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Sigurd & Haylor, mode d'emploi


Par un beau matin d’automne…

Non, pas du tout. C’était sous des nuages lardés d’ombres et d’éclairs, et dans une atmosphère orageuse que Dogaku regarda paresseusement à travers la fenêtre de son petit appartement. Bien content de ne pas avoir à mettre les pieds dehors, il retourna se blottir dans son imposant fauteuil, celui qui faisait face à son feu de cheminée. Paisiblement affalé dans son confort, en compagnie de Scott, son escargophone, il s’apprêtait à passer une énième journée à s’efforcer de…

N’absolument rien faire du tout. Juste apprécier le temps qui passe. Et il s’en régalait d’avance.

Cela faisait une dizaine de jours qu’il passait l’essentiel de son temps cloitré chez lui. Depuis qu’il s’était fait éjecter de la milice, pour être exact. Pour une personne aussi douillette et paresseuse que lui, c’était prévisible : sans fonction, il ne faisait pratiquement plus rien de son temps. Et ne nous offrait pas le moindre sujet susceptible d’alimenter un récit digne de ce nom.

Heureusement, en cette sombre matinée, un parapluie pourpre faisait route vers chez lui. Une jeune femme qu’il connaissait bien, même s’il ne s’attendait pas à la revoir. Et encore moins de sitôt.


*
*     *
*

-Et vous dîtes que… c’est ici qu’habite Dogaku ?

De son habituel air inquisiteur, Evangeline Haylor étudia le hall d’entrée de l’immeuble. Ca n’était pas chic, loin de là. Ca ne s’essayait même pas à donner une impression de soin, ou de bon goût. Elle qui appréciait les ambiances feutrées reconnaissait pourtant que les vieux bâtiments d’époque avaient leur caractère, mais… juste, non.

Ou alors, c’était son interlocuteur qui la mettait particulièrement à l’aise. Plutôt bel homme, avec une barbe de trois jours soigneusement entretenue et un regard azur où elle se serait noyée volontiers, le trentenaire qui l’avait accueillie lui faisait un effet saisissant. Elle, qui ne souriait que rarement, irradiait littéralement de bonne humeur.

Comme à chaque fois qu’elle côtoyait un homme séduisant. Absolument. Chaque. Fois.

-Sigurd Dogaku, oui, répondit le gardien. Il vous attend ? Vous voulez que je vous fasse annoncer ?
-Ca ne sera pas la peine, merci. Je préfèrerais éviter qu’il n’essaie de s’enfuir ou de se faire passer pour absent en entendant mon nom.
-Je vous demande pardon ?, s’inquiéta l’homme.
-Je compte simplement lui rendre une petite visite surprise, corrigea brutalement Haylor. Une surprise.
-Vraiment ?
-Oui. Nous… je suis une de ses anciennes collègues. Nous avons servi pendant un an sur le même bâtiment, dans la milice. C’est pourquoi je vous ai dis qu’il sera surpris de me voir. Vous comprenez ?

Le gardien avait l’air vaguement inquiet à l’idée de laisser entrer une personne non annoncée, mais les explications d’Haylor suffirent à le rassurer. En temps normal, la jeune femme aurait craché du venin sur quiconque aurait eu la mauvaise idée de lui poser tant de questions. Mais elle avait tendance à devenir stupidement aimable et conciliante quand elle avait affaire à de séduisants éléments de la gent masculine. Surtout si ça lui laissait l’occasion de se régaler devant un spécimen aussi bien conçu.

Et tout ça, c’était sans mentionner la chemise du beau mâle qui moulait agréablement son torse bien entretenu. Ni d’autres détails que nous passerons sous silence pour conserver un label tous publics.

-J’aime beaucoup cette bâtisse, mentit-elle avec entrain pour continuer la conversation. De quand date-t-elle ?
-Honnêtement ? Je n’en ai pas la moindre idée. C’est plus vieux que moi, en tout cas.
-Mmmh… je vois.
-…
-…
-…
-Et je me demandais…
-Troisième porte à gauche au deuxième étage. Pour Dogaku.

Raté. Haylor eut un petit pincement au cœur en voyant son mannequin l’abandonner pour rejoindre une autre. C’était une petite vieille qui résidait ici, et qui avait besoin d’aide pour monter ses courses dans les escaliers.
La miss l’aurait beaucoup moins bien vécu s’il l’avait quittée pour une belle blonde au physique avenant, mais…

Non.

Evangeline secoua la tête, comme pour chasser toutes ces idées bizarres de son esprit. Elle n’était pas maniaque, se répéta-t-elle. Ni folle. Et surtout pas complexée par quoi que ce soit.

Ou peut être juste…

Non. Non non non non non non non.

Elle était venue pour Dogaku, d’abord. Tout simplement.


*
*     *
*

-Bonjour, Capitaine.

Sigurd cru halluciner. Haylor qui se présentait devant sa porte. C’était comme s’il était lieutenant dans la marine, qu’il avait décidé de prendre une permission pour rendre visite à sa famille, et que le sous-amiral tyrannique auquel il était rattaché venait toquer à sa porte pendant un petit déjeuner avec mère-grand.

A ceci près qu’ils n’étaient plus dans la milice. Et que Haylor était sensiblement plus lugubre et effrayante qu’un sous-amiral de la marine, à ses yeux.

Sans surprise, son premier choix fut de refermer la porte en grimaçant bêtement. Hors de question que la collègue qui l’avait tourmenté avec tant de plaisir et d’acharnement ne vienne troubler sa quiétude. Hors. De. Question.

Pas elle. Pas ici. Et pas maintenant. Jamais, plutôt. Oui : jamais.

-Capitaine, j’aimerais vous parler, commença-t-elle à travers la paroi.
-Euh… non ?
-Je dois vous parler. S’il vous plait.

Malgré la mauvaise surprise, Dogaku se mit à sourire. Même après un mois, il reconnaissait les intonations meurtrières de sa collègue, et devinait le regard noir qu’elle devait lui adresser à travers la porte. Il était sûr que, si un regard pouvait bruler, le sien aurait déjà creusé son chemin jusqu’à lui en passant par les murs s’il le fallait.

Et puis, très vite, il ravala ce sourire. Il n’avait sûrement pas envie de sourire. Haylor avait beau avoir globalement son âge, elle était déjà une bureaucrate aussi intraitable que les pires gargouilles embauchées par les administrations du gouvernement mondial. Elle n’était pas foncièrement mauvaise, et il la soupçonnait même d’avoir un très bon fond. Quand on arrivait à voir au-delà de ses techniques de management qui s’inspiraient largement du manuel d’un gardien de prison.

Mais même avec ce recul, il savait qu’il devait refuser. Elle lui avait fait voir des couleurs assez sombres pour qu’il n’ait pas la moindre envie d’interagir avec elle. Et encore moins dans son petit coin de tranquillité bien à lui.

