis à tous depuis qu’ils sont sous mes ordres.
La poignée de pièces d’artillerie que nous avons a été positionnée selon mes ordres. Les roues et les supports ont été démontés pour permettre une inclinaison quasi verticale des fûts de canon. Dans cette position, ils auront l’angle idéal pour remplir leur œuvre, immobiliser le navire adverse. L’inconvénient majeur de la mesure est qu’elle rend impossible tout rechargement puisque la charge se fait par la gueule et que les canons sont quasiment inamovibles maintenant. Le plan est en place, je commanderai le groupe au corps à corps, le sergent Reyne - Lisa - les tireurs dans les huniers et le sergent Armstrong – que Yoko a affectueusement surnommé Biscoto - supervisera l’artillerie.
Ca y est, les deux bateaux sont quasi bord à bord. Quelques coups de semonce de leur part et quelques boulets exagérément foireux du nôtre auront eu raison de notre combativité apparente. J’ai fait hisser le drapeau blanc pour acter notre reddition. La lice de leur navire est un poil plus haute que la nôtre, ce qui confère un sentiment de supériorité physique illusoire à cet équipage pirate. Leur petite bande s’affiche au grand complet sur leur pont principal. La majorité de mes hommes ne sortiront qu’au dernier moment, c'est-à-dire au premier feu. Nous devons jouer la carte de la surprise puisque le nombre n’est pas pour nous. Le brouhaha d’une meute beuglante de pouilleux à la gueule cassée monte quand leurs grappins crochètent notre bord. A ceci je ne crie qu’un mot pour toute réponse:
- Pourparlers !
L’assistance se calme légèrement et leur capitaine se montre à la passerelle. Je fais semblant de ne pas reconnaître ledit Filow qui nous avait observés la veille au soir dans ce rade minable de Grey Terminal. Son regard ne me dit rien de très jouasse, du moins ce que je peux en voir puisqu’il porte un cache-œil que je ne me remets pas dans mon souvenir. Le baladin qui nous a tirés d’affaire lui aura sûrement laissé un cadeau. Il hésite à entrer dans la conversation, ne pas faire de quartiers serait tellement facile… Finalement il joue le jeu.
- Et pourquoi je vous ferais ce plaisir ?
- Parce qu’on a hissé le drapeau blanc, c’est la coutume !
- On est des pirates !
- Et alors ? Vous voulez quoi au juste ?
Il me regarde une poignée de secondes, incrédule. Puis il éclate de rire suivi de ses larbins qui l’imitent.
- Tout ! Tout ce qui peut être chargé à notre bord. Vivres, poudre, or, berries… On veut tout !
- Ah oui, quand même. Ce sera tout ? On vous l’emballe ?
- Et elle aussi. La garce qui a tué Gus, mon petit frère.
- Vous pouvez préciser, je ne vois pas de qui on parle là.
Un colosse derrière lui lève le bras et lance un poignard sur le mât principal. Je le retire pour regarder le papier qui est planté avec.
- Hé ! Joli coup de crayon. Belle plante en tout cas, si elle était à bord je pense que je m’en souviendrais ! Et vous les gars ?
L’espace d’un instant, il me semble apercevoir le colosse rougir. Je fais passer le dessin au reste de l’équipage qui donne des variantes de « Connais pas » à chaque passage dans une nouvelle paire de mains. Finalement c’est Lisa qui fait redescendre l’information en ayant découpé le dessin. Je récupère le bout de papier et c’est la (fausse) révélation.
- Aaaaah ! Yoko. Ouais mais en même temps si vous lui faites un corps de pin-up, comment je suis sensé la reconnaître moi ? Une minute, je l’appelle.
Je descends de la dunette pour arriver à l’accès au pont inférieur. Je passe la tête dans l’escalier en me penchant.
- Yoko ! Il y a encore un de tes prétendants qui te cherche. Un marin c’est une femme dans chaque port. Tu es soumise à la même contrainte sinon on ne s’en sortira pas ! Pour une fois ça passe mais c’est la dernière fois hein !
Je reprends ma place sur la passerelle arrière en attendant la réponse avec un sourire satisfait. Comment ça décontenançant ?
- Réduisez encore un peu l’allure sans que ce ne soit trop visible. Notre ralentissement progressif de ce matin porte ses fruits, ils ne tarderont plus à nous rattraper. Vérifiez l’état des fusils perchés aussi, il ne faudrait pas qu’ils s’enrayent au mauvais moment. On aura besoin d’eux tout à l’heure…
- Bien mon lieutenant ! Diminution de la voilure selon vos ordres !
Même les hommes assignés aux manœuvres font du zèle, j’aime ça. Je continue la revue des troupes pour les derniers réglages. Les suivants sont les braves soldats qui mèneront l’assaut avec moi lors de l’abordage. Tous entassés sur le pont inférieur en une colonne centrale pour ne pas gêner l’équipe d’artilleurs. Il y a de tout : petits, grands, minces, costauds, bruns, blonds… Je lis de l’impatience sur les visages, celle d’être dans le feu de l’action mais aussi celle de voir cet épisode se finir. Tous ne sont pas faits pour aller au devant de la mort même s’ils sont épris de justice. Ils feront juste de leur mieux au moment fatidique.
