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Quand le paranormal rejoint la malédiction.

Cimetière d’épave, très tard.

Gon avait débarqué dans le cimetière d’épave après une longue traversée à la barque. Ses bras étaient endoloris de l’effort que cela avait représenté, mais il ne pouvait pas se permettre de débarquer avec un navire voyant dans un endroit aussi mal famé. Et surtout, il devait absolument faire profil bas. D’après ses informations, le Hana Hana no Mi aurait été trouvé il y a trois années de ça par un chef de pirate répondant au nom de Drakal. Après avoir effectué de nombreuses recherches, faisant jouer ses relations, Gon avait appris que Drakal avait été repêché, noyé, quelques temps après. Son navire avait sombré dans une tempête et personne n’avait survécu. Ou du moins, personne n’était venu s’en vanter.

Il s’agissait de la dernière information recueillie à propos du pirate ou du fruit du démon qu’il transportait. Personne n’avait été identifié comme possesseur du fruit de l’éclosion depuis. Deux solutions se présentaient alors. La première était que Drakal avait mangé le fruit et avait coulé lors du naufrage. Le fruit devrait donc avoir repoussé quelque part dans le monde et personne n’avait encore mis la main dessus. La seconde solution était que le fruit se trouve toujours dans l’épave du navire. Et où trouver un navire échoué ? Au cimetière d’épave bien entendu !


Cet endroit est le point de convergence de tous les courants marins, et donc de tous les navires ayant sombré dans les Blues. La carcasse du navire se trouve forcément ici. Et je le trouverai. Mais je dois bien faire attention à ce que les pirates du coin ne se doutent pas que je cherche quelque chose de valeur. Sinon, je risquerai de me faire couper l’herbe sous le pied !
Cela fait trois ans maintenant… Le navire doit donc se trouver dans la périphérie, à une centaine de mètres du bord. D’après mes calculs, étant donné que mes infos prétendent que Drakal a sombré entre Tanuki et le royaume de Luvneel, et d’après ma carte des courants marins, il aurait du s’échouer dans la partie nord-est de l’île. C’est là que j’entamerai mes recherches.


Gon savait que ce ne serait pas chose facile que de trouver quelque chose dans le capharnaüm que représentait l’île. Un enchevêtrement de planches et de cordes, toutes les embarcations des Blues s’accumulant ici depuis des siècles dans un bordel innommable. Voilà ce qu’était cette île. La puissance des courants compressait les embarcations jusqu’à les disloquer complètement. La nuit, les ombres s’étendaient dans tous les sens, faisant apparaître des images absurdes. La force de la mer faisait bouger cet ensemble qui grinçait de façon sinistre au rythme irrégulier des vagues. Le paysage de dévastation qui s’étendait devant le sabreur était peuplé de rats et de vermines en tout genre qui couraient, invisibles, mais bien là. De temps à autres, une poulie se décrochait, la corde qui la soutenait étant pourrie par l’humidité ou rongée pas les incisives tranchantes d’une souris.

Lors de sa traversée, Gon sursauta à plusieurs reprises. Il n’était pas d’un naturel peureux, mais la perspective de traverser ce cimetière de navire ayant été le théâtre de la mort de tant de gens ne l’enchantait guère. Les âmes des marins noyés s’entassaient ici avec la même fréquence que les bateaux et Gon sentait nettement qu’il n’était pas seul. Il se mit à chanter à voix très basse afin de se concentrer sur autre chose, mais cela ne donna pas de résultats probants. A chaque pas, les planches grinçaient sous ses pieds et lui arrachaient un frisson qui lui parcourait l’échine.

Lugubre, sinistre, inquiétant… Ces mots ne traduisent pas un centième de l’ambiance à travers laquelle le bretteur évoluait à cet instant. Gon sentait des choses le frôler, des mouvements, des présences… A plusieurs reprises, une silhouette sembla se dessiner sur la périphérie de son champ de vision, mais dés qu’il tournait la tête pour tenter de la voir, il n’y avait plus rien.


