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La dernière croisière.

On avait quitté le borgne à la sortie d’un bistrot. Et on va le retrouver dans un pub. Cela commence à tourner en rond tu vas me dire ? Tu veux des péripéties du suspens, de l’action et des violons ?  Ok ok, je vais voir ce que je peux faire.

Bref retournons à nos moutons, enfin notre mouton borgne et manchot. Adossé nonchalamment à une chaise de bois grinçante, un sourire goguenard aux lèvres. Un verre contenant une mixture inconnu mais contenant très probablement de l’éthanol. Devant lui un autre type à l’allure peu attrayante. Autour de la table des curieux, il y avait toujours des curieux dans un bar. Et une partie de carte ça attire toujours les curieux des bars.

Surtout que l’enjeu valait le détour. Un billet pour le voyage inaugural du Tragicomic. Et ce n’était même pas un billet de troisième classe Monsieur. Mais qu’est ce quoi être le Tragicomic ? Me dirais tu, si t’avais un niveau de grammaire pathétique. Un superbe navire de croisière construit dans le but de naviguer sur Grand Line sans problèmes. Un géant des mers qu’on disait. C’est ce qu’avait parié l’adversaire du manchot contre la prothèse de celui-ci et tout son fric.

Pour faire redescendre la tension, le borgne s’alluma une cigarette et en tira une longue bouffée qu’il expira en l’air. Il regarda un instant les volutes de fumée disparaitre avant de se reconcentrer sur le jeu. C’était bientôt le moment décisif. Il regarda Dédé le croupier improvisé brûler la dernière carte au centre. La rivière qu’ils appelaient ça. Un large sourire se dessina sur le visage de son adversaire. Les deux joueurs retournaient leur carte.

D’un regard satisfait l’homme retourna ses cartes. Dévoilant sa main. Une belle couleur qu’il avait eu. Comme quoi même un type au physique ingrat peut avoir des coups de bol. A croire qu’il y avait une sorte d’équité dans la justice céleste. Pour peu qu’elle existe.

C’est vrai que lui avec sa paire de deux il faisait pâle figure. C’était moche de se faire poignarder par la chance comme ça. Quoi qu’à force ça devenait presque une habitude. Le gagnant entama le mouvement pour empocher ses gains.

Comment tu fais pour gagner comme ça à chaque fois ?

De la chance mon gars  et un peu de talent.

La chance hein ... Tu sais ce que c’est moi ma chance ?

Non.

La force.

Le sourire satisfait de son adversaire disparut. Pas besoin d’être un type bien futé pour comprendre ce que ça voulait dire. Il dégaina son arme et mit Galo en joue. Ah le brave imbécile. Les pouvoirs du fruit du sable se déchainèrent dans l’établissement.

Arena Spada !

L’instant d’après Galowyr sortait satisfait le billet en main. Bon fallait se grouiller l’autre paquebot allait pas l’attendre et l’heure du départ approchait bien trop vite à son gout.

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Le borgne n’avait pas une excellente mémoire et il l’admettait bien volontiers. Mais là fallait l’admettre il n’avait pas souvenir d’avoir un jour vu un navire de cette taille. Le Tragicomic aurait fait passer le Susanoo des Bloody pour un banal canot de sauvetage. Non ce truc devait être aussi gros qu’un cuirasser de la marine. Il fallait être complétement dingue pour bâtir un navire de cette taille, enfin être complétement dingue et sacrément blindé. Combien ça pouvait bien coûter ça un bateau  de cette taille-là ? Oh ça devait faire un paquet de fois sa prime pour sûr. Il ne préférait pas savoir combien précisément. Il était suffisamment déprimé comme ça pas la peine d’ajouter à sa névrose un complexe d’infériorité vis-à-vis d’un navire. Allé hop, il était temps de grimper sur ce rafiot.

Alors qu’il s’approchait tranquillement de la plateforme qui montait du port vers le pont, un homme dont l’uniforme traduisait tout de suite l’importance l’interpella. Oh pas la peine de te le décrire, tu te l’imagine très bien. Le genre de sale type qui exulte de sa misérable autorité et qui en devient un véritable petit tyran. Les types qui hantent les administrations et autres lieux communs. Une des pires espèces des sept mers.

Monsieur, je peux voir votre titre d’embarquement; je vous prie ?

Et là tu l’entends sa sale petite voix ? Bien sûr que si, le timbre de voix si agaçant que même lorsqu’il te sort les plus exquises politesses administratives, t’as l’impression qu’il t’insulte et te menace toi, ta famille et tes ancêtres sur plus de cinq générations. Bah mine de rien le Galo, il n’a pas de famille mais ça le met pas à l’aise. Il sort fébrilement de sa poche le billet d’embarquement tout froissé et le tend avec un sourire des plus forcés.

Me faut un justificatif d’identité avec …

Cela ne vous suffit pas le billet ?

Non j’ai besoin d’un justificatif.

Je n’en ai pas.

Pas de justificatif, pas d’embarquement Monsieur.

Pas d’embarquement et c’est mon poing dans ta gueule.

C’est comme ça que ça aurait pu dégénérer, mais avant même que le borgne ne puisse répliquer, une voix se fit entendre. Une voix que Galowyr aurait souhaité ne plus jamais entendre.

Mais voyons vous ne le reconnaissez donc pas. C’est Al Battor, une véritable idole des jeunes. Ne me dîtes pas vous n’avez jamais vu Ohio Jones et le Temple du lait de brebis ? Ce petit bijou du septième réalisé par moi-même. Kropopolakis, Kosta Kropopolakis, directeur, producteur, chanteur interprète, et esiteriophile passionné. Mais vous m’aviez reconnu n’est-ce pas ?


Spoiler:

Kosta Kropopolakis, l'homme avec lequel il s'était battu pour récupérer le fruit du sable. Le genre de type extrêmement élégant et policé mais qui est capable de briser le crane de quelqu'un à coup de canne pour obtenir ce qu'il veut.


Me faut un justificatif Monsieur …

On va vous passer les âpres négociations, les tendres caresses verbales de Kosta, les menaces de Galowyr et autres joyeusetés. Mais finalement nos deux compères parvinrent à passer le barrage. La minute d’après les anciens ennemis se trouvaient sur le pont.

Mon cher Battor, quelle surprise de vous revoir ici ! Je vous arrête tout de suite, oublions le passé et tournons-nous vers l’avenir. Savez-vous que vous êtes une petite célébrité dans le monde de l’escargo vision ? Que dis-je une vraie star. Vous vous souvenez du visiodenden qui filmait tout quand nous étions dans le temple ? On en a fait un film et ça a cartonné. On s’est fait presque plus de fric que si nous avions vendu le fruit du temple. Un véritable pactole. Mon épouse était ravie. D’ailleurs je ne vous ai pas racontez ce qu’il lui était arrivé …

Ce Kosta, c'est le genre de type avec qui il y a pas besoin d’avoir du répondant, ni même d’avoir un quelconque sens de la conversation. Il ne parlait pas, il s’écoutait parler mieux que ça l’homme au costume vert était une conversation à lui tout seul. Il parla à Galowyr de tout et de rien, de sa femme, des types que le borgne avait blessés dans le temple, de ses problèmes avec le Fisc du gouvernement mondial et surtout de sa passion pour les croisières. Son ancêtre, prêtre de Salakis, le dieu à tête de brebis, avait été chassé de son île par les siens. Il s’était alors lancé dans une vaste entreprise de voyage sur mer pour distraire les gens du monde entier. Kostacroysiaire qu’il se nommait. C’est de là d’où venait son prénom, un hommage disait-il.

Le père de Kosta avait vendu l’entreprise familiale, mais Kosta désireux d’égayer sa petite vie de rentier s’était pris de passion pour la navigation civile et connaissez à peu près tout ce qui concerne le sujet. Il n’aurait manqué le voyage inaugural du Tragicomic pour rien au monde. D’autant plus que l’armateur, un ami de famille de longue date l’avait invité à profiter des luxueuses suites du navire.

