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Quatrième Epoque: L'Etranger sans terre.

Noir, rouge.

Clair-obscur, blanc sombre.

Le voile devant mes yeux se déchire pour ne pas affronter plus que mes grognements. Je les ouvre et me découvre, enfoncé jusqu’à l’aine mais pas dans le bon sens, dans un marais brun-verdâtre à l’odeur de moisi qui pose l’ambiance. Plus de jungle mais toujours des algues et du vent, du terrible vent qui me mord la tête dès que je l’extirpe de la fange, avec l’envie vraisemblable de l’arracher. De la bruine aussi, des gouttes salées qui à défaut de pouvoir me trancher le chef me le lapident avec beaucoup trop de gaité pour que ça reste notre petit secret. Je me redresse comme je peux, patauge jusqu’à l’îlot le plus proche de solidité.

Une touffe d’herbe en guise de tertre, j’expérimente le flashback dans toute sa littéralité. A chaque pas et de préférence à chacun de ceux que je loupe, une image me revient et je me casse la gueule pour recommencer.

Glissade, image. Le vaisseau serein des tréfonds de Moi-même.
Glissade. Tableau noir et frissons.
Image. Lilou, le poisson-lanterne de trois toises de diamètre.
Glissade, image. Et la trappe que je referme sur elle en la renvoyant là d’où elle vient.

A l’intérieur pour la protéger de mon abysse que je dois affronter seul. Je cherche autour de moi du regard mais je ne vois rien que du marron pisse et du violet cirrhosé. Pourtant, de là à là et même jusqu’ici si je regarde bien, c’est comme si un pélican bombardier avait joué à la luge avec son corps pour lisser un peu ce terrain hostile. Je crois bien que le pélican c’était moi, et mes épaules chuchotent dans mon cou que oui, et mes vertèbres hoquètent que oui oui. C’est bien ça, en plus je le sens, je le sais. Je pourrais croire que cette fois j’ai atteint le cloaque de mes songes, au niveau le plus bas en-dessous des constructions mentales élaborées avec spa et salle de billard, d’ailleurs je le crois encore un peu parce que quand même si j’avais eu à l’imaginer, ce cloaque, ça ressemblerait assez à ce que j’ai à perte de vue. Mais j’ai déjà le sentiment que non.

Et rien que ça, c’est révélateur ou symbolique.

Mais si je ne suis pas dans le cloaque de mes songes, ça veut dire que j’ai coulé jusqu’ici, et l’idée m’en laisse perplexe sur l’endroit où je suis. Où j’étais ? Oui aussi, un peu. Je pars à l’aventure avec ma douleur pour seule béquille. Douleur dans le dos donc, douleur dans la cuisse aussi qui se réveille. Je l’avais complètement oubliée, c’était bien. Elle se rappelle à mon bon souvenir avec toute la prévenance d’usage. Radieuse, irradiant jusque mes talons au fond des bassins de vase mouvante. Ne manquerait plus qu’un croco des ténèbres rôde par ici, qui serait seigneur de céans. Tiens, salut le croco des ténèbres.

Eh.

Je me serais bien laissé aller à voir avec lui si je pouvais toujours avoir le dessus sur sa majesté d’écailles avec mon immense potentiel de génial tataneur mais je préfère au dernier instant voir ailleurs si j’y suis pas, ça m’aiderait à m’y retrouver. Il ronfle un peu de dépit puis, quand je m’écorche à monter à une branche qui tombait fortuitement dans le coin, décide d’aller se faire une beauté dans les boues environnantes. Petit joueur.

Dans le ciel bouché il y a du vert et du bleu et aussi du jaune en phase d’intégration qui pourrait faire croire qu’il est blanc. Trois couleurs que j’aurais crues plus claires mais après tout, la version assombrie à l’extrême pour avoir l’impression de marcher sous plafond, pourquoi pas. J’atteins de l’herbe qui glisse autant que la boue mais qui ne me chatouille plus que le menton. J’hésite entre m’être fait eu ou avoir gagné au change. J’y vois moins loin mais au moins je suis sur du dur et mes côtes ricanent moins la samba.

Mettons que j’y ai gagné.

Mon œil de pisteur me fait chanter l’hallali à travers les trucs mous que je foudroie de mon corps presque agile. Je retrouve la trace un peu plate laissée par le pélican que j’ai été et remonte et remonte jusqu’au lieu d’où je suis parti. Quand j’arrive, c’est la surprise et je me fais mal à la nuque à regarder tout ce que je regarde, la tête en l’air, les mains sur les hanches et les yeux dans leur orbite. Ça alors, ça alors.


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Ma tête cogne.

Comme si quelque chose cherchait à en sortir. Je place ma main dessus, tâte une bosse sur laquelle j'appuie comme pour la rentrer. Je déambule dans des couloirs trop étroits, contre des murs poussiéreux. Pas de lumière. Je me sens comme oppressée par ce qui ne se passe pas. Je tente d'escalader l'échelle et soulever cette trappe par laquelle je suis passée de force. Mais à chaque fois que je me concentre, je sens ma tête tourner et le sol se dérober sous mes pieds. Le souffle me manque, je m'agrippe à mon barreau de fer en attendant de voir... De retrouver un semblant d'équilibre...

Je veux sortir...

Mes mains glissent. Je manque de tomber. Je me rattrape comme je le peux. Dans ce noir angoissant, avec une vision floue, l'impression que le monde n'arrête pas de tourner. Je crois que je vais vomir. Ou m'évanouir, au choix.

Au choix.

Aidez-moi...
Il y a quelqu'un ?

Sûrement mes oreilles qui me jouent des tours. Mais dans le doute, je pose ma main sur la trappe et repousse de toutes mes forces. Elles me quittent à nouveau et je glisse. Je n'ai d'autre choix que de m'accrocher à une voix que j'hallucine probablement.

Oui.. .
Oh hé ?!
Oui...!
J'ai entendu quelque chose.
Allons voir !
Je... Je suis là...

Les bruits à l'étage se font plus proches. J'entends le bruit des algues moites, des branchages qui craquent sous des pas. Je ne peux pas tout halluciner. Je n'espère pas. Je veux sortir d'ici parce que j'ai comme l'impression que l'air me manque. J'en ai assez de ce sous-marin-tête-de-mule... Je veux sortir...

Vous êtes là ?
Oui...
Il y a quelqu'un !
C'est une femme...
Vous êtes blessée ?
Je crois...
Là ! Tiens bien...
D'accord !
On va soulever la trappe, écartez-vous !

Je descends d'un barreau. Et je m'accroche. Le métal se tord au-dessus, il grince et me vrille les oreilles. Mais enfin, la lumière revient. Quand je lève les yeux, j'approche ma main comme pour en saisir une autre pour me sortir de mon trou. Je suis aveuglée, et je sens des doigts rêches s'emparer de mon poignet.

Hé, bougez pas...
Je vais bien...

On me soulève. ça, je le sens. Je retrouve peu à peu la vue, sur un univers de désolation. Les algues sont piétinées, elles n'ondulent plus. C'est sombre, boueux, saccagé... Triste. Un type me tient contre son buste, passe sa main dans mon cou, vérifie mon souffle. Je lui somme de s'écarter, je veux bien. Y'a tellement plus urgent. Son regard gris me sonde, son air morne... Il esquisse un sourire en me demandant de rester tranquille et... Aie !

Ça pisse le sang, monsieur...
Vous vous êtes cognée ?
Vous êtes qui ?
Je m'appelle Maal.
Salut...
Votre nom ?
Je ne suis plus très sûre...
Bon... On vous amène voir un médecin, ne vous inquiétez pas.
Tahar est là ?
Il y a quelqu'un d'autre ?
Oui... Tahar.

Ils se regardent, comme inquiets.

Je vais le chercher, Monsieur.
Bien. Fais.

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Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mar 07 Jan 2014, 16:31, édité 1 fois
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Ça, c’est une espèce de gros machin pas fait pour ça planté droit comme un piquet dans un sens pas vraiment optimal pour le mouvement. Ça, c’est un bloc d’acier large et long comme un bon navire déjà bien mastoc genre cuirassé tendance énorme, avec dessous deux hélices dont les pales doivent bien faire deux fois ma taille et semblent en pleine extase, explosées comme un cigare écrasé, et avec, dessus, une forêt vierge.

Ouais, une forêt vierge, à la verticale, avec des lianes et des feuilles et des trucs qui n’ont pas plus rien à faire là que Ça. Et, au sol, c’est jour de marché poissonnier. Je sais pas combien s’entassent là de dizaines de mille poissons de plus ou moins gros gabarits, tiens salut le méchant poisson-lanterne, plus la joie sans eau à respirer, hein ? Je mets un gros coup de botte en arrivant à sa hauteur dans ses tripes encore froides qui ne tressaillent même pas. Aux traces qui l’entourent et que je foule, je sais que des gens sont déjà venus sur place, du temps a déjà donc passé depuis le crash. Je me demande combien, assez pour qu’ils repartent sans doute.

Je fais le tour aux aguets et curieux. Ça me prend quelques enjambées. Rien que de la tôle du côté qui n’est pas la chevelure, et une inscription en lettres majuscules bien capitales. Le genre de capitale qu’on respecte, si j’étais à côté et dans le bon sens j’atteindrais à peine le milieu du S. Comment elle disait ?

Sereni… ty ?

Je devine la fin, masque par une tache de rouille. Chier. Où elle est ?

Lilou ?
C’est ta femme que tu appelles, mon brave ?
Non c’est… De quoi ? Qui t’es, toi ? D’où tu sors ?
Staan ?

Devant moi un type rigolo mais quand même un peu surprenant avec une tête qui pourrait être par terre parmi les sardines défuntes, dans un bocal fermé d’un bouchon en liège. Sa tête. Et derrière lui qui s’approche, un gars plus normal, blanc, avec des babouches et juste un entonnoir sur la tête. Et des vêtements aussi, quand même, même style que l’autre, un peu démodés mais bien entretenus. Et la tête fardée de je ne veux pas savoir. Le chef à la bouteille reprend avec sa diction de type dans une bouteille, un peu étouffée par le verre, un peu poussée, un peu craquelée par l’âge aussi.

Stan ? Ah, tu es là. Stan, annonce-moi à notre invité s’il te plait.
Euh, d’acc, boss. Euh, enfin je veux dire… : oui monsieur. Saint Nemo, monsieur.
Hein ?
Heureux de faire ma connaissance, cher ami ?

Diablerie, voilà que le fou s’approche.

Eh, oh, bas les pattes. T’es qui ?
Saint Nemo, monsieur…

Prends-moi pour un con aussi.

Ehh, oui.

Ça y est, j’ai compris.

Ah, d’accord, non parce que pendant un temps j’ai cru que tu avais dit « Saint » Nemo. Mais si en fait ce n’est que Saint Nemo, c’est bon, tout baigne. Enchanté monsieur Saint Nemo. Salut Stan.

J’ai rien compris.

Monsieur.
Allons-y ! Stan, l’attelage.
Oui monsieur.

Le soumis s’en va, je reprends mon courage à deux mains dans une posture virile.

Hum, Saint Nemo, petite question comme ça…
Oui mon brave ?
Hum, c’est où, exactement, ici ?
Ici ? Eh bien, c’est ici.

Et de montrer du doigt le sol, quelque part par là. Sous l’œil courroucé de Moi-même qui me maîtrise de peu, il feint l’amusement, bat de la main l’air devant lui comme s’il était distingué et continue de sa voix trop grave pour bien coller au rôle qu’il joue ou croit jouer ou n’est plus conscient de jouer.

