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Rébellion illégitime

Rappel du premier message :

    J'avais été convoquée dans la salle de réunion, et je me doutais que j'allais être affectée à une nouvelle équipe, pour une nouvelle mission. Il y a moins de trois mois, cette nouvelle m'aurait réjouie. Je voyais alors dans toute responsabilité qu'on me déléguait la preuve de ma capacité à être quelqu'un en qui on avait confiance. Quelqu'un pour lequel on avait des attentes et pas simplement celle d'être jolie – chose pour laquelle je n'y étais pour rien – et bien apprêtée. Toute ma carrière était bâtie sur mes efforts, et non la réputation de ma famille qui agissait en « piston », déclenchait une sorte de « paiement en retour d'une ancienne faveur » ou pire encore débouchait sur l'espérance qu'aider mon dossier allait provoquer chez mon père une envie soudaine et irrépressible d'être en dette envers autrui.

    Non, c'était moi et à moi seule que je devais mon poste d'agent au Cinquième Bureau. J'avais appris les manuels et plus ou moins maîtrisé les techniques martiales. J'avais suivi comme tous les autres l'entraînement technique et avait démontré une certaine intelligence lors des cours de stratégie et de management de l'information.
    Avant j'avais été désireuse de faire mes preuves, et j'avais été une très bonne élève, assidue dans les travaux de préparation et efficace sur le terrain. Avant, l'idée d'une nouvelle mission m'aurait enthousiasmée et j'aurais déjà fouiné ici et là pour en découvrir le maximum, pour pouvoir potentiellement avoir une bonne idée ou connaître le détail crucial lors des briefings. J'aurais aussi comparé mes statistiques avec mes « collègues » de grade, pour savoir si j'étais plus ou moins demandée dans les équipes. Oui, c'était un esprit de compétition peu valorisant, mais c'était tout ce que nous avions. Et aussi petit que cela pût être, être choisie parmi un pôle de quatre-cinq bleus, que ce fut par sélection précise ou par pis-aller, c'était en soit très satisfaisant.

    Désormais, ce genre d'annonce me donnait envie de vomir, alors qu'une pierre aussi lourde qu'un menhir tombait dans mes entrailles. Savoir que je n'étais pas mieux qu'un pion, manipulée sans considération, à peine reconnue comme personne consciente avait fait éclater tout le bonheur que me procurait cette vision dans mon miroir, celle d'une Shaïness en uniforme, tirée aux quatre épingles, rutilante dans son tailleur impeccable. Non, qu'importe notre humanité, nous n'étions que des machines, envoyées pour réaliser tel ou tel objectif, écouter, voir, voler et parfois tuer. Souvent tuer. Qu'importe qu'au milieu de tout ça et des impératifs du métier, de la loi de la nécessité de tous, que notre honneur, notre âme soient réduits à l'état de pulpe. Et si nous échouions ? Et si nous ne devions pas être à la hauteur du sacrifice ? Serions-nous laissés pour compte ? Mis à mort par nos collègues plus doués, plus zèles, moins embarrassés par ces questions de moralité ?
    Oui, j'aurais pu fuir. Abandonner. Rentrer dans la demeure familiale où m'attendait un destin bien éloigné de ces considérations philosophiques de culpabilité, d'obéissance et devoir. Un monde féerique où tout le monde est bien habillé et beaucoup moins poli. Un monde où je ne serais qu'une coque vide, mais libre de penser...

    Quoi que... Père est certes loin des hautes strates de l'amirauté, mais il a été en charge de la communication du QG de West Blue pendant des années. Il a beaucoup de défauts, mais idiot ne fait pas partie de la liste. Il doit donc savoir avec lucidité les exactions que le Gouvernement commet au nom de la Justice, des déséquilibres inhumains (ou in-homme-poissonniens) de la société. Sans parler des problèmes écologiques et économiques.
    Il était complice bien plus que victime ! Et je n'arrivais pas à comprendre comment mon père, cet homme que j'avais toujours admiré, avait pu vivre autant de temps sans se révolter, sans taper du poing et manifester sa désapprobation. Comment avait-il pu boire du vin tiré à la sueur et au sang d'esclaves ? Se complaire dans une sorte de manoir accolé à un terrain de plus d'un hectare, alors que tant n'ont même pas de quoi se vêtir convenablement, dépouillés ou déportés pour plaire à un tout petit nombre ?

    Lorsque je me présentais au meeting, prenant ma place à l'arrière, comme la bonne petite junior que j'étais, j'étais à bout de nerfs. Je savais bien que je voulais pas l'exprimer de façon délibérée qu'aujourd'hui marquait le début de ma rébellion : je ne ferai plus de gestes qui pourrait me plonger plus encore dans le rôle du coupable tortionnaire. Qu'importe les menaces de renvois ou de court martiale. J'avais juré de défendre le Gouvernement... et c'était exactement ce que j'allais faire, dus-je le défendre contre lui-même.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Jeu 15 Mai 2014 - 19:39, édité 1 fois
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Amero.
La ligne est sécurisée ?
Bien sûr qu'elle l'est.
Que me voulez-vous ?
M'assurer que vous tiendrez votre langue.
Je vous demande pardon ?
Quand nous lançons une enquête en toute illégalité, j'attends la plus grande discrétion de la part de tous les éléments en jeu. Une information échappée au mauvais moment et c'est la tête d'une personne qui tombe malencontreusement... Alors quand je vous fais un rapport sur l'avancée de notre collaboration, j'attends de vous un silence complet... Certainement pas que vous alliez en parler autour de la machine à saké avec vos collègues... Les prouesses de l'agent Cooper au pieu avec Adrien ou le Pape de l'église de la Juste Violence doivent rester des informations confidentielles. Me suis-je bien fait comprendre ?
Parfaitement, Berenike.
Bien.
Et... Ca avance ?
Mh...
Mh ?
Nous avons du revoir nos délais... Le dossier était incomplet et ne témoignait de rien du tout.
C'est fâcheux.
Mais nous reprenons la couverture, Monsieur...
Vous savez que la réussite de notre collaboration résultera évidemment sur une promotion dans un bureau ou vous pourrez vous tourner les pouces ou travailler, comme ça vous chante ?
Je le sais, oui...
Alors faites ça bien. Je ne veux plus de fausse-joie, Berenike. Et le prochain appel que vous passerez devra m'annoncer une bonne nouvelle. Suis-je clair ?
Limpide, Monsieur.
Au revoir, Berenike.
Au revoir Monsieur.[/b]

La ligne se coupe. Le silence tombe.

Connard.


Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise sur la cuvette des toilettes, l'écouteur pressé sur mon oreille, comme si j'avais été changée en pierre. Oh, si je sais. A peine trois minutes. Mais ce jour là, il me sembla qu'une éternité ou deux passa, jusqu'à ce que la vie reprît le dessus. La vie et surtout, les habitudes. Mon corps agit plus par instinct que par volonté. Faire une copie, effacer la mémoire du den-den, remballer le système, le redéposer au service équipement et se remettre au travail derrière son bureau.

J'étais venue particulièrement tôt ce matin. Non seulement voulais-je récupérer mon matériel d'écoute, en prétextant vouloir traiter certains dossiers avant la fin de la journée – l'homme de garde avala ce mensonge sans sourciller, car je n'étais pas la première parmi les jeunes agents à bosser sur des horaires improbables pour le salut d'une feuille de stats – mais aussi avais-je mal dormi. Quitte à être éveillée, à me retourner dans mon lit sans trouver le repos, autant profiter de ces heures. J'avais pu donc sans aucune difficulté accéder au bureau de Béréniké, avec l'excuse de déposer sur son bureau, en plein milieu du sous-verre, mon rapport sur les événements de la veille et ma liste de préconisations pour la suite de la mission. J'avais pris le soin d'élaborer tout un scénario impliquant la surveillance audio de l'appartement de Salvatore, justifiant ainsi mon « emprunt » d'espion den-dens.
Et après avoir récupéré mon matériel, j'avais filé m'enfermer dans un des alcôves des sanitaires, pour prendre connaissance de ce qui avait été dit dans ce bureau. Je ne pensais pas que j'allais faire bonne pioche dès le départ.

La portée des mots m'avait figée sur place sur le moment, mais maintenant que j'étais assise à mon bureau, mon esprit y revenait encore et encore. L'envie de ressortir l'enregistrement, de le réécouter pour m'assurer que j'avais bien entendu se manifestait en douleur sourde comme les impulsions débiles que nous avions d'aller gratter une plaie qui nous avait fait mal il y cinq minutes pour vérifier que ça faisait toujours mal. Mais je ne pouvais pas. Il fallait que je me fisse confiance : j'avais bien entendu ce que j'avais entendu.
Et la question tournait, obsessionnelle : pourquoi ?

Des Amero, c'était comme les Cooper et les Raven, il y en avait tripette. Mais des Amero avec cette voix légèrement rocailleuse, dans le coin, il n'y en avait qu'un. Amero, comme dans Commodore Cliff Amero. Un type dans les eaux troubles de la quarantaine, trop vieux pour être un fringant jeune Marine victorieux au terrain, pas assez chenu pour se pavaner dans les salons de la capitale. Une carrière honnête, en tous points exemplaire, bien que peu fulgurante ou exceptionnelle. Je ne connaissais pas exactement sa place dans la hiérarchie locale instaurée par Akbar, mais il devait forcément être dans le top-five. Pourquoi donc se casser le dos avec une machination aussi grotesque ?
Oui, vraiment, à quoi lui servirait de faire virer le Gouverneur local ? Ce n'était pas comme si on allait lui offrir le job après ! En général, quand un gradé se faisait dégager pour des sordides histoires, on le remplaçait par un jeune loup ambitieux. Un de ces officiers à peine blanchi sous le harnais qui bénéficiait de la chance d'être né dans une famille qui allait bien, celle qui avait un « nom », et donc un passé. Amero n'avait rien de ça, et s'était hissé au plus haut par ses propres moyens.
Je repensais à mon père, qui venait tout juste de gagner ses galons de lieutenant-colonel, plus ou moins en même temps que mon frère aîné. Là où Père avait bridé sa carrière pour nous élever avec un minimum de stabilité, Frederik faisait montre d'un carriérisme débordant. Est-ce qu'un jour il serait lui aussi confronté à ce plafond verre ? Succomberait-il à la jalousie et l'amertume ?