La… ♫ Lalala… Tout va bien Gon. Tu es tout seul ici et les gens dorment. Lalalala… ♪ Les fantômes ça n’existe pas… De toute façon, je n’ai peur de rien. Si un spectre ose se rammener devant moi, je lui explose la…
-Bonsoir.
-HHHHHHHHHHHHHHHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!


Un petit garçon venait de faire son apparition. Il avait surgit de nulle part et observait Gon avec de grands yeux emplis de curiosité. Le sabreur porta la main à son cœur et attendit quelques instants que celui-ci cesse de s’emballer avant de répondre.

-La vache… Mais t’es qui toi ? Tu peux pas prévenir avant de débouler ?
-Moi ? Je suis Casse-pierre. Le gentil fantôme.
-HHHHHHHHHHHHHHHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!
-Mais arrêtez de hurler ainsi voyons.

Gon était tombé en arrière et tendait un doigt accusateur vers le petit garçon qui le regardait toujours avec étonnement. Ses lèvres tremblaient et il ne parvenait qu’à bégayer « Un fan… Un fan-fan… ». Son teint avait pris la couleur caractéristique de la neige bien propre. En tant que combattant honorable, il ne craignait qu’une chose, le surnaturel. L’apparition resta là, immobile, à le regarder sans dire un mot. Après quelques minutes, Gon finit par se calmer, voyant bien que l’enfant n’avait pas d’intention belliqueuse.

Il se redressa et épousseta son pantalon en tentant de préserver le peu d’amour propre qu'il lui restait. Bien qu’il fît nuit, l’ectoplasme dégageait une aura légèrement bleutée qui le rendait parfaitement visible. Gon lui tendit la main et se présenta, mais ressentit un frisson glaçée lorsque sa main traversa celle de son interlocuteur.


Du calme Gon. Ce n’est que le fruit de ton imagination. Tu es très fatigué après ce long périple et tu divagues un petit peu. Tout ira bien mieux demain après une bonne nuit de sommeil. A moins que je ne sois déjà en train de rêver… Mais oui ! C’est ça ! Je suis en plein rêve !


Mais à cet instant précis, une planche pourrie craqua au dessus de lui et vint s’écraser sur  son petit orteil, lui arrachant un hurlement qui fit même peur au fantôme.

-Merde, je rêve pas, là…
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Après quelques minutes de discussion, Gon avait complètement oublié son appréhension vis-à-vis du petit spectre et lui parlait comme à un compagnon de bar. Casse-pierre était mort il y avait plusieurs dizaines d’années, lors d’une collision de son navire avec un grand iceberg. Son père, Léonardo D. Carpacio, avait tenté de les sauver, lui et sa mère, mais tous étaient morts de froid et avaient finis engloutis par les vagues. Cette histoire était vraiment terrible, mais l’enfant la racontait avec détachement, le temps ayant atténué la douleur. Et puis, d’après ses dires, ses parents étaient revenus, eux aussi, sous leur forme ectoplasmique, si bien qu’il ne les avait jamais vraiment quitté.

Nos deux héros se promenaient à travers les carcasses, Gon ayant évacué tout son stress. Le fait d’avoir  un revenant de son côté semblait le rassurer. Il avait expliqué sa situation au gosse qui semblait comprendre de quoi il parlait.
-Je ne pourrais pas dire qu’il s’agissait du Hana Hana no Mi, comme tu dis, mais j’ai vu un gros fruit violet avec plein de bosses dans un navire échoué, il y a un an environ…
-Vrai !? Vite, dis moi où, je t’en supplie !
-Heu…

Evidemment, vu le temps qui s’était écoulé, il était difficile de se rappeler d’un détail pareil. D’un naturel curieux, Casse-Pierre avait l’habitude de fouiller tous les navires qui venaient s’écraser contre les berges, afin de saluer les nouveaux venus et voir s’il n’y avait pas quelque chose d’intéressant. De là à se souvenir de tout, c’était une autre histoire. Le fantôme lui affirma qu’il n’avait pas idée du nombre de trésors, de meitous et de fruits du démon qui disparaissaient avec leur embarcation. Beaucoup arrivaient ici et étaient récupérés par des pilleurs d’épaves… Juste comme Gon était en train de faire en ce moment ! Cette déclaration irrita Gon. Il n’était pas un vulgaire pilleur ! Il cherchait UN trésor en particulier, dans UN navire en particulier ! Ce n’était pas de sa faute si ce qu’il cherchait était actuellement dans une épave ! De plus, l’idée que des meitous aient pu disparaître dans les profondeurs des océans lui était insupportable.


