Réveil en douceur

J'ouvre lentement les yeux. Tout est flou. Je distingue à peine les formes qui sont en face de moi. Et puis, j'ai un mal de tête ! Je suis tombé ou quoi ? La seule chose dont je me rappelle, c'est du fruit et de ce rêve. Le seul fait d'y repenser, mon corps tout entier se met à trembler. Ce n'était pas qu'un simple rêve …  Je m'attrape le visage de ma main, comme pour essayer de redescendre sur terre. J'ai les yeux grands ouverts. On peut y voir la terreur émaner de ces derniers. La sueur commence à perler mon front et ma respiration s'accélère. Je revois l'image de ce démon, sa présence à mes côtés et sa puissance écrasante. Je me mets à trembler. J'aimerais arrêter, mais je n'y arrive pas …

« Ylvi ? »

Je suis perdu dans mes pensées, et pas besoin d'être médecin pour le voir. Tout à coup, je sens la présence d'une main sur mon épaule. Est-ce le démon ? Revient-il me hanter ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Mon cœur s'emballe et mon corps tout entier tremble. La sueur perle sur mon visage. Les gouttes tombent sur ma main. L'angoisse me gagne, je ne contrôle plus rien, pas même mon corps, ni même ma voix …

« AAAAAHHH ! »

Je n'ai pas pu m'en empêcher. Mon corps avait besoin d'extérioriser toute cette peur. La main s'est enlevée de mon épaule, comme si elle avait été effrayée elle aussi par ce brusque cri. Quant à moi, il m'a permis de reprendre mes esprits.

« Tu vas mieux ? »

Qui est cette jeune femme qui se tient juste en face de moi ? Je ne sais pas, mais elle est très charmante. Elle a de magnifiques cheveux noirs ondulés qui descendent jusqu'aux épaules. Ses yeux marrons m'aspirent tel un trou noir, j'essaye de lutter contre ce regard enivrant, mais rien à faire, je suis piégé de ce dernier. J'ai cette étrange sensation qu'elle est en train de sonder mon âme. Ses traits fins et son joli petit nez viennent enjoliver le tout donnant une exquise image à offrir à mes yeux. Je suis sous le charme …

À un tel point, que je ne peux lui répondre. Et j'arrive à voir sur son visage qu'elle s'inquiète. Pourquoi s'inquiète-t-elle ? Moi qui voulais détruire leur espèce et cette magnifique créature ? J'étais tellement aveuglé que je l'aurais tué sans le moindre remords, mais elle, elle s'inquiète. Elle cherche mon bien. Les larmes commencent à monter, je ne peux les contrôler. Et de sa douce main, elle vient les essuyer. Je me permets de la regarder une nouvelle fois et cet ange se met alors à me sourire. L'émotion me submerge, j'aimerais que cet instant dure une éternité …

Je me sens si minable, si faible. Peut être que je ne suis pas différent d'eux, peut-être que je n'ai rien d'exceptionnel. Ou alors, moi aussi j'appartiens à leur espèce, celle que je voulais tant détruire quelques heures plus tôt. Je ne sais pas, je ne sais plus … Elle continue de me sourire et je me sens bien. Je n'ai qu'une envie, c'est de la prendre dans mes bras. Alors je me relève et vais pour l'enlacer, mais c'est là que j'aperçois l'inimaginable. Mes mains ne ressemblent plus à des mains. Elles sont en train de fondre, comme de la cire. Elle ne l'a pas remarqué. Ça me soulage, mais je ne veux pas la mettre en danger. Alors j'enroule mes mains sous une sorte de serviette et me mets à courir comme un dératé. Je sors très vite de sa petite demeure et cours sans vraiment faire attention où je vais. Lorsque j'arrête enfin ma course, j'aperçois que je suis dans une forêt. Je lève les yeux et j'aperçois un beau ciel bleu. Je ne suis donc pas sous terre. Je souffle, comme si j'étais soulagé. Je ne vais mettre personne en danger et je n'aurais pas à affronter le regard stupéfait des autres. C'est ce que je me dis à ce moment. Mais je me stupéfie moi même. Pourquoi ai-je de telles pensées ? Que m'arrive-t-il ? Les effets du monolithe commencent à prendre trop d'importance sur ma personnalité. Je vais pour me prendre la tête avec mes mains.

« Aïe ! »

Bordel, qui m'a lancé une pierre ? Je regarde autour de moi, mais je ne vois personne. Et puis c'est là que je réalise, le problème c'est mes mains. Les mêmes mains qui étaient en train de fondre il n'y a même pas cinq minutes, sont devenues aussi dures que de la pierre. Qu'est-ce qui m'arrive ? Est-ce aussi les effets de cette maudite pierre, ou est-ce lié à ce stupide fruit ? Je ne comprends plus rien. Et puis pourquoi sont-elles devenues blanches ?