Mais que m'importait, les raisons, le pourquoi et le comment d'Amero. Enfin, le comment, ça pouvait m'intéresser. Parce que bon, en dépit du caractère retors du complot, je ne pouvais m'empêcher d'en apprécier la qualité. C'était du bon boulot. Ce qui voulait dire que quelqu'un de compétent y avait mis la touche finale. Le sac de nœud toucherait-il encore plus de monde que je ne le croyais ?
Non, ce sur quoi je devais me concentrer, c'était l'action punitive et préventive. Berenike n'allait pas attendre cent ans avant d'agir, surtout qu'Amero n'avait pas semblé particulièrement patient. Elle allait donc tout faire pour récupérer auprès d'Adrian les photos... et Adrian allait aussi se mettre à leur recherche, puisqu'elles étaient son rempart contre... contre quoi, en fait ?
Les paroles de Maya me revinrent en mémoire. Mister Salvatore était à la tête d'un réseau de drogues. Enfin, de thé psychédélique. Une enquête Marine sur ces activités l'aurait poussé à sortir les photos compromettantes, ce qui aurait justifié l'implication du CP3... mais j'avais la nette impression que le but de l'opération menée par Aurora se positionnait CONTRE Akbar et pas pour le protéger. Il me manquait une clé de lecture, là... Et j'avais très peur que d'aller fouiner dans les archives serait allumer des signaux bien trop voyants.
Du coup, je n'avais qu'une seule carte à jouer.


Retrouver l'adresse exacte n'avait pas été aussi compliqué que je le pensais. Ce ne fut pas non plus une partie de plaisir. Je dus faire appel à mon réseau d'informateurs. Mes supérieurs avaient dû trouver cocasse de systématiquement m'affecter, moi la précieuse jeune dame, aux opérations de patrouilles dans les bas quartiers de Logue Town. J'avais côtoyé pendant bien des jours et des nuits, la lie de l'humanité locale. Les bâtiments à la peinture lépreuse, à l'odeur d'humidité tenace, presque rance, les petits salaires et les boulots d'à côté pour joindre les bouts à la fin du mois. Les crapules, malfrats de moindre envergure, receleurs sans ambition et proxénètes sans grand talent... Des gens que j'avais su amadouer ou contraindre.
A force de les titiller, j'obtins réponse à la description de la photo que je leur faisais – je ne pouvais décemment pas leur montrer le cliché avec la tronche de Léonace en premier plan. Et je sus que j'avais fait bonne pioche en voyant, au coin de ladite rue, un duo d'hommes en noir, qui tentaient de se fondre dans la masse et l'obscurité ambiante, en pure perte. Ils sentaient les hommes de sécurité à plein nez. Je ne savais pas comment les quidams faisaient pour ne pas s'en apercevoir.
Ma première approche, celle qui consistait à faire comme si de rien n'était, échoua à quelques pas de la première volée de marches. Il fallait croire qu'ils n'avaient pas que l'air de body-guards : ils en étaient. Pour de vrai. Ils avaient mémorisé, je ne sais trop comment, les visages des locaux, et avaient rapidement conclu pour X raisons que je n'étais pas du coin et que je n'avais rien à y faire.
- « Je viens voir l'Amiral, pour une question très urgente. Non, ne perdez pas mon temps à dire qu'il n'y a pas d'Amiral dans le coin. Le fait même que je sache qu'il est ici prouve bien que j'ai bien des raisons d'être ici et aucune d'entre elle n'inclut de perdre mon temps – et celui de l'Amiral – en justifications et autres discours tarabiscotés. »

Ma logique était absolument imparable, et quoi que je fusse, quoi que fussent les moyens qui m'avaient fait mettre la main sur où trouver Akbar – même si j'avais eu une chance de diable qu'il fut chez sa maîtresse ce soir – mon sort ne pouvait être décidé que par le grand chef en personne.

A peine arrivée dans l'appartement, à peine face à lui, je commençai par un très net et précis :
- « Je suis Shaïness Raven-Cooper, agent du Cinquième Bureau et si j'ai su où vous trouvez, c'est que j'ai récupéré cette information dans la mallette d'un trafiquant de drogue du nom d'Adrian Salvatore. »
Puis je lui déballai tout, depuis la mission donnée par Berenike, mes trouvailles dans l'attaché-case, mes soupçons sur le fin mot de l'histoire, la conversation et Amero. La seule chose que je gardai pour moi fut, sans grande surprise, mon interaction avec Raven et la Révolution. Sans remord ou pitié, je m'attribuai les lauriers de Maya, pour mieux conclure sur un :
- « Et comme je ne savais pas à qui me fier, j'ai décidé de venir vous voir directement, en prenant le risque de vous déranger là où techniquement, vous n'avez jamais été et ne serez jamais, Mon Amiral. »
En espérant qu'il comprendrait que je venais ainsi de l'assurer de mon aveuglement de mon mutisme quant à une certaine personne qui se tapissait dans la chambre, de l'autre côté de la porte. Mais bon, il n'était pas devenu Contre-Amiral en étant con ou débonnaire.
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Il m'avait écouté, dans le plus grand silence. Lorsque j'eusse fini mon récit, il resta silencieux un bon moment, carré dans son fauteuil tandis que j'attendais, les chevilles croisées, les mains crispées sur le tissu de ma jupe. Je ne pus m'empêcher de critiquer mentalement la réception qui m'avait été faite : pas même un thé ou un café ! Puis je me repris. Ce n'était pas une visite de courtoisie. Sans nul doute que le Contre-Amiral de Logue Town aurait bien voulu que je ne misse jamais les pieds ici.
J'essayai de me mettre à sa place. Pourquoi ? Aucune idée. C'était le genre de trucs stupides qu'on fait tous, quand on est stressé, quand on a peur de ce qui va suivre, quand on voudrait être à peu près partout sauf là où on était. Nos pensées dérivaient un peu, beaucoup. Et moi, je tentais de savoir ce qui pouvait m'arriver. Si j'avais été à sa place... Non, cette idée était stupide. Nul doute qu'un jour je serais à la pole position de la hiérarchie CP, et cette pole position ne me mettrait jamais à la place de commandant d'une base marine d'importance. Il était homme, il était vieux, il était Marine. Mon opposé en tellement de points. Jamais je ne pourrai penser comme lui, ou espérer le faire. Non que j'en eusse envie de toutes les façons. Cependant, je trouvais un intérêt de tenter de devenir le cours des pensées de cet homme devant moi, lui qui avait été blessé dans son intimité et dans son intégrité. Laquelle des deux blessures était la plus grave ? Voilà une bonne question. Mettrait-il son honneur personnel en avant, face à la menace sur son parcours professionnel ? Etait-il homme de foi ou de loi ? Et encore... quelque part, je me surpris à m'insurger que cette distinction fusse nécessaire. Hé quoi ? Pourquoi le monde faisait-il toujours en sorte de devoir choisir entre soi et le travail ? Comme si aucune réussite personnelle ne pouvait être atteinte à travers l'exercice de nos fonctions. Comme si travailler pour la Marine et le CP nous poussait à devoir arracher des parties de nous, de les sacrifier sur l'autel du Gouvernement. Si c'était le cas... il faudrait savoir si c'était nous qui étions à la base pourris ou si c'était nos offices qui nous demandaient de le devenir.

Je contemplais le front plissé et déjà ridé devant moi. Léonce Akbar avait dû être beau, dans sa jeunesse. Un menton plein et volontaire, une mâchoire carrée, un front ouvert. Il se dégageait de lui un sentiment de force tranquille que l'âge n'avait ni aiguisée, ni patinée. Je l'imaginais déjà, en tant que jeune sous-off, à regarder les drames autour de lui sans mot dire, se contentant du geste ou du mot nécessaire. Il était homme d'action, pas de violence. Si je devais faire son portrait d'antan, j'admettrais avoir des difficultés car je n'avais en référence immédiate que mes deux frères qui était pour l'un d'un retors visible et pour l'autre, d'un dynamisme épuisant.
Il en avait dû en voir, des vertes et des pas mûres. On ne devenait pas Contre-Amiral qu'en prenant le thé avec les membres d'une famille bien placée. A ce niveau là, c'était tout de même sur les compétences qu'on gagnait son galon. Même s'il ne s'était pas sali les mains comme moi, il connaissait les travers de la nature humaine. Avait-il déjà souffert de cette caractéristique innée à chacun de mes semblables ? Qu'allait-il faire ? Comment pourrais-je le savoir ? Si j'étais venue le voir, c'était justement parce qu'il savait des choses que j'ignorais totalement.