Quand je pense à l’infinie valeur de ces objets, du temps qu’il a fallu à des artisans exceptionnels pour les fabriquer… Et ils ne serviront jamais à personne… Ils resteront au fond des mers jusqu’à la fin des temps. Argh !!! Il faudra que j’engage un homme-poisson pour me les ramener un de ces jours !


Il mit cette idée de côté et se concentra sur son objectif. Le fruit de l’éclosion. Pour un bretteur, ce fruit valait plus que tout l’or du monde. Plus que le One Piece lui-même ! Il lui apporterait la force nécessaire pour éradiquer la corruption et la cruauté de ce monde ! Il laverait l’humanité de ces péchés en coupant la tête du Mal ! Il… Ahem… Ne nous emballons pas, il fallait encore le trouver. A condition que le fruit qu’ait vu le petit fantôme soit le bon, déjà. Après une demi-heure, Gon commençait à perdre patience.
-Est-ce que tu pourrais me dire au moins sur quel côté de l’île c’était ? C’était vers le Nord-Est, non ?
-Le Nord-Est ? Non, je ne traîne jamais par là-bas. Non, il me semble que c’était à l’Est. Allons voir.

Le sabreur hésita un instant à prévenir son compagnon fantomatique que la couleur de ses répliques était vraiment désagréable, car difficile à lire. Mais après réflexion, qu'un fantôme soit difficile à discerner, c'était plutôt thématique. Il garda donc le silence là dessus. Gon ne connaissait pas du tout l’île et décida de se laisser guider. Les deux personnages se mirent alors en route et tombèrent dans un mutisme quasi-total. Le sabreur ne voulait pas se faire repérer mais ce silence pesant le fit cogiter, le décor n’aidant pas. Il s’imagina un instant que Casse-Pierre était en train de lui tendre un piège.


Il pourrait très bien être en train de m’emmener dans un guet-apens ectoplasmique où des spectres plus terrifiants les uns que les autres m’attendraient. En plus, c’est la pleine lune, timing parfait pour un sacrifice satanique ! Les apparitions vont arracher mon âme pour s’en nourrir ou pour l’offrir au prince des ténèbres tandis que des créatures infernales se nourriraient de ma chaire et s’abreuveraient de mon sang ! Et milles années de souffrance se…
-Voilà, c’est là ! Je m’en souviens maintenant ! C’était dans cette épave là !

Gon fut sortit de ses pensées et cligna des yeux pour regarder autour de lui. Il fallait vraiment qu’il arrête de délirer comme ça, ce n’était pas bon pour son mental… Ils étaient arrivés en zone habitée et le doigt du fantôme désignait une proue, qui pointait à la verticale, comme si le navire surgissait du sol. Mais la structure avait été aménagée en auberge. Un néon grésillait au dessus de l’ouverture qui servait de porte. On pouvait y lire «  La pêche à la morue ». Le son d’un piano s’élevait, couvert par des voix braillardes et des tintements de verres. Franchement, ça faisait gros rade de beaufs… Mais bon, c’était pas le moment de faire le difficile.
-Au fait, les autres gens peuvent te voir ?
-Ben oui, te prends pas pour Brice Woullousse.
-C’est qui ça ?
-Laisse tomber.

Ils pénétrèrent dans l’établissement. Instantanément, tout le monde cessa de discuter et se tourna vers les nouveaux arrivants.
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Le silence qui régnait depuis que le pianiste manchot avait cessé de jouer était extrêmement oppressant. Tout le monde fixait les nouveaux venus avec insistance. La grosse serveuse avec une jambe de bois et une cellulite de tous les diables, à faire pâlir de jalousie une feuille de papier froissée, fut la première à réagir. Elle tira d’un coup sec sur sa jambe de bois et se releva avec un fusil.
-On aime pas trop les étrangers par ici ! Surtout quand ils ont l’air aussi louches que vous !