Down Below.
Down Below ?
Oui très cher ami.
Et, euh… hein ?
L’anus du monde, mon bon.
A distance, reste à distance.
Littéralement.
Ah…
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Hé.
Hé.
Vous êtes à l'hôpital.
Vraiment ?
C'est précaire. J'admets.
C'est suffisant.
Tenez.
Des glaçons ?
Pour votre tête.
Ah... Précaire à ce point. Merci.
Qu'est-ce qui vous amène ici, Lilou ?
C'est quoi votre nom déjà ?
Maal Razzer.
Vous vous moquez de moi ?
Non.
Ce n’est pas un nom, ça.
Je sais. Mon père avait vocation de me pourrir la vie depuis ma plus tendre enfance. Il a réussi.
Désolée pour ça.
On ne s’aimait pas trop.
Désolée pour ça.
Votre mission ?
Ou est-ce qu'on est ?
Pourquoi vous détournez toujours la conversation ?
Parce que je ne sais pas où on est. Jaya ? Skypea ? C'était sur la route, j'imagine qu'on a dû avancer encore plus loin...
Ha ha. Oui, sûrement.
Je parie sur Skypea, mais je ne suis sûre de rien. Alors ?
Down Below.
C'est ou ça ?
Pas loin de Jaya et de Skypea.
C'est perdu.
Oh oui. Définitivement.
Rassurant. On fait comment pour redescendre ?
Vous voulez aller encore plus bas ? C'est risqué. Je vous dis tout quand j'aurais mes réponses.
Je n'ai pas d'ordre de mission pour être ici, je dois aller sur Jaya affréter le sous-marin au Léviathan.
Vous êtes sur le navire et sous les ordres de l'Amiral en Chef ?
Juste... Sur son navire.
Je vois. Comment vous êtes arrivés là ?
Une erreur. Le sous-marin n'en a fait qu'à sa tête. Vous l'avez extirpé des marais ?
C'est en cours, oui. Une équipe s'en charge, mais ça prendra du temps. Vous êtes donc là, par erreur ?
Vous savez qu’on n’a pas le droit de fumer dans un hôpital ?
Ce n’est pas techniquement un hôpital.
Mh.
Donc ?
Oui, par erreur. Si vous pensez que y'a des gens qui ont comme passion d'embourber leur navire dans des marais, vous vous trompez.
Et elle maitrise l'ironie.
Je maitrise les coups aussi.
Hé. Je mettrais ça sur le compte du traumatisme. Je suis ici pour vous aider.
En me faisant subir un interrogatoire sur un lit d'hôpital…
Vous avez raison.

Ou est-ce qu'on est ?
Dans une salle d'interrogatoire.
Vous vous foutez de moi ?
Non.
Pourquoi vous m'interrogez ?
Parce que vous êtes bizarre.
Et c'est vous qui parlez...
Pourquoi le gouvernement vous envoie ? A-t-il prévu de nous ramener ?
Mais... Je sais même pas qui vous êtes ou ce que vous faites, je suis là parce que j'ai la poisse ! C'est quoi votre problème ?
Mon problème ?
Oui, votre problème ! Vous me donnez la migraine !
MON PROBLEME ! C'est que ça fait trop longtemps que je suis sur ce caillou pourri à attendre des instructions qui ne viennent pas ! A attendre un miracle pour rentrer chez moi ! Et je le tiens, mon miracle ! Je le tiens !
Je préférai le mal rasé du début, on peut retourner à l'hôpital ?
NON ! Vous allez partir d'ici, et vous allez partir avec moi dans vos bagages, ma grande ! Ou alors, vous ne partirez jamais !
Complètement taré...
Kréhéhéhé...
Oh !
Quoi ?! QUOI ?!
C'était un rire d'agent du Cipher Pol ou je ne m'y connais pas.
...
On retourne à l'hôpital ?
Oui, venez.

Merci.
Voilà. Les glaçons. Votre tête.
Merci.
De rien.
Down Below, c'est où ?
Sous la mer.
Huhu... Attendez... Sérieusement ?
Oui. C'est une île, perdue sous la mer. Avec un courant géant qui entraine quiconque le prend vers une île d'où on ne remonte pas.
Ooooké... Bon... Euh...
...
...
...
Mh, vous avez des nouvelles de Tahar ?
Ah. Non, je suis désolé. Nous n'avons pas réussi à le retrouver et... Il sera temps d'arrêter les recherches dans le marais. Les courants océaniques vont rendre la boue impraticable...
Je ne peux pas le laisser là-bas. Il va se noyer sans le vouloir.
Evitons des tracas inutiles. Envisageons le fait qu'il est déjà mort.
Et c'est censé ne plus me tracasser ?
Pardon. C'est votre... ami ?
Non.
Petit-ami ?
Non.
Mari ?
Non ! C'est personne. Un con, si vous voulez mon avis. Mais je ne peux pas vous le laisser.
Bien. Attendons demain.
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Stan ?
Monsieur ?
Ton boss, là…
Saint Nemo ?
Il est un peu taré, non ?
Monsieur !
Non mais je critique pas, hein, t’offusque pas… c’est juste pour savoir.
Eh bien, je me dois d’admettre qu’il est sans doute un peu fantasque, certes. Mais…
De par le fait…
Monsieur ?
Non, j’essaie de causer comme toi mais fais pas attention. Continue…
Et moi qui essaie de parler comme vous ! Nous voilà bien.
Continue donc…
Nous sommes ici depuis bien longtemps, voyez-vous. Et lui bien plus encore que moi qui ne suis que la troisième génération de bras droit.
Troisième ?! Mais il a quel âge, le filou ?
Plus que quiconque ici, c’est certain. A part le Capitaine, peut-être.
Le Capitaine ?
Les histoires disent qu’ils sont arrivés en même temps. Saint Nemo poursuivi par son ennemi juré le Capitaine a délibérément foncé dans le grand tourbillon pour mettre un terme définitif à leur rivalité qui avait causé grand-peine dans les royaumes du dessus.
Je vois… Et il a survécu aussi, ce Capitaine ?
Oui, il vit dans un camp à quelques jours de marche, par là-bas.
Ah oui. Par là-bas.
Monsieur a le sens de l’orientation. D’habitude les gens ne me suivent pas.
Ça doit être l’entonnoir, ça les distrait.
Mais vous non.
Oh, j’ai vu pire.
Je vois.
Et à par le Capitaine et ton patron bien brave, il y a d’autres énergumènes à connaître ici ?
Oui Monsieur.


Eh bien ?!
Oh, vous vouliez que je vous les décrive ! Eh bien il y a d’abord la…


Monsieur Saint Nemo, très cher hôte...
Mon bon Tahar ?
Ton Stan.
Oui ?
Il est un peu con, non ?
Certes.
Note, je ne l’accable pas, il est serviable.
Je l’ai bien choisi, oui.
Sans doute…

Très cher ami ?

Très cher ami ?!
Hein ?!
Vous avez semblé partir très loin et très vite, sans quitter votre séant.
Ah. Non, ce gamin qui jouait devant la cabane…
Ah, les enfants du village. Nos femmes sont très fécondes vous savez ? Plus que celles d’en face.
Vous faites un concours ?
Allons, ne raillez pas mon bon ami, la vie est rude ici-bas, et les plaisirs bien rares comme vous vous en apercevrez. Vous voulez voir les enfants ?
Mh.
Je prends ça comme un oui. Prenez cette fourrure, vous en aurez besoin pour tenir la visite !
Et dans cette direction, y a quoi ? Mon bon hôte.
Dans cette direction ? Ma foi je ne sais guère. Stan ? Stan !
Monsieur ?
Stan. Qu’y a-t-il dans cette direction déjà ?
Par là… Ce doit être la cité-mère, monsieur. D’ailleurs les chants ne devraient pas tarder.
Les chants ?
Les chants.
Ah d’accord.
Pourquoi cette question ?

Tahar ?
Comme ça.
Je vois.
Je ne crois pas, non.
Down Below a le pouvoir de changer les gens, mon ami. Je l’ai observé à maintes reprises.
C’est ça, joue-la toi vieux briscard revenu de tout…
Plaît-il ?
Non rien, j’admirais ta carafe.
Je la nettoie deux fois par jour. Elle brille comme au premier.
Ceci explique cela. Ça a dû être un peu compliqué non ?
De ?
Comment tu fais pour l’enlever ? Ou même la mettre, note.
Secret-secret.
Youpi.


Tahar, je vous présente Norman, Leena, Madris, Pfipper, Khal, Job, Zaala… Tahar ?
Il est pas là.
Pardon ?
Celui de tout à l’heure, il n’est pas là. Il est parti dans la forêt.
Dans la forêt ? Je ne pense pas, c’est interdit, votre imagination doit vous jouer des tours.
Ouais.
Les enfants, dites bonjour à monsieur Tahar, c’est un nouvel ami.

Allons, les enfants ! Je suis confus, très cher.
Cherche pas, peu cher, je fais peur aux gosses…
En effet. Ah !
Quoi ?
Les chants !


Eh, Stan.
Monsieur ? Votre rhume vous gêne ? Nous avons des herbes…
T’occupe.

A combien elle est d’ici, la cité-mère ?
Monsieur ?


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Serenity est recouverte de boue. A quelques mètres du sol, une poignée à peine, la terre dégouline, emportant avec elle quelques algues putrides et carcasses en décomposition. On cri de tous les côtés. Une vingtaine d’hommes s’active pour finir de sortir le second navire. Car il y a suivi Serenity. Une longue corde rejoint mon bateau, absorbé presque totalement par le marais. Seule la proue, une flèche perçant le ciel, émerge de la boue. Il n’aura pas survécu à la descente, mais j’ai des chances de pouvoir récupérer mes affaires.

Il s’en est passé des choses, ici…

J’hausse les épaules. Razzer me désigne du regard le corps sans vie d’un énorme poisson. La gueule béante, les dents acérées, les yeux crevés. Une bête agressive et dangereuse dans les fonds marins qu’il me précise, elle n’a pas survécu à un affrontement. Sacré Tahar.

Vous l’avez retrouvé ?
Non. Il n’y a aucune trace de lui. Et il faudra commencer à faire avec. Ou sans, plutôt.

Un soupir m’échappe. Un rictus méprisant prend place sur mes lèvres. Ce type a un don particulier pour m’agacer. C’est un tout. Il parle comme il pense, élevé à la dure, aigri par un peu tout, aux tendances paranoïaques. Un sale type qui se fait passer pour un chic gars avec des manières de bulldozer.

Vous avez un de ces tacts...
Dix ans dans ce trou paumé, ça n’aide pas à travailler son tact. Et je ne suis pas là pour ça.
Il faudrait noter, Agent, que si je suis votre ticket de sortie, il serait bon d’être un poil plus agréable. Et qu’il est temps de revoir votre copie, le monde a changé au-dessus : les nouveaux agents du Cipher Pol savent utiliser un petit truc qu’il vous manque cruellement : la DIPLOMATIE.

Razzer me fait un sourire crispé. Je tourne les talons en pouffant nerveusement. Il me rattrape par le bras et me somme d’un regard noir de rester ou je suis.

