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La mort d'un homme.

Un gars comme un autre, avec la même coupe que les autres, le même air las du gars qui ne fait ce qu'il fait que parce qu'il doit le faire. Le genre d'homme qui ne se reveille le matin que parce qu'il y a un crédit à payer et une baraque à finir. A peine s'il me regarde lorsqu'il se met à déblatérer.

-Vous voyez, c'est un convoi important. Et avec les soucis sur Jaya, on a besoin d'un peu de sécurité.
Votre job c'est de faire en sorte que la marchandise arrive à bon port. Vous montez dans le bateau. Vous faites la traversée, vous descendez du bateau. Comme vous voyez, rien de compliqué.

-Combien ?

-300 mille berrys. Vous voyez, on se moque pas de vous,  et c'est sans compté si vous arrêtez des têtes primées.

Il aurait presque envie que je le crois. Mais moi, je le sais, qu'il trouvera personne d'autre pour ce voyage. Qu'aucun chasseur n'oserait aller se jeter dans la gueule du loup pour ce prix là.

-Ce sera 5.
-500 mille ?
-5 millions.

Il déglutie, le temps de voir s'afficher dans son crane le nombre de zéros demandés, de comprendre combien de journées de son salaire ça représente, combien il va se faire tuer par son patron pour pas avoir mieux manier sa barque.

-2 millions, et c'est déjà énorme.
-5.
-Mais c'est énorme, 5 millions ! Vous pouvez pas demander autant !
-Si. C'est 5 millions ou vous trouvez quelqu'un d'autre.
-Mais c'est pas Midas que je veux recruter, c'est un gars juste solide pour u n petit voyage !
-Midas voudrait pas de cette mission trop risquée, de toute façon.
_Mais si je vous donne 5 millions, j'peux pas embaucher d'autres gars pour la sécurité... J'peux pas embaucher de bon equipage pour s'occuper du navire.
-Je m'occuperai de la maintenance. Je suis menuisier. Et d'autres gars pour la sécurité ? Pff... J'me suffit.
-Mais... Mais …
-Mais, 5 millions.

Pauvre gars qui s'enfonce les mains dans les tifs, dépité. J'ai pas même besoin d'attendre sa réponse pour savoir que j'ai gagné et quand il se décide enfin à lever les yeux vers moi je suis parti depuis longtemps.


♫-♪-♫-♪-♪-♫


C'est une coque comme les autres, où les gars se donnent déjà à cœur joie pour remplir les cales d'un bon nombre de caisses de gnoles. Ils sont une dizaine à forcer le pas pour partir le plus tôt possible, presque pressés d'arriver en enfer. Héhé. Ils sont fous, ces gars, avec leurs gueules de vieux pirates, leurs corps abîmés par le temps et le travail. A peine une demi heure plus tard, la coque est prête et les voiles se montent pour décoller.

Le capitaine ? Une trentaine de printemps, une marinière qui lui colle à la peau, toute tachée de vin et d'huile. L'a une sale barbe toute grisée et j'pourrais le prendre pour un primé s'il n'avait pas le sourire aux lèvres. Héhé. Il me rappelle quelqu'un. Tout occupé qu'il est à maintenir le cap, il prend quand même le temps de se moquer, un peu.

-Tout seul pour la sécurité ? Tu dois être quelqu'un, toi ahah !
-Moi, je suis Mihai, et ça me suffit.

-Et bien, Mihai, t'as soit une sacrée paire de couille soit un grain en trop. Et peut être que je suis aussi fou que toi pour avoir accepté que tu sois mon ange gardien. Moi c'est Johny.

-Ah.

-Et là où on va, c'est l'enfer ahahah.

Peut être bien qu'il avait raison, en disant que c'était l'enfer, peut être bien qu'il n'avait pas tord, en disant que je suis fou. Mais je m'en care, comme de ma dernière dent, comme de tous ces gars qu'on cru pouvoir me tuer avant de finir avec au creux des yeux une de mes balles. Et ce drapeau noir, là, que je vois voler vers nous, et tous ces regards sur la coque qui se tournent vers moi pour me demander de l'aide, je m'en carre aussi.

Une sale bête, le pirate Stephen Torper, au vu du crâne. Une sale bête qui vaut ses 34 millions de berrys.

Venez que je vous dis. Venez finir au bout de mon canon. Deux jours que j'attends ce moment où le sang coulera. Deux jours que je vautre sur la bateau à ne rien faire d'autre qu’espérer un drapeau noir. Et te voilà, Stephen, te voilà comme le plus beau des cadeaux.
    Torpeur avise le bateau qui s'approche. Son sourire s'agrandit tandis que ses fiers pirates se préparent à canonner l'embarcation. Pour le principe, il vaut mieux redire les ordres.