Gon baissa la tête pour s’observer, lui et Casse-Pierre. Un homme approchant de la trentaine en costard accompagné d’un enfant de neuf ans bleu phosphorescent… Enfin de neuf ans, on se comprend. Avec le physique d’un garçon de neuf ans en tout cas. Vrai que ce n’était pas franchement le style de personne qui devait se pointer dans ce bar pourri habituellement. Au même titre que certains restaurants exigent le costume trois pièces, pour ce genre d’établissement, la barbe, les cicatrices et la crasse étaient de rigueur. Le bretteur leva les mains et fit signe au fantôme de faire de même, bien que ce dernier ne fut pas particulièrement effrayé à l’idée de se faire tirer dessus.
-J’ai de l’argent, je veux juste boire un verre et discuter un petit peu.

La serveuse s’approcha, prit les billets d’un coup sec et les regarda de près, allant jusqu’à les renifler. Finalement, elle les mit dans sa poche et demanda ce qu’il voulait. Gon demanda un whisky et alluma une cigarette en se posant à une table. Après quelques instants, le temps sembla reprendre son cours normal, les discussions repartirent et la musique s’éleva à nouveau. La cigarette n’était même pas  la moitié qu’un verre de whisky très foncé atterrissait devant lui.
-Et le gamin, il veut rien ?
-Non. Enfin… Je pense pas. Tu peux boire ?
-Non, merci. Ca ira.
-Bon. Je  peux vous parler une minute ?

La femme hésita puis reluqua l’homme de haut en bas avant d’accepter l’invitation.


Oh mon dieu… Il va vraiment falloir que je pèse mes mots pour qu’elle ne s’imagine surtout pas un seul instant qu’elle m’intéresse d’une quelconque façon… Hinhinhin ! Bonjour l’horreur. Elle est tellement grosse moche et poilue qu’elle doit savoir parler le wookie ! Bref ! Je dois absolument savoir depuis combien de temps ils sont installés ici et si il y avait quelque chose à bord quand ils ont débarqué. Mais sans laisser prétendre qu’il pourrait s’y trouver un truc important… C’est marrant, mais maintenant que je le formule… Ca à l’air HYPER compliqué !


-Dîtes moi Jeannine. Il y a longtemps que vous travaillez ici ? Vous êtes la proprio ?
-Ouais, j’ai monté c’bar, il y a deux ans et des brouettes. J’ai vu c’rafiot qu’avait été plutôt bien préservé. D’habitude, les bateaux arrivent complètement explosés, il reste qu’des tas de planches. Mais çui-là, il s’est ramené de traviole et en entier, j’ai trouvé ça marrant. En plus, il y a une immense plaque de bois très épais qui l’traverse de part en part. Ca sert de plancher.

Elle frappa du pied contre le chêne massif qui les soutenait en souriant. Malgré tous ses efforts, Gon ne put compter que quatre dents en tout. C’était donc ça, la partie inférieure du navire n’était pas accessible. Personne n’avait donc pu y aller. C’était certain, le fruit se trouvait là dessous !
-Encore une chose Jeannine, si ça ne vous dérange pas. Vous savez d’où provient ce navire ?
-Ouais, quand j’ai débarqué, il y avait que la cabine, et j’ai retrouvé des bouquins. Ils étaient complètement trempés et déchirés, mais certains étaient encore potentiellement lisibles. Pour ceux qui savent lire, bien sûr, moi j’sais pas. Mais d’après le gros Dudule, le capitaine s’était Drakal. Pourquoi tu me poses ces questions, tu cherches quelque chose ici ?
-Heu… Non, pas du tout !
-Hahaha, comment t’es trop naze en interrogatoire !
-Mais non, je fais rien moi ! On discute, c’est tout !
-Okay… Au fait, je m’appelle pas Jeannine moi. C’est Josiane.

