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[Sans-Nom, ex-bateau]Le Conte des Trois Grognons Part 1.5

J’écope la flotte dans la cale avec difficulté. Maudite eau salée qui me lacère les quelques plaies mal cicatrisées. J’ai toujours eu une morphologie propice aux récupérations rapides, à l’époque de Bylly j’en avais déjà pas mal bavé. Depuis que l’aventure de groupe a commencé, c’est devenu l’unique rançon de la gloire. J’ai jamais aussi peu bouffé que depuis cette désastreuse entreprise. On s’engage pas dans ma piraterie pour manger à sa faim et je suis pas le premier à me plaindre. Mais gageons que depuis l’épisode d’Amazon Lily, j’ai becté un poulet, une dizaine de tranches de lards et une paire de joues arrachées à même la tronche d’un ancien comparse porcin. Que demande le peuple mon bon Tournebroche ? Zagaha.  

Je galère avec mon système de seaux et de poulies suspendus au mât. Je remplie le récipient, tire sur la corde, monte par l’échelle qui a été rafistolé par les occupants indésirables lors du mauvais épisode de Bliss et, enfin, vide le tout dans la baille. Ce serait plus simple si les deux autres responsables du pont se sortaient de leur torpeur. Pour Beateman, je peux comprendre. Il s’est drogué le gamin, mais pour Blackness… Une dizaine de plombs dans le bide ne devrait pas mettre au tapis un gueulard pareil. J’ai pas hâte de vieillir, parbleu ! En même temps, je vais clamser dans moins de deux piges selon les dires de la vieille Amazone.

Par tous les diables, sors de cette mêlasse qui t’occupe la brouillasse Tournebroche et concentre toi sur le présent. Concentre-toi sur cette barre bloquée en direction du Sud, sur cette salope d’anguille de Bikaros qui squatte les zones sombres de Saint Urea avec un morceau de la carte de Bylly Brandson. Ce cambusier qui pouvait trouver de l’eau dans le désert sans même prendre la peine de creuser. Une autre paire de manches que le défunt Boll, une sale race d’homme-poisson. Puissant, électrique et fourbe à souhait. J’ai jamais eu peur de beaucoup d’autres gars que Bylly, mais je ne connais pas un troufion qui se serait vanté de ne pas se pisser dessus en pénétrant sans torche dans les cales où opérait Bik’. J’ai hâte vieux camarade. Zagaha.

« Hmmm ? »

Bordel. Lequel des deux se réveille ? Si c’est l’ancêtre et qu’il découvre qu’il n’y a rien à grailler, on passera par-dessus bord. Je claudique avec ma jambe de sabre, il va falloir que je me retaille une guibolle dans un morceau de bois, je penche à bâbord, c’est gerbant.

« Par toutes les saintes ! Capitaine Beateman ! Sacré numéro s’il en est que celui que vous nous avez sorti hier ! Zagaha »

Oué, une pleine journée que ça roupille messieurs. Il regarde tout en haut du mât en fronçant la caboche. Je lâche un sale rire gras en me grattant le nombril.

Haut du mât:

« C’est une de mes idées pour entretenir le moral d’équipage ! Les drapeaux sont mis dans l’ordre des primes ! Monsieur Beateaman, vous êtes le plus haut des Grognards ! Zagahaha ! »

« Grbrbr… »

SBOAF POC


Coup de poing réflexe dans le kayak en bois de Totem qui traîne sur le pont, il tourne sur son axe et s’explose contre le crâne de Blackness qui retombe aussitôt dans l’inconscience.

« On n’a plus rien à grailler, il vaut mieux pas qu’il s’éveille… »

Parbleu.


Dernière édition par Scab Tournebroche le Sam 05 Avr 2014, 10:11, édité 3 fois
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*KiaAAAAAh*


« Hmmm ? »


Le réveil fut plus que difficile. Comme après ces folles nuits des Royaumes de South Blue, où même les étoiles ne pouvaient rivaliser d’éclat avec les torches dansantes des jongleurs de feu, les belles danseuses aux robes colorées, l’or ambré de la bière coulant à flot… Les rayons du soleil de midi chauffaient le corps de Nikolas, alors qu’il s’éveillait sous le cri des mouettes. Ils ne devaient pas être trop éloignés de la terre. Instinctivement, il tenta de lever la main vers son visage pour se protéger du soleil, alors que ses paupières collées par le sel s’ouvraient, lentement. Mais une douleur lui lacéra l’épaule ; la balle l’avait transpercé sans trop de dommages internes, mais avait laissé une sale plaie. Visiblement, quelqu’un avait maladroitement tenté de lui confectionner un bandage et avait nettoyé la blessure à l’alcool, à en juger par l’odeur. Pareil pour sa hanche, qui toutefois n’avait pas trop souffert de la volée de plomb.