    Explosez-moi la dunette ! Et faites tomber les mats de ce rafiot ! Je le veux sans moyen de partir et avec l'arrière aussi trouer que le tablier du coq !

    Il s'agirait pas de détruire la cargaison. Dire qu'il avait failli passer à côté d'une opération aussi juteuse. Des tonnes d'alcool pour un bar situé dans la partie sous contrôle de Manfred, c'est de l'alcool directement pour le gosier de leurs sbires. Eh bien non ! Ça sera de l'alcool pour les troupes du Seigneur d'Ivoire ! L'alcool motive les troupes tandis que son absence les rend moins efficaces. D'une pierre, deux coups. La commandante Elize sera très contente de cette prise qui ragaillardira les vrais pirates : les pirates du Seigneur d'Ivoire !

    Et puis, c'est une prise facile. Une taupe parmi les protecteurs de bateaux lui a vendu l'information comme quoi il n'y aurait qu'un seul type de taille à les arrêter. De taille ? Personne est de taille contre Vladimir Toreshky. Enfin, il n'est pas Vladimir, mais il est une extension de son bras.

    Mihai Moon ? Connait pas.

    Tandis que Torpeur se voit déjà offrir la cargaison à la commandante de Vladimir, les hommes se préparent. Les sabords sont relevés et les canons de huit sont sortis. Avant même d'arriver à porter, une première salve est tirée. Les boulets tombent autour du bateau sans faire de dégât. Mais déjà, une autre salve est prête. Et celle-ci fait davantage de dégât. Comme convenu, la dunette est copieusement bombardée tandis que le pont principal se fait balayer par des boulets passant en raz-mottes, cherchant à faire démâter le navire marchand.

    Capitaine ? Les consignes ?

    C'est qu'ils s'approchent. Une dernière bordée de tirs et c'est l'abordage.

    Pas de quartier ! Autorisation de tout piller, sauf la cargaison !

    Les cris de joie se font entendre et c'est le cœur avide de richesse que les premiers vétérans se balancent au bout des cordes d'abordages pour semer le chaos chez l'adversaire.
      Quand on a navigué sur toutes les mers à servir tous les partis pour quelques berrys, on a forcément appris à se servir d'une arme. Et je crois bien que cette leçon là, le Johny est bien content de l'avoir eu. Il a la goutte au tempes mais il continue à se marrer, se marrer et chailler en même temps tout en chargeant sa pétoire. C'est du lourd qui vient ; Des gars qu'en ont sûrement vu d'autres avant de tomber sur ma gueule.

      Il y a le bruit des canons qui explosent de partout et lui me gueule d'intervenir. Et les quelques autres gars restent là, cachés dans leur peur à tenir un flingue qu'ils ne savent pas pointer.

      -Merde les gars. Faut savoir tirer, bon Dieu.

      Je crois qu'ils n'entendent pas et de toute façon l'abordage est déjà donné sous le son des cris de guerre et des hurlements de peur. Alors je tire, sur le gus qu'a cru me poutrer en se lançant sur moi et je retire sur la ficelle d'un second qui tombe directement dans l'eau. Et je retire encore et encore et encore jusqu'à ne plus avoir de balle et être obligé de charger. Alors j'en profite pour écouter les rires du Johny qui sent sa fin venir et qui comprend que j'suis plus fou que porteur de grosses. Sauf qu'il a tord le Johny et c'est pas deux secondes qu'il me faut pour recharger et recommencer. Mais les racailles arrivent déjà et l'un d'eux se sent de venir me tailler avec son épée. Un pas sur le côté, deux, trois, et une balle dans le gueule.

      Au revoir l'ami.

      Je vois sa carcasse presque tomber mais qu'a pas le temps qu'elle se fait déjà prendre par mes bras. Un joli bouclier ça, contre les trois coups de feu qui volent vers ma gueule. C'est des vieux, ça, des gars qu'ont encore rien vu que l'horreur humaine ou peut être même qu'en ont trop vu et qui savent pas ce qu'est de se défendre pour la vraie vie et pas contre la mort. Ils sont trois à m'entourer avec leurs gueules de racaille. Il y a un grand dreadeux qu'a oublier sur les mers ce qu'était le coiffeur. Il y a un petit gros qu'a jamais du manquer de rien et puis il y a l'autre. Un gamin, qu'aurait pas plus d'une douzaine de printemps et qu'est pourtant déjà bardé de cicatrices. L'âge veut rien dire. Mais quand même...