-J’ai dis non.
-Capitaine. Vous êtes ridicule. Je suis venue jusqu’ici pour vous voir et vous parler. Je me présente simplement devant chez vous. Je n’ai encore rien dit qui puisse vous… non, je n’ai même rien dit du tout, tout simplement. Alors, pourquoi une telle réaction ?
-Pourquoi ? Vous voulez que je vous dise pourquoi ?
-…
-…
-Oui, j’en ai envie ?, rumina Haylor en soufflant.
-Eh ben euh… bonne question, tiens.
-Ah. Bien. Nous progressons.
-…
-…
-…
-Nous progressons même à grande vitesse, à ce que je vois, s’amusa-t-elle.
-Rhoo, ça va, hein.
-Tout à fait, Capitaine. Je préfère largement que vous me donniez une réponse réfléchie. Prenez votre temps.
-…
-…
-Je dirais que c’est purement de l’instinct de survie, en fait. J’veux dire, après un an passé à jouer à cache-cache avec vous dans le bateau pendant qu’on naviguait tranquillement… mwarharharh, ça fait limite drôle dit comme ça…
-J’aurais plutôt tendance à dire que vous êtes ridicule…
-… et je dirais que vous avez raison quand j’aurais deux bons mois de plus pour prendre du recul.
M’bref. Haylor. Je vous aurais croisé dans la rue par accident que j’aurais fait exprès de me cacher pour pas que vous m’aperceviez. Et là, vous venez carrément me chercher chez moi pour me tourmenter ? Mais c’est franchement… vous êtes affreu…

Comme à chaque fois qu’il allait commettre un impair et dire ce qu’il pensait en choisissant de très mauvais mots, l’ex-commissaire de la milice braqua sur lui son double regard aussi sombre que le canon d’un fusil. Les mots s'étouffèrent dans la gorge de Dogaku, et il déglutit pour s’assurer qu’ils n’en réchappent pas.

-Ok, ok. J’ai rien dit. Oubliez ça.
-Je vous remercie.
-Mais je dis quand même que… et puis d’abord, comment vous avez fait pour savoir où j’habite ? J’ai pris l’appart’ à l’arrache y’a moins d’un mois…
-Mmmh. Je suis l’ancienne responsable du Tarmac. Je peux savoir tout ce que j’ai envie de savoir sur les membres de l’équipage, Capitaine. Même maintenant.

Sigurd tressaillit. Les liaisons et connections tentaculaires entre les bureaucrates de la milice étaient déjà quelque chose, mais savoir que les anciens gardaient des contacts et pouvaient facilement s’en servir n’avait rien de rassurant. Outre Haylor, il connaissait quelques personnes suffisamment dangereuses pour faire un très mauvais usage de ce pouvoir. De trop nombreuses personnes, d’ailleurs.

Il suffisait par exemple qu’un des capitaines fiers à bras qu’il s’était mis à dos n’ait envie de venir le massacrer, et…

-Rassurez-moi, c’est juste vous, ou bien tout le monde a accès à ces infos ?
-Je vous demande pardon ?
-Eh bien en fait je… euh… nan, laissez tomber. Veux pas savoir. Vive l’insouciance. C’est mieux comme ça.

Il avait beau dire ça, il ne pouvait pas s’empêcher de dresser mentalement la liste des personnes qu’il ne voulait absolument plus jamais revoir. Une distraction dont se serait bien passée l’ancienne commissaire. Avec une douceur toute relative, elle l’arracha à ses souvenirs.

-Bon. Maintenant que nous avons perdu beaucoup de temps pour rien… ou plutôt, pour que vous puissiez vaguement vider votre sac… pouvez-vous me laisser entrer ? Il s’agit d’un sujet particulièrement important, expliqua-t-elle.
-Important ?
-Vous imaginez bien que je ne me serais jamais déplacée si ça n’était pas le cas.
-Bin oui mais euh… j’étais en train de… beuh… en train de faire un… euhh… truc particulièrement important, répéta-t-il sans même s’en rendre compte.
-…
-…
-…
-Trop évident, comme mensonge ?
-Vous mentez tellement mal que je ne peux même pas vous reprocher d’essayer de me mentir. Ca ne peut pas en être un.
-Rhooo. Chuis si nul que ça ?

-Capitaine, je vous en prie. Ouvrez-moi cette porte et cessez vos enfantillages. Je n’ai pas fait tout ce chemin jusqu’à chez vous pour repartir sans même vous avoir parlé correctement. Vous ne comptez tout de même pas me laisser ici pendant des lustres, non ?

Ah tiens, se dit-il. Inhospitalier, lui ? Si elle le prenait par les sentiments, il ne pouvait évidemment pas refuser. Avec réticence, et l’impression de commettre une gigantesque erreur, Sigurd décida d’obtempérer.

-Je vous remercie.

La miss s’avança dans l’humble demeure du blondinet. Propre et bien rangée, remarqua Eva, agréablement surprise.

-Eeeeet… juste un truc, au passage. Pourquoi vous m’appelez encore Capitaine, en fait ? On est de retour chez les civils, maintenant.
-J’ai du mal à perdre mes habitudes, mentit-elle. Excusez-moi si je continue à vous appeler comme ça.

Elle ne pouvait pas lui expliquer qu’elle avait du fournir de gros efforts pour s’habituer à l’appeler comme ça. Les premiers mots qui lui venaient à l’esprit, qui oscillaient aux alentours de « Crétin » et « Imbécile », n’auraient pas été appropriés dans la bouche d’un officier, encore moins pour en qualifier un autre. De ce fait, il lui avait fallu passer quelques semaines pour se conditionner, et faire en sorte que l’habitude s’enracine.

Au point tel que quand elle parlait, on entendait toujours la majuscule de capitaine. Et qu’elle était la seule à lui accorder cette marque de respect. Même la narration ne se donnait pas cette peine.

-Boah… pas d’soucis. Faîtes comme vous voulez.

Pour sûr, il n’avait rien à y redire. Lui, il l’appelait systématiquement Haylor. Parce qu’il s’était longuement répété que s’il avait la mauvaise idée de l’appeler « Affreuse sorcière », « Mégère », « Harpie » ou autres, sa vie dans la milice aurait été un enfer. Heureusement, elle avait la délicatesse de faire semblant de ne rien entendre, quand il s’égarait. Ca, ou alors elle prenait son ton le plus menaçant et s’assurait qu’il apprenne bien ses leçons.

-Alors euh, commença l’hôte. J’ai pas de thé… et encore moins d’Earl Grey, d’infusion à la bergamote ou de toute boisson certifiée ISO 3103 dont vous raffolez tant

Haylor et Dogaku se connaissaient très bien. Ils ne s’appréciaient pas, avaient étés coincés sur le même navire pendant un an, et forcés de collaborer au jour le jour. Forcément, Sigurd avait étudié son ennemie pour survivre et améliorer son quotidien. De même, Haylor avait cerné les habitudes et mauvaises manies de son confrère pour mesurer quelles étaient les mesures à mettre en œuvre. Tout ça portait jusqu’aux préférences alimentaires de l’autre, et surtout, à l'heure de ses repas.

-… mais si vous voulez boire quelque chose, je fais un excellent chocolat chaud. Tablettes de chocolat et tout. Ou alors, café.
-Je n’ai besoin de rien pour le moment. Par contre, j’aimerais que vous jetiez un œil… à ça.

Avec l’air d’une conspiratrice projetant de renverser l’ordre mondial depuis un comptoir de taverne, Haylor ouvrit son sac et en retira un petit tube. A l’intérieur se trouvait une feuille parcheminée qu’elle tendit à son collègue.
Dogaku identifia très rapidement la nature et la portée du document qu’elle lui présentait… d’autant plus qu’il avait l’impression de l’avoir déjà vue auparavant.

C’était une carte. Très généreusement recouverte d’annotations, toutes écrites en pattes de mouches par une personne à la dextérité très discutable. Les notes faisaient référence à la localisation du secteur représenté, ainsi qu’aux endroits intéressants situés dans la zone.