Et comme s’il était le proprio, l’immense salle des fêtes, les luxueux fumoirs privés, le large pont du navire, la salle des machines où régnait une chaleur infernale. De la poupe à la proue, du pont supérieur à la calle, il n’échappa à rien. Le borgne ne pipa pas mot. Bizarrement ça le changeait de ce qu’il avait l’habitude de vivre. Un peu de changement ça ne fait pas de mal. Puis ce type n’était pas son ennemi. Il s’était un peu mis sur la tronche certes, mais ce n’est pas Kosta qui avait détruit son équipage. Au fond c’était même un chic type.

Alors qu’il remontait sur le pont supérieur, Kosta lui fit une drôle de demande.

Ecoutez Battor, vous m’êtes sympathique. J’avais emmené mes assistants avec moi pour réaliser un petit reportage sur ce fantastique navire et les voyageurs. Mais votre présence ici est un signe du destin. C’est l’occasion de réaliser mon rêve depuis que je suis tout petit. Je vais rendre aux croisières leurs lettres de noblesses. Avec votre aide, je vais réaliser un véritable chef d’œuvre. Le meilleur film sur les navires de tous les temps.

Un film sur les croisières quelle idée stupide. Puis, il n’était pas un acteur. Il était un brigand, un type qui casse des bras contre des billets. Pas un de ces stupides types empoudrés qui se demandent s’ils sont ou s’ils ne sont pas. Il s’apprêtait à l’envoyer balader. Quand Kosta tendit la main dans sa direction.

Non ne répondez pas tout de suite. Je sais que ce n’est pas évident pour vous, un acteur de votre trempe se doit de choisir ses rôles avec circonspection. Mais je peux vous promettre que vous toucherez votre part du gâteau sans parler de …

Il avait toujours fait des boulots crasseux, dégradant ou infamant. Pour une fois qu’on le paierait pour autre chose que jouer des poings. Puis bon, l’inaction pourrait bien le replonger dans une dépression chronique. Faire le mongole devant le visiodenden de Kosta lui changerait les idées. Et, une petite rentrée d’argent ne ferait pas de mal. Il mit alors instinctivement la main dans sa poche.

Venez donc diner avec moi ce soir nous en reparlerons plus calmement, je vous présenterais au petit gratin du navire, ils doivent mourir d’envie d’vous rencontrer et je suis sûr que …

J’accepte à une condition Kosta !

Elle est accepté d’avance l’ami.

Je veux de quoi fumer pendant toute la durée du tournage !

Le producteur acquiesça de la tête en souriant et prit le borgne par l’épaule. Avant de lui tendre de l’autre main l’un des cigares qu’il gardait dans sa poche de costume. Le borgne se fit pas prier et l’alluma illico. Avant de remettre la main dans sa poche. Il jeta ensuite discrètement le paquet de cigarette vide qu’elle contenait. Il avait évité de peu la catastrophe.

Le tabac vaut bien un film …


Dernière édition par Galowyr Dyrian le Ven 13 Déc 2013 - 0:29, édité 1 fois
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Kosta lui avait fait visiter la salle des fêtes lors du petit tour qu’ils avaient fait. Mais rien n’aurait pu le préparer à cela. Tout comme les invités de prestige, la salle s’était à son tour vêtu de ses plus belles parures. Là où ces dames s’étaient couvertes de pierres précieuses en tout genre, la pièce s’était enrichie d’argenterie, de verres en cristal, et de vaisselle de la plus fine des porcelaines. Les luxueuses étoffes habillaient les dames comme les meubles, et la dentelle était aussi bien dans les jupons des femmes que sur les napperons des tables.

Et pendant que les prolos, se servaient leur bouffe bon marché au buffet à volonté dans l’immense réfectoire grisâtre du pont inférieur, l’immense lustre de cristal, qui jusque-là n’avait été qu’un terme amas de pierre précieuse rayonnait de mille feux. Une lumière pure et cristalline en émanait. On ne ferait pas insulte au borgne en disant de lui qu’il n’était pas facilement impressionnable. Pourtant ce lustre, bon Dieu ce lustre … Un soleil rayonnant au-dessus de cet océan de luxe. Cette beauté insultante de la richesse se montrait dans ses aspects les plus ostentatoires. Un cirque voilà ce qu’était tout cela, un énorme cirque. Ces clowns jouaient à qui a la plus grosse bourse. Pas d’élégance, pas de raffinement juste une volonté de montrer les crocs. Là où les pauvres comme lui jouer des poings, ces gens-là sortaient leurs diamants et leurs chaussures en cuir de roi des mers. Les coups vicieux se muaient en messes basses et en hypocrisie teintée de sarcasme. La même merde que chez les pauvres, elle était enrobée dans de la soie mais ça sentait toujours aussi mauvais.

Et lui dans tout ce cirque, s’était sans doute le plus ridicule. Le gosse d’Edge Town qui singeait les types à qui ils avaient fait les poches pendant toute son enfance. Il se sentait en véritable animal de foire, enfermé dans ce costume que lui avait fait porter Kosta et portant toujours les signes de sa pauvreté : son bandeau et son crochet, les deux punitions pour avoir volé de quoi se nourrir. Pourquoi avait-il pu accepter ça ? Il était encore temps de faire demi-tour, de déchirer ce maudit nœud pap, de se débarrasser de cette fichue veste et de remettre son éternel manteau noir. Kosta mit sa main sur son épaule et lui fit signe de le suivre.

Et pendant que le quatuor à corde se mit à jouer, Galowyr suivit son ancien ennemi à sa table. Là comme ces statues en pierre des souverains de jadis, trônaient inébranlables, trois hommes et trois femmes. Mais il ne fit pas plus attention à ces gens que s’ils avaient été des mannequins. Il n’avait rien à voir avec ces gens. Il les salua aussi poliment que possible avant de s’assoir aux côtés de Kosta. Il remarqua une chaise vide à la table. Un défaut minuscule dans ce mécanisme si bien huilé. Une tache dans ce petit monde d’apparence. Intrigué, il posa la question.

Vous attendez quelqu’un ?

Oui, apparemment. Une baronne rien que ça ? Même pas un roi ou une impératrice ? Il s’imaginait bien la vieille mégère croulante qui allait débarquer. Les cheveux blancs, un chapeau monstrueusement plumé, une robe assortie, et suffisamment de bijoux sur elle pour ouvrir une bijouterie. Sans même parler de sa semi surdité, de son mauvais caractère et ses anecdotes débiles sur son défunt mari.

Il ne s’était jamais autant trompé.

Ce n’était pas la baronne qui se présenta à lui. La pauvre était tombée tellement malade qu’elle n’aurait pas pu supporter le voyage, et avait gentiment offert son billet à sa petite fille. C’est tout du moins ce qu’elle expliqua la personne qui s’assit à la table.

Le rythme des battements de cœur du borgne s’accéléra subitement.

Comment la veille rombière avait bien pu se transformer en ça ? Une créature divinement belle. La seule femme dans l’assistance à ne pas avoir besoin de bijoux pour rayonner de ses plus beaux éclats. Sa longue chevelure blonde valait toutes les rivières de diamants au monde. Et ça s’était sans parler du reste, de ses yeux, de sa bouche, de ses formes. Pour quoi allait-elle le prendre ? Un garde du corps, un bandit ? Il cacha honteux son crochet sous la table.

Et pourtant elle le salua, le plus normalement du monde. Pas plus pas moins que ses voisins, avec ce même sourire radieux qui lui empoigna étrangement le cœur.