Il tenta malgré tout de se relever, alors que Tournebroche lui hurlait quelque chose à propos du mât, de primes et autres. Niko n’en avait cure pour le moment. Il tentait juste de tenir sur ses deux jambes et de remettre ses idées en place. Ce qu’il parvint à peu près à faire, alors que Scab envoyait dans les vappes leur doyen de camarade, affalé sur un tonneau et ronflant de tout son soûl. Au mois, il vivait encore ; ce qui était tout de même étrange, pensa Nikolas, après avoir reçu une volée de plomb en plein estomac. Il était encore plus solide qu’il n’en avait l’air, ce vieil ivrogne. Ou peut-être était-ce dû à ce mystérieux fruit, dont les propriétés restaient encore inconnues. Quoi qu’il en soit, le Sans-Nom voguait à fière allure, porté par la brise iodée. Bliss n’était désormais plus qu’un léger trait de terre à l’horizon. Ils n’avaient visiblement pas été suivis.


Pendant plus de deux heures, Nikolas s’affaira à aider la Cloque à vider l’eau s’infiltrant dans la cale, remontant de temps à autre pour vérifier la barre et l’horizon. La douleur était encore vive, mais s’estompait à mesure que le jeune homme s’efforçait de ne plus y penser. Son mal de crâne, en revanche, peinait à le quitter. L’Ipomée pouvait avoir des effets secondaires plutôt désagréables. Scab lui raconta en détail la fin de leur évasion, dont il gardait peu de souvenirs en raison de la drogue. Il eut un frisson dans le dos lorsque son camarade évoqua le massacre froid des quatre marines. Baeteman refusait bien souvent d’agir de la sorte ; tout d’abord parce que cela manquait cruellement d’élégance, et aussi parce qu’il n’avait aucun attrait pour les bains de sang gratuits. Il tentait la plupart du temps de neutraliser ses cibles ans les tuer, même si parfois, cela s’avérait bien plus compliqué que de simplement trancher une carotide.


Alors que le musicien s’affairait à trouver une gourde, une bouteille, ou quoi que ce soit qui puisse le réhydrater, il entendit, à l’extérieur, des cris lointains, et des chants. Il se hâta de rejoindre le pont supérieur, talonné par Scab. Une fois en haut, il chercha du regard l’origine des voix, et ne tarda pas à l’identifier. Le vent avait porté jusqu’à eux la mélodie grave et entraînante de l’équipage d’une fière petite frégate, à bâbord. Le navire était encore loin, mais chacun pouvait sans mal observer l’autre, la faute à un temps particulièrement radieux et une mer quasi plate. Nikolas fronça les yeux ; pavillon noir. Il s’adressa à son ami :


« Des pirates. Ça m’étonne qu’ils n’aient pas encore bifurqués vers nous…



-Bah ! Ces racailles d’eau douce auront surement mouillé leurs froques à la vue de nos fiers pavillons ! ZAGAHAHA ! »



Si seulement. Mais non, le navire commença son embardée vers une trajectoire d’interception parfaitement calculée.


« Faudrait p’t’être réveiller l’ancêtre, non ? Ça pourrait être l'occasion de mettre la main sur des vivres, et des matières premières pour réparer cette coque de noix. »


Il tapa du pied sur les planches grinçantes. À voir si ces pirates cherchaient seulement à faire causette… Ce qui était peu probable, avouons le.



Dernière édition par Nikolas Baeteman le Dim 01 Déc 2013, 23:37, édité 2 fois
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On sort toute notre force de frappe maritime sur le bâbord, on se retrouve avec tous les canons du fier Sans-Nom. Quatre crache la mort en cale et six sur le pont, le seul bémol vient du fait qu’on n’a plus un boulet à bord. C’est le leurre le plus naze de ma carrière d’infortune, en face, ils sont mieux montés que nous. S’ils dégueulent ne serait-ce qu’un boulet et qu’on ne répond pas, on aura l’air d’un tas de canards accrochés au fond de l’eau avec du barbelé. Palsambleu ! Ils se rapprochent et brandissent les sabres bien hauts. Une vingtaine de zouaves qui gueulent et insultent nos mères. Puceaux. Je me gratte la barbe rousse en levant les yeux vers le blondin, il semble avoir le crâne qui tambourine.