Tout d’abord, il y avait l’emplacement d’un petit port dissimulé dans une crique. Un pied à terre pour pirates, où ils pouvaient reprendre des forces entre deux expéditions lapidaires.

Ensuite, il y avait une très jolie croix qui représentait assez efficacement l’emplacement d’un coffre au trésor. Lorsqu’il comprit, Sigurd sifflota.

-Whoulà. Vous avez trouvé ça où ?
-Vous n’avez pas besoin de le savoir.

Surpris, il leva les yeux. Cette fois, il n'eut aucun mal à la regarder droit dans les yeux... et remarqua qu'elle n'était plus aussi à l'aise qu'auparavant. Il adressa alors un léger sourire moqueur à sa collègue, la sondant du regard tandis qu’elle s’efforçait de rester imperturbable.

-Ca cacherait pas quelque chose de louche, des fois ?
-Vous n’avez pas envie de le savoir.
-C’est marrant, j’viens d’entendre un « oui ». Pas vous ?
-Pas du tout. Pas le moins du monde.

-Et en fait, maintenant que j’y pense… je suis sûr d’avoir déjà vu cette écriture quelque part.
-J’en serais très étonnée.
-Attendez, attendez, rigola-t-il. Ca va me revenir.
-Je vous dis que non, alors arrêtez ça.

Elle tenta de lui asséner un ton menaçant, mais ne parvint qu’à se trahir : l’humeur n’y était pas, tant pour elle que pour lui. Le bon point, avec Haylor, également connue sous le surnom de miss Parfaite, c’était que quand Sigurd pouvait la coincer, c’était toujours très, très, très satisfaisant pour lui.

-Mais si. C’est… oui, je sais ! La même écriture que celle d’Aios Kebabopoulos, le lieutenant des Ragonautes…
-…
-Ah ah. Surprise ?
-…
-Bah eh, c’est un des derniers pirates qu’on a capturé, et il distribuait toujours des copies de ses poèmes épiques relatant ses batailles navales. J’me souviens, quand on a perquisitionné son navire, y’avait des caisses entières de feuillets qu’il avait écrit. Donc forcément...

Et lentement, alors qu’il dénouait joyeusement le fil des évènements pour justifier son anecdote, Dogaku assemblait de lui-même tout ce qu’il y avait à savoir pour réintégrer les évènements dans leur contexte. Il venait de dire que leurs hommes, dans la milice, avaient capturé un pirate et ses subordonnés, et mis la main sur leurs possessions. Possessions qui devaient donc revenir au Royaume… ce qui l’amena enfin à comprendre de quoi il en était.

-Whaaaaattendez attendez attendez. Mwararharharh. Ca veut dire que. Oui. Vous avez volé une carte au trésor qui devait revenir à la milice ?
-Certainement pas, mentit Haylor.
-Vous ?
-Non.
-Vous ?
-Non !
-M’enfin… vous ? J’veux dire, vous êtes bien Haylor, non ? Normalement, les entorses au règlement, c’est tellement contre votre religion que ça vous rend malade au point de vous donner des boutons et…
-…, l’interrompit-elle.
-Ouais, ok, j’exagère un peu. Beaucoup. Mais quand même, c’est injuste ! Vous êtes allée jusqu’à faire des rajouts dans le règlement intérieur du navire pour m’empêcher de faire mes siestes là où je voulais pendant les heures de services, et je n’avais même plus le droit d’aller me reposer à l’infirmerie quand j’étais fatigué…
-…
-Ouais, ok, j’abusais carrément et vous aviez parfaitement raison. Soit. Mais ce que je veux dire, c’est que c’était des enfantillages de rien du tout. Alors si maintenant j’apprends que vous avez fait vos courses dans les perquisitions de la milice, et que y'a peut être un trésor à la clé, je mes dis quand même que c’est franchement... franchement… vraiment pas juste ? Non ?

Cette fois, c'était certain : Haylor fuyait vraiment son regard. Contrairement à d'habitude, elle ne trouvait rien à dire. Pire encore, elle commençait à s'empourprer. Ce qui n'était absolument pas normal. Les seules fois où l'avait vu gênée, c'était quand elle s'efforçait de tenir une discussion avec de jeunes et beaux officiers de la milice. Des hommes tantôt virils, tantôt puissants, parfois charismatiques, parfois intelligents, et qui rentraient généralement dans la catégorie des individus dangereux que n'aimait pas Dogaku. Et qui le lui rendaient bien.

Outre ces cas de figure, il ne l'avait jamais vu perdre sa contenance. Mais aujourd'hui, Haylor avait quelque chose à se reprocher. Ce qui ne convenait pas le moins du monde à Dogaku : il l'avait suffisamment cotoyé pour savoir qu'elle était ridiculement irréprochable.

Il s'imagina rapidement qu'elle avait des raisons bien à elle. Et considéra que ça ne le regardait pas le moins du monde. Moins il en saurait sur sa tortionnaire, plus il pourrait pester après elle sans éprouver le moindre remord.

-Bon, euh... oubliez ça. J'ai une meilleure idée. Je vous prépare un bon bol de chocolat chaud, vous profitez du quart d'heure que ça va me prendre pour choisir ce que vous voulez et ne voulez pas me dire, et on avisera après. Ca vous fera du bien, en plus, et... euh... vous êtes d'accord ? Oui ?

Pendant un an, il avait été habitué à la voir comme une bureaucrate psychorigide, toujours prête à lui tomber dessus. Surement pas comme une amie. Sa meilleure ennemie, plutôt. Il y avait là dedans quelque chose d'affectueux...

... mais seulement de très loin.

Et pourtant, quelque part, ils l'étaient très certainement devenus.

De très mauvais amis.



Dernière édition par Sigurd Dogaku le Mer 19 Fév 2014 - 2:33, édité 6 fois (Raison : Une jolie répétition que j'ai zgribouillée, une phrase rafistolée, un mot qui avait besoin d'amour, un espace oublié...)
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Deux jours s’étaient écoulés depuis que Dogaku avait accepté l'offre de son ancienne collègue. Aujourd'hui, le duo de pseudo-vacanciers venait tout juste de débarquer sur le port principal de l’île de Bedrock. Sigurd avait du passer de longues heures à examiner les cartes maritimes pour identifier le secteur indiqué par la carte d’Haylor, mais leurs efforts avaient payé. Normalement, c’était bel et bien ici que le trésor était enterré.

Bedrock.

Dans les histoires, les coffres aux trésors avaient la désagréable habitude d’attirer ennuis et concurrence aux protagonistes. Une généralité dont avait conscience Dogaku. Il n’avait pas hésité à exprimer ses craintes à sa partenaire :

-Euh… rassurez-moi… c’est pas comme dans les bouquins d’aventure où y’a des méchants qui sont au courant pour la carte et vont venir nous massacrer pour la récupérer, hein ?
-Nous ne sommes pas dans un livre, Capitaine. J’ai été très discrète. Je vous garantis que personne n’a pu passer avant moi lorsque j’ai identifié la carte de Kebabopoulos dans les perquisitions. Et vous êtes la seule personne devant laquelle j’ai ouvert le tube qui la contient. Je n’en ai pas parlé non plus, bien sûr.
-Mmmh… je vois.

Discrète ? Ca lui semblait vrai. Il n’arrivait pas à penser qu’Haylor puisse jamais commettre la moindre négligence. Après tout, son précédent travail avait été de limiter et rectifier celles de Dogaku. Et il y en avait tellement que si ça n’était pas déjà le cas à leurs débuts, elle était maintenant passée maître en la matière.