- Notre lever de rideau viendra dans une heure tout au plus, camarades. Notre mission touche à son but alors ça va être le moment de tout donner. Je vois de la peur chez certains d’entre vous. Qu’ils n’aient pas honte, la peur est nécessaire pour vaincre. Celui qui n’a pas peur de la mort est un idiot avec lequel on boira un saké sur sa tombe. Celui qui surmonte sa peur de la mort, la domine sans l’oublier, celui-là est de ceux qui rentreront chez eux en vie, avec les honneurs et le sentiment du devoir accompli. Patience mes amis, patience. Notre heure arrive.
Le moral fait toute la différence dans un affrontement direct incertain. Le talent ne peut pas indéfiniment surpasser le nombre et je ne pense pas qu’il y en ait plus chez les pirates que la Marine. Notre plus grande peur vient de l’intérieur. Nous sommes nous-même notre propre ennemi. Nous avons tous vu ce qui s’est passé à Enies Lobby… Mais nous ne pouvons pas nous permettre de douter, sans quoi ce n’est pas une bataille que nous perdons, mais la guerre. Je termine mon tour du navire, il n’est pas si grand et nous ne sommes qu’une vingtaine après tout. Mais nous auront bientôt un vrai navire, gagné avec notre sang et notre sueur, je leur ai promis à tous depuis qu’ils sont sous mes ordres.
La poignée de pièces d’artillerie que nous avons a été positionnée selon mes ordres. Les roues et les supports ont été démontés pour permettre une inclinaison quasi verticale des fûts de canon. Dans cette position, ils auront l’angle idéal pour remplir leur œuvre, immobiliser le navire adverse. L’inconvénient majeur de la mesure est qu’elle rend impossible tout rechargement puisque la charge se fait par la gueule et que les canons sont quasiment inamovibles maintenant. Le plan est en place, je commanderai le groupe au corps à corps, le sergent Reyne - Lisa - les tireurs dans les huniers et le sergent Armstrong – que Yoko a affectueusement surnommé Biscoto - supervisera l’artillerie.
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Ca y est, les deux bateaux sont quasi bord à bord. Quelques coups de semonce de leur part et quelques boulets exagérément foireux du nôtre auront eu raison de notre combativité apparente. J’ai fait hisser le drapeau blanc pour acter notre reddition. La lice de leur navire est un poil plus haute que la nôtre, ce qui confère un sentiment de supériorité physique illusoire à cet équipage pirate. Leur petite bande s’affiche au grand complet sur leur pont principal. La majorité de mes hommes ne sortiront qu’au dernier moment, c'est-à-dire au premier feu. Nous devons jouer la carte de la surprise puisque le nombre n’est pas pour nous. Le brouhaha d’une meute beuglante de pouilleux à la gueule cassée monte quand leurs grappins crochètent notre bord. A ceci je ne crie qu’un mot pour toute réponse:
- Pourparlers !
L’assistance se calme légèrement et leur capitaine se montre à la passerelle. Je fais semblant de ne pas reconnaître ledit Filow qui nous avait observés la veille au soir dans ce rade minable de Grey Terminal. Son regard ne me dit rien de très jouasse, du moins ce que je peux en voir puisqu’il porte un cache-œil que je ne me remets pas dans mon souvenir. Le baladin qui nous a tirés d’affaire lui aura sûrement laissé un cadeau. Il hésite à entrer dans la conversation, ne pas faire de quartiers serait tellement facile… Finalement il joue le jeu.
- Et pourquoi je vous ferais ce plaisir ?
- Parce qu’on a hissé le drapeau blanc, c’est la coutume !
- On est des pirates !
- Et alors ? Vous voulez quoi au juste ?
Il me regarde une poignée de secondes, incrédule. Puis il éclate de rire suivi de ses larbins qui l’imitent.
- Tout ! Tout ce qui peut être chargé à notre bord. Vivres, poudre, or, berries… On veut tout !
- Ah oui, quand même. Ce sera tout ? On vous l’emballe ?
- Et elle aussi. La garce qui a tué Gus, mon petit frère.
- Vous pouvez préciser, je ne vois pas de qui on parle là.
Un colosse derrière lui lève le bras et lance un poignard sur le mât principal. Je le retire pour regarder le papier qui est planté avec.
- Hé ! Joli coup de crayon. Belle plante en tout cas, si elle était à bord je pense que je m’en souviendrais ! Et vous les gars ?
L’espace d’un instant, il me semble apercevoir le colosse rougir. Je fais passer le dessin au reste de l’équipage qui donne des variantes de « Connais pas » à chaque passage dans une nouvelle paire de mains. Finalement c’est Lisa qui fait redescendre l’information en ayant découpé le dessin. Je récupère le bout de papier et c’est la (fausse) révélation.
- Aaaaah ! Yoko. Ouais mais en même temps si vous lui faites un corps de pin-up, comment je suis sensé la reconnaître moi ? Une minute, je l’appelle.
Je descends de la dunette pour arriver à l’accès au pont inférieur. Je passe la tête dans l’escalier en me penchant.
- Yoko ! Il y a encore un de tes prétendants qui te cherche. Un marin c’est une femme dans chaque port. Tu es soumise à la même contrainte sinon on ne s’en sortira pas ! Pour une fois ça passe mais c’est la dernière fois hein !
Je reprends ma place sur la passerelle arrière en attendant la réponse avec un sourire satisfait. Comment ça décontenançant ?