Deux jours sont passés.
Deux jours à ne pas quitter cette chambre. Toujours pas. Deux jours à retenir dans les moindres détails les défauts des murs sans couleurs, sans âme. Deux jours pour réfléchir à ce que m'avait dit Otto Anderman. À penser à cette promesse. Vivre. Vivre sans contrainte. Ne pas penser à la marine. Ne pas penser au passé. Penser juste au futur. C'est ce qu'il aurait voulu. C'est ce que Pludbus aurait voulu. Oui. Et avec cette promesse comme ligne de conduite, ces deux jours m'ont apporté beaucoup de réflexion. Des rêves d'enfants endormis au plus profond de moi. Des visions de moi, plus âgé, occupé à d'autres métiers, parfois humbles, rarement dangereux. Mais toujours souriant. La promesse d'un avenir radieux. Un avenir de joie. C'est bien le point commun de tout ça.
Et pendant deux jours, c'était se donner les moyens d'accomplir les rêves que je choisirais d'avoir. Réapprendre à marcher. Lentement. Avant Otto et Lilou, je pensais que ça serait dur. Mais plus maintenant. Au soir du premier jour, je pouvais marcher. Le deuxième jour, je pouvais même trottiner. Ressentir le contact régulier de mes pieds contre la surface de bois, c'est une sensation que j'avais oubliée. Un temps. Pouvoir apprécier ce jeu d'équilibre, le pouvoir de l'être humain sachant gagner à ce jeu par des mouvements que l'on ne sait maitriser. Rire de sa propre ignorance. Redécouvrir un corps que l'on a abandonné, des décennies auparavant.
C'était une redécouverte et une promesse consumée d'un avenir certainement joyeux. L'excitation de l'enfant me gagnait. Les palpitations du cœur quant à un monde à explorer. Réussir dans la vie. Faire des rencontres et ne plus dépendre des autres. S’assumer comme on est. La pomme est petite, mais elle en appelle de plus grandes, de plus sucrés. Demain. Car les lendemains sont certainement mieux. Et lorsque les paupières se ferment, c'est avec cette certitude de se réveiller avec les nouvelles pommes, les nouvelles promesses qui ne demandent qu'à être croquées.
Et parfois, les lendemains sont bouleversants.
C'est d'abord un réveil dans la douceur d'un lit toujours aussi chaud. Les paupières closes, j'émerge en cherchant à nouveau le sommeil pour que continue cet instant. Encore. Et puis il y a petit courant d'air que je commence à ressentir sur mes lèvres et sur mon nez. C'est chaud. C'est faible. Et ce n'est pas continu. Il y a des pauses entre chaque arrivée d'air. Comme une respiration. C'est étrange, mais en même temps, je n'ai pas envie d'en savoir plus. Pas maintenant. Ma chambre est mon sanctuaire ou je suis en sécurité. Il ne peut rien m'arriver. Alors. J'en profite. Toujours les yeux fermés, je cherche une position encore plus confortable, comme si c'était possible. Ma jambe s'avance. Mon pied touche. Quelque chose C'est dur. Je remonte lentement le pied, mais l'objet est toujours là. C'est circulaire. Devant mon visage, le courant d'air chaud se fait plus long. Un instant.
Je reste immobile. Qu'est ce que ça pourrait être ? Qu'est ce que le destin aurait pu m'envoyer ? Et c'est alors que l'objet se décide à bouger. Il passe au-dessus mes jambes, comme s'il cherchait à m'attraper. Et ce n'est pas le pire. La main sous mon oreiller rentre en contact avec un autre objet. On dirait... une main.
Pluplu...
Alors j'ouvre les yeux.
Elle a les yeux clos et ces mèches tombent sur son visage serein. Son autre main est posée devant elle, entre nous deux. Je ne peux détacher les yeux de ce visage. Ni même bouger. Ni même crier. La surprise est si grande. Que fait une fille dans mon lit ? Qui est-elle ? Mais pas seulement. Ce qui domine, c'est autre chose. Une seule idée. Une idée qui s'est imposée et que je ne peux plus sacher de mon esprit. Ça me donne des couleurs. Je le sais. J'en rougis presque de penser cela, mais ça me fait si chaud au cœur.