Il ne leur restait plus qu’à prendre assez de précautions pour que tout se déroule tranquillement. Pour ne pas attirer l’attention, il avaient du arriver sur l’île avec un bon alibi. Et pour monter une histoire crédible, il fallait tout d'abord en apprendre plus sur leur destination.

Après quelques recherches, ils apprirent que Bedrock était un trou perdu qui ne présentait pas le moindre intérêt aux voyageurs de passage sur l’île. Autrefois petite communauté isolée du reste du monde, de plus en plus de personnes immigraient sur l’île depuis qu’une grande entreprise de North Blue avait découvert un gisement de minerai de fer aussi important que facile d’accès.

Les prospecteurs s'étaient empressés de lancer l'exploitation de leur nouvelle mine. Dans leur foulée, les premières vagues de travailleurs n’avaient pas tardé et, si leur labeur était pénible, il était aussi bien rémunéré. La ville gagnait en dynamisme, le port avait été réaménagé pour l'occasion, et tout ça avait vocation à prendre de plus en plus d'importance.

Et c’était… absolument tout ce qu’ils avaient pu apprendre sur l’île. C'est-à-dire, pas grand-chose. Et même, vraiment rien.

En arrivant dans la seule vraie ville de Bedrock, ils ne comprirent pas pourquoi les rues étaient désertes. Pas une âme à l’horizon.

De même, rien n’expliquait pourquoi un drapeau pirate était hissé au centre de la place qu’ils traversaient à l’instant. Cela les intrigua particulièrement. Le pavillon noir avait pour emblème une tête de mort, derrière laquelle se trouvaient deux guitares entrecroisées.

Pourtant, il n’y avait aucun signe de pillage ou de combat dans les environs. Et pour avoir tous deux vu leurs lots de prise d’assaut dans la milice, Haylor et Dogaku devinaient qu’aucune bande armée de grande envergure n’était passée par là récemment. Il y avait des signes qui ne trompaient pas.

Ce qui les rendait d’autant plus perplexes. Lorsqu’ils étaient arrivés au port, à l’écart de la ville, tout avait l’air normal. L’activité était minimale, mais ils avaient été correctement accueillis. On leur avait même indiqué un hôtel où se présenter une fois en ville.

Mais maintenant…

Après quelques échanges de remarques et d’interrogations, les deux voyageurs avaient décidé de se rendre jusqu’à l'auberge indiquée. Ils espéraient pouvoir y trouver des réponses auprès du personnel, faute d'avoir des passants à qui parler.

-Et donc, le bâtiment doit se trouver…
-Par là, indiqua Sigurd.
-Vous en êtes sûr ? Ca n’a pas l’air d’être un quartier pour…
-Oh, hey. Je sais lire une carte, quand même. Nan mais.
-J’aurais pu vous croire si vous ne la teniez pas à l’envers, Capitaine.
-Beuh. Pas la moindre importance tant qu’on va dans la bonne direction. Regardez, ce bâtiment, là, c’est…
-…
-…

Les deux chasseurs de trésor s’arrêtèrent brusquement, confus. Le bâtiment que désignait Dogaku était une vieille église qui apparaissait effectivement sur la carte, là où il le voulait. Au pied de la bâtisse, pourtant, il y avait…

-Euh… Haylor, vous voyez ce que je vois ?
-Non. Non non non non non non non. Je crois que non. Je crois que… je dois… ça ne pas...

Un énorme lézard, quelque chose qui avait la très inquiétante allure d’un crocodile marin, rampait dans leur direction. Comme ça. En pleine rue.

D’un même mouvement de sursaut contrôlé, les deux compagnons commencèrent immédiatement à rebrousser chemin en direction du port, à grandes enjambées. Ils évitèrent instinctivement de se mettre à courir, de peur que l’animal n’en fasse de même.
Mais quand ils virent l'énorme reptile piquer un sprint et raccourcir dramatiquement la distance qui les séparait, Haylor et Dogaku abandonnèrent leurs bagages pour cavaler aussi vite que possible. Derrière eux, ils entendaient l’animal gronder férocement durant de son approche.

Dans sa charge furieuse, le saurien envoya valdinguer la lourde valise de la jeune femme sans ralentir. Au contraire : il donnait l’impression d’aller de plus en plus vite, et surtout, de les rattraper trop rapidement.

C’est à cet instant que le duo paniqua pour de bon. Haylor cria en redoublant d’efforts ; Sigurd, lui, souffla comme un bœuf en pressant sur ses jambes. Malgré sa longue robe, la miss le dépassa rapidement.
Pour sa part, l’animal se contenta de faire joyeusement claquer ses mâchoires, en galopant toujours plus vite.

Et lorsqu’il arriva enfin à hauteur de Dogaku, le crocodile se jeta sur lui, projetant son quintal de muscle et de cuir sur sa proie pour l’envoyer à terre. Le blondinet fut complètement sonné sous le choc. Tout d’abord, de s’être fait envoyé au sol aussi sèchement. Ensuite, de se faire à moitié écraser par le saurien.

Dans un sens, c'était tant mieux pour lui. Il était trop engourdi pour sentir quoi que ce soit. C'est à peine s'il entendit le cri d'appel à l'aide que poussa sa compagne. Tout ce qu'il perçut, c'était la forte odeur de sel qui imprégnait l'animal. Ca, et les deux énormes rangées de dents qui se repositionnaient tranquillement pour essayer de le mâchouiller un peu.




*Point culture : apparemment, le cri du crocodile s’appelle le lamentement, le pleur et le vagissement. Aussi, les crocodiles cavernicoles oranges du Gabon semblent exister. Awesome.

Et enfin, comme j'me suis bien amusé, petit bonus à la noix pour ceux qui aiment :




Spoiler:


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Ven 17 Jan 2014 - 13:06, édité 1 fois
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Lorsqu’elle vit son partenaire se faire attraper par le crocodile, Haylor arrêta rapidement de courir. L’espace d’un instant, elle se tourna dans sa direction, mais… non, c’était ridicule et parfaitement inutile. Elle ne pouvait rien faire. Elle se mettrait en danger, et le reptile se chargerait d’elle aussitôt Dogaku assez handicapé pour ne pas pouvoir fuir. Ce qui se résumait à un coup de gueule, qui pouvait aussi bien lui broyer une jambe que le crâne.

Et que pouvait-elle faire ? Jeter des choses sur le saurien pour attirer son attention ? Ca ne marchait que dans les films livres, voyons. Et puis, se faire prendre en chasse par un crocodile capable de courir plus vite qu’un humain, ce qui ne devait normalement pas être le cas, n’avait rien d’une solution acceptable aux yeux d’Evangeline.

Elle n’avait rien à lui jeter dessus, de toute manière.

Au final, complètement impuissante, elle se remit à crier à l’aide, espérant qu’il y aurait bien quelqu’un dans ce fichu village pour pouvoir les aider. Il n’aurait fallu qu’une poignée de secondes pour que l’animal mette prématurément fin à l’existence de Dogaku, mais c’était tout ce qu’elle pouvait faire pour lui.

Avec beaucoup de chance, ils interviendraient quand l’ancien milicien serait seulement réduit à l’état de charpie ensanglantée, broyée, démembrée, mais toujours vivante…

Peut être.

Méthodiquement, l’animal se replaça pour faire face au flanc gauche de Dogaku, allongé ventre à terre. En prenant tout son temps, il ouvrit sa gueule béante, hérissée de crocs meurtriers, et commença à chatouiller les flancs de sa victime du bout de ses canines.