Et le repas commença, un quatuor de corde se lança dans un concert et son monde qui lui avait paru un instant immobile, un monde réduit à ce sourire, se remit en route. Et là tout lui sembla tout de suite moins con. Les remarques désobligeantes sur les petites gens. Les préoccupations politiques sans intérêts de ses voisins de tables. Les anecdotes débiles sur comment l’arrière-grand-père de l’armateur avait un jour construit les palais des dragons célestes. Ah oui l’armateur du navire était à la table et parvenait même à concurrencer le temps de parole Kosta. Mais ça n’avait aucun intérêt pour Galo, lui tout ce qu’il remarquait c’était cette beauté chaleureuse assise près de lui. Qu’ils se taisent ces imbéciles. Il voulait en savoir plus sur elle. Il voulait réentendre cette voix douce qu’il l’avait salué.

Et vous, Monsieur, qui êtes-vous ?

C’était comme si la foudre l’avait frappé, s’intéressait elle véritablement à lui ? Non simple politesse de passage. Devait-il dire la vérité, qu’il était un pauvre orphelin, qu’on lui avait coupé sa main pour avoir piqué du pain à un boulanger ? Que son bandeau et sa cicatrice était un cadeau d’adieu laissé par le chef de la milice de Goa que sa voisine d’en face trouvait trop molle avec la racaille d’Edge Town ? Il commença à bafouiller piteusement.

Kosta répondu pour lui.

Excusez-moi Madame la baronne je manque à tous mes devoirs. Je vous présente l’un des plus grands acteurs de notre époque Monsieur Battor.

Il lui revaudrait ça. Son guide dans ce monde étrange embrailla tout de suite, sur le temple au lait de brebis. Il raconta comment Galowyr avait sauvé son épouse ainsi qu’une jeune archéologue des pièges du temple. Comment il s’était sorti du piège des murs écraseurs. Mais oui continue mon vieux, fait passer Galo pour un héros, impressionne un peu la petite demoiselle. Ah non changes pas de sujet, changes pas de sujet. Ne parle pas de ton projet de film. Ah si ça parle de lui. Le borgne profite de cette ouverture pour lâcher un petit sourire à la demoiselle qui le lui rend.

Bon ce voyage ne serait pas une horreur totale semble-t-il …

Il ne s’était jamais autant trompé.


Dernière édition par Galowyr Dyrian le Mar 3 Déc 2013 - 20:25, édité 1 fois
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Le repas se déroula aussi bien que cela était possible. Fallait le reconnaitre, le bourgeois, malgré le culte qu’il rendait aux apparences, son caractère détestable, son mépris caractéristiques et ses anecdotes débiles, bah il recevait bien. Bon bien sûr ce n’était pas chez lui qu’on se pétait le bide à coup de sanglier entier, cuit à la proche, au maroilles avec ce qu’il fallait de patates. Non, le bourgeois apparemment il préfère les petites portions, les émulations, les nuages de crème, les lits d’asperge, ou des trucs dans des verres. Sans parler des ingrédients farfelus que ces types allait chercher.

Ah oui ça fait drôle la première fois. Mais ce qui restait de cuistot chez Galowyr ne pouvait s’empêcher de trouver cela délicieux. Enfin sauf le quinoa, qui mangeait des graines sérieusement ? Personne n’aime les graines à part les piafs, et encore eux c’est juste qu’ils ne peuvent pas manger d’autre truc. Faut parler du pinard aussi. A ce niveau-là c’était d’ailleurs plus du pinard, c’était du vin. Du vrai du bon. Il en avait peut-être même un peu trop abusé et sa tête commençait à bourdonner légèrement.

Kosta lui ne s’arrêtait plus de parler. L’alcool déliait sa langue déjà bien pendue, et il ne stoppait de parler que pour manger. Il parlait du scénario de son film, un truc révolutionnaire où un pauvre homme de North Blue séduit le cœur d’une jeune Tenryubito à bord d’un navire de croisière, avant de mourir pour la sauver des griffes des pirates. Un misérable de North Blue hein, il n’aurait pas pu trouver meilleur rôle pour le borgne, bien plus que l’aventurier intrépide de la dernière fois. Le borgne l’écoutait parler de façon amusée. Bien étrange sentiment que de se sentir si attaché à un type qui avait tenté de le tuer pour une pomme maudite. Peut-être parce que c’était le seul type dans toute la salle à ne pas voir soit comme un gros bras patibulaire soit comme un déchet assis à leur table. Enfin lui et Elle. Elle semblait amusée par les gestes frénétiques que faisait Kosta en racontant son histoire. Pourtant Galowyr trouvait dans son regard quelque chose d’étrange, un mélange d’ennui et de mélancolie.

L’heure avançant, les voix se firent de plus en plus hautes. Soudain sa charmante voisine quitta la table. Et là se fut comme si l’immense lustre s’était éteint. Le repas perdu soudainement le peu d’intérêt qu’il avait eu. Il fit un signe de la tête à Kosta qui trop attentif à son propre discours ne prêta même pas attention au départ de Galowyr. Ni à la disparition des cigares dans sa poche.

Lorsqu’il retrouva la belle qui obsédait ses pensées, elle se trouvait à la proue les mains posées sur le bastingage du navire. Soudain Galowyr comprit ce qu’il se tramait. Le regard mélancolique, le départ précipité, ce sentiment étrange qu’il avait eu en la regardant. Elle voulait se jeter par-dessus bord.

Ecoutez ne faites pas ça.

Pas quoi non mais atten …

Non !  Écoutez-moi. Vous êtes enfermez par cette créature froide et impitoyable qu’est la haute société où vous vivez. On vous destine à un homme que vous n’aimez pas et que vous n’aimerez sans doute jamais. Mais ne vous enlevez pas la vie, je suis sûr que vous êtes une source de bonheur pour beaucoup de monde. Laissez mourir une jeune femme radieuse comme vous serait injuste. Je vous en prie en sautez pas.

Excusez-moi mais je crains qu’il y ait méprise je n’ai aucunement l’intention de …

Arrêtez !

Sans réfléchir, l’esprit quelque peu embrumé par l’alcool, le borgne bondit dans la direction de la jeune femme pour tenter de la rattraper. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, il se retrouva de l’autre côté du bastingage. Etrangement, il ne tomba pourtant pas. Au lieu d’aller s’écraser quelque mètre plus bas, il flottait. Il flottait !

Je vole ! Héhéhé je vole !

Ecoutez Monsieur Battor, je comprends que vous ayez une imagination débordante, mais je vais pas pouvoir vous retenir très longtemps.

(…)

De nouveau les deux pieds sur le pont supérieur, le borgne se sentit soudainement débile. Très, très débile même. Pourtant elle souriait toujours. Nausicaa. Nausicaa Von Sevian. Loin d’être vexée par l’erreur de Galowyr, elle semblait avoir été amusée par ses extravagances. Ils commencèrent à discuter, à discuter longuement.

Et pendant que le navire naviguait au gré des flots, sous le regard des étoiles, Galowyr oublia un court instant de chercher un sens à la vie.

Il l’avait sous les yeux.
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De telles nuits Galowyr en avait eu peu dans son existence. Ces nuits paisibles, où l’on ne fait que parler, encore et encore. Parler juste pour parler et seulement pour parler. Il ne comprenait pas ce qu’il poussait à la demoiselle à continuer la discussion mais peu importait.

Dyrian, Grey, Drogo, Mizukawa, la défaite, la mort, l’absurdité et l’inutilité de sa pauvre vie. Tout ce qu’il l’avait depuis si longtemps dévoré, disparut. Et il ne s’en rendait même pas compte. L’insouciance de ce moment magique balayait tout le reste, ni peur ni chagrin. Juste la sensation agréable de ne plus voir le temps passer comme hypnotisé par ce regard et cette douce voix.

Et alors qu’ils parlaient, de tout et de rien, de Kosta et du reste de la tablée, de la vie d’héritière dans la haute société et de la vie de baroudeur, de jasmin et de tabac de bijoux et de crochets, d’elle et de lui. Le borgne ne se rendait pas compte que l’étrange fascination qu’il avait éprouvé pour la jeune fille se muait peu à peu en un sentiment plus fort. Mais le cocon des sentiments n’avaient pas encore éclos. Et ils restèrent là à regarder l’horizon et à parler d’eux.