      -Faut pas jouer au pirate quand on a pas les couilles.

      Il n'a pas aimé et ses copains non plus. Ils me sautent à la gueule, le gros se prend le mort dans le nez, le petit mes sabots et le grand mon canon. Je pensais pas ça possible mais à peine que je veux finir le gamin que le gros est déjà à vouloir me tailler le dos. A peine je sens sa présence que le coup de feu retentit. C'est Johny.

      -Merci Johny.

      Je me retourne vers lui. L'a toujours le sourire le bon Johny. Il me regarde avec ses grosses dents jaunis et son bec tout ouvert. Son flingue pointe toujours vers le cadavre du pirate et son torse, lui, se fait déchirer par la dague de Stephen.

      -Pauvre Johny, l'est mort comme l'était. Heureux.

      Les dix gars autour se marre. Mon équipage est mort, sauf un. Héhé. Con ça, hein. Ils étaient pas méchants les gars. Ils avaient rien fait d'autre que tomber sur ma connerie et sur la traîtrise d'un autre. Et eux là, cette racaille qui me nargue, ceux là même, avec leurs pétoirs de chargé sur ma gueule. Ceux là qui se disent que dans deux secondes je suis sur le sol baignant dans mon sang, ils ont peut être pas tord. Alors je mire le Stephen, je le mire et je lance un de mes pétoirs qui tombe à ses pieds.
        Stephen regarde l'arme sans comprendre. Avec ses deux sabres à la ceinture, il est clair que ce n'est pas un tireur d'élite. Ni même un tireur. Alors que ses hommes n'attendent qu'un geste pour faire la peau du dernier rescapé, le pirate s'abaisse et récupère l'arme. Il l'examine sous toutes les coutures avant d'afficher une grimace. Puis il se retourne et balance l'arme au loin, dans la mer. Il se retourne, le visage méchant, mais calculateur.

        On dirait que monsieur veut se battre. Van ! C'est pour toi !

        Le dénommé Van est un type façon fil de fer. Un tireur d'élite, lui, vu la dizaine de flingues qui pendent à sa ceinture qui tient par on ne sait quel miracle tellement il est mince comme un clou. Van te regarde et te jauge comme s'il cherchait à savoir si tu étais capable de tirer plus vite que lui, et avec davantage de précision.

        Lâche tes flingues.
        Quoi ?
        Vous allez faire ça à l'ancienne. Au corps à corps.
        Mais chef, je suis un tireur d'élite, je connais rien au corps à corps !

        Et là, le capitaine semble comme explosé, pris d'une passion dévorante qui l'oblige à gueuler.

        Quoi ? Mais c'est l'essence même des grands pirates, le combat au corps à corps ! Tout le monde fait ça ! C'est comme ça qu'on voit les grands pirates ! L'impératrice Enfant ! Le Malvoulant ! Le Seigneur d'Ivoire ! Tout le monde utilise ses poings ou des lames ! Regarde la nouvelle génération ! Arashibourei ! Taghel ! Callughan ! Sutero ! Ce ne sont pas des lopettes à vouloir se cacher derrière des flingues !
        Et Rimbau ?
        Rimbau ! RIMBAU ? Mais je l'emmerde Rimbau ! Il est rien sans des vrais mecs comme Taghel ou Reyson !
        T'as compris ?
        Ouiii Chef !

        Il te regarde, un sourire en coin.

        T'as un adversaire aussi expérimenté que toi. Je vais faire de toi un dur.
        Et si je perds ?
        Tu comptes vraiment perdre devant moi ?

        Une lueur maléfique brille dans ses yeux.

        Euh non, boss.

        Ouai …
        Moon, c'est ça ?
        Amuse-toi bien avec Van. Ta mort ne sera pas douloureuse si tu gagnes, alors vas-y à fond !
        Vous autres, une moitié ici avec moi. L'autre s'occupe de la cargaison. Au trot !
          7 balles. 7 balles qu'a la pétoire qui me sert de bras avant de devoir recharger. 7 balles pour m'en sortir vivant et jouer au moins bête.

          7 balles et autant de vies à prendre.

          Alors quand le Van se prépare à venir me frapper dessus avec ses poings, je me mare. Le pauvre n'a pas une partie du corps pleine de métal. L'a pas échappé à la mort fâce au commandant d'un Youkon. Non, ce pauvre gamin a juste voler trop haut pour lui. Et mon travail à moi, c'est de le ramener sur terre. Sous terre. Mon travail c'est de lui faire dévaler les étages qu'il a cru bon de monter, de les lui faire descendre plus vite qu'une bouteille de gnole par son pochard de capitaine.