Gon commanda un autre whisky pour la faire partir et voulu mettre un taquet à Casse-Pierre qui continuait de se foutre de sa gueule. Mais il savait bien que ça main passerait à travers s’il essayait. Il le menaça de prévenir ses parents fantômes s’il ne se taisait pas ! Comment descendre dans le compartiment du dessous ? Couper le bois ne lui posait aucun problème, bien sûr, il avait passé le palier pour couper net du bois. Mais il y avait trop de gens ! Il fallait qu’il trouve un plan pour que tout le monde regarde ailleurs le temps qu’il fasse un trou dans le sol et qu’il s’y glisse.

Une lueur se mit à briller dans les yeux du bretteur lorsqu’ils se posèrent sur l’enfant brillant.

-Hoooo… Je n’aime pas ce regard…
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Gon était tout excité à l’idée de mettre en action son plan génial. Bizarrement, Casse-Pierre l’était beaucoup moins.
-Et pourquoi je ferais ça ? Hein ?
-Alleeeeeez ! Ca te coûte rien ! Tu risques pas grand-chose dans ton état !
-Merci pour le tact… C’est charmant… Et qu’est ce que j’y gagne ?
-Ben j’en sais rien moi, ma reconnaissance éternelle ? Peut-être ton âme trouvera-t-elle le salut et tu pourras aller au paradis.
-Hahaha… Très drôle… Bon, c’est vraiment parce que je m’ennuie, hein !

Casse-Pierre se leva et se plaça au milieu de la pièce. Le plan de Gon n’était pas très chrétien, mais de toute façon, le christianisme n’existait pas, il n’y avait donc pas à se torturer l’esprit. Les hommes du coin étaient tous des crapules immondes et des pervers sans vergogne. Nul doute qu’un petit garçon perdu au milieu de ces vicieux attirerait l’attention. Le petit fantôme se promena entre les tabourets et les bancs en répétant inlassablement qu’il était seul, perdu et frigorifié. Si seulement quelqu’un pouvait l’aider à se réchauffer et s’occuper de lui… Puis, il sortit du bar.

Hinhinhin… Mais c’est qu’il est très doué le petit. A croire qu’il a fait ça toute sa vie. Ou toute sa mort. Aucun doute que si tout ce qu’il y a comme femme sur cette île est du même acabit que Jeannine, ils ne vont pas hésiter longtemps avant de suivre la viande fraîche. Je dirais environ une minute trente avant que le bar ne soit vide.


La réaction ne se fit pas attendre. Les uns après les autres, les hommes trouvèrent une excuse pour s’absenter, sortant à la suite du jeune garçon. Après quelques minutes à peine, le bar était entièrement vide, à l’exception de la serveuse qui semblait perdue. Toute sa clientèle venait de disparaître sans raison apparente. Mais elle ne lui poserait pas de problème majeur. Il l’appela et lui demanda de lui préparer un bloubiboulga, un plat extrêmement complexe et qui met très longtemps à cuire. Elle commença par râler, mais il sortit un billet de dix mille berrys, et elle disparut en cuisine. Le voilà tranquille pour une bonne grosse demi-heure minimum.

Sans attendre un instant, Gon dégaina ses deux sabres et effectua un redoutable coup dans le sol. Après quelques secondes, une grande entaille apparut. Il réitéra l’opération trois fois jusqu’à avoir découpé un carré d'un mètre sur un mètre dans le sol. Il se positionna au milieu mais rien n’y fit, c’était beaucoup trop épais. Il dut alors utiliser toute sa force, quitte à perdre en discrétion.
-Nitoryu ! Lame de plomb !

Les deux sabres virent leur poids augmenter, gagner en vitesse et atteindre le bois avec une force dévastatrice. Le bois craqua et le carré descendit à l’étage inférieur dans un fracas tonitruant. Niveau discrétion, s’était raté… A présent, il allait devoir trouver son fruit très vite avant que les autres gugusses ne débarquent. L’endroit puait le renfermé et le cadavre, c’était une véritable infection. Jeannine allait lui en vouloir à mort ! Mais ça, il n’en avait franchement rien à foutre. Il se mit à tout retourner, envoyant valdinguer dans tous les sens ce qui lui barrait la route. Déjà, il entendait des bruits de pas précipités raisonner au dessus de lui. Les bourrins étaient de retour. Il entendit des mecs se plaindre de l’odeur, mais quelques secondes plus tard, un clapotis lui fit savoir qu’il était suivi de près. Une lumière bleuté apparut, provenant d’à travers la paroi de bois.
-Gon ! Mais qu’est ce que t’as foutu ! Bonjour l’infiltration !
-J’avais pas le choix ! Aide moi ! Il est où ce putain de fruit ?
-Ba dans le coffre banane !