Il alla même jusqu’à jouer les gros bras, révélant qu’il n’était plus tout à fait un homme comme un autre. Si l’on excepte déjà l’œil en moins et le crochet. Comme l’aurait fait un adolescent stupide pour impressionner la jolie fille du lycée, il dévoila les pouvoirs du fruit du sable. Naïvement. Elle rit. D’abord de façon forcée, puis il sembla à Galowyr que les gloussements devinrent sincères.

Elle lui parlait d’elle aussi. De ces petits problèmes de riches. De sa gouvernante parfois trop sévère, de ses « amies » de la haute qui étaient des vrais peaux de vache. Des demandes de plus en plus pressantes de sa très chère grand-mère de se trouver un bon parti. De cette vie aristocratique parfois si étouffante. Et bizarrement alors qu’à peine quelque mois auparavant ces futilités lui auraient parues totalement absurdes. Il resta là à écouter sans rien dire. Silencieux et à l’écoute.

Puis elle finit par partir.

Galowyr lui resta là, à la proue du navire. A la fois-là, et à la fois ailleurs. Avec elle. De nouveau dans la tranquillité et l’insouciance. Il alluma l’un des cigares de Kosta en scrutant l’horizon. Cela faisait du bien. Un contact humain. Une simple discussion avec quelqu’un qui n’attendait de lui rien de plus que ses paroles et son écoute. Une discussion qui n’impliquait pas de paiement, pas de boulot, pas de violence. Un environnement paisible. Juste cela. Cette paix intérieure qui semblait le fuir comme la peste. Etait-ce pour cela que Nausica lui apparaissait si rayonnante ? Etait-ce pour cela qu’il s’y était si vite attaché ? Il devait y avoir de cela. Le borgne lui-même ne comprenait pas. Il ne comprenait de toute façon plus rien à rien.

Son monde avait volé en éclat à Union John. Il était un homme brisé, sans repère. Tout ce qu’il avait toujours cru être n’était que fables et illusions. Après cela, il avait cru être un chien de basse fosse mais le voilà dans un costume trois pièces à fumer des cigares hors de prix. Cela n’avait aucun sens. Cela n’aurait eu aucun sens sans elle. C’est à cela qu’elle ressemblait à ses yeux, à un sens. Une bouée au milieu de la tempête dans son esprit. A l’œil du cyclone. Au calme après la tempête. Elle était la paix et la stabilité incarnée.

Elle était sans doute ce dont il avait le plus besoin, une oreille attentive et une personne sur qui reportait son désir d’échapper à la solitude qui le minait.

Et ce soir-là, contrairement à toutes les nuits qui avaient précédé, il s’endormit sans problème, une nuit bercée par les longs cheveux blonds et le doux regard de Nausica.
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Le réveil du lendemain fut pénible. Les grands crus, les mecs ont beau se la jouer raffinés et délicats bah ça reste de l’alcool. Et l’alcool quand on en boit un peu (beaucoup) trop, ça fait mal à la tête le lendemain.

Avachi sur son plumard, il regarda sa cabine. La seconde classe n’en a aucune. Non mais c’est vrai quelle idée d’avoir inventé un truc pareil. Il y a avait un jour un type qui s’était dit qu’il fallait un tarif pour les riches trop pauvres pour la première classe et pour les pauvres trop riches pour la troisième ? Quel plaisir pouvait-on avoir à glorifier les gens moyens ? Quelle gloire il y a-t-il à être seulement dans la médiane ? Les pauvres ont leur dignité, les riches leur arrogance, qu’ont-ils ces mecs de la classe moyenne une digne arrogance ? Une arrogante dignité ? Ni l’une ni l’autre ? Puis quel plaisir a-t-on à avoir une cabine de seconde classe. On n’a ni le lit superposé et la compagnie d’autre prolos de la troisième classe. Ni le plaisir narcissique de dépenser pour une chambre l’équivalent du budget alimentaire de tout Grey Terminal des dix dernières années comme les bourgeois de la première classe.

Non ça n’avait aucun sens d’aimer la seconde classe.

Se souvenant qu’il avait rendez-vous avec Kosta, il quitta précipitamment sa cabine, son long manteau noir sur les épaules. Il fuma son cigare du matin en allant chercher ce bougre de producteur. Il finit par le retrouver sur le pont supérieur en compagnie d’un larbin binoclard qui tenait un visiodenden.

Spoiler:
Il ne lui avait pas cassé la tronche à celui-là aussi ? Surement, la rancune faisait vraiment défaut à bord de ce navire.

Comme à son habitude le cinéaste parlait beaucoup. Énormément. Comme s’il avait oublié qu’au dîner de la veille il avait raconté trente-cinq fois le scénario. Blabla le pauvre qui rencontre une noble … blabla histoire d’amour … blabla tragique accident … C’est bon pépère on a compris l’idée. Par contre le Galo n’aurait jamais pu deviner à qui Kosta avait proposé le rôle de la Tenryubito. Toi par contre lecteur, t’as deviné. T’es un petit malin. Oui le scénar est vachement prévisible, tout le monde n’est pas Agatha Christie hein.  

Quel ne fut donc sa surprise de revoir, Nausicaa.

Ah oui j’ai trouvé votre performance d’hier soir très convaincante avec madame la future baronne. Du coup je l’ai engagé.

Et oui l’affreux binoclard n’avait pas lâché Galo une seconde depuis qu’il avait mis les pieds sur le navire. Enregistrant tout ce qu’il avait fait jusqu’alors. Dont sa petite escapade nocturne et sa longue discussion avec la demoiselle.

Vous me filmiez ?

Comprenez-moi Battor, notre premier film a été un succès parce que tout ce qui était dedans s’est vraiment passé. Du coup Chow, vous suivra partout, enregistrant tous vos faits et gestes.  Le réalisme mon cher ! Tout est dans le réalisme.

Bien que persuadé intiment que personne ne serait jamais assez con, pour apprécier de suivre au quotidien la vie d’un type comme lui 24/24h. Il accepta après tout sa vie privée contre du tabac et des berrys c’était un échange correct.  

Et le tournage débutât. Les jours et les jours s’écoulaient. Le rôle de pauvre garçon en quête d’aventure lui convenait tout à fait, et les prises de vue lui prenaient le plus clair de son temps.

Et qu’est-ce que ça faisait du bien. Plus de combats, plus de pillages, de compétitions à la con, d’intrigues en tout genre, de mafieux, de miliciens véreux ou des marines un peu trop zélés. Pas de cordages, de pont à briquer, de canons à astiquer. Rien de tout cela. Juste faire semblant d’être un autre. Un autre si semblable mais à la fois si différent de lui. Un Galowyr débarrassé de ses tourments et qui croquait la vie à pleine dents. Ce misérable qui vivait la plus formidable des aventures sur un paquebot de luxe et qui s’émerveillait de tout. Quand avait-il bien pu cesser d’être ce personnage ? Quand était-il devenu si sombre ? Dyrian. L’homme qui lui avait donné gout à la vie et qui lui avait enlevé. Tout était là. Le filtre négatif de sa vision disparaissait pendant les longues heures où il jouait la comédie, et c’est pour cela qu’il était heureux. Il redevenait l’enfant émerveillé par l’immensité de l’océan qu’il avait depuis longtemps cessé d’être.

Et puis il y avait elle !