Ou est-ce que vous allez ?
Partout ailleurs qu’ici. Faire un tour. Visiter le coin vu que je suis coincée ici pour quelques jours au moins. Chercher à joindre le vrai monde, vous savez, là-haut. Je ne sais pas. Dans un bled perdu qui longe peut-être la forêt. Rejoindre un poil de civilisation quelque part. Un endroit. De préférence loin de vous.
Ne croyez pas pouvoir vous enfuir. Je vous l’ai dit. Vous êtes mon miracle. Même si vous êtes un miracle vraiment insupportable.
Quand vous retrouverez celui que je cherche, j’envisagerai l’éventualité de peut-être être souriante.
Je suis curieux de savoir à quel moment vous vous êtes mis à me détester viscéralement.
Y’a deux minutes quand vous avez suggéré que mon ami était mort.
C’est la vérité. Les probabilités parlent à ma place. Acceptez-le et soyons bons amis.
Plutôt mourir. Dites à vos hommes de continuer à chercher ou je pars sans vous !
Je ne vais pas éparpiller mes hommes pour un cadavre.
Je vais vous enfoncer mon poing dans la gorge.
Ça fait dix ans que je suis sur ce bout de terre à survivre jour après jour loin de tout. Ce n’est pas une petite fille qui pourrait se briser d’un coup de vent qui me fait peur. Frappez.
Contentez-vous de retrouver Tahar et je répondrai à vos exigences.
Bon… Bien. Venez avec moi. Nous allons négocier notre retour à la vraie vie.
Gngngnh.

Je me défais de sa prise et reprends ma route. Maal Razer fait volte-face lui aussi et suit mes pas. Sa voix couvre les vociférations des travailleurs. Les mains dans le dos, il me rattrape bien vite et me saisit par les épaules pour me faire prendre une autre direction. Un quart de tour plus tard, il me traine jusqu’à un chemin dans la forêt luxuriante, repoussant d’un coup de pieds les quelques racines et d’un coup de bras les autres lianes. Un temps fou à progresser dans ce bois fait d’algues et d’orties des mers. Un temps fou qui finit à l’orée du bois. Un dernier mouvement pour écarter la broussaille et nous arrivons tous deux à une vallée qui surplombe la ville. Une ville sculptée dans la nature, traversée par une rivière, éprouvée par la vie, la mer et la terre. Maal Razzer me pousse en avant, m’invitant à dévaler des escaliers juste à notre droite.

Nous avons rendez-vous avec la Reine. Bienvenue à Down Meadow.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mar 07 Jan 2014, 16:36, édité 2 fois
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Ça caille.

La jungle, deuxième. Les marais sont loin derrière moi mais ma progression est lente entre ces arbres-lianes-algues du même genre hybride que ceux du vaisseau crashé. Et l’humidité de l’air est plus grande encore que là-bas. D’après ce que m’a raconté ce bon brave de Stan, la cité-mère est plutôt au centre du cyclone-tourbillon au fond duquel trône Down Below. Mais, dans ce monde où rien n’est normal et où rien ne devrait tenir droit, l’œil du cyclone n’est visiblement pas la zone la plus calme. Alourdi par l’eau qui imbibe mes pelures prises au camp, amoindri par elle qui me fouette jusqu’aux os malgré les épaisseurs, je survis mais sans plus. A travers le rideau de gouttes qui s’agite en permanence devant moi, c’est à peine si je vois où poser le pied et où ne pas le poser, et j’ai déjà croisé au moins une demi-douzaine de cactacées à l’appétit pas très chlorophyllien.

Et ça caille. Si je m’arrête, je ne repartirai pas avant le jour.

Et de jour ici, je crains qu’il n’y ait point, mon ami.

Les dernières paroles de Saint Nemo sont la berceuse qui me tient éveillé. Plus que ses mots, qui en eux-mêmes n’ont plus grand intérêt maintenant que j’expérimente assez le mauvais temps pour me rendre bien compte que m’arrêter n’est pas une bonne idée, le gros plan sur son visage quand il les a dits est le souvenir sur lequel je me concentre pour me maintenir attentif. Cette bonne vieille technique de militaire en opération longue fonctionne toujours, et la peau rouge écailleuse de ce type mi-sympa mi-vachement bizarre est comme un peu de piment sur la langue de mon esprit. Je sursaute à chaque fois que je me la repasse devant les yeux. Ce type mi-sympa mi-machin m’en rappelle un autre, d’ailleurs. Ishii Môsh. Je me demande ce qu’il devient.

Je ne me demande pas très longtemps, si je n’ai pas fait fausse route depuis le réveil et mon départ, la colline dont Stan m’a parlé est celle au pied de laquelle je suis. Je crois qu’il avait mentionné ces vieilles pierres usées mais qui ont dû être une maison ou un poste avancé. Si c’est bien ça, je dois la gravir et derrière sera la cité-mère. Easy-peasy, surtout par un temps à transformer n’importe quelle pente un peu terreuse en piste de bobsleigh. Facile pour Tahar, il a vu pire. Au-dessus de ma tête, la pluie s’est calmé mais pas le vent et les nuages défilent tout en conservant cette luminosité jaune-verte particulière qui règne quand le temps est trop instable. Impossible de déterminer combien de temps j’ai marché et les conditions particulières ne me rendent pas facile l’estimation des distances et des durées. A l’assaut.

Que crois-tu trouver là-bas, Tahar mon bon ? Tu ne veux pas rester ? Viens, on est bien…

Une autre image de la même bouche poisseuse lâchant d’autres mots. Sursaut alors que je glisse et dévale encore une fois une dizaine de toises que je viens de grimper. L’eau et la boue mêlées charrient tout sur le passage des torrents qu’elles forment, moi y compris, et elles m’inondent sous mes frusques comme si j’étais un mannequin vide à remplir. Eh. Elles n’ont pas totalement tort. En ce moment il n’y a pas grand-chose qui m’occupe les émois intérieurs, je me sens un peu naufragé comme en pleine mer, faible et impotent quant à mon sort à venir. Ce que je crois trouver là-bas à la cité ? Pas la source des chants malgré ce que j’ai répondu.

Lui. C’est lui que je cherche.

Il est réapparu devant moi, un peu plus haut dans la montée. Ce gamin avec les yeux verts et les cheveux plus courts que ce dont je me rappelais, avec l’air moins méchant que ce que je m’imaginais à l’époque et l’allure émaciée d’un gamin qui ne mange pas assez. Il m’a déjà montré la voie deux ou trois fois depuis le camp, à chaque fois que j’avais une direction à choisir parmi plusieurs, à chaque fois qu’il y avait une incertitude ou une difficulté sur le parcours. Et le voilà encore qui vient me relever de loin, de devant, de là où il me dit d’aller.

Et dire qu’il aura fallu que je me vautre dans la fange du plus improbable des pays pour que son portrait me revienne enfin. Ça fait partie de ce que je dois affronter avant de revoir ma fille ? Je ne comprends pas bien les indications de ma bonne fortune mais est-ce que j’ai vraiment besoin de comprendre pour suivre ? Pour gratter la terre et me redresser sous l’averse, pour enfoncer mes bottes jusqu’au mollet dans le sol mou et pour grimper cette foutue pente comme on monte un névé en haute montagne ? Pour atteindre ce col sous les arbres du haut de crête et pour enfin surplomber cette vallée à la fois si verte et si sombre, fendue de là à là par ce fleuve dont le lit sinueux brille sous la pluie comme un phare, broyée par cet air froid qui tourne et qui tourne, qui tourne encore et qui siffle à mes oreilles ? Pour délaisser ces immenses pales étranges dans ce petit cirque rocheux en contrebas, derrière et à ma droite presque à côté de là d’où je viens ? Pour m’élancer par ce chemin mieux tracé jusqu’à cette ville droit devant ?

Quatrième Epoque: L'Etranger sans terre. Tahar1


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Restez droite et silencieuse.
Pourquoi ?
Obéissez.
Hé !
Chut !

Razzer m’incite au silence avec un regard lourd. Nous ne sommes qu’à l’entrée d’un grand palais, gardé par deux types munis de lances et trop bien habillés. Nous mentons les marches qui ressemblent à du verre avant que Razzer ne se présente pour qu’on lui autorise l’accès. L’un des hommes donne un violent coup de pied au sol, et la grande porte de bois grince et s’ouvre finalement sous nos yeux. Il m’attrape par le coude et m’oblige à le suivre, prenant le pas vers un long couloir composé de colonne sculpté et de statuts d’Apollon et d’Aphrodite en tenue d’Eve. Le plafond est immensément haut, recouvert de bas-reliefs détaillés. L’écho de nos pas nous est renvoyé, en même temps qu’une douce lumière par les immenses vitrages bleutés.
Un souvenir me revient en tête. J’ai l’impression de marcher dans un aquarium vidé de son eau, pour avoir déjà testé le modèle avec flotte. Il ne manque que quelques plantes aquatiques et un jouet pour faire mine de… Je le signifie à Razzer qui se moque de moi à travers un petit rictus. Nous prenons très vite les escaliers qui se profilent devant nous avant de se séparer et de se rejoindre sur le niveau au-dessus. Deux couloirs recouverts de tapis vert d’eau, des tableaux de femmes sur les murs, tout le long des murs…

Nous allons voir qui ?
La Reine. Sérène.

Nos pas sont étouffés par le tissu au sol. Maal Razzer s’arrête un instant et me regarde de haut en bas. Puis, il reprend sa route après m’avoir estimé d’une grimace :

Vous n’avez pas un autre accoutrement sous votre combinaison ?
Hein ?
Une tenue plus… Adéquate ?
Vous dites que je suis mal fringuée, c’est ça ?
La Reine ne vous en tiendra pas rigueur, elle est bonne et sage. Et elle comprendra votre situation.
Me tenir au courant aurait facilité les présentations.
Contentez-vous de rester droite et silencieuse.
Vous avez peur que je lâche une bêtise ?
Vous ne connaissez pas les coutumes et les us de cette contrée, vous pourriez offenser quelqu’un en lui demandant l’heure que vous n’en saurez rien et vous finirez pendue le lendemain.
En même temps, c’est que l’heure…
Oui, mais ici, il n’y a pas d’heure. La première fois que je suis arrivée, ici, j’ai failli me faire pendre haut et court alors que je faisais poliment la cour à une jeune femme. Je ne pensais pas qu’en lui disant « on va chez toi ou chez moi », j’allai finir sur la potence. A mon avis, vous n’êtes pas plus diplomate que moi complaisant, et pour ce que nous allons demander, il faudra abuser de ces deux adjectifs.
Il faudrait que je sois plus au fait avec notre trajet de retour, vous ne pensez pas ?
Nous en discuterons avec Sérène.


Sans que je ne le remarque, nous nous sommes arrêtés devant une double porte qui n’attend qu’à être ouverte. Une porte à la poignée taillée et détaillée, ouvragée d’une scène de vie dans la mer. Maal Razzer me force à relever les épaules et me rappelle une dernière fois ce que je dois savoir.

Inclinez-vous respectueusement, présentez-vous, parlez d’une voix douce et calme, respirez un bon coup et avancez.
Ah !

Il me pousse en même temps qu’il ouvre la porte d’un coup, dévoilant une grande pièce composé d’un bureau et de plusieurs bibliothèques faites de livres usées et déchirés. Une fenêtre en face donne sur la cité mère, et une femme se tient à la balustrade dans une sorte de kimono blanc brodée de motifs bleutés. Ses longs cheveux tombent en cascade sur ses épaules, certains sont noués à l’aide d’une barrette d’argent. La femme se retourne vers nous avec un regard serein. Mais mes yeux sont attirés par autre chose, là, assis négligemment et avec une certaine insolence sur le bureau royal. Razzer ne le voit pas, s’incline déjà. Mais moi, je reste béate un temps, m’étranglant à moitié dans ma gorge, immobile et figée avant de lâcher :

Sér-
QU’EST-CE QUE TU BRANLES ICI ?! ON T’A CHERCHE PARTO-gnah !