-Haaaaa !, cria-t-il.

Chatouiller.

-Nooon, nooooon !

Dans le sens, véritablement chatouiller.

-Haaaarahahahahaha, pas ça, pas ici, rhaaarharharhar ! Nonnononon rhahaha c’est juste trop haha pas ça pas ça hahaha pitié tout sauf ça haha !

Sigurd fut prit de violentes convulsions, et remua de toutes ses forces pour échapper à l’étreinte -normalement fatale- du crocodile. Il lutta ainsi pendant une bonne vingtaine de secondes. A force d’efforts, il parvint à attraper la gueule de la bête, et à l’ouvrir sans trop de mal. L’animal ne livra qu’une opposition minimale. Il laissa sa proie respirer une bonne dizaine de secondes, et ramper, ou plutôt rouler sur quelques mètres en essayant de s’échapper.

Puis, dans un soubresaut de grondements hachés qui devaient tenir du ricanement, le crocodile se jeta à nouveau sur son nouveau partenaire de jeu, peut être avec l’intention de le faire mourir de rire.

-Hahahahaha arrête non pas d’jeu hahaha pas le nombril pas ça haha quelqu’un à l’aide venez m’aider !

Tout ça sous les yeux médusés d’Haylor, qui ne s’était pas encore remise du choc horrifiant de la poursuite et qui venait de vivre l’une des pires peur paniques de son existence. Jusqu’à ce que cet abruti fini de Dogaku se mette à exploser de rire, et que la jeune femme se froisse douloureusement le cerveau en essayant de comprendre et d’accepter ce qui se passait.

Maintenant encore, elle n’avait pas la moindre envie de réagir. Le regard vide, elle les regarda faire, silencieuse.

-Haylor à l’aide hahaha pitié à l’aide hahahaha sortez moi de haha là hahaha je peux pas hahaha ça va vraiment hahahaha pas me l’ hahah lacher ce truc haha…

Et finalement, elle décida d’abandonner son compagnon à son triste sort. Il n’avait qu’à pas lui faire aussi peur, d’abord. Ni trouver le moyen de se faire attaquer par un crocodile chatouilleur alors qu’ils avaient débarqué il y a moins d’une heure. C’était n’importe quoi.

N’importe quoi.

Un point qui attira justement son attention.

Un crocodile chatouilleur ? Elle avait maintenant envie d’en savoir plus à ce sujet. Jusque là, elle avait bien entendu des récits abracadabrants sur ce qui pouvait se passer d’étrange dans d’autres contrées, mais ceux-ci étaient généralement attribués à des îles situées sur la grande voie. Et ces balivernes sortaient généralement de la bouche de marins qui avaient bu beaucoup trop d’alcool pour être en état de raconter des choses censées.

C’était comme ces histoires d’hommes-poissons. Ou de géants. Ca ne pouvait décemment pas exister. Si jamais quelqu’un avait l’idée de lui parler de pouvoirs magiques tels que cracher du feu, elle répondrait qu’elle préférait plutôt les voyages temporels.

Et à coté de ça, des crocodiles joueurs… non. Juste, non.

-Hahahaylor venez vite et calmez le je vais pas hahahaha…

La miss se retourna, présentant son dos à l’imbécile pour continuer à réfléchir tranquillement. Les jérémiades de l’autre se firent plus insistantes, mais elle ne s’en soucia guère. Elle venait de trouver plus intéressant, à l’instant.

En face d’elle, il y avait une petite figure bleue qui avançait dans leur direction. Une frimousse claire, agrémentée d’un nuage de tâches de rousseur, avec quelques mèches brunes qui s’échappaient d’un bonnet azur. La couleur était assortie à la salopette bleue que portait l’enfant.

Car c’était bien un enfant d’une dizaine d’année qui venait à leur rencontre. Et c’était ce même enfant qui criait à l’animal de s’arrêter de jouer.

-Rex, lâche le ! LACHE LE J’AI DIS ! Méchant Rex, je te dis de… euh… bonjour mada… bonjour madame ?

L’enfant sentit le regard ardent de la jeune femme se poser sur lui, avec l’étrange impression que chaque cellule de son corps était étudiée, évaluée et soupesée au microscope. Une sensation assez désagréable pour qu’il se taise aussitôt, et attende bien sagement qu’elle en finisse avec lui.

Après quelques instants, elle parla enfin.

-Rex. Ce crocodile s’appelle Rex. Et il t’appartient. C’est bien cela ?
-Oui madame. Euh… je veux dire, oui Madame.

Une majuscule. Oui. Mieux valait prononcer les majuscules, pensa le garçon. Elle n’avait pas l’air commode, cette adulte. Pas commode du tout.

-Ce crocodile t’appartient, répéta lentement Haylor. Et en plus, tu penses pouvoir le faire obéir. Et il s’appelle… hum… il s’appelle Rex. Evidemment. Tout est vrai ?
-Ou… oui. Madame.
-Montre-moi ça, ordonna-t-elle tranquillement.

Très lentement, avec l’impression qu’il serait privé de dessert comme punition jusqu’à la fin de ses jours s’il commettait le moindre impair, le jeune garçon s’approcha des deux autres. Dogaku et le crocodile étaient maintenant tous deux allongés sur le dos, les membres partiellement enchevêtrés, et en train de reprendre bruyamment leur souffle, comme deux enfants qui auraient trop joué à se chamailler.

Mais à l’approche du garçon, le gros reptile abandonna immédiatement son nouvel ami. Il n’avait fallu que quelques mots pour le faire obéir.

Tout ça sous les yeux médusés d’Haylor, qui ne remarqua même pas la répétition. Avec une énergie considérable, elle essaya de se persuader que le spectacle auquel elle assistait était réel.

-Et donc… tu as réussi.
-…
-Je veux dire, le crocodile t’a vraiment obéi.
-Oui… euh. C’est parce que je l’ai appelé par son prénom, Madame. Il obéit toujours, quand je fais ça.
-Il obéit toujours quand… hi hi hi, oui. Suis-je bête. Il obéit toujours quand on l’appelle. Par son prénom. Rex. Bien sûr. Hihihi. Hi hi hi hihi. Et me voilà qui devient folle, en plus. Merveilleux.

Outre son petit rire nerveux, la miss commençait à parler toute seule, d’une voix étonnamment douce. Comme sous le coup d’une énorme migraine, elle ferma les yeux et porta ses deux mains à sa bouche, en laissant échapper plusieurs marmonnements inaudibles. Un comportement étrange qui inquiéta le petit. Il eut l’impression d’avoir fait quelque chose de mal, de très mal même, mais ne savait absolument pas quoi.

-Euh… vous allez bien, Madame ?
-Si je vais bien ? Hihihi, drôle de question. Si je vais bien ? Hi hi. Non. Je crois bien que non, absolument pas. Je veux dire, je viens d’arriver dans ce village. Là, maintenant, tout de suite. A l’instant. Tout devrait être normal. Je m’attendais à un simple voyage et à une arrivée sans encombre. Et pourtant. Est-ce que tu peux m’expliquer comment quelque chose d’aussi absurde qu’un crocodile chatouilleur, qui saute sur un homme pour le plaquer au sol, ce qui n’est pas du tout un comportement naturel pour un crocodile, et que je ne comprends pas que… ma phrase ne veut plus rien dire, bien sûr… hihi. Un crocodile qui s’amuse subitement à chatouiller les flancs de sa victime, et qui le fait en se servant de ses dents, en plus. Assez délicatement pour ne pas le blesser. Et cela vient d’avoir lieu en pleine ville, dans une ville à priori déserte où le premier signe de vie que l’on rencontre, c’est juste ce genre de crocodile ? Vous travaillez sûrement dans un cirque, tous les deux ?
-Euh… non mad… Madame…
-Alors explique moi ça !, aboya furieusement la miss.