Cette femme venue d’ailleurs. Ce miracle fait chair. La baronne avait accepté sans sourciller de participer au projet de Kosta. Galowyr tombait de plus en plus sous le charme. Splendide, merveilleuse, il ne pouvait trouver les mots pour la décrire. Pourquoi, pourquoi diable s’était-il entiché de cette blondasse ? Parce qu’elle ne le jugeait pas, pas de questions sur sa main, sur son œil, sur sa vie, non juste un sourire et un regard plein de compassion. Le borgne en avait connu des gonzesses, des ribaudes, des femmes pirates, même une donzelle de la marine une fois ! Mais une telle réunion de charme dans un corps si attrayant, il n’en avait pas le souvenir. Il aurait tout simplement pu passer son temps à la regarder parler et sourire, qu’il s’en serait contenté. Mais passer ses journées avec elles, partager ses repas, ses confidences, ses conseils, qu’aurait-il pu rêver de mieux.

Souvent après les longues journées de tournage, ils se retrouvaient à l’avant du navire, à l’endroit même où ils avaient discuté la première fois, le manchot fumait en écoutant l’aristo parlait. Ils passèrent des heures en tête à tête. Discutant de tout et de rien, surtout de rien d’ailleurs. Ce sentiment de paix ne semblait plus vouloir le quitter tant qu’elle était en sa compagnie.

Si tout ce qu’il avait vécu jusqu’à maintenant avait un sens, il avait survécu jusqu’à aujourd’hui pour la rencontrer elle. Pour profiter de ce sourire enjôleur, de cette voix douce et de tout ce qu’elle avait de fantastique. Tout cela devait avoir un sens. Pour Dyrian, pour Drogo, pour Grey et les autres. Pour lui. Tout ce qu’il avait enduré, la solitude qu’il avait soufferte. Tout cela ne devait pas être vain. La pauvreté, l’isolement, la douleur, c’était pour la rencontrer. Pour elle. Il n’était qu’un rouage du gigantesque et complexe engrenage de l’univers. Et il avait trouvé avec qui il voulait faire marcher la machin.

Et un soir, à une heure plus tardive qu’à l’habituée, sur la proue du navire, il s’approcha d’elle lentement, avec la souplesse d’un félin fondant sur sa proie.

Et il l’embrassa.


Dernière édition par Galowyr Dyrian le Jeu 12 Déc 2013 - 19:57, édité 1 fois
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Elle le lui rendit.

Là, le monde changea. Ce monde qui n’avait été que pluie et brouillard s’illumina subitement. Le soleil perçait enfin les nuages gris de morosité de sa vie. Une véritable bourrasque balayant tout sur son passage ne restait plus que ce sentiment de bonheur. Ce sentiment jusqu’alors incomplet et fugace, trouvait enfin sa plénitude. Il ne souhaitait qu’une chose, que ce moment dure encore un peu.

Il aurait vendu son âme pour une minute de plus, pour une demie minute, pour vingt petite seconde, pour le temps d’un battement de cil.

Malheureusement tout à une fin. Leur étreinte se desserra peu à peu.

Puis elle finit par le laisser seul avec sa solitude. Et ce foutu cameraman.

Les jours s’écoulèrent dès lors dans la plus agréable des routines. Les tournages, la bouffe dans la grande salle des fêtes du navire, et Nausicaa. Tout allait pour le mieux. La Tragicomic fendait les eaux sans encombre et le navire ne parlait dorénavant plus que d’une chose.

Comment ça Battor vous n’êtes pas au courant de la vente aux enchères ?

Une sacrée histoire ça encore. A croire que les riches s’ennuient véritablement à mourir. Chaque année, l’armateur organisait, dans l’un de ses navires, une immense vente aux enchères. Et des milliers de saloperie qui allaient être vendues, l’une était sur toutes les lèvres. Une pierre précieuse d’une taille impressionnante, le cœur de l’Océan qu’il s’appelait. Une larme d’un roi des mers ayant perdu sa femelle cristallisée. Pff quelle histoire à la con.

Mais comment assure t on la sécurité du truc ? Avec tous les pirates qui grouillent sur la mer, il y a bien un pignouf qui va venir le chourer votre diamant. Enfin c’est ce que je ferais.

Encore faudrait-il que ce pignouf comme vous dites trouve le Tragicomic, à part les bâtiments les plus rapides de la Marine, aucun navire ne peut rivaliser avec la technologie de ce paquebot. Et au pire, vous et moi nous pourrions bien leur coller une raclée.

(…)

La vente aux enchères était sortie aussi vite de son esprit que les anecdotes débiles dont on l’assenait à chaque repas.  Perdue quelque part entre les problèmes de succession du Comte d’Austerville, les caprices du chien de la duchesse de Lucia et les délicieux petits fours que la marquise Wellington avait servi à sa dernière réception. Ces conneries mondaines ne l’intéressaient guère comme disent les snobs.

Comme tout événement attendu, le jour béni finit par arriver. Le navire se para peu à peu de ses richesses. Le luxe omniprésent devint presque oppression. Tout devait être beau, tout devait être resplendissant. Chaque pan du navire devait ce soir-là incarnait à lui seul la richesse. Les mousses avaient briqué le navire du pont à la calle. Le parquet de la salle des fêtes avait été ciré avec le plus grand soin.  Ce faste ostentatoire qu’il l’avait bluffé le premier soir, se montrait dorénavant sous une forme encore plus éblouissante.

Encore une fois, les passagers avaient suivi le navire. Ils se montraient une nouvelle fois sous leurs atours les plus avantageux. Robes de soirées, bijoux, costumes trois pièces, tout était là. La fête pouvait commencer.

Non, il manquait quelqu’un. Il manquait elle. Le soleil qui illuminait de mille feux ce voyage. Celle qui faisait passer l’immense lustre de diamants pour un cierge à la flamme vacillante. Elle n’avait pas voulu qu’il vienne la chercher à sa cabine comme il le faisait tous les soirs. « Des choses à faire » qu’elle avait dit.

Et elle rentra. Il la trouva encore plus belle que le premier soir. Non belle c’était encore trop faible. Magnifique ? Resplendissante ? Eblouissante ?  Non même un dictionnaire des synonymes n’aurait pu venir à bout de ce dilemme terminologique.

Il se contenta donc de lui dire qu’elle était en retard. Elle lui sourit, comme le premier soir. Le repas commença, il n’en fallut pas plus pour lancer Kosta dans un long monologue. Le producteur comme tous les soirs racontait aux convives, les anecdotes du tournage du jour. Mais à peine ce making-off avait-il commencé, que la vente débuta. Kosta semblait surexcité.

Pas du même monde, c’est ce qu’il se disait en regardant Kosta. Enfin il regardait surtout Nausicaa mais ça lui inspirait les mêmes réflexions.

Qu’est-ce que cette fille pouvait bien lui trouver ? Il n’avait rien en commun. Pas le même passé, pas le même niveau de vie, pas le même nombre de mains et d’yeux. Rien, il pensait à entrevoir ne serait-ce qu’un point commun.

C’est là que le premier coup de canon retentit.
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Boum !

C’est le bruit qui fit la dure réalité de ce monde lorsqu’elle se rappela aux passagers. En une salve, le luxe ploya le genou face à la poudre et à la fonte. Le concret explosa littéralement ce monde d’apparence et d’hypocrisie comme une foule en colère met en pièce le bourgmestre locale car elle a faim. Son monde à lui prenait le pas sur celui de cette misérable nobilitas. Il se sentit bizarrement tout de suite plus à l’aise. Plus de costume, plus de ronds de jambes et autres conneries. Du sable, son crochet et son poing. C’était tout ce dont il avait besoin.

Arena Spada.

La lame de sable trancha net un deuxième boulet de canon qui pénétrait dans la salle. Comment était-ce possible ? Kosta avait dit lui-même que ce navire ne pourrait jamais être attaqué. Trop rapide, introuvable, un trajet inconnu à l’avance etc.  L’incompréhension se lisait sur son visage.

Kosta allait voir le capitaine de ce rafiot et dîtes lui de dresser le pavillon blanc. Vous et moi on sait ce que ces types veulent, pas la peine qu’ils s’amusent un peu plus avec leurs canons. Et qu’on évacue cette salle rapidement.