Maal Razzer m’envoie un violent coup de poing dans le genou, coup qui me surprend et m’envoie m’étaler tête la première dans le tapis royal sur le sol. Bras étendus sur le sol, arrière train relevé et une voix en arrière fond :

J’aurais dû l’assommer avant d’entrée…
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… et donc il faudrait peut-être envoyer quelqu’un là-bas, elle y est peut-être. Bien son genre de rester près d’un machin tout en ferraille pour pas qu’il lui arrive des choses…
Ne t’inquiète pas, Étranger, des hommes sont déjà partis en reconnaissance.
Ah, alors, là, attention, hein : moi, je ne m’inquiète jamais. D’ailleurs, franchement, est-ce que j’ai l’air de m’inquiéter ? Non ? Bon, vous voyez.
Non en effet, c’est évident : tu te renseignes juste…
Voilà, je me renseigne.
Et eux vont bientôt rentrer…

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Elle ne sourit pas vraiment, tout comme elle n’a jamais vraiment souri depuis que je suis arrivé. Ni sourcillé, ni craint, ni sursauté. Elle m’a accueilli comme si c’était tout à fait normal que je pénètre la ville droit vers son palais à l’aube, que je traverse ledit palais encore silencieux en sachant précisément dans quelle pièce elle serait.

Ça l’était peut-être.

Mais, eh. Je ne savais pas moi-même. Il y avait juste ce gosse pour me guider dans le dédale de couloirs, à côté des statues et des tapisseries froides et humides de la rosée permanente. Juste lui qui traversait les portes et tournait les virages à dix pas devant, qui m’attendait quand il y avait un bruit devant ou quand ma cuisse me lançait trop pour que je continue de courir, puis qui me distançait à nouveau quand je repartais. Lui silencieux et vif sur les tapis qui semblaient l’absorber devant, moi sale et pesant de toute ma démarche derrière.

Ne t’en fais pas pour le vase…
Quel vase ?

En premier accueil, j’ai trouvé que ça lui donnait tout de suite pas mal d’allure et elle m’a tout de suite plu. Avec ses yeux bruns ascendants incolores et raccords à sa coiffure, son air éthéré et son ample kimono blanc qui la rendait encore plus aérienne. Après j’ai cassé le vase. Je ne m’en suis pas fait. Comme il faisait chaud dans le coin j’ai tombé les fourrures et le pare-boue.

Tu as un nom, Étranger ?
Étranger, c’est bien. Sérène, j’imagine ?
Mon peuple m’appelle ainsi.
« Mon peuple » …

Ça aussi ça lui a donné une bonne prestance qui lui allait bien. Quand elle a renvoyé d’un plissement de cils muets les deux gardes qui ont pratiquement défoncé la porte de son bureau, gardes que j’avais assommés à l’entrée et qui m’avaient suivi à la trace crasseuse jusqu’ici dès leur réveil, elle m’est devenue encore plus sympathique et je lui ai raconté les détails de notre arrivée fracassante et fracassés. Elle a commenté de temps en temps, notamment sur le campement de Saint Nemo et ses fantasques fantasmeries, mais surtout m’a laissé parler, et j’aime bien qu’on me laisse parler. Le thé qu’on nous a servi avait goût d’algue mais je n’ai rien dit et de fumée comme un vieux whisky et j’ai y trouver mon compte. E

Je n’ai rien dit non plus pour Mini-Moi qui m’a mené jusqu’à elle, elle n’a pas demandé.

Et maintenant Lilou est par terre dans une position un peu déplacée alors qu’il y a tout ce monde dans la pièce, avec un type au manteau de cuir beaucoup plus propre que moi à côté qui la frappe. Je suis jaloux mais je reste assis. Je ne suis pas en position de force et, si je me relève du bureau sur lequel je suis avachi, c’est pour me casser la gueule à leurs côtés. Déchéance.

Il faut l’excuser, elle n’a pas de manières…
Ce n’est pas grave. Paix chez vous, Maal, paix chez vous, Lilou.

Le type au complet en peau de vachoratops se redresse et pose les yeux sur moi comme si on venait de lui en donner la permission et pas avant. Il a le regard fou des gens qui en ont trop vu, trop entendu. Et il fait la révérence comme une pucelle à la sortie de Marie-Joie, alors qu’il doit bien avoir vingt ans de plus qu’elle.

Paix chez vous, Reine Sérène. Colonel.

Dix de plus que moi. Hein ? Il y a un peu d’étonnement dans sa voix mais surtout ce respect assuré des convenances. Ce gars sait qui je suis, ou qui j’ai été. Mais comment ? Les poils de sa barbe observatrice frétillent en retour de ma surprise, orientés tous en direction de mon armure suspendue à un montant de la bibliothèque. Ah. Les épaulettes. Je ne croyais pas qu’elles me serviraient encore un jour, tiens. Impassible ou censément, je reste le cul vissé aux courriers en arrivance et désormais froissés de la monarque sur son bureau, mais je me redresse un peu. Un colonel, ça a le port altier et la tenue flegmatique.

Avé.

C’est loin pour moi, je ne me souviens pas bien de si un colonel ça peut avoir un alter ego rajeuni qui joue aux osselets derrière ses interlocuteurs. Il me semble que c’est pas très respectueux de l’étiquette mais j’ai jamais été très fort à ce jeu. L’étiquette.


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Il faut l’excuser, elle n’a pas de manières…
Mh ?

Nous sortons tous du bureau royal, nous suivant ne près pour regagner la sortie. Le bilan de cette réunion n’est pas certain. Encore quelques jours à attendre pour avoir une réponse de la part de la reine, qui, pour nous faire patienter, a promis de rassembler un conseil pour nous renvoyer chez nous. Je ne sais pas vraiment comme ils peuvent faire, mais ça nécessite néanmoins un conseil à réunir. Là, nous sommes dans le couloir, et tous deux s’arrêtent pour se tourner vers moi. Air interrogateur, mine soucieuse. Maal Razzer ouvre la marche. Tahar suit. Et il comprend que le regard que je lui ai lancé, quand il a dit cette phrase en toute innocence que j’ai repris mot pour mot, n’augurait rien de bon.

Je n’ai pas de manière, hein ?! Parce que toi ! Toi ! Tu en es plein jusque-là, prêt à exploser de bonnes manières par contre ! Non mais c’est pire que la fête du slip ici ! L’hôpital qui se fout de la charité ! MONSIEUR Tahgel arrive comme un cavalier et prend ses aises, alors MONSIEUR Tahgel se permet des petits commentaires mesquins pour faire bonne figure !

Mains sur les hanches et regard accusateur, Tahar Tahgel affronte une tempête rousse qui se déchaine. La voix tremblante d’agacement, voix qu’il n’a pas entendu tout du long de cette rencontre, mais voix qui s’exprime désormais pour lui siffler des mots doux pas si doux à l’oreille. Mots que j’ai retenus durant toutes les explications de la Reine, explications que je n’ai écoutées qu’avec peu d’attention pour me concentrer sur l’air nonchalant d’un Tahar suffisant de mes yeux-mitraillettes. Et mise à part « blah blah blah, je vais voir ce que je peux faire, blah blah blah », je n’ai pas entendu grand-chose. Qu’il s’accroche, car la tornade ne fait que commencer.

Et depuis quand MONSIEUR Tahgel sait comment se comporter en société ? En voilà une autre qu’elle est bien bonne ! On aura tout vu ici ! Tu t’es placé en conquérant ou quoi ? Et c’est quoi ces histoires ? On disparait pendant deux jours sans donner de nouvelles, on m’oblige à rentrer dans cette foutue machine de mes genoux qui n’en fait qu’à sa tête pour faire le galant homme ? Non mais elle est belle l’ironie, quand on sait que MONSIEUR Tahgel, quand il n’essaie pas de coucher avec moi en me pensant sortie de ses nuits fantasmatiques complètement délirante cherche à me tuer ! Ah oui, il est beau le cavalier !
Bon… Je vais vous laisser vous disputer. Si vous me cherchez, je suis là-bas.
Ouais, c’est ça ! Parce que je n’ai pas fini ! La prochaine fois que t’essayes de me refourguer à l’arrière d’une camionnette pour faire chic gars, c’est mon pied dans ta tronche que tu te prends, c’est clair comme ça ? Non parce que merci, mais moi, j’ai passé un calvaire à essayer de m’accrocher à quelque chose en me faisant un trauma crânien, suivi de deux jours à me faire un sang d’encre en essayant de savoir où tu étais ! Tout ça parce que l’idiot que tu es a voulu faire « une bonne action »… UNE BELLE CONNERIE OUAIS !

Maal Razzer se planque derrière un meuble en envoyant des signes d’encouragement à Tahar. Du genre « accroche-toi vieux, t’peux le faire ». Et puis, plus j’évolue dans ma colère, moins il se dit que Tahar peut le faire, car lui-même sait qu’il se serait mis au tapis tout seul pour s’épargner ce supplice.

ET EN PARLANT DE CA ! Tu étais ou ?! Deux jours à te chercher dans ce bordel infâme ! DEUX JOURS ! Deux jours à me demander si tu étais mort ou pas mort, si je devais avoir ton décès sur la conscience ! Deux jours à me demander comment on peut être aussi… Aussi… COMME CA, LA ! Tu trouves ça normal toi ?! Moi pas ! Alors MONSIEUR Tahgel fait le prince charmant, mais il ne laisse pas de mot sur la porte pour dire où il va ! Mais qu’est-ce qu’il t’a pris d’être aussi con ?!

Et Bam, une tape par sur son bras, et une autre, qui évacue le reste de la frustration.

T’aurais pu te tuer ! Espèce d’andouille !

Fin.

C’est bon, je vais mieux. On y va ? On fait quoi ? On va où ? Qu’est-ce qu’elle a dit ?
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Étranger ici présent me parlait de vos exploits Lilou et il est inutile je crois de vous rappeler à l’un comme l’autre que vos périls ne sont en rien terminés vu la délicate position géospatiale de Down Below puisque chacun de vous avez su trouver une compagnie qui assurément vous l’aura décrite Saint Nemo dont tu me parlais pour toi Étranger et Maal ici aussi présent pour vous Lilou néanmoins à l’inévitable question qui brûle vos lèvres je me dois de répondre par un ne vous faites pas trop d’illusions rentrer chez vous n’est pas une mince non plus que très envisageable affaire et je tâcherai de réunir au plus tôt et plus tôt qu’il n’était prévu le conseil pour statuer sur vos positions délicates immédiates et à venir immédiates parce qu’il faut bien sûr qu’on trouve à vous loger en bonne et due forme tout en prenant le soin d’examiner le vaisseau avec lequel vous avez amerri ici et à venir parce que les pressions pour ouvrir la voie à la remontée vers la surface datent de bien avant votre arrivée n’est-ce pas Maal je vous sais souriant dans l’ombre où vous vous maintenez et la question était donc déjà à l’ordre du jour du conseil.

Vilement satisfait de ma performance, je reprends mon souffle, je ne laisse pas aux deux zouaves, le zouave et la zouavette, le temps de reprendre le leur. J’aime bien qu’on me laisse parler mais je sais aussi écouter, et je le prouve.

Elle a dit quelque chose comme ça. Hein Maal ?!
Que ? Oui oui, c’est ça. Vous en avez fini alors ?!

Razzer sort de son abri anti-mousson et nous crie dessus pour savoir si on peut passer à la suite. Comme l’a dit la gente hôtesse d’accueil avant de nous faire quitter sa salle du trône d’un léger battement de manche plein de panache, il faut nous loger pour le moment, et bien, parce que c’est pas demain la veille qu’on va pouvoir bouger.