Lorsqu’elle se planta subitement devant lui en criant, le môme prit peur et fondit en larmes. Pendant une bonne vingtaine de secondes, Haylor ne fit pas un geste vers lui.

Et ensuite…

-Qu’est ce que c’est que ce bazar ? VOUS ! QU’EST-CE QUE VOUS LUI AVEZ FAIT ?

Visiblement attiré par les pleurs de l’enfant, un homme, ou plutôt une véritable force de la nature, émergea d’un carrefour et se joint à eux. L’armoire à glace était, comme l’enfant, elle aussi vêtue d’une grande salopette bleue. Le trentenaire avait la même chevelure brune que le petit, à ceci prêt que la sienne commençait à se dégarnir sur le haut du crâne. Combiné au reste de ses cheveux, il donnait l’impression d’avoir un nid d’oiseau posé sur la tête.

A ceux qui lui en faisaient la remarque, il précisait qu’il s’agissait d’un nid d’autruche, étrangement.

-Ah, bien. Vous êtes son père, j’imagine ?
-OUI, tempêta l’autre.

Il donna vaguement l’impression qu’il allait attaquer la jeune femme, mais n’en fit rien. Il souleva son fils d’une main, constata qu’il n’avait rien, et seulement alors s’intéressa à Haylor.

-Alors dans ce cas, je vous signale, Monsieur, que votre fils élève des crocodiles et les promène en pleine ville tout en étant incapable de les tenir en laisse.
-Et alors ?

La miss s’interrompit, espérant qu’on allait lui fournir une explication. Voyant que ça n’était pas le cas, elle reprit.

-Et… c’est normal, par ici ?
-Bien sûr, que ça l’est. Les crocodiles de cette île sont inoffensifs, ma petite dame. Quoi, vous avez juste eu peur ?
-Juste eu… vous êtes fou ? Nous avons été attaqués par ce monstre !
-Que dalle.
-Ah oui ?
-Yeah.

D’un geste de la tête, Haylor lui présenta Sigurd, encore à plat ventre par terre. Il avait tellement ri que même maintenant, il avait du mal à s’arrêter.

-Et est-ce que mon compagnon a l’air d’être en bonne santé ?
-Greubleuhareuh… hahahaha… val au crane… hahaha…
-Mmmmh... en effet, concéda l’énorme bonhomme.
-V’peux revourver ve voucher ?
-Alors ?
-C’est Rex qui a fait ça ?, demanda le bonhomme à son fils.

Le petit se contenta de renifler bruyamment en remuant sa tête. Ce qui pouvait aussi bien dire oui que non.

-Vous croyez que je vous invente une histoire ?, s’énerva Haylor.
-Hey, calmez-vous, petite dame.
-Ne m’appelez pas petite dame.
-Alors rangez vos gros sabots dans vos boîtes à chaussure. Vous ne voulez pas avoir d’ennuis avec moi, je vous le garanti.
-Ah oui ?
-Oh que oui, gronda le bonhomme.
-Vous croyez me faire peur ?
-Mais j’espère bien, espèce de…

Tout ça aurait pu s’envenimer assez loin, en fait. Personne ici n’était particulièrement porté sur la diplomatie. Ni sur la violence, heureusement.

Encore que, en matière de diplomatie, quelqu’un se décida à intervenir.

-Non, non, non. Il n’a pas attaqué. Les crocodiles de cette île n’attaquent pas les humains. Ils sont très dociles, en fait. Par contre, j’m’attendais pas à ce qu’ils soient aussi brutaux quand ils ont envie de jouer… mal aux côtes…

L’expression courroucée d’Haylor se liquéfia instantanément. Ces dernières explications, ça n’était pas le grand colosse qui les avait données. Ni son fils, trop occupé à se calmer.

Celui qui venait de dire ça, c’était…

-Capitaine Sigurd Dogaku. Vous saviez que… hhhhhhhhh…, souffla-t-elle. Vous saviez. Vous saviez quoi !?
-Absolument rien du tout, se rétracta aussitôt l’autre. Woups. Je n’ai rien dis du tout, je ne savais rien de rien, et…
-Quand avez-vous appris ça ?
-Jamais. Vous n'avez rien entendu, et...
-Comment !?
-Le marin avec qui on avait parlé, sur le bateau, quand on lui a dit qu’on était des touristes en vacances… il m’a rapidement parlé de l’île. Et des crocos.
-Et pourquoi ne m’avoir rien dit ?
-Beuh… vous n’avez pas demandé ?
-Hihihi, sûrement, oui, s’étrangla Haylor. Parce que j’étais censée vous demander si les crocodiles de cette île avaient des caractéristiques particulières ? Comme, je ne sais pas, moi… jouer avec les humains, peut être !?
-Bin ouais, mais je peux aussi vous retourner le problème, là. « Dîtes, Haylor, à ce qu’il parait, les crocodiles de Bedrock sont méga sympas, vachement joueurs, et en plus, ils adorent qu’on les gratouille au niveau du cou. » Déjà que j’y croyais pas vraiment, mais si je vous en avais parlé, vous m’auriez regardé comme si j’étais le plus grand des imbéciles de la planète et… oui, exactement comme ça, là maintenant.

Un peu inquiet, un peu amusé, Sigurd vit sa compagne ouvrir la bouche, hésitante, et finalement décider de tout abandonner. Elle les quitta sans un mot pour aller s’installer sur un tas de caisses, confuse et contrariée.

Voyant qu’elle aurait besoin de temps pour se remettre, Sigurd décida d’en profiter pour calmer le jeu avec les deux locaux. Et peut être bavarder un peu. Pas forcément pour en apprendre plus sur l’île, mais surtout, parce qu’il ne valait mieux pas qu’ils se mettent la population à dos dès le premier jour.


Ouh que j'ai pondu un truc débile, sur ce coup. En espérant que ça soit pas trop exaspérant à lire, mais j'me suis méga bien éclaté à rédiger. Promis, le prochain RP volera pas bien haut, mais ça devrait devenir beaucoup plus rigolo à partir de celui d'après.


Spoiler:


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Ven 17 Jan 2014 - 13:09, édité 2 fois
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Une demi-heure plus tard, nos deux compagnons se présentèrent face à la petite mairie du village. Pourquoi pas devant l’hôtel ? Tout simplement parce que Bedrock était un tel trou perdu qu’il n’y avait pratiquement jamais de visiteurs. L’auberge était toujours fermée, ses clés revenant à la mairie pour servir à l’occasion.

C’était vraiment un petit village paisible. Il y a certains à qui cela plaisait énormément.

Et d’autres, comme l’hôtesse d’accueil qui végétait derrière son comptoir, qui ne le supportaient pas. Une blonde aux yeux bleus, avachie sur son petit bureau, bras repliés sous sa tête, et qui donnait l’air d’écouter le temps qui passe en maudissant son statut.

-Weeee, s’exclama-t-elle mollement. De la visite. Premier truc de la journée, j’vais pouvoir m’occuper trois minutes. Joie. Joie.
-Euh… bonjour ?
-Plutôt bof que bon, le jour. Franchement. M’enfin, bref. Vous êtes?