- « Agent Raven-Cooper... qu'allez-vous faire ? » Sa question me tira de mon long monologue assez peu productif. Pendant un instant, je restai là, à le regarder, complètement séchée.
- « Ben, rien ? » finis-je par lâcher puisqu'il continuait à me mettre la pression en me regardant, en attendant ma réponse, comme si je détenais le Saint Graal. Immédiatement, je me repris, me redressant sur mon siège « Je veux dire, j'attends vos ordres. »
- « Je vois... Mais si vous ne m'aviez pas trouvé, si j'avais refusé de vous écouter, qu'auriez-vous fait ? »
Bonne question. J'avais évité de me la poser, alors même qu'elle arpentait le bord de ma conscience, là, tapie toujours dans le coin de mon œil. Parce que c'était juste terrifiant que de faire face au vide de ma vie à ce moment. C'était comme lorsqu'on nageait dans l'océan. A un moment donné, le sol de la plage pouvait s'affaisser à pic, et la lumière était comme englouties par les abysses des fosses et du tombant.
- « Je... En fait... je... » Je quoi ? Ne rien faire ? C'était risible. Clairement, je refusais cette option puisque justement j'étais ici pour ne pas détourner mes yeux de la situation. Une vague d'énervement naquit en moi. J'étais fatiguée des questions des uns et des autres. Je voulais des réponses claires. Maya, Aurora, Léonce. Tous là à me titiller, à me laisser penser que j'avais le choix, tout en me rabaissant continuellement au rôle de poupée et de pantin. « Et que voulez-vous que je fasse ? Le règlement voudrait que je dénonce Berenike dans un rapport, alors que je n'ai aucune preuve tangible à offrir. »
- « Vous avez les photos. Ce sont des preuves. » D'une œillade blasée, je lui fis comprendre à quel point je trouvais lamentable sa tentative de me tester.
- « Franchement, croyez-vous que j'ai envie de montrer ces photos au reste du monde, alors que j'ai pris autant de précautions pour justement ne pas les diffuser, ou les empêcher de tomber dans les mauvaises mains ? » Ça me faisait mal, qu'il doutât de ma « fidélité » envers lui.
« Pour autant que je sache, vous êtes coupable d'avoir une maîtresse. Comme vous n'êtes pas marié, et que votre compagne semble majeure et consentante, vous n'êtes coupables d'aucun crime devant la loi. La morale, par contre... » C'était culotté de lui sortir ça, mais je n'allais pas rester ad vitam eternam bloquée dans cet imbriglio politique !
- « Vous ne suivez donc pas les principes moraux de notre société ? » me demanda Akbar d'une voix douce.
- « Je suis un agent CP. La morale ne fait pas partie de mes prérequis. D'ailleurs, si je suis au CP, c'est parce que la morale et moi n'étions déjà pas amies avant que je fisse mes classes. » D'un geste négligé de la main, comme on chassait une mouche, j'écartais cette discussion superflue. Autant qu'il sût que je n'avais pas les mains propres, essentiellement à cause du gouvernement, bien que j'eusse une... prédisposition à pousser les limites pour voir jusqu'où on pouvait les pousser sans qu'elles ne rompissent.
- « Vous admettez donc n'avoir aucune morale ? »
- « Si je n'en avais pas, je ne serais pas ici à essayer de vous sauver, Amiral. » Et tout était dit. Akbar n'avait pas besoin de plus pour pouvoir me juger. Il savait désormais à qui il avait à faire.

Il se leva, arpenta le tapis quelques instants, avant de se servir un verre d'un liquide ambré. De l'alcool, sans nul doute. Bien sûr, il ne me proposa rien, mais c'était à cause de son trouble. Ce même trouble qui le poussait à boire alors qu'il était encore un peu-beaucoup très tôt dans la journée. Satanée morale. Voyez ?
- « Dans ce cas.. que pensez-vous de l'agent Berenike ? »
- « Rien, je n'en pense rien. Rien de bien fameux. »
- « Pourquoi cela ? »
- « Parce qu'elle... elle... Clairement, elle sait que Salvatore a quelque chose de plus. Ignore-t-elle la nature réelle des documents ? Est-elle manipulée, est-elle naïve au point de croire qu'elle ne fait que son devoir d'agent CP en récoltant des photos ou autres compromettant la sécurité des citoyens ? Ou est-elle au courant qu'elle va compromettre votre réputation, et donc votre poste n tant que commandant ? »
- « Ah, peut-être pense-t-elle que je ne mérite pas ce poste, parce que je suis compromis ? »
- « Bah, si on devait virer tous les officiers parce qu'ils sont humains... dans ce cas, on commencerait par elle, pour ne pas se poser la question de savoir si votre « crime » mérite ou non votre destitution. Quiconque avec un peu de bon sens dirait que vous n'avez pas été futé sur ce coup, mais que ça ne regarde que vous. » Et je rosis à profusion, réalisant que mon mauvais caractère venait de me pousser à traiter un officier supérieur de couillon. Dans tous les sens du terme.
Akbar leva les sourcils, m'avertissant qu'il passait l'éponge pour cette fois, mais de ne pas me laisser tenter à recommencer.
- « La fougue de la jeunesse, diraient certains. Le devoir de réserve, diraient d'autres. Le règlement, pour encore une autre partie de nos collègues. Il n'y a pas de coupable et d'innocent sans tache dans cette histoire. »
- « Et pourtant, il y a une histoire ! » Entre énervement et supplication, ma voix trahissait l'état ultra-émotif dans lequel je me trouvais. Comment pouvait-il rester là à parler de pseudo-philosophie alors que sa vie était menacée ? Peut-être pas sous le coup d'une menace de mort, mais tout de même, menace de perdre poste, réputation, soutien, donc de finir sa vie relégué dans un placard, suivi de chuchotis malfaisants lors de chacun de ses passages, sûrement pauvre et seul.
- « Justement, c'est bien là que le bât blesse. »
- « ??? »
- « Jeune fille, cela s'appelle le libre-arbitre. Le choix laissé aux espèces conscientes, humains, cornus, grand-bras et autres anges. Lorsque, quelque part, quelqu'un a le pouvoir de décision, cela amène forcément à la division. »
- « Bien entendu... » C'était peut-être vrai, mais totalement hors-propos. Pfff, je sentais encore la parabole pleine de sagesse qui arrivait. Akbar devrait rencontrer Maya, ils s'aimeraient bien. Ou pas. Elle est révolutionnaire, pensais-je à ce moment, elle le tuerait à vue. Enfin, non, puisqu'elle le protège en ce moment. Si j'étais là, c'était carrément grâce... à cause ? D'elle. Sans l'intervention de l'agent révolutionnaire, j'aurais délivré la mallette sans coup flétrir.

Il sourit, d'un sourire sans joie. D'un sourire las, qui ne fit pas briller ses yeux. Encore une fois, je me demandais pourquoi il perdait son temps à me parler, au lieu de me donner des ordres. Comme s'il attendait quelque chose de moi.
Ce ne fut que bien plus tard, quand j'eusse mûri et appris deux-trois petites choses de la vie, que je pus comprendre. Akbar me testait tout en essayant de protéger. Car s'il était loin d'être le parano que j'allais devenir, il n'était pas ingénu au point de me faire confiance séance tenante. Il n'était peut-être pas le fin diplomate ou le grand manipulateur trempant dans tous les complots, mais c'était un animal politique. Encore une fois, on ne devenait pas contre-amiral sans ignorer ce pan moins majestueux du gouvernement. S'il ne s'était pas méfier de cette jeune donzelle qui débarquait de nulle part avec son honneur en étendard, alors cela aurait été la preuve indiscutable qu'il ne méritait pas sa place... ou qu'il méritait de se la faire souffler. Et quelque part, il désirait aussi savoir quoi faire de moi.
Etais-je une de ses filles dont l'horizon était généralement borné par le cadre statique du règlement et du « oui chef, non chef » qui pour une fois qu'elle se posait une question, s'était posée la bonne ? Ou étais-je vraiment un élément prometteur, capable de réfléchir au-delà des ordres et de la définition de sa fiche de poste ? Et quand bien même l'étais-je... cela lui donnait-il le droit de m'entraîner encore plus dans ce bourbier ? Certes, j'y étais, et pas qu'un peu, mais parce que les circonstances m'y avaient poussé. Il était peut-être temps pour moi de faire demi-tour. La décision de continuer plus avant m'appartenait, et c'était ce libre-arbitre là qu'il tentait de me donner... sans pourtant être en mesure de me présenter la situation clairement, car il y avait toujours le risque que mon entraînement de petit soldat reprît le dessus. La loyauté aveugle.
Avec le recul, je me dis qu'Akbar, c'était vraiment un mec bien, presque trop, pour son propre bien.