« On va se faire aborder à l’ancienne capitaine… »

J’attrape un des fusils chopés aux Marines de Bliss qui ont trouvé la mort sur notre pont. Tout en titubant de la guibolle, je vais vers le gouvernail avec une certaine routine. J’en ai vécu des abordages sur ces mers et les autres, c’est pas des lapins de trois semaines avec un esquif aussi neuf qui vont me la faire à l’envers. Je regarde bien le pavillon, jamais vu, des nouveaux dans la famille pirate. Je prends le vent quelques secondes et j’adresse Beateman.

« Sans vouloir vous commander, vous pourriez bander la grande voile à fond ? »

Poli avec les confrères. Il s’exécute, les tronches de cakes n’ouvrent pas le déluge de boulets. Ils vont à l’économie, on est deux fois et demie plus petit qu’eux sur ces eaux. Il nous frôle presque, les bouts d’abordages sont lâchés, les grappins de même. C’est parti.


YAAAAAAAA


« Lâchez tout ! Zagahaha ! »

La Plume débande tout d’un coup. La grande voile et sa compagne la bôme viennent fendre l’air et percuter les zouaves qui s’élancent contre nous.


PLOUF PLOUF PLOUF


Je dégaine et saute par-dessus la rambarde pour trucider les enfants de chiennes qui viennent nous déranger. Ma guibolle aiguisée se plante dans le bras d’un mousse, je rigole à gorge déployée et j’envois une bastos dans le genou d’un nouveau qui tombe du ciel. A l’ancienne que je dis ! Zagahaha ! Bordel, ils sont nombreux quand même.

« HAUTS LES CŒURS AMIS ! DÉPOUILLEZ CES CHIENS DE LEURS BIENS ! BIENTÔT NOUS DOMINERONS LES MERS ! VIVE LES FIERS HOMMES D’UREA ! BOUIHIHAAAAA !»


YAAAAA !


[Sans-Nom, ex-bateau]Le Conte des Trois Grognons Part 1.5 Df10
Joshua Filiga
Capitaine des "Pirates Esclavagistes" de St Urea
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« YaayaYAaaAARRR ! »


C’est à peu près ainsi qu’hurlaient les forbans, alors qu’ils chargeaient dans la bataille et attaquaient de toutes leurs forces l’impudent nabot qui avait osé poser le pied, ou plutôt la béquille, sur le pont de leur rafiot. Scab tournoyait et tranchait chairs et membres, dans une folie meurtrière qui aurait fait froid dans le dos à n’importe quel esprit sain. Il se défendait bec et ongles contre les vagues de grouillots, exultant et riant à gorge déployée chaque fois qu’il arrachait la vie à ses ennemis. Ce petit bonhomme était définitivement effrayant.


Nikolas se tenait debout, en équilibre sur une des plus basses bômes du Sans-Nom. Désormais, les deux navires étaient si proches que le bretteur se trouvait  au-dessus du pont du navire ennemi ; une position certes dangereuse, étant donné le large éventail d’armes à feu dont disposaient la racaille d’en bas. Il décida donc d’abandonner son rôle de cible facile et bondit, lame au clair, vers le combat. Sa blessure à l’épaule tirait toujours, et le jeu causé par ses mouvements n’arrangeait pas les choses. Résister à la douleur lui était de plus en plus difficile, mais c’était une nécessité. Une seule faiblesse, et ce combat pourrait bien être son dernier.


Surtout que Balior ronflait toujours paisiblement sur son tonneau, imperturbable.


Il atterrit, bottes en avant, en plein visage d’un moustachu crasseux et édenté. Une entrée qu’il affectionnait particulièrement. Autour de lui, les camarades de son infortunée victime, stupéfaits, ne réagirent que trop tard ; Menteuse filait déjà, dessinant des cercles sanglants dans l’air salé et envoyant au tapis trois autres pirates. Avec précaution mais vivacité, il se fraya un chemin vers son camarade, tailladant et frappant de tous côtés, parant et esquivant. Enfin, il atteint sa destination, transperçant dans le dos une brute de deux mètres de haut qui s’échinait  à écraser de son immense massue ce bruyant petit combattant.


