La nuit était tombée sur la mer. Un bateau pirate mouillait au Cap des jumeaux. Il patientait avant d'attaquer la redoutable route de Grand Line.Le passage de Reverse Mountain, qui avait eu lieu à peine quelques heures auparavant, aurait pu être pire. Il fut néanmoins mouvementé. Les membres de l'équipage avaient besoin d'une petite halte ; le bateau aussi. L'atterrissage suite à la chute d'eau brutale et le rattrapage in extremis du charpentier n'étaient pas sans conséquence. Des réparations devaient être faites pour éviter des déboires futurs. Axel avait déjà commencé les travaux, une fois remis de ses émotions.Pendant très longtemps, le Capitaine, Seido D. Noroma, avait pensé ne jamais pouvoir quitter les premières mers de ce monde. Son équipage avait rétréci au lavage. Heureusement, malgré les événements mouvementés qui y avaient eu lieu, l'île de Zaun s'était révélée être une excellente étape. Elle avait permis au petit groupe de s'étoffer, retrouvant un charpentier et un navigateur qu'ils n'avaient plus en posant le pied sur ces terres hostiles.Alors que les étoiles brillaient et qu'un air étonnamment chaud pour la saison berçait le navire encore calme, quelque chose vint briser cette sérénité. Les pirates étaient bien réveillés. Avec la fatigue de cette journée, ils auraient dû se prélasser sur leur couche. Pourtant, ils se dirigeaient les uns derrière les autres, à quelques secondes d'écart, vers la salle à manger. Il ne manquait plus que les torches et les manteaux à capuche pour croire à un rendez-vous de comploteurs.
Certains arrivèrent dans la pièce avec beaucoup de discrétion, sans qu'on puisse remarquer leur présence. Le Capitaine, tout d'abord, qui savait se cacher et agir sans être repéré. La Cuisinière, qui marchait avec la grâce d'un chat et parvenait à se faufiler en silence. Quant au Forgeron, il était arrivé à toute vitesse, suffisamment prestement pour ne pas être vu.
D'autres agissaient d'une manière moins conventionnelle. Le Charpentier, par exemple, ne cherchait pas à se dissimuler, et paraissait tellement naturel qu'on n'y attachait pas d'importance.
Il existait une dernière catégorie : ceux qui n'avaient rien compris aux notions de discrétion, qui réveilleraient même un ours en pleine hibernation. Lorsque la Canonnière pénétra dans l'antre obscure, juste éclairée par une bougie, elle s'exclama d'une voix joyeuse et tonitruante.
- Hey !!! C'est pas un peu sombre ici ? On ferait mieux d'allumer le chandelier, non ?
Et au reste de l'équipage de lui répondre, l'index collé sur sa bouche, les sourcils froncés, l'air désapprobateur...
- CHUUUUUUUUUUUUUUUUT !
- Je vous signale que vous faites encore plus de bruit que moi, maintenant.***
Les cinq pirates s'installèrent autour d'une petite table ronde, qu'on utilisait plus pour jouer aux dés ou aux cartes que pour manger. Le Capitaine posa la bougie à cet endroit, éclairant les autres personnes en présence d'une lueur fantomatique. Seido attendit quelques instants avant de déclarer la séance ouverte.
- Tout le monde est là, je commence.
Non, tout le monde n'était pas là ; mais s'il manquait quelqu'un à l'appel, c'était normal. On allait justement parler de ce "cas".Le nouveau navigateur n'avait rien à voir avec son prédécesseur, Edward W. Flower. Ils étaient même diamétralement opposés. Edward était une personne ouverte, tournée vers l'extérieur, ne craignant pas de se salir les mains. En tant que fleuriste, il offrait souvent des herbes aromatiques à Elinor, cultivait des plantes utiles pour les médicaments de Seido. Une joie communicative. Et puis, il savait se battre, avec des techniques singulières. C'était assez fascinant de le voir en action.Stefan... ne sortait pas beaucoup. Il passait de sa chambre/bibliothèque à la salle de bain, de la salle de bain à la barre, de la barre à sa chambre. Il ne vivait en communauté que pour manger, ou poursuivre les moindres salissures avec son arme personnelle ; un balai télescopique qu'il emmenait partout avec lui.A la base, c'était un petit bâton des plus ordinaires. Il suffisait qu'il donne un petit coup de poignet pour que l'objet se développe sous une forme allongée ; un bâton de sa taille, avec lequel on pouvait combattre. Enfin, si l'on maîtrisait le style martial approprié. Quand ils découvrirent l'objet la première fois, les deux inventeurs en titre du navire avaient admiré l'ingéniosité du système, typique de Zaun. Une arme que l'on pouvait cacher discrètement et avoir toujours sur soi. Avec enthousiasme, Seido et Axel réclamèrent une démonstration de Bozendo. Ils déchantèrent vite devant l'air hautain de l’intéressé, qui appuya sur un petit bouton secret, dévoilant la nappe souple et végétale d'un balai.