J'hésitai encore un peu, avant de me lancer. Depuis quand une Raven-Cooper avait peur de penser ce qu'elle pensait ? Au moins pensais-je, moi, m'enorgueillissais -je.
- « C'est sûr que dans cette histoire, il va forcément avoir de la casse. Sauf si vous trouvez un moyen pour désarmer Berenike. Sans elle, Amero ne peut plus rien. Or, la seule façon d'unir les forces dissidentes, c'est de les mettre contre un ennemi commun. » Me voilà à réciter presque mot pour mot mon manuel de tactique. Finalement, le Bûcher et l'Eglise, ce n'était pas que du blablabla. « Et l'ennemi commun, c'est Salvatore. »
- « Ne serait-il pas plus simple de... d'écarter cet agent ? »
- « … sans éveiller les soupçons, non ? Ce qui revient à dire que ce n'est justement pas plus simple. En plus, ce n'est pas une question de « simple ». C'est une question de « bien ». Ce qui est juste, honorable, approprié... faire notre boulot, quoi. Enfin, s'il existe vraiment un cas Salvatore... »
- « Que voulez-vous dire ? »
- « Je veux dire que dans cette histoire, il y a ce que Berenike m'a dit, et ce qui est vrai, et il se trouve que les deux choses coïncident rarement. Du coup, je me questionne. Est-ce que Salvatore est vraiment à la tête d'un trafic quelconque ? » Je ne savais plus si c'était la blonde  du CP3 ou la brune de la révolution qui m'avait donné cette information. Je m'en mordis la langue, parce que pour le moment, j'avais réussi à cacher l'existence de mon échange avec Raven. Par chance, Akbar ne releva pas ce fait.
- « Il est tout de même coupable d'avoir des photos qui ne pouvaient pas être prises par hasard, et de tentative de chantage envers le Gouvernement. »
- « Oui, c'est vrai. Mais peut-être est-il aussi une victime manipulée. Qui sait ? »
- « Bah, petit malfrat ou grand criminel, il n'est pas innocent. Qu'importe sa vie, face à la situation présente ? »
- « Mais... nous sommes le Gouvernement ! La Justice !!! Si on ne fait pas les choses bien comme il faut, si on ne protège pas les gens,  qui le fera ? Si on abuse de nos pouvoirs, même si on continue à protéger les gens, ça ne nous rend pas meilleurs que ces pirates ! » m'exclamai-je.
- « Pourtant, vous avez vous-même avoué avoir les mains sales. » J'eus la bonté de rougir.
- « Oui. J'ai été obligée. Mais je l'ai fait en mon âme et conscience. »
- « Vous n'avez donc jamais suivi un ordre qui vous révoltait ? » L'image de cette petite appelant son père que je venais d'assassiner s'imposa à moi. Mon visage dut trahir mes pensés, car l'officier en face de moi eut un hochement de tête entendu.
- « J'ai appris qu'il existait des sacrifices nécessaires. Comme par exemple, abandonner une position, laissant des soldats coupés de tout soutien, les vouant à une mort certaine. C'est un mal nécessaire. Un sacrifice pour le plus grand bien. » Cette fois, c'était mon cours d'éthique qui revenait sur le tapis. « Mais je considère que ce mal ne peut s'envisager qu'en solution désespérée, quand tout a été essayé et a échoué. Je ne vais pas inventer un cas Salvatore pour vous sauver la mise, Amiral, en dépit du fait que je trouve cette affaire sordide et injuste de vous. Mais si je trouve ça injuste, c'est parce que je pense que vous êtes un homme bien. Et qu'un homme bien ne se sauverait au détriment d'un homme certes peu recommandable, mais pas coupable d'un crime qu'il n'a pas commis. Je pense que vous préférerez avancer sous la lumière et avouer fréquenter une certaine dame, plutôt que de laisser la Justice être bafouée. »
- « Pourtant, si un mensonge permet d'arrêter un criminel dont nous n'arrivons pas à prouver la culpabilité ? »
- « Déjà, si nous n'arrivons pas à l'inculper, alors que nous avons les moyens et la puissance du Gouvernement, c'est que nous ne sommes pas très doués et que nous devrions dissoudre cette organisation. Après, si on accepte de mentir pour attraper un criminel, où mettre la limite à ne plus franchir après ? C'est comme ça qu'on arrive à justifier qu'emprunter pour soi des ressources du Gouvernement ou autre. C'est le début de la fin. Comment faire la différence entre un mal acceptable et un mal inacceptable ? Non, ça devrait être clair. Le mal, c'est le mal, et si on questionne cette définition, c'est qu'il y a un problème quelque part. » Et je ne me rendais pas compte à quel point mon discours était naïf et dangereusement évocateur d'un discours révolutionnaire. Le pire ? Je n'ai pas changé. Pendant longtemps, très longtemps, j'ai continué à être cette fille qui croyait dans un système et qui voulait le purger du mal qui y avait pullulé. Un mal qui prenait racine dans l'ambivalence même de chaque homme et femme. Un mal qu'on ne pouvait combattre qu'à force d'une moralité à toute épreuve et le dévouement à une cause supérieure, loin, bien loin de son enrichissement personnel.

- « Ne vous inquiétez pas, Salvatore est bel et bien un truand. Seul quelqu'un qui des choses à se reprocher aurait gardé ces photos en stock « au cas où ». Car quelqu'un de bien les aurait détruites, ignorées ou utilisées directement en s'écriant au scandale. »
- « Et donc ? »
- « Laissez-moi faire, et suivez les ordres. Vous avez fait du bon travail, agent Raven-Cooper. »
Comme je me doutais qu'Akbar n'était pas prolifique en compliment, je me rengorgeais, avant de me carapater. Pas la peine de m'imposer plus que nécessaire, et je devais être de retour au bureau pour ne pas attirer l'attention sur moi.
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C'était un secret d'état, donc nous étions tous au courant avant la première pause café du matin. Un CP9 était dans nos murs. Ici, à Logue Town, dans South Blue, la plus pacifique des Blues. En tous les cas, la plus sillonnée par les forces gouvernementales, marine et cpesque réunies. Personne n'en parlait, mais personne n'oubliait que c'était de ces flots, tels Aphrodite surgissant dans sa conque, que Luffy Chapeau de Paille et la plupart de son équipage avaient vu le jour et grandi.
La présence de l'élite de l'élite nous avait tous rendus nerveux, et chacun se découvrait des trésors d'efficacité dans le traitement de ses tâches quotidiennes. Jamais un rendement pareil n'avait été vu. Je n'étais pas différente, occupée que j'étais à remplir mes dossiers, alors qu'envers moi, je ne pouvais trouver cela débile. Le CP9 se spécialisait dans l'assassinat et les missions de haut vol, pas dans le contrôle interne comptable. De plus, je savais parfaitement pourquoi ce CP était là. Sinon, la coïncidence aurait été bien trop belle. Akbar avait le bras long. Comment avait-il réussi à mobiliser le Neuvième Bureau sur cette affaire ? Je me creusais la cervelle, et je ne voyais pas. C'était pour ça qu'il était chef, et pas moi. Ceci dit, un jour, moi aussi, je serai chef. C'était très frustrant que de ne connaître qu'une partie de la vérité. Être un pion... non, ça ne me dérangeait pas. Je savais ce à quoi je m'exposais en rejoignant les forces des CP. Mais comme Maya l'avait dit, à partir d'un pion comprend qu'il est manipulé et dans quelle direction ses gestes poussent une situation, il n'était plus vraiment un pion. Ou alors, un pion éclairé. Oui, je visais le statut de pion éclairé.

En attendant, dans l'immédiat, je visais la délivrance. Pendant deux jours, j'avais dû encaisser les ricanements et chuchotis qui sans disparaître s'étaient juste fait plus discrets.  Aurora la blonde était d'une humeur de chien et pour le moment, elle n'avait pas avancé sur le dossier. Jouant mon rôle comme il se le devait, j'étais déjà revenue à la charge, lui assurant que je pouvais renouer contact avec Adrian Salvatore. Elle douta de moi, malgré les accents de sincérité convaincue de ma voix. Je pouvais. Je savais parfaitement que Maya avait remplacé la mallette que j'avais volée par sa copie conforme. Bien entendu, la cible pouvait l'ouvrir à tout moment et se reprendre compte de la supercherie. Il était chez lui, après tout. Mais quelque chose me disait qu'il ne s'amusait pas à manipuler des clichés compromettants comme ça. Toutes les pièces de théâtre vous l'apprenaient: un petit rien suffisait à vous gâcher l'existence et ça partait toujours d'une négligence. Salvatore n'était pas du genre négligé. Bien entendu, s'il constatait la disparition de ses photos, ses doutes sur moi seraient légitimes, mais purs postulats. Allez chercher la preuve, hum ? Et surtout, j'étais encore en vie et libre de mes mouvements. Si j'avais été soupçonnée pour de vrai, je serais déjà en train de moisir dans une cave où j'aurais subi toutes les violences pour me faire parler. Tel était le genre d'homme qu'était Mister Salvatore.
Ni lui, ni elle n'avaient bougé. Impasse des deux côtés. La pression montait, et j'étais soulagée de savoir que mon sauveur CP9 allait nous sortir de cette situation.

Ce en quoi je m'étais lourdement trompée.
Il s'avéra qu'il me plongea jusqu'au cou dans des situations aussi dangereuses les unes que les autres.

Je me rappelle de son arrivée. J'étais dans une salle de réunion avec Berenike, que je gardais à l’œil depuis tout ce temps, ce qui commençait à l'énerver mais que je justifiais avec aplomb par la détermination d'un jeune agent à bien finir sa mission, pour se faire bien voir. Deux jours que je lui sortais des milliers de propositions de stratégies, toutes plus ou moins bonnes – je me gardais bien de penser à sa place et de court-circuiter Akbar. Mais encore une fois, je ne sais pas ce que j'aurais fait, à sa place. Elle était particulièrement bloquée, là.
Il était grand, plutôt fin. Pourtant, il se dégageait de lui comme une aura de marin qui a trop bourlingué Il y avait une grossièreté... une rusticité... chez lui, qui me faisait penser à un crocodile. A le voir, presque indolent sur la berge à se faire chauffer les écailles, on en oubliait à quel point il est vif et rapide, sur terre comme sous l'eau. Il était CP9. Dangereusement dangereux. L'oublier, c'était comme oublier de respirer : un mécanisme de survie nécessaire. Tout ce qu'il faisait, disait... tout ce qu'il était... ou n'était pas... n'était qu'un moyen, un outil, pour accomplir sa mission. Son apparence en faisait donc forcément partie.
Avec lui, un lieutenant d'élite, au visage aussi expressif qu'une tranche de gruyère. Il semblait fortement ennuyé et pendant une seconde ou deux, je crus ma dernière heure venue : il était venu pour m'arrêter. Pourquoi sinon se trouverait-il ici ? Depuis quand le CP et la Marine bossaient main dans la main, hein ?
- « Agents Berenike et Raven-Cooper. » salua l'assassin, royal, pendant que Tranche de gruyère se perdait dans une contemplation métaphysique d'un point sur le mur à travers nous.
- « O-o-oui !?! » couinai-je d'une voix presque trop aiguë pendant que Berenike, en vieille de la vieille, comprenait qu'il ne cherchait pas à vérifier s'il parlait aux bonnes personnes mais nous mettait en fait au garde-à-vous mental.
- « L'affaire Salvatore recoupe une enquête que je mène. Vous allez me fournir tous vos documents. Berenike vous êtes relevée de vos fonctions, et toi, la mioche, tu viens m'expliquer tout ça. Et je prends mon café avec un peu de lait. Pas plus, pas moins. »
Comme je ne m'attendais vraiment pas à cela, je glissais une œillade éperdue à ma « chef » qui ne put que confirmer l'ordre d'un hochement de la tête, les lèvres plissées en un rictus qui se voulait pourtant plaisant. Je bondis donc sur mes jambes pour détaller chercher un café, Tronche de Gruyère n'ayant pas jugé bon de mentionner une quelconque nécessité d'hydratation. Une bonne chose, parce que c'était déjà assez humiliant de devoir jouer à la secrétaire quand on était agent de catégorie 2, mais en plus, devoir servir un Marine, ici, au QG des CP ? Tu parles d'un camouflet! J'avais déjà une belle rumeur en traîne, pas besoin de rajouter le voile de la mariée non plus.