« Et bien, il serait grand temps que notre ami se réveille pour nous filer un coup d’main… Ils sont pas très solides, mais foutrement nombreux ! »


Alors que Niko criait cette phrase à Tournebroche, combattant dos à dos avec lui et neutralisant toujours plus d’adversaires, son œil fut attiré par une silhouette particulière, tranchant avec les mousses crasseux qu’ils fauchaient par dizaines. Un homme en noir, parfaitement coiffé et habillé, s’avançait, écartant sur son chemin la horde de pouilleux qui lui servait d’équipage. Il était armé d’un large poignard, à la lame étincelante… Et c’est tout. Juste un poignard ? Ca cachait quelque chose, Nikolas en était certain. Le regard de l’homme était froid et dure comme l’acier, et ses mains ne tremblaient pas une seule seconde malgré la frénésie du combat. Il avançait, droit, le pas régulier, tel une machine. Sur son passage, le visage des hommes s’assombrissait, témoignant d’un respect tendant vers la terreur. Un homme dangereux ; cela ne faisait aucun doute.


« Je te le laisse, camarade. Pas en état de me le faire, celui-là ».
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Je crache sur le corps décharné d’un gosse qui a choisi la mauvaise voie. Pas de pitié pour les confrères, c’est de bonne coutume que de trancher dans le vif du sujet dans le monde des gentilshommes de fortune. Je me plais à respecter les traditions du milieu. Beateman a douillé durant la fuite de Bliss, je m’en suis tiré avec bien moins de séquelles que les deux autres capitaines. Quelques bleus qui ne tiendront pas le temps de la traversée, j’ai plutôt été blessé dans ma fierté. Perdre ma guibolle face à des représentants de chez les mouettes, c’est violent et cela même pour un nabot grassouillet qui a plus de raisons d’en vouloir à l’humanité entière qu’à des gonzos qui lui recoupe la jambe de bois. J’ai une sacré dose de frustration à déverser sur le coin de la trogne de ceux qui me passes sous les quatre orteils.

Quand une mouette vous chie sur le bout du pif, on se réconforte toujours en sachant qu’on pourra pisser sur un rat. Zagahaha.

« Je m’occupe de la brindille »

J’ai un trop plein de férocité flibustière, je n’ai jamais été du genre à emmagasiner les choses sans me défouler ensuite. Je relooke le fils de cabillaud qui s’avance vers moi avec son couteau à beurre, il renvoie une sympathie qui ne m’enchante pas des masses. Chose qui tombe plutôt bien, j’ai pas envie d’en faire un ami. Ses gars s’écartent et moi je fuse vers lui avec ma patte d’acier, pas l’envie de tailler le bout de gras.

SLIDE:

Je glisse de tout mon flanc gauche avec l’espoir de le faucher au passage, il plante son couteau dans la bôme du navire pour décoller du sol. Agile l’animal. Je termine la glissade dans un tonneau, pas le temps de me remettre d’aplomb qu’une pluie argentée me lacère les deux épaules. Il est rapide avec sa lamelle coupante l’animal, j’ai une folle envie de lui faire changer sa mèche de cheveux de côté d’un coup de boule. Prise d’appui et saut avec le crâne en avant, il voit pas la vague venir et son nez craque dans une houle sanglante. Je vais t’enseigner la navigation à l’ancienne pied tendre. Il m’arrache un bout de peau avec le coutelât.

« Bouhihaha ! Un nain sauteur ! Jamais nous ne cèderons à un sous-homme ! »

Coup de poing dans les réserves à descendance. Il se plie en deux en suffoquant.

« Ah… Ah… Je savais que t’allais faire ça… Ah… Ah… Nous sommes les fiers pirates esclavagistes… Ah… »

Je lance un regard à Beateman qui envoie un nouveau petit gars au tapis du revers de sa lame. Il a tiqué lui aussi quand la brindille noire a évoqué sa profession. Si c’est un convoyeur de viande humaine, il est bourré aux as.

« Nous sommes l’équipage des Grognards, je suis le capitaine Tournebroche et voici les deux autres capitaines du navire, capitaine Beateman et capitaine Blackness. Continuez votre assaut et nous vous enverrons par le fond enfants de chiens que vous êtes ! »

Silence de mort. Les armes s’arrêtent en suspension dans l’air. Le coup de gueule à fait son petit effet et l’équipage semble déjà être reconnu et, mieux encore, craint.