Mais ne sois pas en colère, chérie, tu sais bien qu’il n’y a que toi pour moi.

J’aime bien la taquiner, elle doit me rappeler quelqu’un que je n’ai pas connu. Dont j’ai manqué pour devenir sain.

Et ne sois pas jalouse, moi je n’ai pas pu m’accrocher du tout. Imagine.

J’ai peut-être évité le trauma crânien mais j’ai eu droit aux marécages, au croco des ténèbres, aux plantes carnivores, à la boue, à la pluie, à la jungle, aux enfants, au fantôme de moi-même dans la boue encore, et au type dans une bouteille avec un valet con et les poumons percés. Et puis merde, j’ai été galant homme et on me le reproche ?

J’y étais presque mais vous vous êtes pointés trop tôt pour que j’aie le temps d’extorquer une chambre à cette bonne Sérène, cela dit. Vous me devez un endroit où pieuter, l’un ou l’autre. De bonnes adresses que tu te sentirais la charité de partager avec tes nouveaux amis, Maal ?
Bien sûr Colonel, et plusieurs même. Tout dépend en fait des dispositions dans lesquelles vous vous trouvez…
Dispositions, tu veux dire si j’aime bien avoir la tête face à la fenêtre plein nord et la baignoire orientée sud-sud-est ?
Non, je disais : tout dépend de votre humeur. En fait.
Ah, ça. Tu recommanderais quoi pour les confusions légères avec tendances subtiles à l’extrapolation rigolote des souvenirs façon ‘achement appuyée limite hallus ?
Ah, ma préférée, kréhéhéhé ! Tenez, alors, je crois bien qu’il y a une suite libre à côté de la mienne : je vous y emmène ?
Oh, un connaisseur. Ben écoute mon pote, il faut voir avec Madame, n’est-ce pas, mais moi ça me paraît une piste à creuser, ouaip. Hein Lilou ?

Je la regarde qui me regarde et qui regarde Maal aussi, l’air prête à vraiment aller vachement mieux mais plus tard peut-être en fait. Ben quoi ? La pluie lui fait des cheveux de furie. J’y suis : c’est à Céléno qu’elle ressemble en ce moment. Et avec Céléno j’étais plus qu’un sous-fifre sans être un tueur ou briseur de rêves. Copain ?

Lilou ?

Son silence doit vouloir dire oui et comme il commence à typhonner sévère autour de nous, Razzer ouvre la marche droit dans ses bottes et aussi droit que possible devant lui. Nous, on suit. Je me rapproche de la miss pour lui cajôler le sentiment en causant d’un sujet qui nous rapprochera forcément. Dans la guigne, soigne tes relations et ragote sur les autres autour.

C’est bien un pigeon du CP, lui ?
Hum ? Vous avez dit quelque chose, Colonel ?

Gouge nègre, j’ai dû réveiller son radar. Bon, au moins ça me confirme que.

Non, je lui demandais si par hasard tu étais pas un membre des glorieux Cipher, très cher ?
Ah ! Si, vous avez vu juste… Qu’est-ce qui m’a vendu cette fois ?
Oh, c’est un tout tu sais, je crois… Mettons que tu as le rire volatile, peut-être ?
Pffr, il faut vraiment que j’arrête avec ça, c’est de la triche…


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Il fait le paon. Il continue. A se pavaner comme un Lion dans sa savane. Un Lion boiteux mais un Lion fier, qui agite sa crinière et se dandine sur ses quatre grosses paluches. Un Lion en terrain conquis, qui se fait aux civilités et coutumes de la région pour imposer la sienne. A parler avec flegme. Parfois, je ne l’aime pas. Dans sa manière d’être, de parler, son arrogance assise par l’âge. L’âge, qui a l’air d’être un argument pour un peu tout. Il ne perd pas de sa superbe devant mon silence pesant. Bouche hermétiquement close, ne répondant pas à ses « Lilou » mielleux et ses regards pétillants. N’ayant rien à répondre peut-être.

Allons-y.

J’imagine qu’il faut être deux pour être seul.

Il s’avère que dans la cité-mère, qui ne reçoit que peu de visiteurs, qui n’est pas un endroit ou le tourisme fait l’économie, il n’y a finalement qu’un seul hôtel. Un seul dans le lot de toutes ces maisons qui s’empilent sur cette colline, et les autres dont l’agent a parlés ne sont que des crèches à droite à gauche que Maal Razzer squatte le temps d’une nuit lorsqu’il ne veut pas rejoindre son « chez lui ». Un hôtel dans ce lot de bâtiment, mais un hôtel évidemment vide de gens car personne n’a besoin d’une auberge ici.

Paix chez vous. Des visiteurs ?
Paix chez toi, mon cher. Ces deux étrangers ont besoin d’un toit et d’un lit pour la nuit.
Bien, qu’ils choisissent, toutes mes chambres sont libres. Des étrangers qui viennent d’où ?
D’en haut.
Soit. Servez-vous.

Le gardien étale sur le comptoir en bois poussiéreux une dizaine de clefs différentes destinées à ouvrir une dizaine de chambres différentes. Il retourne à sa lecture, replongeant son nez tordu dans un énorme bouquin usé par le temps et l’humidité ambiante. Les pages sont trempées, comme les mains de l’homme sont moites. Nous faisons demi-tour après avoir fourré la dizaine de clefs dans nos poches, Razzer nous orientant vers le couloir qui mène aux chambres.

Je vous attends ici.
Bien.

Tahar me suit. Il boite et parle sur le trajet, trifouillant dans mes poches pour en ressortir la plus belle clef. La plus belle car elle ouvrira forcément la meilleure chambre. Sur les trois étages de couloir, c’est à la dernière chambre que nous nous arrêtons, et cette chambre que je choisis par défaut. Mais Tahar insiste : La plus belle clef ouvre cette chambre, ça sera donc la mienne. Avant de foncer et de s’installer confortablement sur le lit sans enlever ses bottes boueuses et son manteau crasseux.
Demi-tour, je laisse la clef sur la porte pour prendre la chambre à côté. Elle n’est pas ouverte par la plus jolie clef, mais elle a le minimum pour vivre : Un lit, un bureau, une table de chevet avec une lampe, une salle d’eau avec une baignoire, et une fenêtre qui donne sur la rue passante, vide pour l’instant à cause du torrent de pluie qui tombe.
L’heure passée à se refaire une santé et une beauté, nous retrouvons Maal Razzer qui accepte de nous orienter dans la cité mère jusqu’à une gargote pas bien lumineuse mais suffisante pour le diner. Et la variété des plats se limitent à la variété de poisson qu’on peut pêcher dans le coin. Quelques banalités échangés pour en savoir plus sur la vie de Razzer à Down Below, un repas vite plié entre deux coups de fourchettes et deux verres pour accompagner, nous nous faisons aux règles de la ville en nous remplissant la panse.

Finalement, nous terminons et je me lève en remerciant le gérant pour son repas.

J’y vais.
Il est tard, vous devriez vous coucher.
Elle n’attendra pas demain.

Razzer pousse un long soupir. Il retire son énorme blazer pour me le tendre. Pour m’abriter de la pluie, qu’il rajoute derrière sa barbe trop longue avant de se rassoir et terminer sa bière à l’eau de mer. Dehors, il y a un léger courant qui s’apparente au vent et il fait noir. Plus que d’ordinaire, comme si les jours se rythmaient par rapport à la marée. Alors il fait nuit et la place est vide, le restaurant également et il ne reste que nous. Je me tourne vers Tahar en enfonçant les mains dans mes poches. Et je demande :

Tu viens ?
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Je te rejoins.

J’aime bien Lilou, sa compagnie me fait toujours retrouver le petit grain de folie qui me rend si spécial. C’est elle qui m’a ramené ma fantaisie à l’instant même où mon chemin a croisé le sien, en pénétrant Serenity au lieu de mourir. Et à Bliss la rencontrer m’avait fait traverser Redline pour mon anniversaire, à Peutin Port elle m’avait ravi à Viper et reconstruit la Sublime, et à Clockwork c’était aussi à la fois mouvementé et inspirant. Et puis je connais trop les rouages du destin facétieux pour que nous rencontrer une fois par an ne soit qu’une coïncidence… J’en ai trop vu avec Red, de ces retrouvailles, trop vu avec Jenv. Trop vu avec Ishii, avec Jack. Avec Sergueï, avec Layr.

Avec Pride. Avec Izya.

Dans un pays dont j’ai foulé du pied les mœurs et sauvé les veuves de leurs orphelines, mais dont j’ai aussi oublié le nom, on racontait que dans chaque goutte se fracassant au sol il y a un souvenir prêt à se répandre devant les yeux de celui qui écoute la pluie tomber. Et leurs petites têtes à tous volent dans l’air autrour de moi attablé et de Maal attablé aussi mais qui ne voit rien. Tous, ils avaient tous changé quand je les ai revus.

Lilou a changé. On l’a changée. Mûrie. Elle était déjà femme, elle est devenue plus. Membre de ce petit lot de gens qui peut-être finalement pourraient changer le monde comme ils l’annonçaient alors qu’on ne les croyait pas. Alors que je ne la croyais pas. Le côté habituel et prévisible de sa colère tout à l’heure à la sortie du palais n’a pas masqué la dureté acquise par son œil. Elle a tué je pense, et on l’a tuée un peu aussi. Quand elle marchait à travers cette soirée, à travers l’hôtel et à travers ce restaurant minable, quand elle n’est pas venue me rejoindre dans la chambre parfaite alors qu’elle aurait pu, et quand elle a expédié son repas que j’aurais aimé prolonger, c’étaient les évènements qui se pliaient à sa volonté et pas l’inverse.

Lilou Bennett Jacob, hein. Et Phillip.

Je me demande si elle a revu son truand de père. Si elle a confronté aussi son sacré vice-amiral de grand-père.

Je la regarde s’éloigner, disparue déjà dans la nuit mais, là-bas, encore très clairement présente dans mon esprit. Non, il n’y a pas de petit gamin qui la pourchasse, pas un pour me faire un signe. Mais je sais que je vais y aller, je sais où elle va. Et j’ai envie d’aider quelqu’un, elle, comme elle a pu m’aider (ou pas). Et je n’ai pas besoin qu’on me montre la voie puisque je la connais. Aider quelqu’un, hein. Est-ce que moi aussi je change à chaque fois ?

Agent Razzer ?
Colonel ?

Peut-être bien que oui. Ça voudrait dire que j’aurai changé quand je reverrai Izya. Très bien. Je caresse ma main à l’endroit où j’ai marqué ma fille. Marquée. Peut-être que je n’aurais pas dû, ce n’est pas une propriété, ou pas une propriété que je veuille ou puisse perdre comme j’ai pu perdre les quelques effets que j’ai possédés dans mon existence. Elle est par là-bas qui s’agite, qui vit. Non, moi aussi je vais bien, je vis, ne t’inquiète pas. Je mettrai encore un peu de temps à te revoir. Et toi aussi tu auras changé. Peut-être même que tu auras compris.

Colonel, vous alliez dire ?
Non, rien finalement. Merci.

Merci ? Encore une fois Lilou n’est plus là et voici que le fantasque m’a quitté. Je le regrette parce que je me sens du coup moins vivant, un peu plus que quand je dormais dans la fange des bas-fonds mais moins vivant tout de même. Plus distant de ce qui m’entoure. Mais peut-être que ce n’est pas tout à fait un mal de penser parfois. Penser au calme dans un trou improbable et perdu au fonds des océans. Peut-être que j’y trouverai des réponses. Calme, l’orage le devient.