- « Puis-je savoir ce dont il retourne ? » demandait Berenike en empilant les feuilles et fichiers concernant notre mission sur la table.
- « Vous ne puis-jez pas. Secret d'état. Niveau S. Tout ce que je peux vous dire c'est que cet homme, à travers un réseau de drogue, est connecté à bien plus crapuleux. »
Je me tordis le cou pour voir le visage Miss Mal Baisée sur ce coup. A vrai dire, je m’endommageai peut-être les cervicales, mais ça valait le coup. La vague de soulagement qui traversa de part en part Aurora et ses couches de fonds de teint, telle un tsunami de la mort, en était presque ridicule. Là voilà rassurée. Ce n'était son travail qui était mis en cause. Amero ne l'avait pas trahi en la laissant tomber. Adrian Salvatore était juste un gros méchant, plus qu'elle ne l'avait imaginé. Ce qui ne semblait pas difficile, elle avait l'inventivité d'un cul de casserole, celle-ci.

Je repensai à ma conversation avec Akbar, et comment il avait souligné qu'Aurora Berenike n'était sûrement pas le monstre d'avidité conspiratrice que je m'imaginais. Après tout, elle travaillait avec Amero, dont la réputation d’intègre n'était plus à faire. Elle devait sûrement penser faire « ce qu'il fallait ». Et si ça se trouvait, Amero aussi. Bon, j'avais du mal à croire qu'il pouvait penser qu'une histoire de coucherie légère pouvait se payer au prix d'une carrière honnête et dévouée... mais il n'avait pas tort. Passer l'éponge sur le cas Akbar, c'était déjà faire une sorte de compromis avec sa conscience. Parfois, un excès de conscience pouvait être tout aussi néfaste qu'un manque. notai-je donc. S'il y avait une morale à cette fable, ce serait bien celle-ci.

Une fois le café servi et avalé, les dossiers récoltés jusqu'à la moindre enveloppe, Tronche de Gruyère et moi primes le tout pour trotter derrière le CP9. Enfin, je trottais. Les hommes marchaient à grandes enjambées viriles, me forçant la main à m'agiter derrière eux à petits pas de sauterelle spasmodique. Rien que pour ça, je les détestai déjà.
Nous rejoignîmes une salle, dans la Caserne Marine qui jouxtait notre QG. A part les uniformes, c'était la copie conforme du bâtiment CP. Je m'y sentais pourtant étrangement mal-à-l'aise. Les rumeurs me concernant étaient venues jusqu'ici ? J'espérai que non, car une fois un Marine au courant, toute la Marine l'était, et je ne me donnais pas 24h avant que ma fratrie n’appelât pour exiger ma démission au nom de la réputation des Raven-Cooper. Tu parles, j'avais peut-être couchée, mais au moins, je n'avais pas tué sans... Ouais, non, n'allons pas sur ce chemin.

Il se trouva qu'à l'abri des regards, Tronche de Gruyère était belle et bien une Tronche de Gruyère mais que le CP9 était un peu plus agréable. Je fus invitée à prendre place derrière un bureau et à raconter ce que je savais, le lieutenant debout en train de garder la porte. Comme j'hésitai encore un peu, il me mit en confiance.
- « C'est Akbar qui m'envoie. »
- « Oh. » Que dire de plus ? Sûrement, le contre-amiral lui avait déjà tout dit.
- « Il se trouve qu'au début de cette histoire, au tout, tout, tout début, il y a une arrestation d'un navire à quelques îles d'ici, pour un contrôle de routine. Le rapport indique clairement « marchandises illicites », mais l'affaire a été classée sans suite, si ce n'était le retrait du droit de capitanat et la saisie du navire. »
- « N'est-ce pas la procédure normale ? » m'enquérais-je avec prudence. Les codes de la Marine, et moi... Déjà que le manuel CP faisait l'épaisseur de la cuisse de ma tante Felicine...
- « La plupart du temps, oui, parce que l'origine et la provenance des marchandises ne sont jamais retracées. En dépit des interrogatoires auxquels sont soumis les équipages. A ce niveau de la chaîne, ce sont des exécutants, des simples passeurs. »
- « Et ici, la piste a donné quelque chose de différent, donc ? »
- « Faux. Elle n'a pas été remontée. Du tout. »
- « Oh. »
- « ... »
- « ... »
- « ... »
- « … Ah, je veux dire, oui, c'est louche. Et c'est pour ça que la Marine est mêlée à cette histoire ? Inspection interne plutôt que laisser le CP mettre son nez dans une bourde Marine ? » Tronche de Gruyère devient Tronche de Cheddar tellement il s'empourpra. Mon interlocuteur eut un sourire torve.
- « Pas de ça ici, les enfants. On a passé le stade du pousse-caca. »
- « Adrian est donc réellement une pourriture ? »
- « Pourquoi ? T'en doutais ? Ou peut-être tu as des sentiments pour lui, vu votre relation ? » J'aurais aimé dire que j'avais gardé mon sang-froid et eut une réaction de dame et d'expert en espionnage. Mais j'étais encore une bleue, à qui on avait versé du sang sur les mains pour la contraindre à l'obéissance, et cette mission était ma première d'envergure. Je piquai un fard, bégayai et donnai la satisfaction à Tronche de Roquefort de se marrer à son tour.
- « Je pensais que c'était un escroc de petite engeance. Un presque minable... »
- « Hé bien non. Sa drogue, il se la produit depuis Grande Line, et on soupçonne Thunder F d'être derrière ça. » Le nom me tira un frisson, bien malgré moi. Désireuse de ne pas me louper encore une fois, je fis ma bravache.
- « Bah, si on écoutait les rumeurs, toutes les mauvaises actions seraient la faute de Thunder F, y compris le vol de bonbons à l'épicerie. »
- « Si on veut être plus clair, JE soupçonne Thunder F d'être derrière tout ça. » Et en général, un CP9, ça n'a jamais tort. Surtout quand il n'a pas raison.
- « … Certes... Mais... un CP9, pour une mission comme celle-ci ? Ça me semble... peu crédible ? » Puisqu'on était du même côté, je pouvais peut-être me permettre de donner mon avis ? J'avais réussi à prouver que la stratégie, ce n'était pas mon fort, mais bon...
- « Oui, on a un peu tiré sur les bords là. Il n'en reste pas moins qu'Adrian Salvatore pourrait être l’élément clé me permettant de démanteler une partie d'un réseau de malfrats de haute envergure, bénéficiant peut-être de complicité dans la Marine. Même si ce n'est pas Thunder F, ça reste du lourd. Et si c'était vraiment Thunder F... je ne vais pas passer à côté de ça. »
- « D'accord... Si vous voulez. Vous êtes le chef, chef. »
- « Ne fais pas comme si tu n'étais pas concernée, petite. »
- « Ah bon ? Parce que je dois ENCORE faire quelque chose ? » m'écriais-je avec une pointe d'énervement.
- « T'as signé pour ça. »
- « … mouais... donc, et maintenant ? »
- « Et maintenant, opération coup de filet. J'arrête tout le monde, Salvatore y compris. »
- « Et vous avez besoin de moi pour ça ? » J'étais incrédule. Ben oui, vu mes scores en TD de combat, seul un abruti fini me voudrait au cœur de l'action.
- « Et oui. Tu vas retourner chez lui trouver une preuve de sa culpabilité sur les réseaux de drogues. »
- « ... » Ce qui ne m'arrangeait pas. Acculée, je dus me résoudre à faire travailler mon cerveau. « Je vois mal ce que cela a affaire avec notre histoire. Vous savez. L'autre dossier. »
- « Il me faut une bonne excuse pour mettre la main sur Salvatore. Après ça, je pourrais lui faire avouer ce que je veux, y compris ce qu'il ne sait pas. Akbar n'aura plus à se soucier de grand chose après ça. »
- « Forcément, dit comme ça... »