          Il a peur, le Van, ça se voit. Il a les tempes dégoulinantes de se retrouver sans armes et c'est à peine s'il sait comment se mettre en garde. Moi, je tire ma clope. J'étire les muscles. Et je le mire venir vers moi. Autour les hommes jacquasses, se marrent de nous voir tous les deux se mirer en chien de faïence.

          -Allez Van, viens par là.

          Il fonce sur moi le poing en avant. Il attaque si vite que j'ai juste le temps de subir et c'est tout mon corps qui s'écrase sous la puissance. Héhé. Je m'étale sur le sol de tout mon long.

          Il y a les nuages haut dans le ciel qui me narguent. Il y a ma joue qui se rougit déjà sous le coup. Il a frappé fort le bougre et ça ne lui suffit pas. Il se met à genoux et me bourrine de coups. Ses poings s'écrasent sur ma gueule. Ses phalanges s'abiment sur ma peau. Il frappe, frappe et frappe encore comme si ça allait me tuer. Il déforme mes joues sous ses poings comme un acharné. Le douleur commence à monter mais je réagis pas. C'est le prix à payer d'avoir joué au fou. Et le pauvre qui s'acharne. Je vois son poings se relever. Il en peut plus de frapper. Je lui saisis son bras.

          -Kof kof kof, t'as de la force, Van.

          Et je le lui broie.

          -Mais pas assez.

          Pas assez fort. Non pas assez. Et plus je lui broie la main et plus il s'en rend compte et plus je sens les rires s'effacer pour laisser place à la peur. Et plus je le vois perdre le contrôle sur son membre et plus je vois les sourires se baisser vers le bas. Et quand il n'en peut plus, quand il pleure les larmes de son corps qui n'en a plus, ma paume se ferme sur son crâne. Et lance une vis.

          Il y a son corps sans vie qui s'effondre à côté. Il y a mon corps à moi plein de haine et de violence qui se relève et tous, autour. Tous, parce que pas un n'ose tourner le regard. Tous me mirent comme par peur. Il y a cette étincelle qui disparaît de leur prunelle au même moment qu'elle gagne les miennes. Et leur chef a beau continuer à rire, il ne le fera pas longtemps.

          Parce que quitte à mourir autant l'emmener avec moi là où on ne revient pas.

          Il se mare, me toise de tout son haut comme la belle blague de sa jolie journée. Ses jolies dents jaunis se montrent comme celles d'un singe qui montre les crocs. Mais cette fois je suis prêt. J'ai sept balles. 7 balles pour les premiers qu'oseront venir. Sept balles qu'attendent juste de semer leur lot de mort.
            Ils ont peur. C'est normal. Il ne s'attendait pas à ça. Un tireur d'élite, c'est fait pour balancer des bastos bien loin du combat. Et en voir un qui broie l'un de ses congénères, ça fait assez bizarre. Il y a une petite odeur de contre nature dans l'air. Ouais. Pour le commun des types sans noms et sans destin, ça inquiète. De son côté du ring où les cordes sont des hommes, Stephen regarde encore un peu Van, laissé à terre.

            Raaah... Van. Je savais bien que t'étais pas fait pour te faire de vieux os dans la piraterie...
            Z'avez compris les gars ? Les flingues, ça permet pas de rester en vie ! Que ça vous sert de leçon !


            Ils sont peu nombreux à approuver, fixant toujours le récalcitrant chasseur de primes. Ça irrite un tantinet le capitaine, mais il faut bien laisser son dernier moment de gloire à un cadavre en devenir.

            Moon, c'est toujours ça ?
            Je vais respecter ma promesse. Je vais te découper de sorte que tu seras mort avant même que tu ne te rendes compte que ta tête a fait sécession avec tes épaules.


            Ça rigole.

            Merci merci. Je l'ai préparé celle-là.

            Et alors qu'il paraît un instant plus tôt sur le ton de la rigolade, l'instant d'après, il est déjà sur toi, la lame tirée et son regard ne trahissant aucune pitié, aucun doute sur sa capacité à mettre à exécution ce qu'il vient de dire.
            Hélas, c'est sans compter d'autre trouble-fête. Un projectile venu du trois quarts arrière à tribord vient passer au travers de toute la dunette arrière du navire et il vient tracer sa course entre vous deux, empêchant le capitaine de mettre sa menace à exécution. C'est un pauvre malheureux qui perd la vie en un instant, transpercer par le gros calibre. L'instant d'après, c'est le chaos. D'autres projectiles viennent pulvériser les sabords tribord et transperçant d'autres matelots. Stephen saute de côté pour éviter un autre projectile et vient se pencher contre un sabord encore entier. Son visage surpris se transforme en rage.