Il était temps que le jeune homme comprenne certaines choses, qu'il semblait avoir du mal à assimiler. Il était à présent un pirate ; et à ce titre, ne pouvait se permettre d'être vulnérable. Tout le monde était passé par l'étape de l'entrainement (Elinor s'en souvenait toujours avec nostalgie et tristesse). Il ne pouvait pas rester enfermé, sans communiquer avec les autres. Certes, il deviendrait à terme un excellent navigateur ; ses connaissances leur avaient permis de bien progresser et d'affronter Reverse Mountain sans trop de dégâts. Il débutait encore à tenir la barre, pourtant. Affronter Grand Line ne l'effrayait pas beaucoup, il disait qu'il savait tout ce qu'il y avait à savoir sur le sujet.
Mais si les Desperados devaient combattre sérieusement, contre d'autres pirates, un monstre marin, voire la Marine, il serait dans l'incapacité de répliquer, faisant de lui une cible facile.
La question avait été posée : devait-on se débarrasser de lui ? Bien sûr que non. Car outre ses connaissances et ses compétences, il assurait le ménage du bâtiment. Il fallait juste lui apprendre à s'adapter à cette nouvelle situation, et accepter de travailler en équipe. Et pour cela, rien n'était plus formateur que l'entrainement.Ils s'accordaient un peu de temps avant de reprendre leur voyage ; autant en profiter maintenant, avant que les choses ne se corsent.
A ces mots, les comploteurs marquèrent une pause avant de reprendre leur discussion sous cape. L’entraîner, fort bien. Mais qui ? Ce fut d'abord par élimination qu'on procéda. Elinor fit la première à prendre la parole.
- Je serai ravie de m'en occuper, sachant que je suis celle qui l'approche le mieux. Malgré ma tâche de cuisinière, je parviens toujours à rester correcte. Malheureusement, j'ai moi-même la nécessité de progresser. Je maîtrise sans trop de problèmes mon fruit du démon, à présent, mais je veux vraiment développer mes capacités. Je ne veux plus me défendre ; je veux attaquer. Je ne veux pas être un poids comme je l'ai été à Zaun ou à la prison. Vu que Wohr... (elle avala sa salive) n'est plus parmi nous, Seido, tu es le plus à même de m'aider à cela.
Le Capitaine acquiesça avec un sourire, déclarant qu'il était d'accord. Elinor était exclue du rôle d'entraineur. Elphys fut la seconde à réagir.
- Euh, idem qu'Elinor. Non parce que déjà ben... Faudrait voir son domaine déjà, comment il peut se défendre... Et je ne crois pas que ce soit avec des canons. Vu la tronche qu'il tire quand je manipule la poudre...Et puis il m'évite comme la peste, je n'ai pas vraiment pu lui parler. Je ne comprends pas pourquoi.
"Je ne comprends pas pourquoi", disait cette personne qui avait le visage noir de suie à l'instant où elle articulait ces mots.
En bref, aucune des deux filles n'était légitime pour cela. Restaient les trois hommes. Seido était l'un des meilleurs combattants du navire. Homme orchestre, il maniait aussi bien l'épée que le pistolet, savait forcément se battre à main nue.
Il était suivi de près par le petit nouveau, Axel, qui se révélait d'une efficacité extraordinaire, au style dément et inimitable.
Gin, enfin, n'était pas à négliger. Il était un excellent sabreur, avait la force et l'expérience. Tous les trois avaient la capacité de remplir ce devoir peu attrayant. D'ailleurs, personne ne se précipita pour se porter volontaire. Tous conservaient le silence, se regardant en chiens de faïence.
- Vous allez vous décider, oui ?
Non, aucune réponse. On sentait une certaine pesanteur s'installer dans la salle commune. Elinor poussa un soupir, elle ne comprenait pas ce comportement face au navigateur...Enfin, si, elle ne le comprenait que trop, mais ce n'était pas ainsi qu'il fallait procéder pour avancer. Lassée par ce mutisme, elle lâcha une solution certes très arbitraire, mais qui avait pour mérite de décoincer la situation.
- Faites çà à Pierre, Papier, Ciseaux....
Dernière édition par Elinor Lafayette le Mer 4 Déc 2013 - 20:08, édité 17 fois