Bonsoir Colonel. Si vous ne trouvez plus votre chemin, attendez les chants.

Nemo m’avait donné le même conseil. Je hoche la tête et m’enfuit dans la nuit, le laissant là avec l’addition.

Lilou n’a pas bien progressé, je la retrouve après quelques encablures à suivre sa trace dans le noir. Et aussitôt des mots me viennent, coquins ou bien seulement déplacés, mais je ne les prononce pas cette fois. Je fais comme elle et je suis le tunnel de silence. Serenity en est au bout, loin loin au bout. On y arrive quand l’ombre s’éclaircit. Sépulcrale. La clairière l’est. Avec cette énorme silhouette faite de reflets dispersés çà et là sous le vent et au milieu des algues, algues et arbres défoncés, déchiquetés. Et ce chemin dans l’herbe spongieuse qui mène là où moi j’avais atterri.

Bon, dis moi alors jeune fille. Qu’est-ce qu’on commence par casser ?

Le silence.


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Tu devrais partir te coucher, je n’ai pas fini.

Jour revenu et bien entamé, c’est pleine de boue, couverte de terre et les bras nappés de cambouis que je finis par demander doucement à Tahar de quitter la place. Peut-être à bout de patience, ou par besoin de solitude. Peut-être les deux. Bien que la compagnie du Pirate ne soit pas des plus déplaisantes, je crois que le voir faire de la figuration m’embête plus que ça ne m’amuse. J’aurais pu l’autoriser à débrancher des circuits, toucher des trucs et casser des machins. J’aurais pu, mais je ne l’ai pas fait. Et c’est en rafistolant la carrosserie de Serenity que je l’invite à aller faire quelque chose de plus amusant que me regarder.

Je ne rentre pas.

Je referme le capot et m’essuie les mains dans un vieux drap trouvé dans une des cabines. Il n’y a rien d’autre à dire, juste un petit regard partagé qui ne feint même pas la gêne de lâcher ces mots. Ce n’est pas lui que j’embarrasserai de politesse et de bienséance. Peut-être qu’à force de le croiser, et de le recroiser, j’ai fini par me faire à cette manie que j’avais de ne pas prendre de gants, même si j’y risque des caprices, des coups ou ma vie. Tahar a l’air de comprendre le message et tourne les talons pour boiter jusqu’à la lisière de la forêt, direction n’importe-où ça ne me regarde pas.
Je fais de même, retournant là où tout s’est mal déroulé pour qu’on arrive ici, histoire de rebrancher la machine. J’enfonce la porte en acier, enlève les algues et attrape la prise à deux mains. Je finis par l’enfoncer dans son branchement de toutes mes forces. Lorsque je termine, il ne se passe rien pendant quelques secondes, avant que la lumière rouge refasse des siennes et qu’un vrombissement du moteur brise le silence.

Reboot System… Entrer accès…

Cette voix mécanique me fait frissonner un temps, il me renvoie à quelques jours en arrière, quelques heures pourtant et rien de plus, mais quelques heures éprouvantes moralement. Un temps qui passe vite lorsque je retourne à l’intérieur, dans l’antre de Serenity, protégée par cette carapace d’acier et de technologies complexes. Pour m’asseoir sur ce fauteuil où tout se passe, où tout se vit. Devant moi, des touches par centaines sur un clavier trop grand pour mes petites mains, et un écran qui m’affiche un message pourtant simple me rendant toute chose.

J’hésite.

MYNAME : {}
USERNAME : {}
MISSION : {}

Je reste un instant silencieuse, immobile, à songer simplement à ce que je suis en train de faire et à pour quoi je le fais. J’ai bien fait de faire partir Tahar, que je n’aurais pas aimé qu’il me voie, vide et hostile à l’idée même d’effleurer cette machine.

Serenity.

Au fond, Serenity est un monstre génial. C’est ce que je pense, et c’est ce qui me fait froid dans le dos. Elle, auparavant si forte, prête à nuire au premier venu qui n’était pas son père. Et elle aujourd’hui, qui me demande un nom et une famille. D’où je viens et qui je suis. Même plus de la place pour ce père d’avant qui n’existe plus. Comme effacé. Il a pourtant laissé une marque sur la porte d’entrée. Et moi, je suis là, avec une responsabilité sur les bras. Le trajet, l’atterrissage, le temps à errer toute seule dans cet océan glacial… L’ont plus endommagée que je ne l’imaginais. Et il me faudra un temps fou pour réparer cette mémoire défaillante.

Je parle d’une enfant perdue. Au fond, Serenity est plus que ça. Elle est une œuvre d’art et je ne suis pas sûre que son créateur l’ait vu ainsi à la base. Pas comme une œuvre. Comme une échappatoire. Alors, oui. Je reste plantée là à regarder ce clavier, à me demander ce que je dois faire. Sans arriver à me dire que ce n’est qu’une machine réinitialisée, vierge de toute blessure. Je me dis qu’en fait, elle a de la chance. Je me dis…

Entrer Accès.

Je me redresse brutalement et m’approche du clavier. Mes doigts pianotent quelques mots. Sur l’écran, rien d’encore fait mais déjà un progrès. Peut-être un progrès.

MYNAME : {SERENITY}
USERNAME : {LILOU}
MISSION : {/}

Et avant de confirmer :

Quand tu voudras tout savoir, demande-le-moi.
Démarrage système en cours, n’éteignez pas le système, n’appuyez pas sur escape. Patientez quelques instants.

Démarrage terminé.
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Aider Lilou, hein.

Moi vieillissant, je suis redevenu pour un temps le petit inconscient transi sous son balcon qui s’est pris les râteaux de son indifférence toute la nuit. J’ai beau avoir roucoulé en plus ou moins silence tout le temps qu’ont duré ses manipulations, prévenant, serviable et glorieusement inutile sous son manque de directives, si quelqu’un peut l’écouter il semble que ce ne sera plus moi.J’ai dû perdre mes galons de confident nocture quelque part vers le jour où j’ai connu la vraie nuit, celle des tréfonds où la lumière n’est jamais allée. Bah.

Clopin-clopant, je m’en vais comme elle l’a requis, à tes ordres ma tendre et platonique. Peut-être est-ce mieux ainsi, et me rebeller n’y saura rien changer, louées soient les grandes fadaises sacrées. A la lisière des arbres je me retourne et jette un regard à l’épave. Lilou a déjà disparu à l’intérieur. Un rictus me vient à imaginer que c’est toujours de mon esprit qu’il est question et qu’elle n’y est que partie à l’aventure, chercher un quelconque secret dans les noirs méandres tortueux de mes souvenirs. Mais non, c’est une machine qu’elle répare, une machine qui ne pense que mal et qui à ça d’inhumain qu’elle peut être tranquille en sa compagnie.

Un long sourire chargé d’ombre. Il n’y a pas de secret dans ma tête, juste des cachots où je m’enferme.

Quand j’ai suffisamment avancé pour être à mi-chemin entre le point là-bas derrière qui est Lilou toute seule et l’autre point là-bas devant qui est la cité-mère toute entière, le petit gnome revient avec ses cheveux en bataille comme moi et son nez qui coule. Je me demande s’il est le moi d’avant ou d’après que j’ai commencé à aimer les femmes. Il faudrait qu’il parle pour que je lui demande, mais il s’enfuit quand je vais pour l’apostropher.

Il fait presque sec et le vent s’est presque calmé, ça ressemble à une aube normale, n’étaient ces grands murs de gris-vert-bleu tout autour et montant jusqu’au ciel un peu plus clair là-haut. Salut, la surface.

Comme la veille mais un peu plus ensommeillé, un peu moins rapide encore, j’arrive jusqu’au palais en suivant mon double. La populace locale est de sortie en cette matinée lumineuse, ils louent le ciel et me regardent à peine avec leurs grands yeux un peu différents. Diapahanes et secs, manquant de soleil et d’air pur pour les fouetter du grand vent de la vraie vie. Pas comme la veille, la garde me laisse passer. Invité de marque mon cul, se disent-ils, et ça résonne, sous leurs casques démodés. Amodés, atemporels. Étrangers.

Entre, Étranger, je sais pourquoi tu es ici.
Tu sais pourquoi je boite, Sérène ?

Que je la tutoie ne semble pas la bouleverser. Evidemment.

Je sais que si ton cerveau ne te le dis pas encore, il te le dira quand il le faudra.
Et quand est-ce qu’il le faudra ?
Quand tu sauras quels si lourds dangers pèsent sur ton chemin que tu préfères ralentir ta course jusqu’à eux.

Dangers, chemin ? Je ne sais même pas où je vais, alors quel chemin ?

Justement.
Tu lis dans les pensées aussi ?
Non mais tu allais poser la question et ça je peux le voir.

Et je peux voir aussi que ce n’est pas pour ça que tu es venu.

Elle a quitté son trône pour glisser jusqu’à la zone où Petit Tahar s’est remis à jouer. Sans doute qu’on ne lui a pas encore appris qu’il fallait aimer les femmes, il est trop calme. Elle ne le touche pas, mais elle se tient à côté de lui comme une mère qui surveillerait son petit de près.

Tu peux le voir ?
Non.
Alors comment
Observe-le.

Il joue aux osselets.

Il joue aux osselets.
Observe mieux, que fait-il ?

Je ne comprends pas.

Il joue aux osselets…

Encore un long silence plane et je crois être retourné avec Lilou à ne rien faire que la regarder. Mais cette fois c’est elle, Sérène, qui me regarde et ne fait rien. Rien que se tenir à côté de Tahar qui joue, une toise à côté peut-être, très légèrement inclinée comme si

Il joue aux osselets avec quelqu’un.

L’ai-je bien vue qui souriait ?

As-tu compris, Étranger ?
Non…


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Mademoiselle ?

Je relève le nez de derrière mes troncs taillés, les balançant au pied d’un jeune homme avec un entonnoir sur la tête. Il se tient droit, une aiguille dans la bouche et me regarde comme s’il cherchait à me reconnaitre, les yeux plissés. Je l’interroge de l’œil, prête à retourner les talons pour rejoindre Serenity pour élaguer la forêt sur sa trogne.

Je suis Stan. Saint Nemo m’envoie. Je cherche un homme.

Je prends la peine de faire une pause. Ça ne peut pas me faire du mal. Des feuilles dans les cheveux et couverte de terre, je m’essuie le visage dans mon t-shirt sali, et lui réponds d’une voix relativement ferme :

On en cherche tous un. Bienvenue au club.

Stan rit. Il me détaille à nouveau et reprend avec le sourire :

Pas ce genre de recherches, mademoiselle. Désolée de la méprise.
Qu’est-ce que tu veux ?
Savoir si Tahar va bien.
Hinhin.

Ce rire-là, il est nerveux. Je regarde autour de moi pour lui montrer qu’il n’y a personne, et surtout pas trace de ce fameux Tahar. Il n’est pas le seul à le chercher, mise à part le fait que je ne le fais pas activement. Il n’a pas repointé le bout de son nez depuis que je lui ai demandé de partir. La demande n’impliquait pas qu’il ne revienne jamais, mais je ne suis apparemment pas le genre à le faire revenir ou à le retenir, moi.

Demande à la Reine, elle te le dira.

Stan capte l’ironie dans ma voix. Il questionne.

Ecoute, ça fait trois jours que je suis ici et que je ne l’ai pas vu. Et la dernière fois, il avait tout l’air d’être drôlement à l’aise avec Sérène. Alors, s’il doit être quelque part, c’est sans doute là-bas.

Soit. Stan se contente de cette réponse mais ne part pas pour autant. Non, il reste planté là alors que je regrimpe sur Serenity pour balancer de ma hauteur quelques paquets de feuilles mortes et branches arrachées.

