Rappel du premier message :
AAAA GAUUUUCHEEEEEUUUUUHHHH
Bien évidemment mon beuglement reste lettre morte et bien évidemment je me sens couler à pic une fois, une énième fois de plus. L’impression est coutumière désormais, et je crois même pouvoir dire que ça commence à être moins pire. Je suis toujours autant épuisé dès que l’eau dépasse mes genoux mais il faut plus longtemps avant que je ne gagne les profondeurs éteintes de l’inconscience. Par contre, ça laisse encore à désirer niveau calme paisible du fond marin et ce genre de détails qui viennent souvent en tête quand on parle de plongée. Le grand bleu pour moi est fait d’écume blanche, de tourbillons noirs et de murs marins bleu-verdâtres dans lesquels je me précipite, contre lesquels je suis précipité par des muscles à la puissance semblable à celle développée par cent barils de poudre au grand galop. Ma monture est revêche, elle a la compréhension d’une touffe d’herbe et la capacité de me tuer depuis maintenant je ne sais combien de milliers d’éphémères.
Et, systématiquement, elle fait le contraire de ce que je lui dis.
Parfois je laisse faire, parfois non. Parfois je me sens aller là où je veux, vers Izya. Bien souvent, c’est plutôt vers là où je dois aller que je sens l’instinct faramineux de la bête aux épaules enserrées par mes cuisses me porter. Et le devoir m’appelle fort, il m’appelle violemment. L’eau ne vient pas que d’en-dessous, il lui arrive aussi de tomber des nuages noirs que le vent apporte, libre comme je suis et facétieux comme j’aimerais être. C’est l’occasion d’une bonne douche, c’est l’occasion d’une bonne lampée sans sel, c’est aussi là que le froid se fait le plus pénétrant. Et quand il fait nuit, c’est pire encore que ce pire déjà haut sur l’échelle de tous les pires d’une vie d’homme. Car homme je reste, sur le dos de ce monstre à tête de lion et aux allures chimériques. J’ai vu des couchers de soleil en plus des averses. J’en ai vu. J’ai vu des levers aussi, après. J’en ai vu beaucoup. Jamais du même côté de la mer, jamais du même côté des gens que je perçois, loin, très loin dans tous les sens.
J’aurais besoin d’un pose au moins pour savoir dans quelle direction je suis emporté avec cette vitesse, j’aurais besoin d’une boussole au moins pour savoir vers quelle glorieuse destination je me dirige. Si ça se trouve, j’ai quitté Grand Line et Calm Belt depuis longtemps. Si ça se trouve, j’ai atteint le bout de la mer et si ça se trouve c’est dans un monde renouvelé que je navigue, que je suis navigué. Et jour après jour, vague après vague, moment après moment, c’est toujours cette même interrogation qui me fait redresser la tête. Y a-t-il quelqu’un, enfin ? Y a-t-il un bateau, y a-t-il une côte ? Est-ce que ce n’est pas quelque chose là-bas cette tache noire, est-ce que ce n’est pas enfin mon but qui se profile ? Et toujours cette même réponse, brutale, implacable : non.
Toujours on contourne, toujours on esquive, toujours on manque de peu. Une fois, j’ai vu un château arrière. Je sais que c’en était un, ça a brillé et je sentais le sang humain, et j’entendais des cœurs vaillants. Mais il était bien trop tard pour que ni mes cris ni mes gestes ni les gerbes d’eau projetées par ma monture n’interpellent la rétine même attentive d’un officier de pont supérieur. Aucune chance ou bien en tous les cas il n’a pas jugé bon de faire demi-tour, croyant à une baleine ou conscient du danger. Qui pourrait m’arrêter alors que je file mille nœuds le jour et mille nœuds la nuit ? Qui pourrait m’arrêter sinon mon but ? Celui de ma monture ?
Et après ? Que ferais-je ? Et s’il s’arrêtait au beau milieu de l’eau parce qu’il a eu son saoul de courir ainsi l’océan sans s’arrêter depuis tant et tant de temps, que ferais-je ? Et puis, enfin, quel oursin l’a donc piqué ? Je n’ai pas souvenir de l’avoir éperonné si fort sur les rivages de cet îlot. Eh, j’allais même le lâcher ! C’est dire si, non content d’avoir les tympans bouchés et débouchés bien trop vite au rythme des plongeons impromptus pour avoir de quoi bien ouïr ce qui se trouve dans les zones que je traverse, je n’entends plus rien à ce qui se passe tout court. C’est dire si le fatalisme me saisit, comme si tout était écrit et ça l’est.
Et malgré tout je sais, je sais que la fin approche à chaque mesure frappée sur la partition. Dans chaque battement latéral, ou vertical, de la queue du serpent poilu qui me convoie, je sens un peu plus de cette proximité que je dois atteindre et un peu moins de cette fureur qui l’emporte. Il y a quelque chose au bout de cette course, oui. Il y a quelque part où tout s’arrêtera, oui. Ce sera, ou je ne serai plus. Mais si j’étais destiné à ne plus être bientôt, je n’aurais pas été si longtemps avec pareil équipage. Je peux mourir d’un geste dérisoire de sa part, d’une envie passagère de descendre voir le sable du fond des mers. Et je ne suis pas. J’aurais pu mourir de et je ne suis pas. Mort. Je suis vivant autant que cette chose et chaque goutte qui m’atteint et me fouette avant que je ne la traverse et l’éclate me le rappelle et me l’enseigne et me le grave sur la peau. Dans mon crâne s’imprime peu à peu cette idée fixe que devant il y a l’après, et que je ne peux que m’y laisser guider.