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Mar 23 Sep 2014 - 19:15, édité 2 fois
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Ça me faisait tiquer. Honnêtement, je n'arrivais pas à me faire à cette idée. Je n'avais pas réagi sur le coup, et ce ne fut que dans mon bain que la réalisation de ce que cette conversation impliquait me vint. Pour sauver Akbar, pour faire « ce qui était bien », nous allions piéger un gars et lui faire porter le chapeau pour quelque chose qu'il n'avait pas forcément dit ou fait. Que Salvatore se fît torturer pour avouer travailler de concert avec Amero, ça ne me gênait pas. Ce type méritait bien son sort. Oh, oui, il était coupable. Mais ça me gênait de faire Justice comme ça. Comme si nous n'étions pas assez bons, assez doués, assez forts, pour obtenir la Vérité. Comme si ceux d'en face, les « méchants », ne pouvaient être capturés qu'en devenant nous-mêmes des méchants. Pas étonnant qu'un agent du Neuvième Bureau fut impliqué. Ces gars avaient la réputation de pouvoir tuer père et mère sans sourciller.
A ce moment de ma vie, je décidai que je prendrai désormais mal, très mal, si on devait me féliciter d'être « faite pour le CP9 » ou autre insinuation comme moi mes capacités me destinaient à cette carrière.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Mar 23 Sep 2014 - 19:16, édité 1 fois
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Toc, toc, toc
Je sursautai. Pourtant, c'était bien moi qui venais de frapper à la porte. Mais je ne m'attendais pas à un son aussi cru. Un roulement de tambour aurait été, me semblait-il, tout aussi discret. Secrètement, peut-être espérais-je que mon geste n'aurait pas été entendu, me permettant ainsi de dire en toute bonne foi « personne n'a répondu ».
D'un geste nerveux, je lissai ma jupe, et à ce moment, je réalisai que mes chaussures n'allaient absolument pas avec ma tenue. Il fallait dire que je n'avais pas eu le temps de me préparer. Suite à notre premier entretien avec cet agent du CP9 qui, je le réalisais aussi à contre-temps, ne s'était jamais présenté, j'avais commencé à travailler sur une manière de me rapprocher de Salvatore. Je pensais avoir quelques jours pour mettre en place quelque chose de potable, mais le soir même de notre conversation, je fus convoquée de nouveau, et cette fois, il n'y avait qu'un calme apparent dans l'attitude de l'assassin gouvernemental.
- « Il y a du mouvement. »
- « Où ça ? »
- « Mais où crois-tu, espèce de tête de linotte ? Dans les troupes de Salvatore !! » La reprise avait cinglé comme une gifle.
- « Bah, ça aurait pu être du côté d'Amero ! » avait-je craché à mon tour, bien décidée à ne pas me laisser faire. En guise de quoi, j'avais reçu une œillade froide et quelque part, paternaliste. Ce qui était encore plus humiliant. Cette sensation d'avoir amusé un « grand », un « adulte » alors qu'on n'était qu'une gosse, de lui tirer un sourire entendu, et de se voir récompensée d'une petite tape sur la tête ou la joue comme on flatterait un chien qui a su rapporter la baballe.
- « Petite, Amero, c'est bien au-dessus de tes moyens. Toi, tu es là pour Salvatore. Apprends à tenir ta place. » Et là, je n'avais pu que tourner sept fois ma langue dans ma bouche. Il n'avait pas eu tort. Ce n'était pas pour autant qu'il avait eu raison. Allons, faisons donc cent tours. C'était plus prudent.
- « Cette nouvelle vous rendant fébrile, j'en déduis qu'il ne s'agit pas d'un mouvement ordinaire, d'une simple opération en train de se monter, aussi large fut son théâtre d'opération. »
- « En effet, on pourrait croire que c'est une opération classique : arrivage de marchandise et distribution pour acheminement vers les réseaux locaux à travers East Blue. Mais les indics n'avaient pas mentionné ça. Pas avant deux-trois jours. Donc, il y a quelque chose de louche. L'oiseau doit se sentir traqué, ou « on » lui a mis la puce à l'oreille. » Comme le fait d'ouvrir une mallette qu'on pense contenir des photos et se retrouver avec des sous-vêtements ? Ou vide ? J'osais penser que Maya avait été plus fine sur ce coup. « A mon avis, il est sur le point de se faire la malle. Raven-Cooper, tu vas me l'intercepter. »
- « Je ne fouille plus chez lui ? »
- « Non, tu l'y retiens. Nous, on va donner l'assaut et on trouvera bien dans ses entrepôts un moyen de le relier à tout ça. Du coup, on ira le cueillir chez lui, et on pourra fouiller en paix.. sans que rien n'ait pu bouger ou disparaître. »
- « Bien, chef. »

Ceci dit, ne pouvais-je m'empêcher de penser, pourquoi vouloir absolument une raison officielle pour entrer chez Salvatore, alors que clairement, on n'allait respecter aucun autre droit après ça. La logique de la chose m'échappait, mais je n'étais pas plus chef que CP9, et j'étais bien contente de ce fait... mais assez malheureuse car je me retrouvais encore une fois à prêter la patte à une recette qui me retournait l'estomac... Et voilà pourquoi je me retrouvais fringuée à la va-vite à toquer à la porte de Salvatore en ce début de soirée.

La porte s'ouvrit au moment où j'avais décidé avoir assez attendu. La chose me prit à contre-pieds et le début d'entourloupe que j'avais hâtivement préparée dans ma tête s'envola.
- « Stella. » fit-il sombrement. Je restai là, interdite, avant de me rappeler que c'était ainsi qu'il me connaissait. Stella Raven-Cooper. Avec le recul, je pense que c'est sur ce point que tout s'est joué. Mais à cet instant, je ne pus que piquer un fard et bafouiller. Lui prit pour de l'embarras et de la gêne pudique ce qui était une honte professionnelle cuisante.
- « … Bonsoir Adrian. » finis-je par aligner. Le velours de ma voix, presque un ronronnement, me fit plaisir. J'avais encore cela en moi. Puis j'eus une sorte de regard fuyant, avant de relever les yeux avec affront. Une attitude qui laissait entendre à tout homme que je m’apprêtais à faire quelque chose générant un conflit interne avec la morale et moi-même. Appliquée à un père, elle avait un pourcentage de 45 % de l'attendrir, puisqu'il se rengorgerait d'avoir une fille si volontaire et pas trop idiote. Sur un homme autre qu'appartenant à votre famille proche, on approchait les 73 % de se voir qualifier d'audacieuse. Avec un amant occasionnel avec qui on avait partagé une nuit torride pour disparaître au petit matin ? Je ne le savais pas encore... mais quelque chose me disait que je frôlerai facilement les 100 % de chance de passer pour celle qui « en redemandait ».
Et c'était bien ce que je cherchais. Bien que l'option « un tour au lit » ne m'enchantait guère plus que ça – je ne concevais pas mon engagement dans les forces CP en tant que catin du gouvernement – je savais que c'était à peu près ma seule chance de le garder dans son appartement et suffisamment distrait pour ne pas s'occuper de ce qui se passait dans le monde extérieur.
- « Ce- » Avant même qu'il eusse pu me fermer bien que poliment, la porte au nez, j'avançai et lui coupai la parole.
- « Je m'en vais. Demain. Ma... mission est terminée. » Et puisque dans ma tête, je faisais référence à ma mission de CP, les accents de vérités charriés dans mes mots n'en étaient que plus convaincants. Demain à l'aube, Adrian Salvatore aurait disparu de la surface de la Terre.
- « Oh. » Il eut un sourire un coin. « Les infortunés ont donc les mains liées dans le dos ? »
- « Et la tête sur le billot. En effet. » complétai-je.
- « J'aurais plutôt dit les couilles. »
- « Ah, ça. Aussi, mais ils ne le savent pas encore. Les joies et les surprises du mariage, tout ça. » La conversation était légère, et si je n'avais pas été tel un aigle siégeant dans son aire, j'aurais facilement raté l'expression rapide qui passa sur son visage. Adrian se méfiait de moi. Je ne pouvais le blâmer. « Je venais donc voir si je pouvais me faire inviter pour le verre des adieux. »
- « Tu me caches quelque chose, toi. » lâcha-t-il comme le rustre qu'il était, gâchant complètement mes efforts.
- « Bien entendu. Je suis femme. Je suis une marieuse. Je cache TOUJOURS quelque chose. »
- « Tu sais très bien ce que je veux dire. Que fabriques-tu ici ? Des hommes pour te tenir compagnie, dans un bar ou ailleurs, il y en a des dizaines. »
- « Tsss. Tu n'es donc pas le gentlemen que tu prétends être. »
- « Je suis homme, et aventurier. Je prétends TOUJOURS être quelque chose. » Il railla mon dernier trait d'esprit, et rien que pour ça, je lui en voulus. Éternellement.
- « Hé bien, puisque je suis percée à jour, m'inviteras-tu à l'intérieur, ou dois-je t'expliquer que ce n'est pas une conversation que je souhaite avoir en public ? » Public étant un mot bien relatif, puisque nous étions seuls sur le palier et que personne d'autres ne semblait être dans les parties communes de cet immeuble.
- « Je suis occupé. »
- « Je m'en doute. Toi et moi ne sommes pas des lézards se chauffant au soleil, même si nous sommes très doués pour nous en donner l'air. Aussi, tu dois savoir que ma venue ici n'a absolument rien à voir avec la politesse ou un quelconque sentimentalisme mièvre. »
- « Des regrets alors ? » plaisanta-t-il d'une voix acide, mais il s'effaça devant l'embrasure et je pus entrer. La porte donnant vers le bureau était fermée ; je m'en aperçus en un instant alors que j'entrai dans le couloir puis le salon. Je fis celle qui s’intéressait à la décoration – après tout, je n'avais pas réellement visiter l'appartement la dernière fois que j'étais venue ici.
- « J'ai tendance à ne pas laisser derrière moi des choses que je pourrais regretter.. »
- « Ferais-tu référence à un habit particulier que tu aurais oublié chez moi ? Si oublié est le terme à employer, naturellement. »
- « Adrian, je pensais que tu avais meilleure estime de moi. Si je voulais te revoir, je n'aurais eu nul besoin de laisser une culotte, dont je n'ai que faire par ailleurs. Jette-la, fais-la encadrer si tu veux. C'est ce qu'elle représente qui m'ennuie. »
- « La preuve de ta présence ici ? »
- « Bien entendu. Je n'ai pas envie de mettre en péril ma réputation parce que j'ai couché avec toi. »
- « Tu regrettes donc. »
- « Pas vraiment. J'ai passé un moment plutôt agréable. » le taquinais-je en m'asseyant en croisant mes chevilles. Mon ton laissait penser que j'avais connu mieux. Bien mieux.
- « C'est donc la honte qui t'aurait fait quitter l'appartement presque au milieu de la nuit ? »
- « Nous avons atteint ton appartement au milieu de la nuit. Il faisait presque jour quand je suis partie. Et pas la honte. La colère. J'étais folle de rage contre moi-même. Sinon, tu penses bien que j'aurais pensé à récupérer TOUS mes habits, pour ne serait-ce m'éviter cette conversation. » Je comptais bien sur son orgueil piqué au vif pour le pousser à négocier cette culotte. En temps normal, il me l'aurait rendu sans coup flétrir. Il n'y avait aucun intérêt pour un homme comme lui à garder un levier sur une femme comme Stella. Elle était bien trop proche de la Marine sans n'avoir aucun prestige par elle-même. Un frère ou un cousin pourrait prétendre à laver son honneur si Salvatore devait laisser tomber la nouvelle comme quoi Miss Raven-Cooper n'était pas une bonne et honorable miss, mais à part un duel assez imbécile, il ne gagnerait rien à ce jeu. Pire, il se dévoilerait devant la bourgeoisie de la Marine, cette petite noblesse qui tirait sa force de son nombre et des nombreuses alliances entre elle-même qui faisait qu'insulter l'un, c'était insulter tous.
- « Et si je voulais garder un souvenir de notre nuit ? »
- « Sûrement pourrais-tu trouver mieux qu'une culotte ? »
- « Tu ne m'as rien laissé d'autres. En fait, tu m'as pris une couverture. »
- « Je t'échange bien volontiers ta couverture contre ma culotte. »
- « Ah, mais la valeur émotive de ton dessous... »
- « Émotion n'est pas forcément l'adjectif idéal pour décrire ce qui c'est passé entre nous. »
- « Émotive, pas sentimentale. »
- « Mais qui croira Adrian Salvatore capable d'émotions ? »
- « Venant de la vendeuse de cœurs, c'est grotesque. » J'eus un sourire presque mauvais.
- « Je n'ai jamais vendu de cœur. Des dots, des alliances politiques, des puretés plus ou moins égratignées, oui, mais jamais de cœur. »
- « Tu ne crois donc pas en l'amour ? »
- « Est-ce que tu y crois, toi ? »
- « Je ne suis pas marieuse, moi. » Pas plus que moi, mais ça, il ne le savait pas. La conversation n'allait nulle part, et ça m'allait très bien. S'il se plaisait à se moquer de moi, qu'il se fît plaisir. Je savais qu'il était faux, mauvais et de bientôt, il pourrirait en prison.
Cependant, la nécessité d'entretenir le bavardage fut annulée quand un appel de den-den retentit. Le visage d'Adrian se fronça, d'inquiétude et de contrariété.
- « Je reviens. »
- « Bien entendu. Les affaires avant tout. Pas besoin de m'expliquer... » Il ne dit rien, se contentant de me lancer une œillade indéchiffrable. Pourtant, il ne me demanda – ni ne m'ordonna, mais il aurait fallut voir ça ! - de ne pas bouger. Et en effet, je ne bougeai pas, alors que ça me démangeait comme si j'étais envahie par des milliers de petites fourmis. Je me contentai juste de prendre le livre posé sur la table basse pour me distraire et surtout me donner contenance. La couverture était de ce vieux cuir qui donnait toujours un air de vécu, d'authentique. Enfant, j'avais toujours rêvé de mettre mes mains dessus, car la bibliothèque de Père en était emplie jusqu'au plafond, me semblait-il. Et je mourrais d'envie de lire les histoires de tous ces gens qui avaient forcément vécu une belle aventure, puisqu'ils en avaient couché le récit sur papier. Le concept de « livre » m'était encore bien étranger. Maintenant que j'étais adulte, je ne pus m'empêcher de penser que « vie et réalisation du Colonel Batial » n'avait sa place que sur une étagère, et non pas sur une table basse. Comme si quelqu'un allait lire une telle biographie. A moins qu'il ne se fût agi d'une fiction romancée mettant forcément en avant toute la grandeur et noblesse d'un membre de la Marine de notre très cher et aimé Gouvernement. Adrian Salvatore ne pouvait pas être une victime de cette propagande littéraire très mal déguisée, et je le voyait mal se passionner pour la vie de quiconque ne fût pas un « grand ». La vie de Barbe-Blanche, oui. Celle de Batial ? Non.