Elle est si belle.
Elle semble vêtue d'un uniforme de la marine trop grande pour elle et taché à plusieurs endroits. Ça lui donne un aspect misérable, mais qui ne fait que rehausser ses traits et son charme naturel. Elle est comme une cendrillon que l'on aurait déposée là. Lui apportant le lit et la chaleur qu'elle a tant cherché. Je ne bouge toujours pas, de peur de la réveiller. Elle m'a jeté un charme sans rien faire. Prisonnier de mon corps, immobile, je ne peux que la contempler.
Pluplu...
Murmurée, sa voix est belle. Aussi. Et j'aurais pu ne pas faire le rapprochement. J'aurais pu m'abandonner dans ses mots, dans ses lèvres. Mais rares ont été les gens à m'appeler Pluplu. Rares. Et parmi la liste qui défile dans ma tête, il y'en a bien une. C'est alors que je la reconnais. Elle était plus âgée quand je l'ai vu, mais ces yeux, ce visage ; tout concorde. Et même que tout concorde avec des vieux souvenirs de Pludbus. Des souvenirs d'une époque très lointaine. Trop lointaine. Alors je m'approche doucement, presque timidement. Je pose ma main sur la sienne dans l'espoir de la réveiller en douceur. Mais elle continue de dormir. Et alors que mes doigts glissent sur les siens tandis que mon cœur bat la chamade, je glisse mes lèvres près de son oreille.
Mi... Milerva ?
Comme quoi, il ne suffit pas de baiser pour réveiller les princesses, car celle-ci ouvre les yeux, timidement. Une larme nait dans le creux de ses paupières tandis que la lumière vient agresser ses yeux. Un clignement pour la chasser, puis son regard qui vient se fixer sur moi. Et son sourire qui s'étire en masque de chaleur et de joie.
Pluplu ?
Et je ne peux que sourire. Comme pour lui donner raison. Sans comprendre le pourquoi, le comment, juste en remerciant l'instant présent. On se regarde, ainsi, souriant, sans comprendre. Juste pour ne pas se quitter des yeux. Et puis son regard finit par se baisser.
Plu ?
Et les miens se baissent aussi. Mes doigts se sont glissés entre les siens. Elle me regarde à nouveau, surprise. Et le rouge me monte instantanément aux joues. La gêne est énorme. Je retire ma main soudainement tandis que je bondis en arrière, retirant pour le coup toute la couverture, me retrouvant sur le bord du lit, en équilibre précaire. Et mes yeux sont attirés sans le faire exprès vers ces jambes ainsi révélées. Mais un détail m'interpelle. Il me crie dans les oreilles. Le vêtement de la marine est assez grand pour tout cacher, mais il y a quand même le problème de ne pas avoir de pantalon.
Euuuh...
NAAAAAN !
Des deux mains, rouge de honte, elle me pousse en arrière, dans le vide, tandis qu'elle se recroqueville sur elle-même pour ne laisser aucune chance d'entacher sa pudeur. Et c'est l'instant que choisit le médecin pour entrer dans la pièce, emportant avec lui un plateau de petit déjeuné.
C'est l'heure du repas Pludbus ! J'ai du bon chocolat …
…
Chaud...
Il s'immobilise. Comme tout le monde. Ses yeux vont de Milerva, à moi, sans comprendre. Finalement, il laisse tomber le plateau tandis qu'il commence à comprendre, ou plutôt, qu'il commence à s'imaginer des choses. Des choses qui sont fausses. Mais qu'on m'appelle encore Pludbus, elle paraisse soudainement très logique.
Oh putain … Pludbus … Espèce de GROS PERVERS !
Non ! Non ! Vous vous trompez !
JE VAIS TE FOUTRE LA RACLÉE DE TA VIE ! IMMONDE PÉDOPHILE ! VIENS ICI !
Naaaaaan !
Et c'est dans ces moments-là que nos jambes deviennent capables de battre des records et que l'on parvient à esquiver le médecin pour fuir. Fuir au loin. Fuir en pyjama sous les cris hystériques d'un docteur outragé.
SALAUD ! ELLE AURAIT PU ÊTRE TA PETITE FILLE ! DÉGUEULASSE !