Pour la première fois sur le Tragicomic, il donnait des ordres à Kosta. Chacun sa spécialité. Il attrapa ensuite Nausicaa par la main et lui chuchota à l’oreille.

Files dans ta cabine et enfermes y toi. Je viendrai te chercher quand j’en aurai fini avec tout ça. Ne t’inquiète pas, je me charge de tout.

Tout le monde aurait sans doute mieux fait de se planquer dans sa cabine, mais il n’en avait rien à faire de tout le monde. Ce n’était pas pour ses marquises et ces barons qu’il allait coller une branlée à ses assaillants. C’était pour Kosta et surtout pour elle. Pour ce second souffle qu’elle avait su lui donner. Pour lui avoir laissé transparaitre ce monde, où il n’était pas qu’une brute mélancolique, où il était celui qui la faisait sourire. Celui qui la protégerait contre ces barbares venu détruire ce monde idyllique qu’il partageait avec elle. Il allait leur montrer à ses pirates de seconde zone.

Suivi par Chow, sans doute désireux de filmer de trois scènes, il grimpa les escaliers qui menaient au pont supérieur.

T’es un vrai professionnel toi. Je tâcherais d’être à ta hauteur.

Puis il alluma un cigare, respirant à pleine bouffée le tabac. C’est là qu’il se rendit compte. Le navire ne bougeait plus. Immobile comme un oiseau à qui on aurait brisé les ailes. Voilà comment les pilleurs avaient pu les rattraper. Mais comment cela pouvait-il être possible ?  

Il n’eut pas le temps de répondre à la question. Un trois mats, s’approchait dangereusement du navire. A force de bras et de grappins, les pirates se déversèrent bientôt sur le pont supérieur du navire. Encerclant petit à petit le seul obstacle devant eux, Galowyr. Chow planqué dans son coin lui n’en perdait pas une miette. Le borgne ne bougeait pas, il appréciait ce cigare comme si c’était le dernier. Avec presque une joie dissimulée. Il allait se battre pour Elle. Comment perdre dans de telles conditions. Ces types ne tiendraient pas la comparaison.

Soudain les rangs ennemis s’ouvrirent laissant passer deux hommes de tailles similaires. Une fois qu’ils furent près de lui, le borgne compris qu’il avait affaire à des jumeaux. Deux copies, les mêmes yeux noirs rapprochés, le même nez proéminant, le même menton carré. Des joues creuses, et le teins halé, des muscles saillants, deux tuniques blanches identiques en guise de tenue. Les seules différences que le manchot parvenait à distinguer, c’étaient les cicatrices et la coupe de cheveux. Mais la tronche de ces types ne comptait pas. Il n’était qu’une menace difforme. Leurs noms ne l’intéressaient même pas. Pas plus que celui de leur équipage et des larbins qui les accompagnaient. Ils le donnèrent quand même. Ce fut les deux jumeaux parlèrent d’une seule voix.

Nous sommes Phéa

Et Cien,

Les célèbres jumeaux d’East Blue, capitaines des pirates de Schérie.

Nous acceptons votre réédition.

Qu’on nous remette toutes les richesses de ce navire.

Et l’on épargnera la vie des passagers.

Vous acceptez notre réédition hein.

Le borgne expira la fumée du cigare. Le sourire de Nausicaa s’immisça un court instant dans son esprit. Ces cons allaient payer pour avoir osez la menacer.

Une lame de sable trancha une partie des guignols qui servaient de larbins aux jumeaux. Se désignant du doigt, il leur lança d’un ton de défi.

Elle est là votre reddition venez donc la chercher.
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Le sable s’aggloméra peu à peu et Galowyr reprit forme humaine. A ses pieds gisaient une bonne partie des sbires des deux zozos. Ces guignols n’avaient pas le niveau pour se frotter à un logia, ils en avaient fait la dure expérience. Désolé les garçons. Il aspira une bonne bouffée sur son cigare, un sourire narquois aux lèvres. Il jeta un défi du regard aux jumeaux.

Aussi fort que ces types pouvaient être, ils ne dégageaient pas cette aura de terreur que le borgne avait ressentie en affrontant Mizukawa. Et un seul un type aussi puissant pouvait espérer abattre un logia. Il ne perdrait pas contre ces idiots. Jamais. Les deux frangins se mirent en mouvement. Ils pointèrent tout du deux de l’index le borgne.

Tu crois que t’as le pouvoir de nous mettre hors circuit !

Tu sauras ce qu’est le pouvoir quand ça s’ra fini.

Abruti !

Phéna tira à ce moment-là de sa poche, un objet métallique le borgne ne reconnut que trop tard. Drogo s’en était servi trop souvent pour qu’il ne l’ait oublié. Des fumigènes. L’instant d’après, il était plongé dans le brouillard. Faute d’être effrayant les doubles se montraient astucieux. Dommage pour Chow, il perdait là une superbe prise de vue. Sans qu’il ne sente le moindre mouvement ennemi les coups commencèrent à pleuvoir. C’était sans effet. Le borgne les avait évalués à leur juste valeur. Ils étaient à des milles et milles de Mizukawa. Il voyait assez loin pour activer le mécanisme de son crochet. La chaîne libérée, il la fit tournoyer à pleine vitesse. Alors tel le vent chassant les nuages, les mouvements d’air dispersèrent le brouillard. Il se fit moins dense et le borgne parvint enfin à distinguer les mouvements de ses adversaires.

Galo leva l’index vers le ciel et le fit tournicoter, créant au-dessus de lui une véritable scie circulaire faite de sable.

Desertio Urobouros !

L’attaque manqua sa cible mais força les jumeaux à se séparer à tribord et à bâbord.  Sans perdre de temps, le borgne fonça à pleine bourre sur celui à tribord. Phéa ou Cien ? Cien ou Phéa ? Aucune idée, il se souvenait même plus de celui qui avait des cheveux. Il allait l’affronter dans un corps à corps sauvage.
C’était l’heure du Scarnaval.

Mais alors qu’il allait lui bondir dessus avec toute sa férocité, le jumeau tendit la paume dans sa direction, il tenait un coquillage. Le fruit de mer émit alors une lumière si puissante qu’elle l’aveugla. Saloperie …

Et voilà qu’ils repartent les frangins, des coups de pied, des coups de points. C’est incroyable de ne pas comprendre que ça ne sert à rien de s’acharner. Mais comment leur en vouloir ? Lui non plus n’avait pas abandonné ce jour-là.  Il avait combattu jusqu’au bout. Il ne lui avait rien lâché à cette ordure de Sutero. Bien, il allait leur faire ce cadeau-là. Il allait se donner à fond. Les deux frangins bondirent en arrière.

Stoppe cette opposition,

Laisses deux vrais combattants

Te faire une démonstration.

Puis c’était quoi cette façon super cliché de parler. Genre les jumeaux peuvent finir les phrases de leur paire. Cela n’a aucun sens. Comment faisaient-ils ? Ils prévoyaient des répliques en avance, ils se parlaient par mini denden ? Oh mieux ils étaient télépathes. Mais du coup ils pouvaient l’entendre penser en ce moment même. Bavards comme ils étaient, ils lui auraient répondu depuis longtemps. Une question qui resterait sans réponse donc. Une de plus …

Les deux frères l’attaquèrent ensemble, sans les pouvoirs de son fruit du démon, le borgne en aurait eu pour son argent. Ces deux types se débrouillaient plutôt bien. L’un couvrait l’autre avec une précision impressionnante. Une véritable synergie qui avait dû faire des malheurs sur les blues. Mais pas ici les jeunes. On est plus chez les enfants des mers bleues. On est sur Gran Line. Vous jouez dans la cour des grands. Et dans la cour des grands, il y a des logias. Et les logias, ça a des supers techniques de combats.

Arena Spada.