            Rah ! C'est cette salope de Maraudeuse ! Elle et ses grosses armes ! Elle va nous démolir à cette distance !
            On peut rien faire chef ?
            Nan ! Faut qu'elle se ramène ! Transporter la cargaison, qu'on se casse !
            Ça veut dire que des Rimbau sont plus forts que des Reyson ?
            JE LES EMMERDE LES RIMBAU ! CREVURE DE TIREUR D'ELITE !

            En réponse, c'est un boulet qui vient arracher le mat d'artimon tandis qu'un autre projectile tout aussi exotique fait sauter toute la dunette arrière, déjà bien abîmé, dans une gerbe de feu.

            Les flingues, C'EST DE LA MERDE !

            Et derrière lui, il se rend compte que monsieur Moon n'est pas de cet avis. Ça l'ennuie profondément. Mais Fatalia Croquepierre est une ennemie beaucoup plus mortelle que cet inconnu. Et puis, c'est une sbire à Manfred alors que lui est un allié à l'Empereur d'Ivoire. Leur confrontation est toute naturelle. D'un bond, il saute sur son propre navire, suivi de ceux amenant le butin. Pour les retardataires, il sera trop tard. Le bateau n'attend pas.

            Et puis, il est clair comme de l'eau de roche que la Maraudeuse compte bien pulvériser le navire.
              La maraudeuse. Héhé. Un gonzesse qu'on aimerait pas voir. Une de celles qui fait pas bien de rencontrer et qui finit souvent par vous emmener là où vous ne voulez pas. Là ou l'on ne revient pas.

              Et pourtant, je l'attends, là. Je suis au milieu de la coque avec une clope qui se consume dans le bec. Ça fait du bien. C'est le calme après la tempête. Le Stephen s'est envolé. Parti comme un lache en prenant tout. L'est déjà à plus d'une centaine de mètres.

              Il y a les nuages dans le ciel qui me narguent. Il y a mes joues toutes déformées qui braillent leur douleur avec le sang qui coule et la gorge qui se brûle sous la fumée. Il y a tout ça et au milieu du ciel, un énorme boulet qui déchire les cotons blancs en direction de ma gueule.

              Sacrée gonzesse.

              Elle a de la force, et une volonté de tout détruire qui, je dois bien l'avouer, me ferait presque jalouser.

              Je lève mon énorme poing haut vers le projectile. Le coup part dans le fracas et c'est le ciel qui se colore de mille étoiles. Sauf que ça lui suffit pas, à la Maraudeuse, elle en redemande et c'est une volée de plus qui part encore vers ma gueule.

              Il y a les nuages qui me narguent. Il y a la côte, à plusieurs milles qui montre le bout de son nez sans jamais avoir paru plus loin. Il y a ma joue qui démange toujours autant et au milieu du ciel, une giclée de boulets qui déchire les cotons blancs en direction de ma coque.

              Je relève mon poing sans y croire. Je n'y crois pas. Je veux y croire mais je n'y arrive pas. Elle n'a pas pu faire ça. Elle n'a pas pu y mettre des boulets explosifs. Elle est pas si bête que ça. Je relève mon poing et je tire quand même pour faire éclater un boulet sur les cent.

              Sacrée gonzesse.

              La petite chance que j'avais n'est plus. Maintenant, il n'y a que les cents boules de mort qui se rapprochent de ma gueule et mon corps immobile qui me hurle d'voler. Sauf qu'voler, je ne sais pas, et je bouge bien mes bras, je saute bien en l'air, mais c'est pour atterrir dans l'eau et nager. Nager.

              Nager et renager.

              Je crispe mes muscles pour écouter les explosions de joies d'un bâteau qui n'en aura plus. Je sens mes joues qui brûlent sous le sel de mer qui s'y frotte au même moment que le bois de la coque craque et crâme de mille feux. Je bloque ma respiration sur les battement de mes jambes et mes bras. J'ouvre les yeux sur les profondeurs d'un monde plus noir que ma conscience, plus inconnu que le mal de mon cœur.

              J'ai perdu. J'ai échoué et j'ai fui. Comme un lâche.