J'ouvris le livre au hasard, et le hasard voulut que je trouvasse, pliée entre deux pages, une feuille de papier. Naturellement, je la dépliai et pus contempler une série de chiffres, de nombres et quelques lettres disséminées ici et là. Un code sans nul doute, et avec ce que je savais, un code pour ses sombres affaires. Me rappelant les plans du CP9, je n'en fis rien. J'esquissai le geste de replier le mémo et de tout remettre en place, et bien entendu, ce fut à ce moment qu'Adrian revint dans la pièce, surgissant du couloir du bureau comme un dément.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Mar 23 Sep 2014 - 19:18, édité 1 fois
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Lorsqu'il vit le livre que j'avais en main, son visage se raidit mais je ne pus lire aucune émotion réelle. Pas plus de colère que de peur, qu'aucune autre sensation que la panique insensée qui l'avait poussé à revenir vers moi. Le CP 9 s'était bien planté : Salvatore n'était pas sur le point de partir, il partait. Ce n'était pas un doute qu'il avait, mais une conviction, bien implantée, née de son instinct de survie qui lui avait soufflé que plus rien n'allait, bien qu'il n'eut aucune suspicion réelle.
- « Oh, une mauvaise nouvelle ? » lançais-je, lui tendant une perche pour justifier son attitude.
- « Oui, plutôt... tu l'as vu, n'est-ce pas ? » me questionna-t-il après une seconde d'hésitation. Et là, je ne saurais pas expliquer pourquoi ou comment, mais je suis quoi dire, exactement quoi dire. Comme si c'était une évidence
- « La feuille avec le code ? Bien sûr. » Je reposai le livre que j'avais encore en main, puis me rassis plus en arrière dans mon fauteuil, et fis semblant de m'étonner de son visage de pierre. « Allons, ne sois pas si surpris. Je ne sais rien de tes affaires, mais il est clair que ton succès est du à une gestion méticuleuse. Un message codé, ce n'est pas la fin du monde. A moins que tu ne m'avoues être un espion. Oh, ça serait marrant, si tu étais un agent des bureaux ! » J'eus un rire cristallin, et pour le coup, presque sincère. Oui, ça serait marrant s'il devait réellement être un de mes collègues. J'imaginai la tête d'Aurora, Amero, Akbar, l'anonyme CP9 et même Maya ! Ce qui ne devait être qu'un court instant se transforma presque en crise de fou rire, crise à laquelle Adrian finit par se joindre, de bon cœur, mais pour d'autres raisons, que j'étais censée ignorée.
- « Non, je ne suis pas un espion. Cela te rassure ? »
- « Clairement. Je suis fille de Marine, petite-fille de Marine, et ce sur quelques bonnes générations. Je détesterai l'idée d'avoir été … impliquée... avec un CP. » Et ignorante que j'étais, je venais de sceller mon sort avec ces quelques mots.

Je ne vis pas le coup. Je ne sentis rien, même pas le vent. A un moment, j'étais là, assise, sombre idiote persuadée d'avoir la situation bien en main, et à celui d'après, je me la prenais en pleine poire, la main.
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C'était quelque chose que je ne m'expliquais pas. Comment les hommes savaient-ils frapper les femmes de cette façon aussi désinvolte, à tel point que l'humiliation d'avoir été assommée n'était rien à côté de celle d'avoir été assommée de cette manière ? Comme si nous n'étions rien, comme si nous pouvions être effacées de la surface du monde d'un revers de la main. Je veux dire... était-ce un savoir ancestral qui émergeait du fin fond de l'inconscience masculine quand un garçon atteignait l'âge de la puberté ? Ou était-ce un rite initiatique auquel tous les pères soumettaient leurs fils, les forçant à apprendre le geste, utilisant les servantes ou autres pauvres filles comme mannequins  d'entraînement vivants ? Quoi qu'il en fut, c'était injuste. Et douloureux.

Je m'éveillai avec difficulté. Ma joue me lançait horriblement et je dus mettre bien une minute à réaliser que si je voyais si mal, ce n'était ni un bandeau sur les yeux, ni un manque d'éclairage, mais bien le fait que ma pommette était enflée au point de me fermer l’œil gauche.
- « Aîîîîîeuuuuu... » gémis-je, avant de me rappeler mes cours. J'aurais dû me taire, singer l'inconscience pour espionner la pièce, les opposants, les sorties... bref, les options à ma disposition. Mais à ce moment, je n'étais pas un agent du gouvernement. J'étais une faible femme qui avait mal. Et cette idée seule suffit à me faire ravaler les chapelets de plaintes qui se pressaient à mes lèvres. Je ne savais pas vraiment ce que j'étais – sûrement défigurée à vie !!! - mais je n'étais pas une faible femme. Mal j'avais, certes, et donc mal ils allaient avoir. Na !
Interjection qui n'aida pas à construire mon cas de femme non faible, mais bon.

Ma lamentation provoqua du bruit à ma droite, des déplacements... une, deux, peut-être trois personnes. Cette fois, je fus prudente et ne bougeai pas, bien que ce n'était pas l'envie qui me manquait. Au contraire, je baissais la tête en m'avachissant sur la chaise, vision de la défaite prostrée sur son échec. En fait, je testais les liens tout en profitant du rideau crée par mes cheveux pour voir en douce. Et là, je réalisai que mon chignon était défait, que j'avais perdu la barrette fournie par les magasins de la Marine et que vraiment, mes chaussures n'allaient pas avec le reste de ma tenue. Je suppose que j'aurais dû me sentir satisfaite du fait que le Gouvernement possédait une paire d'infâmes godilles à ma taille, mais non. Juste non.