La lame de sable atteignit de plein fouet l’un des jumeaux ce coup-ci l’envoyant au tapis. Un sillon rougeâtre vint maculer sa tunique blanche. C’était fini. Leur force combinée n’avait pas suffi. Que pouvait faire l’un d’eux tout seul ? Rien. Mais voilà qu’ils reprenaient la parole, les zozos. Cien tenait apparemment toujours sur ses pattes. Plutôt impressionnant.

Ah tu sors tes griffes !

Tu … te re … biffes …

Mais t’as du bol, on n’est pas rancunier, on peut même te laisser devenir notre associé.

Pas mal les gars, faites semblant d’y croire encore. Mais vous et moi, on sait qui a gagné ce combat. Enfin gagner, vous l’aviez perdu avant même qu’il ne commence. D’ailleurs à écouter votre voix chevrotante personne ne se pose de question sur ce pont. Bonne nouvelle de plus, tous les capitaines pirates n’avaient pas le pouvoir de toucher les logias. Ces mers n’étaient donc pas remplies de petit Mizukawa en puissance. Parfait.

Votre associé hein ? Je vous laisse un quart des richesses sur ce rafiot, le reste est pour moi. Vendu ?

Il s’était approché l’air désintéressé, et il tendit la main à Phéna. Un petit sourire de coin aux lèvres. Le pirate lui serra la main. La plus stupide poignée de main de sa courte existence. Le borgne resserra son emprise sur le poignet du jumeau, commençant à aspirer l’eau de son corps.

Ecoutez les frangins, j’en ai ma claque de vos petits tours. J’ai mangé le Suna Suna no mi. Je suis un homme sable. Tu n’aurais pas un peu soif par hasard ? Quelque chose me dit que tu dois commencer à te sentir un peu déshydraté, n’est-ce pas ? Bien si tu ne veux pas crever desséché comme le tabac que je suis en train de fumer, t’as deux solutions. Soit t’arrives à te libérer de ma poigne et je te zigouille d’une autre façon. Soit toi et ton frangin, vous me débarrassez le plancher illico et je veux plus vous voir.

Ah l’orgueil, il tenta la première solution. Le reste du combat, en un mot comme en cent, fut à sens unique. Oui ça en fait plus d’un. Tu veux une médaille ? Un trophée même peut être ? Le fruit du sable sortit victorieux de la confrontation. Personne n’était parvenu à détruire son monde cette fois ci. Il était victorieux.

Le tocsin du navire vint lui donner tort. D’un bruit cuivré, il en sonna le glas.

DONG-DONG … DONG-DONG …
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Rien qu’au son de la cloche, on pouvait comprendre que c’était la merde. Elle aurait pu directement vous gueuler dans l’oreille que vous alliez mourir dans d’atroce souffrance, l’effet aurait exactement le même. La question c’était pour qui et pourquoi cette saloperie métallique chanté son requiem. Le borgne ne tarda pas à avoir la réponse.

De l’eau qu’ils gueulaient, les encasquétés de l’équipage, de l’eau pénétrait dans le navire. Et pas besoin d’être un spécialiste de la construction navale pour comprendre qu’un navire ça flotte fatalement moins bien avec de l’eau à l’intérieur. Ces cons de jumeaux avaient dû percer la coque avec leur canon. L’insubmersible Tragicomic allait subir un sort funeste. Sans parler du fait que l’eau ce n’est pas terrible, terrible pour les utilisateurs de fruit du démon. Voir même pas du tout. Mais ce n’était pas ça qui l’inquiétait. Non ce qui l’inquiétait c’était ce qui ne l’avait pas toujours pas quitté. C’était le sourire de Nausicaa.

Il fonça à l’intérieur du navire.

Bousculant méchamment tous les types qu’il croisait, il n’avait qu’un objectif atteindre la cabine de Nausicaa avant que le navire ne sombre. Peu importait le reste. Ces masses difformes qui se trouvaient sur son chemin ne méritaient pas le statut d’être humain. Il n’était rien. Des obstacles et des places sur les canots de sauvetage. Rien de plus, rien de moins. Repoussant du coin de l’épaule ce qui lui sembla être une comtesse, il parvint enfin à la cabine de sa belle. Il toqua du poing avec force.

Nausicaa, c’est moi !

Une, deux, trois fois. Pas de réponse. La peur lui enserra le cœur, lui était donc arrivé quelque chose ? Non pas à elle, surtout pas à elle. L’angoisse le manipula comme l’aurait fait un marionnettiste. Il défonça la porte d’un des plus violents coups de tatane qu’il n’ait jamais donné. Le verrou sauta sans problème. La cabine était vide. Bordel …

Bordel, bordel, bordel, bordel. Bordel !

Il s’insultait intérieurement. Pourquoi l’avait-il laissé toute seule ? Pourquoi ? Quel con. S’il lui arrivait quelque chose, il ne se le pardonnerait jamais. Pas plus qu’il ne s’était pardonné pour son père ou pour Drogo. Non, Nausicaa n’allongerait pas la liste.

Ou était ce con de Kosta ? Le borgne se retourna mécaniquement, non le binoclard ne l’avait quand même pas suivi. Et bien figurez-vous que si.  Chow dans une conscience professionnelle qui aurait humilié plus d’un fonctionnaire, était toujours là denden vision sur l’épaule. Pas le temps de tergiverser, s’il elle n’était pas dans sa cabine. C’est qu’elle devait aider les gens à évacuer les étages inférieurs.

Pas le temps de trainer.

Il s’engouffra dans les étages inférieurs. Bien décidé à la retrouver. L’eau continuait de monter, et il finit par en avoir jusqu’au niveau des chevilles. C’est là qu’être maudit devient une réalité. Non parce que tant qu’on est au sec. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler une malédiction d’avoir des pouvoirs surhumains. Mais une fois dans l’eau salée, il sentit la différence. Comme transpercé de milliers d’aiguilles, il ne sentait plus tout fait maitre de ses mouvements. Sa force diminuait. C’était une sensation atroce. Comme celle de ne pas parvenir à respirer alors que l’on s’étouffe. Mais il n’avait pas le temps de glander. Une demoiselle en détresse l’attendait. Courant aussi vite qu’il le pouvait et surmontant la douleur de la malédiction.

Il finit par arriver à la grande salle des fêtes. Et là, la peur disparut. Un intense sentiment de soulagement le balaya.  Mais que faisait elle donc là ? Elle était seule. Ce n’était pas comme s’il y avait grand monde à aider. Pour ne pas dire personne. Vraiment personne.

Nausicaa ! C’est moi qu’est-ce que tu fous, il faut qu’on se tire. Je crains de ne plus être un très bon nageur.

Elle parut surprise de le voir là mais elle lui répondit par un signe de tête accompagné de ce qui sembla au borgne comme son plus beau sourire.

Viens, il faut qu’on se dépêche de trouver un canot. J’espère que Kosta va b …

Pan !

Il ressentit soudain une vive douleur dans l’épaule. Une balle, qui avait bien pu lui tirer une balle ? Chow ? L’un des comparses de Phéa et Cien ? Nausicaa comment allait-elle ?

Il se tourna instinctivement vers elle.  Non … Ce n’était plus elle. Ce qu’il avait sous les yeux n’avait rien à voir avec Nausicaa. Un rictus mauvais lui déchirait le visage. Et une arme encore fumante encombrait ses mains.  
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Pas elle. Cela ne pouvait pas être elle. Impossible. Une explication, il devait forcément y avoir une explication. Une jumelle maléfique. Un mimétiste de haut niveau. Un okama ultra performant. Ou tout cela n’était qu’un rêve. Non si ça n’avait été qu’un rêve, la douleur qui l’étreignait n’aurait jamais été aussi forte.

Si seulement ça n’avait été qu’un mauvais rêve.