Deux jours à ne pas quitter cette chambre. Toujours pas. Deux jours à retenir dans les moindres détails les défauts des murs sans couleurs, sans âme. Deux jours pour réfléchir à ce que m'avait dit Otto Anderman. À penser à cette promesse. Vivre. Vivre sans contrainte. Ne pas penser à la marine. Ne pas penser au passé. Penser juste au futur. C'est ce qu'il aurait voulu. C'est ce que Pludbus aurait voulu. Oui. Et avec cette promesse comme ligne de conduite, ces deux jours m'ont apporté beaucoup de réflexion. Des rêves d'enfants endormis au plus profond de moi. Des visions de moi, plus âgé, occupé à d'autres métiers, parfois humbles, rarement dangereux. Mais toujours souriant. La promesse d'un avenir radieux. Un avenir de joie. C'est bien le point commun de tout ça.
Et pendant deux jours, c'était se donner les moyens d'accomplir les rêves que je choisirais d'avoir. Réapprendre à marcher. Lentement. Avant Otto et Lilou, je pensais que ça serait dur. Mais plus maintenant. Au soir du premier jour, je pouvais marcher. Le deuxième jour, je pouvais même trottiner. Ressentir le contact régulier de mes pieds contre la surface de bois, c'est une sensation que j'avais oubliée. Un temps. Pouvoir apprécier ce jeu d'équilibre, le pouvoir de l'être humain sachant gagner à ce jeu par des mouvements que l'on ne sait maitriser. Rire de sa propre ignorance. Redécouvrir un corps que l'on a abandonné, des décennies auparavant.
C'était une redécouverte et une promesse consumée d'un avenir certainement joyeux. L'excitation de l'enfant me gagnait. Les palpitations du cœur quant à un monde à explorer. Réussir dans la vie. Faire des rencontres et ne plus dépendre des autres. S’assumer comme on est. La pomme est petite, mais elle en appelle de plus grandes, de plus sucrés. Demain. Car les lendemains sont certainement mieux. Et lorsque les paupières se ferment, c'est avec cette certitude de se réveiller avec les nouvelles pommes, les nouvelles promesses qui ne demandent qu'à être croquées.
Et parfois, les lendemains sont bouleversants.
C'est d'abord un réveil dans la douceur d'un lit toujours aussi chaud. Les paupières closes, j'émerge en cherchant à nouveau le sommeil pour que continue cet instant. Encore. Et puis il y a petit courant d'air que je commence à ressentir sur mes lèvres et sur mon nez. C'est chaud. C'est faible. Et ce n'est pas continu. Il y a des pauses entre chaque arrivée d'air. Comme une respiration. C'est étrange, mais en même temps, je n'ai pas envie d'en savoir plus. Pas maintenant. Ma chambre est mon sanctuaire ou je suis en sécurité. Il ne peut rien m'arriver. Alors. J'en profite. Toujours les yeux fermés, je cherche une position encore plus confortable, comme si c'était possible. Ma jambe s'avance. Mon pied touche. Quelque chose C'est dur. Je remonte lentement le pied, mais l'objet est toujours là. C'est circulaire. Devant mon visage, le courant d'air chaud se fait plus long. Un instant.
Je reste immobile. Qu'est ce que ça pourrait être ? Qu'est ce que le destin aurait pu m'envoyer ? Et c'est alors que l'objet se décide à bouger. Il passe au-dessus mes jambes, comme s'il cherchait à m'attraper. Et ce n'est pas le pire. La main sous mon oreiller rentre en contact avec un autre objet. On dirait... une main.
Pluplu...
Alors j'ouvre les yeux.
- Spoiler:
Elle a les yeux clos et ces mèches tombent sur son visage serein. Son autre main est posée devant elle, entre nous deux. Je ne peux détacher les yeux de ce visage. Ni même bouger. Ni même crier. La surprise est si grande. Que fait une fille dans mon lit ? Qui est-elle ? Mais pas seulement. Ce qui domine, c'est autre chose. Une seule idée. Une idée qui s'est imposée et que je ne peux plus sacher de mon esprit. Ça me donne des couleurs. Je le sais. J'en rougis presque de penser cela, mais ça me fait si chaud au cœur.