Un énorme coffre en bois massif trônait au fond de la pièce, recouvert par une mousse verdâtre immonde. Ignorant les pilleurs qui l’appelaient depuis l’autre côté de la pièce, Gon donna un violent coup de pied dedans. Le bois pourri céda en un instant. Il eut juste le temps d’apercevoir une sphère violette qu’une balle lui siffla à quelques centimètres de l’oreille. Plongeant par réflexe dans l’eau croupie pour se mettre à l’abri, il dégaina ses sabres. S’ils voulaient la jouer violent, il n’y avait pas de problème.

Il se mit à ramper, bouche fermée pour ne pas boire une tasse de gadoue dégueulasse. Casse-Pierre fonça s’interposer. Son aura brillante, très visible dans l’obscurité gênait les pirates pour viser. Certains tentèrent de le dégager, mais ils ne parvinrent qu’à le traverser. En ouvrant les hostilités, ils avaient prouvé qu’ils étaient prêts à prendre une vie humaine pour quelque chose ayant une valeur lucrative. Ils n’avaient pas de convictions, pas de principes, ils n’étaient là que pour se remplir les poches avec de l’argent taché de sang. Le monde se porterait sans doute bien mieux sans eux.

En prenant garde de bien resté au niveau du sol, le bretteur se déplaçait silencieusement entre les meubles renversés. Une fois suffisamment près, le sabre de Gon se planta dans le mollet du tireur qui s’effondra en hurlant. Le cri fut interrompu par le second sabre qui se planta au niveau de la gorge. D’un bond, il se releva et se mit à tournoyer, faisant s’abattre la mort sur les hommes hostiles. Après quelques minutes, l’eau qui stagnait s’était teinte de rouge et le silence était retombé.

Enfin tranquille. Je prends le fruit et je me casse vite fait avant que l’alerte ne soit donnée. Voyons voir ça… Putain ! Ca y est ! C’est bien lui ! Il correspond exactement au dessin ! Sphère violette avec des spirales noires… JE L’AAAIIIIII !!!!! Et après tout ce temps dans cette cale humide, il n’a pas pourri du tout. Allez HOP, sous ma veste, on verra le reste plus tard… Il faut que je me barre !


-Casse-Pierre ! Je l’ai trouvé, maintenant, je dois me casser vite fait.
-Ben… Moi je vole donc démerde toi pour le reste.

Poussant une armoire sous le trou, il se lança dans une escalade d’étagère très risquée. Les planches pourries avaient tendance à craquer sous son poids. Pourtant, on ne pouvait pas dire qu’il pesait bien lourd. Bougeant le plus lentement possible, il parvint au sommet et tendit les bras pour se hisser à travers la trappe qu’il avait découpé. Il se releva et tomba nez à nez avec le canon d’un fusil.
-Tiens ! Jeanine… Hinhinhin…
-Alors connard ! On s’en va comme ça sans dire au revoir ? Envoie le butin avant que je ne décide de servir ta cervelle au menu de ce soir !
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Un frisson parcourut l’échine de l’homme à la simple idée de perdre ce qu’il venait si durement de gagner. Cela faisait plus d’un an à présent qu’il voulait trouver le Hana Hana no Mi, et maintenant qu’il l’avait en sa possession, il allait devoir le donner à cette morue ? C’était impensable, inimaginable ! Quelle utilité en aurait-elle de toute façon ? Plus de bras pour faire la vaisselle plus vite ? Allons ! Un peu de sérieux ! Le problème, c’est que ce n’était pas une question… Le canon était à quelques centimètres seulement de son visage et même un aveugle ne manquerait pas son coup à cette distance.