Vous êtes l’autre étrangère, n’est-ce pas ?
Sans doute, si c’est ainsi que l’on m’appelle.
Je tenais à vous voir pour autre chose.

A nouveau je m’arrête en plantant mes mains sur mes hanches, l’air importuné par toutes ces questions. Je le suis, oui. Je m’étais habituée à ma solitude et au silence rythmé seulement par les demandes de Serenity. Pas de voix humaine, pas de doute humain, seulement moi, ma tête et une voix robotique. Peut-être que la compagnie d’un homme me manque, mais je ne le dirais pas.

Je croyais que vous cherchiez Tahar.
Oui, mais une femme est, ici, sans doute plus intéressante qu’un homme.
Je vois le genre, c’est subtil. Je ne suis pas intéressée. Les types à entonnoir, ce n’est pas mon genre.
Non, ce n’est pas pour moi. Je suis très heureux avec mes deux femmes, et une de plus serait de trop. Mais, mademoiselle, avez-vous un époux ?
J’ai l’air d’en vouloir un ?
Point du tout, loin de là. Vous avez tout l’air de savoir vous débrouiller seule. Et puis, qu’en sais-je, peut-être que vous songez ailleurs, mais voyez mon maitre m’a ordonné quand même de demander : La troisième femme de Saint Nemo vient de mourir, j’en cherche une autre pour lui. Il serait de bon ton de penser à vous installer. Vous investir. Fonder une famill-
Oh oh oh !

J’agite les bras devant moi, comme pour le faire taire. Stan s’exécute en semblant ne pas comprendre d’où ça vient.

Penser à m’installer ? Moi ? Ici ? Tu sais d’où je viens, non ?
D’en haut, oui.
Et tu sais que je vais y retourner, non ?
Mais, la Reine Sérène et le conseil n’ont pas vraiment l’intention de vous y renvoyer. Ils ne l’ont jamais fait de toute façon.
Ah ?
Trop risqué, selon les mots de Razzer. Il avait l’air en colère.
Razzer ? Tu l’as vu ?
Oui. Il vous cherche, en parlant de lui. Je suis passé en ville pour trouver Sieur Tahar, mais je suis peu habitué à la cité-mère. Fort heureusement, j’ai croisé Maal qui m’a réorienté vers vous, et qui m’a dit de vous dire qu’il vous cherchait, avec Sieur Tahar.
Ok, d’accord. Pourquoi ne pas avoir demandé à Maal des nouvelles de Tahar alors ?
Eh bien, je ne sais pas.
T’es un peu con-con.
Plait-il ?
Rien. Je te laisse, j’ai « Sieur Tahar » à voir. Dégage les derniers troncs arrachés veux-tu.
Mais je-
Merci.

Je balance mes gants en arrière et réajuste mon t-shirt sale pour me mettre en route vers la cité-mère.
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Et donc c’est elle que tu vois ?
C’est elle. Alma.

Dans une des galeries du palais nous sommes aujourd’hui devant un portrait de famille datant du règne précédent. Une femme d’une quarantaine d’années figée dans l’éternité peinte d’un tableau rehaussé de coquillages en tous genres. Curieux art. Elle est aussi en kimono blanc, ça doit faire partie du folklore local, mais un chapeau de fourrure lui cache et gâche ses cheveux et la moitié du front. Même Down Below a ses modes. A ses côtés un homme dans l’ombre, quelconque, qui doit être le mari ou en tout cas le géniteur des deux gamins qu’elle maintient contre elle dans ses jupons. Un gamin et une gamine, quinze et dix ans. Sérène me fait le topo rapide de sa coronation il y a huit ans à la mort de sa mère, précédée de son père qui n’était pas important.

Elle évite le frère, comme elle a su esquiver tout ce qui devenait un peu personnel à toutes nos entrevues de ces derniers jours, où je réessayais de comprendre ce que faisait Tahar dans son coin pendant qu’elle me racontait les préparatifs de la réunion des hautes instances du royaume. Qui était arrivé, qui arriverait demain. Des noms, des femmes que je ne rencontrerai jamais. Et ce matin la dernière où tout le monde est là, et maintenant l’ultime délibération en cours dans notre dos, qui me vaut ce privilège d’en apprendre un peu plus sur elle pour passer le temps. Peut-être aussi pour se défausser d’un peu de la nervosité qui l’agite sous ses dehors toujours calmes.

Et lui ?
Parti, il y a cinq ans.
Mort aussi ?
Parti. A la surface découvrir le monde. Ton monde. Les Sereins mâles n’ont pas grand avenir ici-bas.
Je comprends mieux pourquoi c’est l’inverse dans la jungle.

Les Sereins tout court n’ont pas vraiment d’avenir. Mais je ne le dis pas, le masque de tranquillité se craquèle déjà sur son visage à revoir cette époque et je ne me sens pas d’humeur taquine. Non, en fait je commence à manquer d’air ici, il n’y a aucune fenêtre dans la galerie et je n’ai pas de vue, pas d’horizon autre que les murs sombres éclairés à la torche. Et le poids de l’eau tout autour derrière le bâtiment se fait plus fort, plus étouffant.

Elle joue aux osselets aussi ?
A la dinette. Chacun a son imaginaire, ses souvenirs de sa jeunesse.
Donc c’est bien une hallu.
Ce n’est que ton esprit qui cherche à se donner une forme pour être plus accessible à tes sens.
Et tout ça pour ?
Tu n’as pas encore compris ?
Eclaire-moi donc.
Où est-il ? En cet instant précis.
Je ne le vois pas…
Et que ressens-tu ? Que pressens-tu ?

Le poids de l’eau tout autour, prêt à s’abattre sur moi à la moindre faiblesse, à la moindre faille du mécanisme forcément prodigieux qui est à l’origine de la survie de ce petit coin de vie insensé dans les abysses. Le poids et les mouvements de cette eau, courants aux forces colossales, titanesques, face auxquels je ne suis qu’un simple poisson semblables aux centaines de mille autres qui y fraient comme ils fraient dans tous les océans du monde. Simple poisson mais qui ne pourrait ni respirer ni se débattre si...

Je sors. Il n’est nulle part, je ne suis nulle part. De l’air me caresse.

Et je suis partout à la fois. Dissipé dans cette colonne d’air tout autour, sous cette nappe d’eau au volume inifini qui ne demande qu’à l’engloutir, qu’à l’absorber. Je me cherche du regard mais je cherche un esprit, je cherche mon esprit invisible dans un milieu ouvert… Peine perdue. Et moi qui croyais en avoir fini avec les illusions qui n’en sont pas comme Serenity. Je ris silencieusement face à cette folie que je ne peux contrer, qui n’en est une que selon le référentiel adopté. Puis je m’apparais à quelques toises de moi-même, puis je prends forme, moi enfant, moi innocent, moi omniprésent et pourtant si ramassé, si chétif que je l’étais alors.

Le suis-je beaucoup moins à présent ? J’ai évité les miroirs depuis l’Usage Modéré.

Dans la cour déserte du palais, sous ce ciel qui n’en est pas un, je me regarde et me je regarde. Mon moi du passé, qui est aussi une porte sur un futur tout différent, a une expression indéfinissable sur ses traits de poupon, lisse de toute ride, lisse de tout dommage encore. Eh. Dire que je devais toujours avoir un frère à l’époque où j’étais lui. J’ai envie de lui demander comment il va, ce frère que j’avais, mais je sais maintenant que cet ectoplasme n’est que moi-même, et je sais comment va mon frère pour lui : il est encore vivant, je ne l’ai pas encore tué. L’enfant-moi cligne des yeux, s’approche et m’observe de près, me tourne autour, comme s’il m’avait apprivoisé ou l’inverse. L’air satisfait, en tout cas contenté, l’air d’avoir fait le tour de ma question, il se replace à quelques pas devant moi. Regarde la voute qui nous entoure et je la regarde aussi.

J’y vois des poissons invisibles à mon œil nu que ses yeux à lui me montrent, et dans les maisons de la cité plus près de nous je vois malgré les cloisons épaisses les Sereins qui les habitent. Et quand il regarde dans mon dos je la vois par ses yeux qui s’approche, alors que quand je me retourne elle n’est pas encore là. Elle tourne juste au coin de couloir là-bas et enfin ses pas l’amènent sur le gravier de minuscules galets, et enfin la voilà devant moi qui me dit, qui me dit ce que je sais déjà.

Il ne reviendra plus aussi souvent maintenant que tu sais ce qu’il est.

Et le conseil a pris une décision.

Je regrette, Étranger.


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Lilou ! Enfin je vous trouve !

Ma randonnée dans la forêt jusqu’à la cité-mère n’a pas atténué mes doutes et ma colère. Mais maintenant que Maal est là pour m’expliquer tous les tenants et les aboutissants de cette réunion qui n’a pas tourné en notre faveur, je sens quelque chose en moi bouillir de rage. Mon pas s’accélère, mes poings se ferment et je me dirige instinctivement vers le palais qui pointe le bout de son nez sur l’horizon. Maal tente de me faire ralentir, conscient de cette colère irraisonnée qui m’a prise. Il l’a sentie, monter et croitre à l’intérieur. Lui aussi est en colère mais moins spontané et impulsif que moi.

Que faites-vous ?
Je vais lui faire bouffer ses grands airs sereins et son kimono.
Ce n’est…

Il tente de me forcer à ralentir la cadence, mais je me défais de sa prise et remonte la rue pavée vers l’entrée du château.

Ce n’est pas la solution ! Vous allez vous attirer des problèmes !
Je vais m’attirer des problèmes ! Grand dieu ! Qu’est-ce qu’il peut y avoir de pire que d’être coincé sur ce bout de caillou au milieu de nulle part ? Attendez… RIEN ! Je n’en ai rien à secouer de ces problèmes ! Elle fait déjà bien ce qu’elle veut, elle ne va pas en plus m’obliger à me taire ! Tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi et rejoindre mon équipage ! La seule personne qui s’attire des problèmes sur cette putain d’île, c’est la personne qui m’empêche de repartir. La reine, en l’occurrence !
Raaah !

Nous passons la rue, remontons les premières marches pour aller voir la Reine. Mais sans rendez-vous, les gardes s’interposent en nous demandant de faire demi-tour. Mon sang ne fait qu’un tour comme le haki qui s’abat brutalement sur les deux hommes. Ils tombent inconscients sur le sol. Maal vacille dangereusement en demandant d’où ça peut venir, se raccroche à une colonne pour garder l’équilibre… Je ne m’arrête pas, ouvre brutalement l’immense porte de l’entrée du palais et hurle après Sérène en demandant une entrevue immédiatement.

L’affolement des gardes à l’extérieur a fait réagir la Reine. L’entrevue se fait dans l’entrée, quand Sérène déboule dans son long kimono, plus belle que la première fois, avec quelques gardes sur ses talons qui s’évanouissent à l’unisson. Elle s’accroche à ce qu’elle trouve, soit le galant Tahar qui la maintient débout. Un vague regard pour l’homme en dit long sur ce que je pense. Je me rapproche, me calme un peu pour éviter de la lessiver totalement. Pas facile quand on ne maitrise pas vraiment le Haki mais j’y arrive en prenant une grande inspiration pour retrouver mes esprits.