AHAHAHA BOWAHAHAHA PAHAHAHA YOOOOOHOHO

« BOUHIAHAHAHA ! Trois capitaines pour une même épave et pas un matelot ! BOUHIAHAHA »

Ah les bâtards.

MATRIX KICK:
Il vient mettre son couteau en contre de mon sabre. Je relève la patte avec davantage de puissance, sa lame se fend et ma lame lui ouvre le bide du nombril aux clavicules. Il ne rira plus sans une corde enlacée de trois mètres pour lui maintenir le poitrail. Il tombe au sol avec lourdeur et fissure le parquet de son pont principal. Il râle de douleur, ses hommes accourent vers lui pour le tirer loin de ma petite carcasse suintante qui rigole à s’en décrocher la mâchoire. Si seulement Blackness avait vu ça. Quatre types l’attrapent par les épaules et les jambes, Beateman lâche un petit sifflement pour attirer leur regard et il enfonce sa lame dans l’entaille du ponton. Le plancher lâche et les quatre gars et leur capitaine finissent dans un fracas terrible deux mètres plus bas. Palsambleu !

« Diantrebleu ! Ils sont cale pleine ! »

Autour du capitaine ensanglanté et de ses comparses d’infortune, une trentaine de pauvres gars enchainés qui plissent les yeux sous les rayons du soleil.

« Dégag… Haaaa… Dégagez de là bandes de sous-hommes… Haaaa… »

GIIIIARK !

Le capitaine hurle comme une chèvre à la broche en sentant les chaînes de sa marchandise lui couper le souffle et le molester à mort. Le reste de l’équipage encore capable de se tenir debout hurle et se balance par-dessus bord, les rats quittent le vaisseau devant la révolte des souris en cale. Ca me rappelle ma jeunesse de convoyeur d’esclaves. Zagaha.

« Dîtes voir capitaine Beateman, on fait quoi de ses raclures puantes ? Ça rapporte pas mal sur certaines îles du coin ! »

« C’est tout vu branle-couille ! Gi-Hahaha ! On les bouffe ! On ira sur Urea pour voler le Hollandais avec le ventre plein ! GI-HA-HA-HA-HA ! »

L’ancêtre est réveillé, sacré barbu. Il sort d’une cabine du bâtiment ennemi, une bouteille de gnôle contre la bouche. Il a le nez pour vider les lieux l’animal.

« Shhhh…. »

Une voix s’élève des cales, rauque et puissante. Les prisonniers se rassoient aussi sec et une aura de terreur remonte depuis la brèche. Palsambleu ! Cette voix me fait cogner la cervelle contre le bandana. J’aperçois déjà ses écailles maudites. Bikaros, ancien cambusier de Bylly, ancien compagnon.

[Sans-Nom, ex-bateau]Le Conte des Trois Grognons Part 1.5 Truc16
« Le Hollandais ? Shhh… La Cloque recherche des chimères ? Shahaa… Tu as bien changé Tournebroche… »

« Anguille de mes deux… Tu vis toujours dans l’obscurité des cales ? Boll m’avait prévenu que t’étais la même raclure perverse qu’avant, il s’était pas trompé le gros porc… »

Changement de programme amis Grognards.
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En voilà un drôle d’animal… Baeteman prenait le temps de reprendre son souffle après le carnage. Sur le pont, ou du moins ce qu’il en restait, des cadavres sanguinolents, certains encore en train d’agoniser la gueule contre le parquet. Pour sûr, la Cloque ne faisait pas dans la dentelle, et Baeteman commençait malgré lui à se laisser emporter dans son sillage rougi de sang. Il faut dire qu’il était encore plutôt jeune, et que les deux phénomènes avec qui il voyageait maintenant depuis un petit moment avaient laissé, à jamais, leur marque sur lui. Le genre de vieux débris, épaves d’un autre âge, d’une piraterie plus pure, plus violente et bruyante, qui n’avaient pas manqué de fasciner le jeune musicien. Nikolas se faisait la réflexion que ces deux vieux briscards lui en avaient plus appris sur la mer en quelques jours que les années entières d’errance qui les avaient précédés. Il commençait même, sans s’en rendre compte jusqu’à présent, à perdre de de son flegme, à se laisser emporter dans les plans les plus ridicules, à boire comme un soiffard… Même sa façon de parler devenait plus légère, moins enserrée par ce carcan de politesse et de courtoisie, qu’il s’était pourtant efforcé durant des années de mettre en place et de respecter.