Mais quelle salope… J’arrive pas à croire qu’elle soit parvenue à m’avoir aussi facilement. Ce fruit doit bien valoir dans les 150 millions de berrys ! Voyons voir… Hooooo !!!! Hinhinhin… Ca y est j’ai trouvé !


Gon se releva lentement et souleva sa chemise pour libérer le gros fruit. Les yeux de l’aubergiste s’illuminèrent à la simple perspective de s’en foutre plein les poches. C’est cette cupidité, couplée à sa bêtise et son ignorance, qui sauveraient Gon. Il posa le fruit au milieu de sa paume et referma ses doigts dessus de faon à le tenir fermement. Ses ongles se plantèrent dans la chaire.
-Tu le veux Jeannine ? Et ben attrape le !

D’un coup, il lança les 150millions de berrys au dessus de la grosse qui poussa un hurlement en le suivant des yeux.
-J’m’appelle pas Jeanniiiiiiiiiiiiiine !!!

Elle suivit la courbe du fruit et se jeta en arrière pour le rattraper. Sans perdre un instant, Gon détala sans demander son reste. Au creux de sa main, un morceau de fruit arraché dans le même temps grâce à ses ongles tranchants. Il avala le morceau immédiatement. Après tout, seule la première bouchée comptait dans les fruits du démon. Tout le reste du fruit est inutile et infecte, par-dessus le marché. Il courut à travers les carcasses et les planches pourries qui cédaient parfois sous ses pas précipités.

Lorsqu’il fut certains d’être hors de portée des autres tarés, il s’adossa à une figure de proue et prit le temps de souffler un peu. Il devait absolument être fixé ! Il regarda sa main avec insistance et reporta son regard sur le sol, devant lui en essayant de visualiser sa main qui en jaillissait. Mais il eu beau se concentrer, rien n’apparut. Un affreux doute s’empara alors de lui. Il se concentra, imaginant des bras, des jambes et des têtes surgirent de partout. Mais rien n’y fit.

Non… Impossible… Elle n’aurait quand même pas… La grosse vache a peut-être eu le temps de mordre dedans avant que je n’avale mon morceau… Mon dieu, pitié faîtes que ce soit pas le cas… Sinon… Il faut que j’y retourne et que je la tue. Tant pis. Il repoussera quelque part et je le retrouverai.
-GON !
-HHHHHHHHAAAAAAAAAAA !!!!!

L’apparition inattendue de Casse-Pierre à sa droite le fit sursauter de manière impressionnante. Une grosse dose d’adrénaline le submergea et des membres se mirent à apparaître dans tous les sens, de façon anarchique. Après quelques secondes seulement, Gon était perché sur un véritable réseau de jambes et de bras qui s’entremêlaient comme une toile d’araignée. Et au milieu, il était littéralement coincé. Mais la vision de tout ce micmac de chaire le fit partir d’un grand rire. Même s’il ne maîtrisait rien, il avait le pouvoir en lui ! Il avait réussi !
-Casse-Pierre ! Je l’ai ! J’ai réussi ! Et c’est grâce à toi ! Merci !
-Boarf ! De rien. Ca a un peu cassé la monotonie. Et puis ça fera toujours un trésor que les autres cons n’auront pas.

Gon se débattit un instant et tout disparut, le laissant chuter comme une bouse d’environ quatre mètres. Il e releva précipitamment. Des bruit de pas derrière lui devenaient de plus en plus sonores. Il fallait se casser et vite fait. Sans attendre, il sauta dans sa barque pourrie et se mit à ramer en direction du rivage, mais fit un virage serré et alla accoster à nouveau, à l’abri des regards. Il n’eut pas longtemps à attendre pour voir des coques de noix partir à leur tour à la poursuite d’un ennemi invisible et disparaître au loin.

Il fit un dernier signe de la main à son ami fantôme qui le lui rendit. Deux grands ectoplasmes le rejoignirent, le prirent par l’épaule et tous trois disparurent à travers une cloison de bois. Gon eut un petit sourire avant de remettre un coup de rame. Si seulement il maîtrisait son fruit, il pourrait faire ramer des bras à sa place…
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