Elle est si belle.
Elle semble vêtue d'un uniforme de la marine trop grande pour elle et taché à plusieurs endroits. Ça lui donne un aspect misérable, mais qui ne fait que rehausser ses traits et son charme naturel. Elle est comme une cendrillon que l'on aurait déposée là. Lui apportant le lit et la chaleur qu'elle a tant cherché. Je ne bouge toujours pas, de peur de la réveiller. Elle m'a jeté un charme sans rien faire. Prisonnier de mon corps, immobile, je ne peux que la contempler.
Pluplu...
Murmurée, sa voix est belle. Aussi. Et j'aurais pu ne pas faire le rapprochement. J'aurais pu m'abandonner dans ses mots, dans ses lèvres. Mais rares ont été les gens à m'appeler Pluplu. Rares. Et parmi la liste qui défile dans ma tête, il y'en a bien une. C'est alors que je la reconnais. Elle était plus âgée quand je l'ai vu, mais ces yeux, ce visage ; tout concorde. Et même que tout concorde avec des vieux souvenirs de Pludbus. Des souvenirs d'une époque très lointaine. Trop lointaine. Alors je m'approche doucement, presque timidement. Je pose ma main sur la sienne dans l'espoir de la réveiller en douceur. Mais elle continue de dormir. Et alors que mes doigts glissent sur les siens tandis que mon cœur bat la chamade, je glisse mes lèvres près de son oreille.
Mi... Milerva ?
Comme quoi, il ne suffit pas de baiser pour réveiller les princesses, car celle-ci ouvre les yeux, timidement. Une larme nait dans le creux de ses paupières tandis que la lumière vient agresser ses yeux. Un clignement pour la chasser, puis son regard qui vient se fixer sur moi. Et son sourire qui s'étire en masque de chaleur et de joie.
Pluplu ?
Et je ne peux que sourire. Comme pour lui donner raison. Sans comprendre le pourquoi, le comment, juste en remerciant l'instant présent. On se regarde, ainsi, souriant, sans comprendre. Juste pour ne pas se quitter des yeux. Et puis son regard finit par se baisser.
Plu ?
Et les miens se baissent aussi. Mes doigts se sont glissés entre les siens. Elle me regarde à nouveau, surprise. Et le rouge me monte instantanément aux joues. La gêne est énorme. Je retire ma main soudainement tandis que je bondis en arrière, retirant pour le coup toute la couverture, me retrouvant sur le bord du lit, en équilibre précaire. Et mes yeux sont attirés sans le faire exprès vers ces jambes ainsi révélées. Mais un détail m'interpelle. Il me crie dans les oreilles. Le vêtement de la marine est assez grand pour tout cacher, mais il y a quand même le problème de ne pas avoir de pantalon.
Euuuh...
NAAAAAN !
Des deux mains, rouge de honte, elle me pousse en arrière, dans le vide, tandis qu'elle se recroqueville sur elle-même pour ne laisser aucune chance d'entacher sa pudeur. Et c'est l'instant que choisit le médecin pour entrer dans la pièce, emportant avec lui un plateau de petit déjeuné.
C'est l'heure du repas Pludbus ! J'ai du bon chocolat …
…
Chaud...
Il s'immobilise. Comme tout le monde. Ses yeux vont de Milerva, à moi, sans comprendre. Finalement, il laisse tomber le plateau tandis qu'il commence à comprendre, ou plutôt, qu'il commence à s'imaginer des choses. Des choses qui sont fausses. Mais qu'on m'appelle encore Pludbus, elle paraisse soudainement très logique.
Oh putain … Pludbus … Espèce de GROS PERVERS !
Non ! Non ! Vous vous trompez !
JE VAIS TE FOUTRE LA RACLÉE DE TA VIE ! IMMONDE PÉDOPHILE ! VIENS ICI !
Naaaaaan !
Et c'est dans ces moments-là que nos jambes deviennent capables de battre des records et que l'on parvient à esquiver le médecin pour fuir. Fuir au loin. Fuir en pyjama sous les cris hystériques d'un docteur outragé.
SALAUD ! ELLE AURAIT PU ÊTRE TA PETITE FILLE ! DÉGUEULASSE !