Encore une fois, le pirate s’était perdu dans ses pensées, et il secoua la tête vivement, remettant à plus tard toutes ces considérations. Il reporta son attention sur « l’ami » de Tournebroche, cette espèce de grosse masse de muscles et d’écailles blanchies par le sel et les longs voyages. En dehors de quelques vêtements simples, sa peau verte était exposée à tous, et sa gueule fournie de dents parachevait un tableau d’horreur, à même de décourager le plus intrépide agresseur. Mais si elle paraissait massive et lente, la bête (car on ne pouvait réellement parler d’homme en ce moment précis) faisait preuve d’une vivacité pour le moins étonnante et effrayante. En un bond, celui que l’on nommait Bikaros était sur le pont, faisant face à Scab Tournebroche, le dépassant d’au moins deux fois sa hauteur. Sa voix était à la fois grave et sifflante.


« Shhh… Voilà longtemps que je n’avais pas contemplé l’immondicccce puante qui te ssssert de visage, mon vieil ami…


- Zagaha ! Et moi, ça fait un bail que je n’avais pas pu rn’ifler ton fumet dégueulasse, sale anguille vaseuse ! »


A ces mots, les pupilles du reptile se rétrécissaient, ses yeux se plissaient, et l’on pouvait apercevoir sous les écailles et la peau quasi translucide, ses muscles se tendre et se détendre, comme émoustillés par l’insulte. Baeteman raffermit sa prise sur la poignée de Menteuse. Balior contemplait la scène de plus loin, la gnôle toujours au bord des lèvres, le regard noir et alerte. Niko finit par se fendre d’un avertissement, alors que les deux anciens compagnons se dévisageaient, tous deux dans une attitude de défi.


« Si j’étais toi l’ami, je déposerais les armes. Nous sommes trois, t’es tout seul. Ne tente pas quelque chose que tu pourrais regretter. »


Le regard de Bik’ se porta alors sur lui. Un frisson glacé parcourut l’échine du jeune bretteur, alors que les petits yeux reptiliens du cambusier le scrutaient et semblaient transpercer tissus, peau et chairs sur leur passage. Finalement, après une minute qui parut durer des heures, il finit par se détendre, et lança, presque nonchalamment :


« Shhhhhhh… De toutes façççons, vous venez d’éventrer mon employeur. Je ne ssssais pas si je dois vous détesster ou vous remercccier, d’ailleurs. Ccccc’était une vraie tête de con, shhhh ! »


A ces mots, il se retourna pour contempler les esclaves, toujours enchainés à fond de cale et visiblement perplexes quant à leur sort. Il sembla réfléchir pendant une seconde, puis se retourna vers Scab.


« Mais vous pouvez toujours m’être utile, après tout. Et en plusss, vous cherchez le Hollandais ! Shhhh shhh ! Cççça doit être ce qu’on appelle le desssstin. On devait emmener ces gussssses jussssqu’à Reversssse Moutain, pour les vendre à un gros marchand qui prétend venir de Grand Line. Et à ççç’qu’on dit, il sssserait à la barre du Hollandais Voleur. Des rumeurs d’essssclaves, si vous voulez mon avis… Mais çççça vaudrait le coup d’œil, non ? Shhhhh ! »


Il éclata de ce qui semblait être un rire, mais qui donnait plus envie de prendre la poudre d’escampette que de se fendre la poire. L’occasion était trop belle pour être vraie, selon le jeune musicien. Ce foutu reptile devait mentir comme un arracheur de dents ; mais ce ne semblait pas être l’avis de Tournebroche, qui fronçait les sourcils et se frottait le menton vigoureusement, comme en proie à une intense réflexion. Baeteman voulu intervenir, mais se ravisa, pensant que Scab devait mieux connaitre le larron que lui, et qu’il serait plus sage de lui laisser prendre la décision de la marche à suivre. Blackness semblait penser la même chose, puisqu’il se contenta de roter bruyamment et de reprendre sa descente infernale des réserves de Rhum du navire de traite. Tournebroche conclut sa méditation par un simple :

« Continue.