Mais ce qu’il avait sous les yeux étaient bien réel. D’une odieuse réalité même. La réalité adorait lui jouer des tours, mais sur ce coup-ci elle avait mis le paquet. La femme qui venait de lui tirer dessus. Elle avait la même chevelure blonde que Nausicaa, les mêmes yeux d’un bleu profond, les mêmes traits. Et pourtant ce n’était pas elle. Impossible. Ce rictus, cette expression faciale qui tenait plus de la cicatrice que du sourire. Cette chose qui lui déformait le visage, lui donnant un air mauvais, cela ne pouvait pas venir d’elle. Pas de cette femme qui d’un seul sourire avait balayé la morosité de ce monde.

Tu ne comprends pas ou tu ne veux pas comprendre Al’ ? Moi qui croyais que tu étais un minimum malin. Je suis un peu déçue.

Pourquoi osez-t-elle donc parler avec sa voix. Comment cette pâle copie osait elle ouvrir la plaie béante qui lui servait de bouche ?

C’est si dur que ça d’avoir été manipulé ? J’avais tout prévu depuis le début manchot. Prendre la place de Mme la baronne, n’a pas été la partie la plus facile du plan, mais un accident arrive si vite … Puis là je t’ai vu le premier soir. Un loup parmi les moutons. Tu sortais tellement du lot. Ton être puait la violence et la guerre. Pas besoin d’être un grand devin pour comprendre que t’étais le plus costaud sur le navire. T’aurais vu comme tu as réagi au premier sourire. Un pauvre gosse. Tu sentais les problèmes sentimentaux à plein nez.

Puis là c’était le pompon, tu me révèle que t’as un fruit du démon. Jackpot ! Le premier sort j’étais tombé sur le gars le plus costaud du navire. A partir de ce moment-là, fallait juste que je te garde sous la main et que tu me prennes pour la petite gourde nobliotte toute gentille. Et faut dire que là pour le coup, t’as rempli le rôle avec une efficacité bluffante. Dire qu’un type comme toi soit aussi facilement manipulable c’était même une sacrée surprise. Les hommes sont tous pareils, un baisé et ils vous prennent pour la femme de leur vie.

A partir de là, mon plan ne pouvait pas échouer. J’avais donné ma vive card à Phéa et Cien à partir de là, ils pouvaient facilement localiser le navire. Quant à moi, j’avais juste à placer une petite bombinette dans la salle des machines, pour immobiliser le navire. L’eau qui s’engouffre dans le trou provoqué par l’explosion et toi qui perd tes pouvoirs. Tout s’est déroulé de la façon la plus impeccable. Le cœur de l’Océan est à moi. Je suis une femme très riche.


Mais qu’est-ce qu’elle racontait celle-là ? Nausicaa n’avait pas pu faire ça. Pourquoi l’aurait-elle trahi ? Cela n’avait aucun sens.

Maintenant, toi tu meurs. Et après je me tire sur un canot avec le pactole. Les femmes et les enfants d’abord comme on dit. Au revoir Al Battor.

Non, la personne qu’il avait devant lui n’était pas Nausicaa. Mais avait-elle déjà existé ? La personne qu’il avait aimée n’avait été qu’un rôle, une coquille vide était-ce cela qu’elle disait la blondasse qui lui faisait face ? Comment osait-elle ?

Malgré la douleur et l’effet délétère que l’eau de mer avait sur lui il se redressa. Bien décidé à arracher l’arme des mains de son adversaire. Non ce n’était pas ça, il allait frapper cette imposteur. Cette ordure qui osait prendre son apparence. Qui osait ressembler à ce monument de bonté et de générosité qu’était Nausicaa. Il ne laisserait pas une grognasse pareille lui faire insulte.

Où est-elle ? Je te donne deux seconde pour me dire où est Nausicaa, sinon je te réduirais en pièce, toute femme que tu es … Je ne te laisserais pas l’insulter de la sorte.

T’es bouché à l'émeri mon pauvre garçon. Je suis Nausicaa ! La véritable capitaine des pirates de Schérie.

Il l’était bouché à l’émeri le Galo. Et encore c’était un terrible euphémisme. Comment aurait-il pu la croire ? Comment accepter que le seul rayon de soleil de son existence, ne fût que la pâle lueur d’un bijou convoité par une pie voleuse ? Son esprit calme s’était mué en une tempête. Partager entre le fait d’accepter cette odieuse réalité et de poursuivre à vivre dans la douce innocence là où il avait baigné. Comment avait-elle osé ?

Il voulut la frapper du poing, pour la faire terre, pour briser ce miroir déformant. Mais l’incarnation de l’innocence qu’était Nausicaa se muât en une guerrière de mers. Elle pivota sur le côté d’une rotation élégante et le faucha d’un coup de pied au ventre l’envoyant au tapis. La douleur physique et mentale doublée de l’eau de mer le rendait pratiquement inoffensif.

C’est à se demander comment Phéa et Cien ont pu se laisser avoir par un abruti pareil. Un peu d’eau de mer et te voilà inoffensif.

Elle braqua de nouveau son arme dans sa direction.

C’était donc comme ça qu’il allait mourir ? Dans la salle des fêtes d’un luxueux paquebot, des mains d’un pâle spectre d’une femme qu’il avait aimée. Une mort à la hauteur de sa pathétique existence. L’eau de mer lui rongeait la peau, le sel dévorait la plaie que lui avait laissée la balle. La douleur l’abrutissait. Il revit le sourire vantard de Mizukawa lorsqu’il l’avait vaincu. Les sentiments qu’il avait oubliés durant ce voyage réapparaissait avec perte et fracas. Comme un puissant torrent endigué depuis trop longtemps déferle lorsque l’on brise son barrage, ils le submergèrent.

Des visions pêle-mêle, Drogo, Grey, Mizukawa, Goa, Dyrian, Tavernier. Ce fut soudain qu’il se souvint. Ce jour l’espace d’un court instant, d’une brève respiration, il était entré en communion avec tout ce qu’il l’entourait des oiseaux aux fourmis. Il la fixa, comme il l’avait fixé avec passion durant le voyage. Il ne s’était jamais livré à quelqu’un de la sorte. Il se sentait plus proche d’elle que de n’importe qui d’autre. S’il était parvenu à ressentir les sentiments d’une fourmi, il pouvait la comprendre elle. Alors qu’il peinait à maintenir sa conscience. Il la laissa partir. Son œil se ferma. Il la visualisa. Elle sans ce sourire atroce, sans cette haine dans le regard. Avec son arme braquée sur lui.

Il sentit la balle partir, il la vit même. Elle percuta sa tête et il s’effondra net.

C’était ce qui se serait passé, s’il n’avait pas bougé. La balle s’écrasa sur le sol. Lui avait usé de ses dernières forces se relever en bondissant. L’eau de mer l’empêchait apparemment de se transformer en sable. Mais il pouvait toujours en créer.

Arena Spada.

La lame de sable manqua totalement Nausicaa. Cet atroce sourire goguenard ne quittait plus son visage. Mais ce n’était pas elle qu’il visait. Non ce qu’il visait était haut dessus de sa tête. La partie du lustre qui le suspendait au plafond pour être précis. Ce chef d’œuvre, cette étoile de cristal qui avait éclairé de la plus pure des lumières leur rencontre s’effondra. La pirate esquiva à la dernière minute. Puis finalement son hilarité fit place à une expression de douleur. Elle tomba en arrière. Sa cheville. Elle s’était tordue la cheville dans son esquive. S’en était fini. Aucune chance pour elle de gravir les nombreux escaliers qui la séparaient des canaux de sauvetage. Elle coulerait avec le navire, et ce butin qu’elle convoitait tant.

Le borgne se redressa difficilement. Il souffrait énormément mais il avait encore la force de quitter le navire avant que l’eau ne l’aspire totalement. L’eau lui montait dorénavant au niveau des tibias et il se sentait de plus en plus faible.

Il était tant de filer.
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