Devant. Après.
Bien évidemment mon beuglement reste lettre morte et bien évidemment je me sens couler à pic une fois, une énième fois de plus. L’impression est coutumière désormais, et je crois même pouvoir dire que ça commence à être moins pire. Je suis toujours autant épuisé dès que l’eau dépasse mes genoux mais il faut plus longtemps avant que je ne gagne les profondeurs éteintes de l’inconscience. Par contre, ça laisse encore à désirer niveau calme paisible du fond marin et ce genre de détails qui viennent souvent en tête quand on parle de plongée. Le grand bleu pour moi est fait d’écume blanche, de tourbillons noirs et de murs marins bleu-verdâtres dans lesquels je me précipite, contre lesquels je suis précipité par des muscles à la puissance semblable à celle développée par cent barils de poudre au grand galop. Ma monture est revêche, elle a la compréhension d’une touffe d’herbe et la capacité de me tuer depuis maintenant je ne sais combien de milliers d’éphémères.
Et, systématiquement, elle fait le contraire de ce que je lui dis.
Parfois je laisse faire, parfois non. Parfois je me sens aller là où je veux, vers Izya. Bien souvent, c’est plutôt vers là où je dois aller que je sens l’instinct faramineux de la bête aux épaules enserrées par mes cuisses me porter. Et le devoir m’appelle fort, il m’appelle violemment. L’eau ne vient pas que d’en-dessous, il lui arrive aussi de tomber des nuages noirs que le vent apporte, libre comme je suis et facétieux comme j’aimerais être. C’est l’occasion d’une bonne douche, c’est l’occasion d’une bonne lampée sans sel, c’est aussi là que le froid se fait le plus pénétrant. Et quand il fait nuit, c’est pire encore que ce pire déjà haut sur l’échelle de tous les pires d’une vie d’homme. Car homme je reste, sur le dos de ce monstre à tête de lion et aux allures chimériques. J’ai vu des couchers de soleil en plus des averses. J’en ai vu. J’ai vu des levers aussi, après. J’en ai vu beaucoup. Jamais du même côté de la mer, jamais du même côté des gens que je perçois, loin, très loin dans tous les sens.
J’aurais besoin d’un pose au moins pour savoir dans quelle direction je suis emporté avec cette vitesse, j’aurais besoin d’une boussole au moins pour savoir vers quelle glorieuse destination je me dirige. Si ça se trouve, j’ai quitté Grand Line et Calm Belt depuis longtemps. Si ça se trouve, j’ai atteint le bout de la mer et si ça se trouve c’est dans un monde renouvelé que je navigue, que je suis navigué. Et jour après jour, vague après vague, moment après moment, c’est toujours cette même interrogation qui me fait redresser la tête. Y a-t-il quelqu’un, enfin ? Y a-t-il un bateau, y a-t-il une côte ? Est-ce que ce n’est pas quelque chose là-bas cette tache noire, est-ce que ce n’est pas enfin mon but qui se profile ? Et toujours cette même réponse, brutale, implacable : non.
Toujours on contourne, toujours on esquive, toujours on manque de peu. Une fois, j’ai vu un château arrière. Je sais que c’en était un, ça a brillé et je sentais le sang humain, et j’entendais des cœurs vaillants. Mais il était bien trop tard pour que ni mes cris ni mes gestes ni les gerbes d’eau projetées par ma monture n’interpellent la rétine même attentive d’un officier de pont supérieur. Aucune chance ou bien en tous les cas il n’a pas jugé bon de faire demi-tour, croyant à une baleine ou conscient du danger. Qui pourrait m’arrêter alors que je file mille nœuds le jour et mille nœuds la nuit ? Qui pourrait m’arrêter sinon mon but ? Celui de ma monture ?
Et après ? Que ferais-je ? Et s’il s’arrêtait au beau milieu de l’eau parce qu’il a eu son saoul de courir ainsi l’océan sans s’arrêter depuis tant et tant de temps, que ferais-je ? Et puis, enfin, quel oursin l’a donc piqué ? Je n’ai pas souvenir de l’avoir éperonné si fort sur les rivages de cet îlot. Eh, j’allais même le lâcher ! C’est dire si, non content d’avoir les tympans bouchés et débouchés bien trop vite au rythme des plongeons impromptus pour avoir de quoi bien ouïr ce qui se trouve dans les zones que je traverse, je n’entends plus rien à ce qui se passe tout court. C’est dire si le fatalisme me saisit, comme si tout était écrit et ça l’est.
Et malgré tout je sais, je sais que la fin approche à chaque mesure frappée sur la partition. Dans chaque battement latéral, ou vertical, de la queue du serpent poilu qui me convoie, je sens un peu plus de cette proximité que je dois atteindre et un peu moins de cette fureur qui l’emporte. Il y a quelque chose au bout de cette course, oui. Il y a quelque part où tout s’arrêtera, oui. Ce sera, ou je ne serai plus. Mais si j’étais destiné à ne plus être bientôt, je n’aurais pas été si longtemps avec pareil équipage. Je peux mourir d’un geste dérisoire de sa part, d’une envie passagère de descendre voir le sable du fond des mers. Et je ne suis pas. J’aurais pu mourir de et je ne suis pas. Mort. Je suis vivant autant que cette chose et chaque goutte qui m’atteint et me fouette avant que je ne la traverse et l’éclate me le rappelle et me l’enseigne et me le grave sur la peau. Dans mon crâne s’imprime peu à peu cette idée fixe que devant il y a l’après, et que je ne peux que m’y laisser guider.
Devant. Après.