-Shhh ! Vu l’état de votre coque de noix, même pas la peine d’essspérer arriver jusqu’à la Montagne en un sssseul morcccceau. Et pas la peine non plus de penser vous battre contre le Hollandais sans canons, et ssssans rien à vous jeter dans l’essssstomac pendant des jours. Si vous m’aidez à faire flotter cccce bout de bois jusque-là bas et à livrer la marchandise à temps, je vous aide à prendre le Hollandais avec le Pride (il désigne le pont du doigt, signifiant aux Grognards qu’il parle du navire sur lequel ils se tiennent en ce moment même), et je repars dessssssus. Alors ? Marssssshé conclu ? »



Le discours sifflant de l'homme-poisson avait fini de donner la migraine à Niko, cependant sa proposition semblait honnête. Celui-ci avait tendu la main vers le nabot, attendant la fameuse poignée qui aurait traditionnellement scellé le pacte entre deux forbans. Il n’avait cependant toujours pas confiance en cette anguille bodybuildée, et se promit de la tenir à l’œil durant le reste du voyage si jamais Tournebroche acceptait les termes du contrat. Ce qu’il ne fit pas au premier abord ; il se tourna en premier vers le vieil alcoolique à sa gauche, qui acquiesça d’un geste d’épaule à la limite de l’indifférence. Puis son regard se porta vers le musicien, qui hésita une seconde, reconsidérant tout ce que l’anguille venait de raconter. Il ne voyait cependant pas trop de danger, étant donné que durant tout le voyage, Bikaros serait à leur merci, seul contre trois. Il finit donc par hocher lentement la tête, donnant sa voix de capitaine Grognard en faveur de l’accord. Avec un rire gras, Scab empoigna donc la grosse main écailleuse du cambusier, et exhorta Balior de lui envoyer une bouteille crasseuse, afin qu’ils puissent sceller convenablement le pacte.
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"Parbleu! C'est pas du guano, j'en mettrais ma seconde guibolle à couper Capitaine Beateman !"

"Hmmm... Mais alors quoi ? C'est pas votre ancien comparse qui défèque comme cela?"

"Bik'? Il ferait beau voir qu'un foutu Homme-poiscaille lâche sa bouse sur le plancher d'un bateau, alors qu'il lui suffirait de barboter deux minutes pour faire son affaire ! Zagaha !"

"Et ce n'est vraisemblablement pas un des esclaves qui irait retirer ses chaînes, quitter le Pride, passer à la selle sur le pont principal du Sans-Nom puis retourner se passer les fers... Donc..."

"... Zagahaha ! La piste est chaude !"

Voilà près de dix minutes que le blondin et moi suivons la succession de boulettes immondes qui décoraient le pont des deux navires.

Cela faisait trois jours que nous remorquions le Sans-Nom derrière le bâtiment des esclavagistes, cette saloperie de Bikaros ne nous avait pratiquement plus adressé un mot. Ce fourbe écaillé se contentait de maintenir sa marchandise suffocante en bonne santé, et les gémissements de ces pauvres gars avaient le don de nous foutre le moral dans les orteils.

Pour en revenir aux crottes, j'avais bloqué le gouvernail du Pride sur le Nord et on avait abordé le Sans-Nom avec La Plume pour dénicher le gros dégueulasse mystérieux. Impossible de trouver Balior pour mener la chasse avec nous, il devait cuver son saoul dans la cabine de l'ancien Capitaine Filiga. Pour une fois qu'on avait une occasion de se marrer sans violence.

Un souffle rauque faisait vibrer la cale de notre bateau amiral, je fais signe à Beateman de ralentir le rythme, l'odeur de la merde a laissé placé à celle du danger. Une ombre frappe le sol avec force et un faible rayon de lumière laisse suggérer la tronche du passager indésirable.

"Que le fantôme de Bylly viennent me faucher... Comment ce bestiau est-il arrivé ici?"



Spoiler:

Beateman tombe le cul sur un tonneau et me pointe du bout du doigt un cadavre de bouteille de rhum aux sabots de la bête. Parbleu !

"Capitaine Blackness ?!"

L'étrange bête se transforme à une vitesse prodigieuse en l'horrible vieillard à la barbe grise. Il est plus ivre qu'à l'habitude et crache un glaviot sur le sol en nous reluquant les mouilles.

"Gihahaha ! Fort comme un buffle le Blackness ! Giahahaha !"

Zagahaha. La suite promet compagnons... la suite promet...

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