Trois ans qu'ils ne se sont pas vu. Trois ans que le Monstre n'a pas pu voir le visage de ce gamin se transformer en celui d'un homme, son corps se muscler à force des labeurs aux champs et son teint pâle se faire tanner par le soleil. Il a bien changé, le Tonray, lui qu'avait peur de tout, qu'avait ce fichue tic de toujours se replier sur soit, de ne quasiment plus parler. Oh bien sûr, il ne s'est pas transformé en grand bavard. Bien sûr, il continue toujours à préférer écouter que de déblatérer, si bien que lorsqu'ils se voient... Ça ne parle pas. Non monsieur, ça se tait et ça se regarde en chien de faïence ; Y'a des sourires en coin, le thé qui fume et le cigare qui se consume. Les petits yeux qui furètent le corps de l'autre pour voir tous ces changements. C'est le corps qui parle, chez eux, c'est le sourire et le regard qui dit comme ça fait chaud au cœur. Comme ça leur fait du bien de se retrouver et de s'observer encore vivant. Et puis y'a les mots, enfin, après tout ce temps. Les mots qui servent à dire ce que le corps ne peut pas exprimer.
-Et le vieux, alors ?
Un mouvement de bras.
-Hmm... Tu le connais.
-Héhé, oui, presque pire que nous.
-Hmm... Jamais été doué pour donner des nouvelles...
-Moi non plus... Mais, le vieux, t'en as un peu, de nouvelles, quand même ? M'a pas répondu...
-A moi non plus... Mais un ami est allé sur Orange... paraît qu'il l'a vu.
-Bon... Bon... Tant mieux. Et toi ? Les affaires ? Tu commences à te faire un nom.
-Tu sais, c'est jamais bon ça, Hmm...
-Ca chauffe tant que ça ?
-Hmm... Un peu. Mais toi ?
-Boarf, moi, je taff par ci, par là.
-Tu voudrais faire quoi ?
Le Monstre mire les mains du gosse, toute crasseuses de terre, les ongles noirs, les taillades et griffures sur les doigts. Mais le gamin ne remarque pas, trop occupé qu'il est à rêver, le regard perdu derrière la fenêtre, où le jardin éclabousse les yeux de toutes ces couleurs.
-Jardiner, cultiver, faire pousser... J'aime ça, et j'crois bien que je suis doué.
Le Monstre sourit, admire les lilas tout éclos, resplendissant tout le jardin de leurs magnifiques mauves. Il observe l'euckaliptus dont l'écorce tombante se refait peu à peu, toute défroquant le tronc blanc.
-Tu restes un peu, quand même ?
-Hmm... Oui. Trois jours.
-Et avec Julie, Hmm... Ça se passe bien ?
-Oui, je crois bien.
-T'es heureux ?
-J'ai ce qu'il faut pour l'être, oui.
-Hmm...
-J'ai juste ces cauchemars, ça lui fait peur...
-Hmm ?
-T'en as pas, toi ?
-Un peu, si.
-Ça me prend toutes les nuits, je me rappelle, la longue marche, le manque d'eau, le froid. Et j'ai ce cauchemar qui revient toujours. Qui me fait me réveiller en sursaut, en braillant, en sueur. Je revois Ted tomber du pont, je vois son cadavre sur la glace, écrasé de la chute, couvert de sang et la gueule détruite. Je le vois qui me sourit, et ça me fait chialer. Et j'ai beau sentir le corps chaud de Julie, j'ai beau sentir la couette contre moi, je me recrois là bas, à frapper des cailloux et à me faire fouetter le dos. Je sens la douleur sur mes omoplates me revenir comme si j'y étais... C'est horrible, Ishii... J'en peux plus...
-Et le vieux, alors ?
Un mouvement de bras.
-Hmm... Tu le connais.
-Héhé, oui, presque pire que nous.
-Hmm... Jamais été doué pour donner des nouvelles...
-Moi non plus... Mais, le vieux, t'en as un peu, de nouvelles, quand même ? M'a pas répondu...
-A moi non plus... Mais un ami est allé sur Orange... paraît qu'il l'a vu.
-Bon... Bon... Tant mieux. Et toi ? Les affaires ? Tu commences à te faire un nom.
-Tu sais, c'est jamais bon ça, Hmm...
-Ca chauffe tant que ça ?
-Hmm... Un peu. Mais toi ?
-Boarf, moi, je taff par ci, par là.
-Tu voudrais faire quoi ?
Le Monstre mire les mains du gosse, toute crasseuses de terre, les ongles noirs, les taillades et griffures sur les doigts. Mais le gamin ne remarque pas, trop occupé qu'il est à rêver, le regard perdu derrière la fenêtre, où le jardin éclabousse les yeux de toutes ces couleurs.
-Jardiner, cultiver, faire pousser... J'aime ça, et j'crois bien que je suis doué.
Le Monstre sourit, admire les lilas tout éclos, resplendissant tout le jardin de leurs magnifiques mauves. Il observe l'euckaliptus dont l'écorce tombante se refait peu à peu, toute défroquant le tronc blanc.
-Tu restes un peu, quand même ?
-Hmm... Oui. Trois jours.
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-Et avec Julie, Hmm... Ça se passe bien ?
-Oui, je crois bien.
-T'es heureux ?
-J'ai ce qu'il faut pour l'être, oui.
-Hmm...
-J'ai juste ces cauchemars, ça lui fait peur...
-Hmm ?
-T'en as pas, toi ?
-Un peu, si.
-Ça me prend toutes les nuits, je me rappelle, la longue marche, le manque d'eau, le froid. Et j'ai ce cauchemar qui revient toujours. Qui me fait me réveiller en sursaut, en braillant, en sueur. Je revois Ted tomber du pont, je vois son cadavre sur la glace, écrasé de la chute, couvert de sang et la gueule détruite. Je le vois qui me sourit, et ça me fait chialer. Et j'ai beau sentir le corps chaud de Julie, j'ai beau sentir la couette contre moi, je me recrois là bas, à frapper des cailloux et à me faire fouetter le dos. Je sens la douleur sur mes omoplates me revenir comme si j'y étais... C'est horrible, Ishii... J'en peux plus...