Que se passe-t-il ?
A vous de me le dire, vous qui prévoyez tout à l’avance.
Je ne comprends pas.
Oui, sûr, vous ne comprenez pas. Comment ça on ne peut pas rentrer ?
Sérène, je-
Vous êtes pardonné, Maal. Ecoutez, je comprends votre colère, Lilou, j’en suis désolée mais…
Non, « étrangère » pour vous. Je m’en fous que vous soyez désolée. Si vous comprenez si bien ma colère, qu’est-ce que je fais encore ici ?
Les délibérations ont estimé qu’il était trop dangereux et coûteux pour mon peuple, surtout pour seulement deux étrangers, de changer le sens de notre seule voie d’accès…
« Coûteux et dangereux ». Oui, oui, oui. Vous qui êtes si fine et si maligne, vous devriez savoir qu’il est un poil plus dangereux de me garder ici.
Les menaces peuvent coûter chères, et je ne vous en tiens pas rigueur parce que vous êtes une étrangère ici. Mais ma patience a des limites. Ne dites pas des choses que vous regretterez.
La seule chose que je regrette c’est de ne pas vous coller mon p-
Elle n’a rien dit, Sérène, vraiment désolé…
Je comprends, Maal. Laissez-la.
PUTAIN !
Ça ne tient pas de moi…
Bah voyons…

Je tourne les talons, commence à faire les cent pas. Mon regard se repose sur Tahar, puis sur Sérène, et à nouveau sur Tahar. Et peut-être que c’est mon esprit tordu, mais des connexions se font. Et en prenant ça, ça et ça, je vois un tableau d’ensemble qui ne me plait pas du tout. Mais alors pas du tout… Je m’arrête, sourire rogue et voix âpre :

En fait, vous n’aviez pas l’intention de nous renvoyer chez nous. Pas du tout, et depuis le début… J’aurais dû m’en douter. Vous vous êtes trouvé un petit copain, alors vous avez l’intention de le garder auprès de vous. Vous en avez l’autorité, tant qu’à faire.

Sérène n’a plus l’air si sereine. Mais c’est sûrement moi qui mésinterprète qu’on va dire.

Vous délirez.
Oui, bien sûr. Je délire. C’est d’ailleurs pour ça l’air minaudant et la jolie tenue, parce que je délire.
Je…
Nous devrions partir…
Ouais. C’est ça.

Et c’est pleine d’insolence que je fais la révérence pour ensuite tourner les talons :

Je ne vous dis pas ce que j’ai prévu, vous le savez déjà.
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Elle arrive, elle repart, encore une fois furie, encore une fois si pleine de colère. Jalouse ?

Je la reconnais bien là dans son impulsivité, sans la reconnaître. Du haki royal ? Alors c’est ça le cadeau que tu lui as laissé, Punk, bon père parmi les pères ? Un beau cadeau, je me demande si Izya serait contente d’avoir un héritage de la sorte. Il faudra que j’en discute avec elle à l’occasion. A mon bras, la reine reprend son maintien, le teint légèrement rosi mais c’est l’émotion sans doute. De ce qu’ils ont montré jusqu’alors, les Sereins ont peut-être une garde mais elle n’est pas d’une grande utilité et le conflit ouvert ne doit pas être une notion qu’ils connaissent ni entendent vraiment. Toute une nation d’hommes élevés par des femmes. Et de femmes. A se demander comment ils ont résisté face à des types patibulaires comme Nemo ou j’imagine le fameux « Capitaine ».

Ou face à des tordus dans le genre de Razzer qui de son côté raccompagne Lilou vers la sortie en bon gentleman. Même s’il vacillait lui aussi, j’ai vu dans son œil son petit sourire satisfait de fourbe qui ne s’assume pas au complet, quand il y a eu cette vague lourde dans l’air. En voilà un qui serait bien content de quitter l’endroit, et qui doit déjà savoir comment faire pour y parvenir. Et Lilou est la clef de ses plans.

Je reviens…
J’en doute, Étranger.

Elle murmure à peine mais j’entends mieux les murmures désormais. Et je suis déjà sur le perron quand elle parle dans mon dos, claudiquant dans le sillage du duo infernal. Partir, hein ? Peut-être que oui. Sans que ce soit trop en rapport avec cette empathie accrue que j’ai acquise, je sens un appel de cette surface là-haut. Ça ne me manque pas, pas vraiment, pas totalement mais j’ai à y faire. Et j’y respirerais mieux à n’en pas douter. Douter ? Si, je reviendrai avant de partir. Mais il y a plus urgent… Ma moelle relaie dans la moindre extrémité de mon corps la douleur qui lance depuis ma jambe à chaque pas, mais en courant je rattrape un Maal essouflé qui me dit qu’il a perdu Lilou, partie à gauche.

Mais, pff, retrou, pff, retrouvez-moi à l’hôtel, Colonel ! Pff !

Un agent qui se fait vieux. Comme moi j’ai commencé à vieillir ? C’est ça, les dangers qui pèsent sur moi ? Je m’ébroue pour ne pas perdre de vue l’empreinte qu’elle laisse sous la pluie. Les gouttes semblent voiler mon champ de perception, peut-être parce qu’il y a une telle myriade d’entre elles que je perçois désormais, peut-être parce qu’il y a vraiment un souvenir qui jaillit de chacune qui s’écrase à terre. Une silhouette là-bas. Elle se retourne, me voit, repart de plus belle. Je ne tiendrai pas la distance, elle est trop rapide, trop jeune…

ASSEZ !!

La vague concentrée vers elle de mon Aura à moi, de rouge et de noir mêlés, l’atteint alors qu’elle franchissait les limites de la cité. Nous ne sommes que tous les deux et j’ai tôt fait de la rejoindre parce qu’elle est un peu sonnée quand même. Petit vieillard Tahar n’a pas encore perdu de toute sa superbe. Elle non plus, tiens, cheveux et vêtements mouillés, pantelante, à ma merci l’espace d’une fraction d’instant… Je la saisis à la gorge sans trop serrer mais la plaque sans manières contre un tronc, face auquel elle prend les proportions d’une brindille. J’approche mon visage du sien encore plein de rage, encore plus désormais ? Vraiment rien à voir avec le souvenir fragile d’elle qui m’était remonté dans le noir de ma cellule d’Impel Down, quand toutes elles étaient venues me jouer leur mauvais tour.

Assez ! Lilou ! Enfin !

Elle se débat mais ma barbe contre son menton, mon œil près du sien et mon autre main sur celle qu’elle cherche à m’envoyer en plein visage la maintiennent. Je reprends mon souffle et elle perd un peu du sien.

Assez, tu veux bien ? Je te lâche.

Test échoué, elle se retend à peine j’ai esquissé un relâchement. Je renvoie du sang dans ma main, resserre l’étau.

Eh enfin quoi ? Tu es donc vraiment jalouse, toi qui te tiens à l’écart et refuses de parler depuis que Serenity s’est plantée ?

Ne le sois pas. Comme je t’ai dit, il n’y a que toi… dans ma vie…


Sourire crâne qui se fige. Ce qui commençait comme une boutade est un peu vrai, à tout bien considérer.

Enfin, tu y es ce qu’il y a de plus proche de quelqu’un de permanent, à réapparaître une fois par an comme tu fais. Même Red… Rossignol, tu as dû entendre parler de lui ces derniers temps ? Même lui je ne l’ai pas vu aussi régulièrement dans nos folles années.

Toi et Izya, les fantômes dans ma tête qui m’y distraient de ce qui y rôde.


Je ne sais pas ce que j’ai touché chez elle mais enfin elle se calme vraiment. La fureur dans son œil se dissout, sa mâchoire se décrispe un peu. Et son poing retombe contre son corps. J’interprète une interrogation dans son nouveau regard. Curieuse de ce qui rôde en moi ?

Les souvenirs.

Le grand noir. Celui dans lequel tout arrive, dans lequel se terre l’ultime horreur. Qui est Izya ?

Ma fille. Maal veut qu’on le retrouve à l’hôtel, il doit avoir un plan.

Oui, ma fille. Ne me dis pas que ça te surprend, toi qui as baptisé Jempa.


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Je reprends mon souffle comme je le peux, la gorge toujours serrée par un étau qui ne tient plus vraiment mais qui me maintient à ma place. Les échanges sont durs, mais c’est la situation qui veut ça. Après tout, on est sûrement, peut-être, tous deux sous pression. Surtout moi.

Tu veux parler ? Parlons.

C’est trop facile d’en rester là après ce qu’il vient de dire. C’est trop facile de rejoindre Maal Razzer qui peut bien attendre une heure de plus, lui qui a attendu déjà plus de dix ans. Il a bien de quoi s’occuper, vu comment il a réussi à meubler sa vie jusqu’ici. Mais là, non. Là, c’est trop simple de repartir en grande pompe après cette entrevue. C’est trop facile de réagir et de me laisser comme deux ronds de flan en me reprochant de ne pas parler. Et la facilité, ça ne me connait pas. Alors oui : Parlons.

Mais je ne vois pas quoi te dire, Tahar. Alors, je te le demande : Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Qu’est-ce que je suis censée faire selon toi ? Te parler de quoi ?

De comment c’était, cette année sans lui ? Une horreur. Comme les autres avant, comme celles à venir. Qu’on cause du bon vieux temps ? Pour dire quoi ? Qu’il avait raison ? Je lutte assez avec mes propres démons pour donner du crédit aux mots en l’air d’un chien fou datant d’un an auparavant. Un chien plus si fou vu le calme dont il fait preuve…
Je le trouve étrangement sage, là. Peut-être parce qu’il se doit d’être responsable maintenant et que ces responsabilités changent les gens, même les pires. Une fille, un enfant, ça bouge un monde qu’il parait. Izya aussi.

Regarde-toi, et regarde-moi ensuite. Remet-nous dans le bon contexte : Tu es le plus grand criminel de mon histoire. Je devrais te tuer ou t’arrêter. Mais je ne le fais pas. Bilan, tu t’en vas vadrouiller dans les jupons d’une reine qui veut te passer la bague au doigt au lieu de nous renvoyer chez nous ! Tu m’attires plus d’ennuis que tu n’en résous pour moi ! Et je-

Je m’interromps, me mordant la lèvre. « Je » rien. Il n’y a pas de je et pas de suite à ça. Je m’emporte encore mais c’est dans mon tempérament et il a l’habitude à force de me croiser. Alors, je retrouve mon calme et laisse un silence de quelques secondes avant de reprendre simplement :

Que tu veuilles rester ici, je l’entends et je peux même le comprendre. Mais ne me demande pas de ne pas être en colère quand tu m’empêches de repartir là où est ma place.

Je ne veux pas qu’il pense que ce n’est qu’une histoire de jalousie mal placée. Ce n’est pas ça. Ce n’est pas QUE ça. C’est le fait de m’éterniser sur ce caillou qui me rend folle. De me briser les os pour faire repartir la machine qui peut nous ramener pendant que lui pavane devant une biche pompeuse qui tente de nous faire croire qu’elle connait mieux la vie et le monde que quiconque. Alors, au fond je pense ça et ce que je dis s’en ressent. Et ça, je ne le contrôle pas toujours, parce que dans ma voix il y a une vilaine amertume qui s’y glisse :

Mais c’est toujours comme ça, avec toi, hein… Toujours. Marche ou crève. Et crève si tu attends quelque chose de moi. Jempa n’a pas eu à attendre, lui, parce qu’il n’a jamais existé. Mais il t’a empêché de me tuer.

Il sait. Il savait sûrement déjà. Il devait au moins s’en douter.

Et si c’est la seule chose qui te force à rester avec moi, tu en es déchargé maintenant.

Je campe sur mes pieds, je reste droite. Razzer attendra.

Moi, je rentre.

Pas tout de suite. Je ne pars pas maintenant. J’attends de voir ce qu’il a à en dire. Et après, je retrouverai le vrai monde.
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