Dogaku manqua de donner la mauvaise réponse. Des chasseurs de trésor ? Le titre sonnait bien, mais attirait beaucoup trop l’attention. Pour ça, Sigurd et Evangeline avaient élaboré un petit scénario, un peu compliqué, mais rattaché à suffisamment d’éléments réels pour que même le blondinet soit capable de l’affirmer sans mentir : ils étaient des collègues en vacances, tout simplement.

Ce qui, pour l’hôtesse, se transcrivait en…

-Des touristes? Ici ?

Sigurd jeta un regard inquiet à sa collègue. Mais celle-ci, encore contrariée par leur précédente rencontre, avait décidé de ne plus rien faire pour un bon bout de temps. Elle détourna le regard et fit mine de s’intéresser à la conception des lieux, parfaitement banale.

La jeune femme qui lui faisait face, au contraire, reprenait vie comme une pile électrique que l’on sortait du chargeur. D’un geste, elle arrangea ses cheveux crépus, se redressa vigoureusement, et les regarda avec des pépites d’or plein les yeux.

-Attendezttendezttendez. Vous avez bien dis que vous êtes... des touristes??
-Bin… ouais.
-Vous ? Touristes ? Ici ?
-Ben euh… ouais ?
-Chez nous, alors qu’on a jamais rien ?
-Haylor, dîtes lui, s’il vous plait.
-…

-Weeehuhuhuhihihi, jubila la blonde.

Sigurd commença à s’inquiéter. Si l’on doutait déjà de son mensonge, il ne tarderait pas à s’enliser dans un discours crapoteux. Entre cette femme qui insistait lourdement et Haylor qui refusait d’ouvrir la bouche, il se sentait mal.

Alors qu’il s’apprêtait à bredouiller maladroitement ses explications, l’autre reprit.

-Kyaaaaaaah! SÉRIEUX? Madame, Monsieur, ça doit être le ciel qui vous envoie! Remplissez moi ces formulaires et on va pouvoir partir sur...  rhooo pis nan, zut, au diable les formulaires. Asseyez-vous et racontez-moi tout. Attendez, j’arrive !

Et sur ce, l’hôtesse enjamba le comptoir, pourtant trop haut pour elle, et se dirigea vers un ensemble de chaises en se frottant les mains. Dogaku se laissa docilement faire lorsqu’elle le força gentiment à s’asseoir face à elle, en pressant sur ses épaules. Haylor, pour sa part, examina d’un air réprobateur la blonde, son short trop court, son débardeur trop fin, et son manque de manières flagrant. Elle suivi pourtant le mouvement sans lever d’objection.

-Vous êtes ici pour combien de temps? En vacances? Vous comptez faire quoi? Vous vous plaisez bien ? Et votre voyage, alors, ç’a donné quoi? Vous savez où vous installer? C'est marrant, vous êtes le premier couple de touristes qu'on voit depuis des années lumières et en plus... mweeeehihihihuhu, attendez que monsieur le maire l'apprenne, il en reviendra pas... des touristes, des vrais, ici? Un rêve, d’enfer ! Vous vous plaisez bien, ici? Qu'est ce qui vous a décidé? Oh, non, dites moi plutôt comment vous avez fait pour apprendre que notre île existe? Allez, répondez, répondez !

Surpassé par la vague de questions, Dogaku détailla un peu plus son histoire. C’était lui qui l’avait inventée, en plus. Haylor et lui travaillaient en étroite collaboration sur un navire de la marine marchande, et faisaient tous les deux de l’excellent travail. Oui, même lui. Peu importe ce que disaient les mauvaises langues. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. A ceci près qu’ils ne se supportaient pas, ce qui engendrait souvent des situations délicates. Leur mauvais ménage devenait parfois invivable, au point tel que leur patron les avait obligé à prendre des vacances ensemble, en choisissant une île au hasard sur une carte de North Blue. Ils avaient pour ordre de ne pas revenir avant de mieux s'entendre.

L’histoire était invraisemblable, avait objecté Haylor. Et donc, tout à fait crédible, avec souligné l’autre. D’autant plus qu’elle était complètement de la trempe de ce que pouvait pratiquer Althias de Mistoltin, l’ancien employeur de Sigurd.

Et en fait, tout ça était sérieusement proche de la vérité. A ceci près que personne ne les avait forcé à prendre des vacances ensemble, bien sûr. Mais que plusieurs individus, tant parmi leurs matelots que chez leurs supérieurs, avaient doucement milité pour un rapprochement et une bonne entente entre les deux officiers. Avec un succès tout relatif. Oui, elle n’essayait plus de miner méthodiquement son quotidien au moindre impair, tandis qu’il avait fait des efforts pour se comporter en tant que vrai capitaine. Mais ça n’allait guère plus loin.

-Votre boss qui vous force à passer du temps ensemble ? En vacances ? Mweeeehihihihuhu, c’est trop marrant, ça ! Enfin, je veux dire… wooouh. Calme, calme. Excusez mon excitation, mais... en fait, j'ai toujours dit que développer le tourisme à Bedrock serait une bénédiction pour le village, mais il n'a jamais voulu tester. Le maire, je parle. C'est dingue, pourtant. On a un superbe paysage diversifié, des crocodiles qui comptent parmi les plus cool des Blues, une populace d'enfer et tout ce qu'il trouve à faire, c'est laisser des gros bras blindés d'argent ouvrir une mine et inviter des pirates dans la foulée. Pfff. Tu parles d'un blaireau. La moitié du village regrette déjà le bon vieux temps où on était peinards, et pourtant, le bon vieux temps, c'était y'a moins d'un an ! Depuis qu'ils ont ouvert ce truc, on se tape des nuées de types qui... enfin, je veux que bon, vous savez, les personnes qui acceptent de travailler dans la mine, c'est parce qu'ils n'ont pas le choix, hein. Rien que l'autre jour, y'a un mois, on a eu une bande de types franchement, franchement, fraaaaanchement... suspects. Moi je vous dis, je suis absolument certaine que c'était des pirates. Pas des gros, pas des méchants, mais... ça se sent. Des personnes qui n'ont rien d'autre que leurs muscles pour gagner leur vie.

Sigurd se contenta de hocher la tête. De croiser les bras. De sourire en ayant l’air intelligent quand on lui demandait son avis. De continuer d’écouter, aussi. C’était dur de ne pas perdre le fil de ce que la pipelette d’en face lui assénait. Elle parlait beaucoup, et son discours était très instructif quant à la situation de l’île, en fait. Mais tout ça allait beaucoup, beaucoup trop vite.

Quand elle commença à leur dresser un programme des activités possibles, il se sentit rudement mis à l’épreuve. Ils n’étaient pas du tout venus pour ça, après tout. Au point tel qu’Haylor commença à se perdre dans la contemplation de ses ongles, complètement désintéressée des parcours et visites qu’on leur suggérait.

Pourtant, il y avait aussi des choses utiles à apprendre. Pour trouver le trésor, notamment. D’après la carte, celui-ci n’était pas enterré directement sur Bedrock, mais sur un îlot, non loin d’ici. Pour l’atteindre, ils auraient besoin à la fois d’informations, et de matériel.