« Blanc ? »

J'ai compris ! Cette transformation physique est due à ce que j'ai mangé, au fruit du démon. J'ai mangé le fruit de la cire, ce qui explique pourquoi mes mains ont fondu, puis durcit. Ceci explique aussi cette couleur blanche. C'est fascinant. Je peux passer d'un état liquide à un état solide en un rien de temps. Suis-je comme cet homme fumé ? Un être incorporel. Non, bien sûr que non. Sinon, je n'aurais pas pu me faire mal tout à l'heure. Cependant, comment libérer mes mains ? Je ne sais pas. Mais il me faut briser cette cire qui s'est formée autour de mes mains. Comment faire …

Dois-je la briser ou alors la faire fondre ? Si je la fais fondre peut être que ça pourrait empirer l'état, mais la briser ne sera pas non plus chose aisée. J'hésite, et je ne devrais pas. Quand le doute subsiste, ce n'est jamais bon et ça n'entraîne que des merdes. Je réfléchis, mais très vite je suis perturbé par un bruit qui vient d'un buisson. Quoi encore ? Un animal sauvage ? Un humain ? Je ne sais pas, alors je tends l'oreille, je veux savoir si ce bruit suspect va devenir un problème ou pas. Et la réponse ne se fit pas attendre. Ce bruit m'était familier. Le même que dans les grottes, lorsque je les avais rencontrés. Ce n'est vraiment pas le moment pour faire mumuse avec eux. Dans mon état actuel, je n'ai qu'une chance infime de les battre. Mes mains sont prisonnières de cette cire et je ne sais pas comment libérer. Le temps joue vraiment en ma défaveur …

Le bruit se fait de plus en plus intense puis finalement, la créature se montre enfin. C'est un rataupe, par chance il est seul. Il me regarde de ses yeux noirs. Ses deux dents de rongeur en avant sont en train de broyer la roche par laquelle il a bien pu sortir. Ce mouvement de va-et-vient fait bouger ses moustaches de haut en bas. Je l'imagine en train de me déchiqueter les membres. Pour la première fois, j'ai peur. Et lui, il le ressent. En un instant, il se positionne sur ses quatre pattes et fonce vers moi à toute vitesse. J'esquive de justesse sa première morsure, mais de ses pattes avant il me griffe la jambe gauche, me la rendant quasiment inutilisable. Je fais une roulade afin de m'éloigner de lui, mais il n'est pas con. Il ne veut pas me laisser une chance, il a saigné sa proie et veut en finir. Je ne peux plus fuir, ma jambe me fait trop mal. C'est la fin ! Je ferme les yeux et mets mes mains au-dessus de ma tête comme pour me protéger.

CRACKK

Des petits bouts de pierre me tombent sur la tête, j'ouvre lentement les yeux et j'aperçois un spectacle pour le moins fascinant. Les dents du rongeur sont fissurées et brisées. Pourquoi ? Serait-ce dû à la cire qui recouvre mes mains ? Il n'y a qu'une façon de le vérifier … Et d'un geste brusque , je donne une énorme baffe au rataupe. Ce dernier s'envola et partit s'encastrer dans un rocher non loin de moi. Sa tête en le heurtant, a explosé. Une marre de sang recouvre son corps dépourvu de partie supérieure. Je me rends compte de la puissance de ce fruit et du pouvoir qu'il entraîne. Je suis encore très loin de le maîtriser, mais je garde espoir. Je sais que je vais finir par y arriver …

Après deux bonnes heures de luttes acharnées, j'ai enfin réussi. J'ai compris comment enlever et créer de la cire. En faites, ce n'est pas bien compliqué. Il suffit de la considérer comme un prolongement de son propre corps. Puis une fois qu'on s'est fait à l'idée, c'est instinctif. Je m'applique les premiers soins sur ma jambe puis, je commence mon entraînement. Je sais ce que je veux, je sais sous quelle forme, mais je ne sais pas si j'en suis capable. Je me mets accroupi et pose mes mains au sol.

« Candle Wall ! »

Soudain, mes mains deviennent blanches et de la cire commence à sortir de ces dernières. La cire s'accumule sur le sol et elle n'a d'autre choix que de s'empiler sur elle même, pour finalement créer un mur de cire. Je retire mes mains avec aisance de ce mur et regarde le résultat de mon travail. Le mur mesure trois mètres de hauteur avec une largeur de deux mètres. Je suis satisfait, je sais qu'il occupera une grande place dans ma défense.

Cependant, ce n'est pas suffisant. Il me faut une défense plus poussée, plus ultime. Une défense qui me protège de toutes les attaques peu importe les côtés. Ne présentant aucune faille dans sa forme. Un carré serait trop désavantageux pour cette défense. Un losange et un rectangle auraient le même désavantage. Les angles carrés sont trop fragilisés. Il me faut quelque chose de lisse, quelque chose de rond. Un cylindre ? Non, il y a toujours cette faille. Eurêka ! La sphère ! Sa forme est parfaite pour m'assurer une défense ultime me protégeant de tous les côtés. Je me relève et me prépare pour tester ma nouvelle technique. J'écarte mes bras, et je joins mes pieds comme si mon corps devenait une croix.

« Candle Ball ! »

La cire s'enroule au-dessus et en dessous de moi formant un cercle, mais le résultat n'est guère convaincant. La cire a mal pris et certaines parties sont plus faibles que d'autres. Le problème doit sûrement venir de la position. Alors je réitère l'opération, assis, debout, alongé, mais rien. Aucune de ces positions n'est convaincante. Je me dis que j'ai tout essayé, que je ne vais pas y arriver. Je m’accroupis comme pour réfléchir, puis soudain je me rends compte qu'involontairement je viens de trouver la position. J'écarte mes bras en gardant mes coudes fermés.

« Candle Ball ! »

Cette fois-ci, c'est la bonne. La cire se rejoint de façon quasi immédiate et ne présente aucune faille sur sa densité. Cette fois-ci, j'ai réussi. J'ai ma défense ultime, défense qu'il ne faut utiliser que dans les cas les plus extrêmes. J'aime ce fruit, il va apporter un grand soutien dans mes combats et surtout une défense non négligeable. Pour l'heure, je vais me reposer. La journée a été éprouvante …