-Et aussi... quelqu'un nous a parlé de petites îles à visiter, dans le coin, essaya Sigurd. Elles seraient accessibles à partir d'une barque, sans trop de problème. Vous sauriez nous en dire plus?
-Gnuh ? Je ne vois pas de quoi... attendez... les Récifs du Démon ?
-Ca doit être ça… peut être. Les îlots au nord de l’île. Pourquoi les Récifs du Démon, au fait ?
-Juste pour avoir un nom qui accroche, vous inquiétez pas.
Ouiiii, excellente idée. À rajouter dans le programme des excursions, ça. Whohoho ! Pourquoi j'y ai pas pensé plus tôt ? Et vous, comment en avez vous entendu parler, d’abord ?
-Un des marins qui nous a amené ici, mentit Sigurd en sifflant. Il a voulu sympathiser, nous avons échangé quelques mots, et rapidement parlé de nos vacances. Il nous a fait cette proposition dans la foulée.
-Wohohoho, génial, génial. Il vous a fait d'autres suggestions?
-Mmmh... quelques-unes, oui.
-Exemples, exemples! Toutes les bonnes idées sont bonnes à prendre.
-…
-Alors?
-Eh bien... il nous a parlé de... je ne sais pas, moi ?
-Allez, un effort !
-Euh… Haylor ?
-Sûrement pas. Débrouillez vous.
-Aw.
Eh bien, par exemple… euh… il nous a suggéré… sur l’île… ah ! D'essayer de la plongée sous marine, voilà, inventa Sigurd. Au moins avec des palmes et des tubas, si vous n'avez pas plus de matériel.
-De la plongée?
-De la plongée?, s’inquiéta Haylor à voix basse.

Evangeline se souvint de ce que Sigurd, ainsi que Rodion, le colosse de tout à l’heure, lui avaient rapidement expliqué. L’île de Bedrock, ses bayous marécageux comme en Louisiane, et ses mers foisonnantes de poissons gras et paresseux, étaient un environnement idéal pour la colonie de crocodiles marins qui vivaient ici.

Crocodiles qui infestaient les marécages de l’île, ainsi que les mers qui l’entouraient. On pouvait même les croiser dans la forêt. Ou en pleine ville, comme nos compagnons l’avaient découvert. A ceci près de Rex était un crocodile domestique, bien sûr.

Bien sûr, rumina Haylor.

Tout ce qu’il y avait à retenir, c’est que la proposition de Sigurd était une très mauvaise idée, en plus d’un mensonge ridiculement mauvais.

Ou plutôt, qu’elle aurait du l’être. Mais tout le monde n’était pas de cet avis.

L’hôtesse d’accueil, et aspirante guide touristique, donnait à nouveau l’impression d’avoir touché du pain béni.

-Bwaaaaaahaha ! DE LA PLONGEE ! Ha ha ha ! YES ! YES ! AVEC CA, ON TIENT NOTRE SUJET ! De la plongée sous marine, dans des eaux remplies de crocodiles dociles et joueurs. Une attraction unique en son genre, et disponible seulement ici, à Bedrock ! Ooooooh bon sang, on tient une mine d’or, là. Carrément ! Et avec nos crocos, on pourrait carrément…

La blonde réfléchissait à toute vitesse, seule dans son monde. Un instant de répit dont profita la lugubre Haylor pour cracher du venin sur son partenaire, à voix basse.

-J’imagine que vous étiez obligé de lui parler de plongée, bien sûr ?
-Bin j’avais pas d’idées…
-Et maintenant, vous venez de nous engager pour une baignade avec ces monstres ?
-Oups... harhar. Ca pourrait être marrant, remarque.
-Imbécile…
-Eh, ça va, hein. Je vous ai demandé des idées, j’vous signale. Et vous avez préféré bouder comme une môme.
-Bouder !?
-…
-Humph. Très bien. Débrouillez vous.

L’ex-commissaire de la milice releva le nez, méprisante, et s’en retourna à son mutisme. Peu après, l’autre jeune femme se réintéressa à eux en croisant les mains, joviale.

-Euh… je verrais pour tout ça, ouais. Y’a plein de bons trucs possibles, ici. Pour le moment, j’imagine que vous voulez vous reposer, non ? J’vais vous faire préparer des chambres rapido. Une double, j’imagine ?
-Sûrement pas.
-Vaut mieux pas, nan, renchérit Sigurd. J’ai pas spécialement envie de me faire poignarder dans mon sommeil, merci.
-Rhooo ? Bizarre. Si vous voulez.

Sur ce, elle se leva subitement pour s’en retourner à son comptoir. D’un autre bond agile, elle passa de l’autre coté, et commença à gribouiller énergiquement sur ses formulaires. Sans arrêter de parler.

Une bonne minute s’écoula. Et enfin, alors qu’elle achevait de les noyer en recommandations inutiles…

-Et surtout, n’oubliez pas. Quoi que vous fassiez, si on vous pose des questions, si on vous embête, ou si on vous demande d’où vous venez, dîtes que c’est Myloxidia qui vous envoie.
-Myloxi… ?
-Moi. Mon prénom. C’est joli, hein ?

Original, pensa-t-il d’abord. Ca lui laissait un arrière goût musical, aussi. Et ça sonnait pas mal. Finalement, il lui répondit avec un grand sourire.

Et une dizaine de minutes plus tard, alors qu’elle accompagnait jusqu’à l’hôtel…

-Et… pour les îlots ?, demanda peu subtilement Sigurd.
-Pour les Récifs du Démon, il vous faudra une barque, oui. Ou un pédalo. Ou… aucune idée. Je dois pouvoir vous arranger ça. Si je demande à quelqu’un, y’en aura bien un pour nous le prêter. Vous êtes les premiers touristes qu'on a depuis... depuis des lustres. Franchement, je vous le dis, tout le monde sera méga content de vous avoir. Vu comment ça se passe avec la mine... j’vais pas aller jusqu’à dire que les gens comme vous représentez l'espoir, mais ça serait cool qu’on fasse quelque chose comme ça. Je veux dire, ces crétins, ils commencent avec une mine, ils construisent des habitations pour grossir notre village, et après, quoi ? Ils ont déjà eu des emmerdes avec les crocos. Et ils ont essayé de les chasser de là en utilisant des fusils. Là, même le maire a pas laissé faire. Mais quand même. Si ça continue comme ça, je sais pas ce que ça va donner. On devrait les fichtre hors de l’île, moi j’dis. Et puis d’abord… blablablablablabla…

Cette fois, c’en était trop. Même Sigurd ne parvint plus à la suivre. Pendant quelques très longues minutes, la dénommée Myloxidia continua sa palabre, sans que Dogaku ne puisse en retenir que des bribes espacées. Il remarqua qu’Haylor était maintenant en grande contemplation des motifs de sa propre robe, et lui-même eu du mal à en détacher le regard. C’est dire à quel point il s’égarait.

-Ah, j'ai une idée!, s’exclama subitement la blonde. Tous les vendredis soir, on organise une fête du village. Ça vous dirait d'y participer? Naaan, attendez, vous êtes des touristes, vous DEVEZ y participer. Et on va se démener pour... mweeeehihihihuhu, ça sera excellent. Vous verrez, y’aura à manger, à boire, des jeux, de la musique, de la danse, et même des combats !



Une fête ? Pourquoi pas.


A nouveau, Sigurd se contenta de hocher la tête, passivement.


Il n’avait pas la moindre idée de ce à quoi il s’engageait par ce simple geste.


Et encore moins de la formidable capacité qu’il développerait…


Au cours d’une simple soirée.










Dernière édition par Sigurd Dogaku le Ven 17 Jan 2014 - 13:11, édité 2 fois
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