Avec grande difficulté, je m'arrachais à la contemplation de mes pieds. Les liens ne semblaient pas vouloir céder, les nœuds ayant été bien faits. J'en étais réduite à devoir me débrouiller toute seule. Alors.... Que dire... que faire ?
Puisque je n'étais ni bâillonnée, ni aveuglée, autant partir du postulat que je n'avais pas été démasquée. Ce n'était pas en qualité de Shaïness-la-CP que j'étais là, mais bien en tant que Stella-la-marieuse. Pourquoi Adrian avait-il choisi de s'encombrer d'une civile ? Bon, il aurait fallu que je susse, encore une fois, que le coup de den-den précédent mon agression était un appel désespéré d'un subalterne qui venait d'apprendre par contact infiltré le coup de filet imminent, d'où son arrivée précipitée dans le salon pour me foutre à la porte. Mais aurais-je compris le pourquoi de ma présence ici, que cela n'aurait pas changé grand chose à ma situation.

Qui était, de mon point de vue, assez désespérée. Je geignis encore une fois. C'était, il fallait l'avouer, là la somme de mes capacités. Je pouvais me défaire de mes liens avec un peu de temps mais peu de discrétion, mais ne sachant pas ce qu'il m'attendait après, mais me doutant que ce n'était pas une bande de gamins en sortie scolaire, autant rester le cul sur ma chaise.
- « Silence ! »
- « AHHH !!! » Je n'avais même pas senti qu'il y avait quelqu'un si près de moi. L'homme – car sa voix ne trompait pas – m'empoigna les cheveux pour me tirer la tête en arrière – aïeeeeu – et mon œil, le seul qui voyait encore, fut ébloui par la lumière de lampes éclairant ce que j'eus à peine le temps d'identifier comme une sorte d’entrepôt.
- « J'ai dit « SILENCE », la fille ! » répéta-t-il en me tirant encore plus fort sur les cheveux. Encore un peu, et il me détachait la tête des épaules. La nuque cassée en deux, j'étais à sa merci et il en profita pour agripper ma mâchoire d'une main de fer, enfonçant ses doigts dans la peau délicate de mes joues. En somme, il me faisait faire une bouche de poisson, mais ce n'était pas pour son amusement. Du tout. En tous les cas, pas le mien, car la pression sur ma pommette gonflée était insupportable. « Tu vas la fermer ou je te donne une bonne raison de pleurer ! » Et parce qu'il le pouvait, il m'envoya un de ces fameux jetés de claque, paff, comme ça. Et il visa bien entendu le côté gauche. On pourrait croire qu'il était insensible, maintenant. Que dalle. Je morflais encore une fois.
- « Cela suffit, Antiago. »
- « Chef !... j'ai pas confiance... »
- « Et que veux-tu qu'elle fasse ? Et si tu l'abîmes trop, elle n'aura plus aucune valeur en tant qu'otage. »
- « A-adrian ? » Ma voix était une chuchotis larmoyant. D'un côté, je me disais « chouette, fais-leur pitié ! » de l'autre, je me maudissais d'être déjà en train de pleurer. Mais ça faisait mal !
- « Stella. Je vais te demander de rester silencieuse. »
- « M-m-mais... où je suis ? Qu'est-ce---- » Le claquement de langue excédé de l'Autre coupa court à mes questions.
- « Tu es mon otage. Donc si tu fais ce qu'on te dit, tu sortiras d'ici en vie. »
- « Moi, un otage ? » répétai-je, incrédule.
- « Tu l'as dit toi-même, fille, sœur, petite-fille et cousine de Marines. Si jamais on devait apprendre dans ton petit cercle de bourgeois bedonnants, que le Gouvernement n'a pas tout tenté avant de donner l'assaut, pour te récupérer vivante... oui, si ça devait s'apprendre, il y aurait du remous dans les forces de notre chère Marine. »
- « Et alors ? Si je suis morte, toi aussi, non ? »
- « Oui, mais ils ne l'emporteront pas au paradis. »
- « Mais... pourquoi aurais-tu besoin d'un otage, déjà ? » A la dernière seconde, je récupérai une question bien plus cpesque naissante pour lui substituer cette formulation bien plus classique de la part d'un otage en perdition. Enfin, j'espérais. Je n'avais jamais été otage en perdition. Et l'EGLISE et le BUCHER ne vous préparaient pas à ça. Pff, j'allais leur écrire un de ces courriers, à ces ronds-de-cuirs du centre de formation.
- « Parce que je ne suis pas quelqu'un de bien, comme tu aurais dû t'en douter. » Avec le départ de l'Autre, j'avais pu redresser ma tête et désormais que je ne souffrais plus d'autres coups, j'avais pu arrêter de pleurer. Petit à petit, mes yeux s'habituaient aux jeux d'ombres et de pénombres de la pièce, distinguant la silhouette d'Adrian, à quelques pas de moi.
- « Je sais parfaitement que tu n'es pas un ange, mais j'ai du mal à concevoir que tu sois un criminel recherché par la Marine. » fis-je d'un souffle. Mon cerveau travaillait à plein régime, essayant de trouver le meilleur moyen de négocier ce passage.
Avec un rire digne d'un caquètement de sorcière, il s'approcha de moi, au point d'entrer dans le cercle de  lumière sale projetée par une torche. Son visage, d'habitude beau dans son côté baroudeur, était une grimace d'envie et d'ambition... et de cruauté.
- « Pauvre cruche ! Je suis à la tête d'un réseau de drogue. Et pas n'importe laquelle. Une des plus chères. Une que seuls les gens comme toi peuvent se payer. » Il s'était penché sur moi et examinait mon minois. Ses yeux avides cherchaient à se délecter de l'expression d'horreur et d'incertitude née de ses paroles. Enfin, qui auraient dû naître. Je n'étais pas plus douée pour suivre les ordres que pour improviser dans de telles conditions.
- « Mais... pourquoi ? »
- « Parce que c'est un peu le seul moyen pour un mec comme moi de faire fortune. »
- « Non, je ne te crois pas. Tu n'es pas idiot, tu aurais----. »
- « Si je n'avais pas été Adrian Salvatore, m'aurais-tu seulement regardé ? » me cracha-t-il presque au visage. Tiens, je venais d'apprendre qu'il était né sous une autre identité...
- « J--. » Je n'eus pas le temps de répondre, car à son tour, il agrippait la mâchoire. J'allais être couverte de bleus et contrainte à bouffe des soupes par une paille, si ça continuait !
- « Toi et tes petites manies de poupées, en train de magouiller dans le dos des tes semblables ! Serais-tu bête au point de te mentir ? Pff, ça irait bien avec le reste des défauts de tes dégénérés de semblables ! »
- « Quoi ? Tu veux te venger de la Marine ? Et tu crois que moi, je suis coupable ? »
- « Vous l'êtes tous. Pas un seul qui ne réalise à quel point il vit dans la puanteur et le mensonge. » Si, moi, justement. Mais si je lui avouais là, maintenant, que j'avais été repoussée par cet aspect de ma vie au point d'en devenir CP, il me tuait.
- « Tu me hais donc à ce point ? » murmurai-je, sentant d'autres larmes à mes paupières. Je ne connaissais pas ce type, ce qui avait pu lui arriver pour qu'à ce point, il détestât la Marine – pas étonnant, ceci dit, qu'il eût des photos d'Akbar dans sa mallette – mais je pouvais comprendre. Je n'avais aucun désir de vengeance envers les miens, car je le trouvais plus victime que coupable, mais avec ce que Maya et même Akbar m'avaient dit... comment ne pas être révoltée par la situation ? Des gens qui étaient riches, qui devraient être heureux et agir pour le bien des autres... devenus adeptes des mariages arrangés et des détournements d'yeux. Pour la première fois, je me demandais si mon père connaissait le genre de mission qu'on confiait aux jeunes engagés, celles où on se retrouvait à tuer des gosses de 4 ans au nom du principe de sécurité gouvernementale et d'obéissance absolue ? Alors, oui, j'étais émue, par sa situation, par ma situation, par notre situation. Et parce qu'il me  détestait. Je ne savais pas pourquoi, mais ça me blessait ! Personne ne détestait Shaïness Raven-Cooper.
- « Oui. Tu n'es qu'un jouet entre mes mains, et je te méprise au plus haut point !  Toi et ta morale à la noix !»
- « Parce que moi, MOI, j'ai une morale ? »
- « Une morale à vendre. Ça ne t'embête pas de vendre des filles aux plus offrants. Tu aurais ta place dans les marchés aux esclaves, ma belle.» Ah ouais... Vu comme ça... Ceci dit, pas étonnant que la Révolution se fût intéressée à Monsieur Salvatore, ou quelque fût son nom. Il avait du potentiel... Bien guidé, il aurait pu devenir un compagnon d'armes. Mais les regrets ne changent pas le passé...«  Tu te dis pure et parangon de vertu... » reprenait-il presque sans respirer. « … tu penses pouvoir juger de la valeur d'une gourdasse comme toi, mais tu couches avec le premier venu. Un homme que tu méprises profondément. »
- « Je---.. »
- « Oui, Stella, tu me méprises. Sinon, pourquoi partir comme une voleuse ? Pourquoi en plus chercher à récupérer cette culotte ? Pourquoi ne pas penser de moi que je puisse être capable de me montrer digne et gentleman ? »
- « … mais parce que Adrian Salvatore est tout sauf ça!!!Ce n'est pas ma faute si tu as construit ce personnage !!! »
- « Et voilà, méprisante petite chose, qui se satisfait du premier regard, sans cherche plus loin... » ricanna-t-il.
- « Oh, tu peux parler !!! » D'un geste de la tête qui manqua de nous faire partager un coup de boule, je me délivrai de sa poigne – aïeuuuu, pour ceux qui n'auraient pas compris. « Regarde-moi, Adrian. 23 ans, et marieuse ! Ça veut dire aucun mariage pour moi-même ! Alors que je suis belle et pas bête !!! Pas de mariage, pas de carrière, pas de futur ! Tu crois que j'aime ce qu'est ma vie ? Tu crois peut-être que je ne rêve pas de m'enfuir, de laisser tout ça derrière moi ? Mais comment voudrais-tu que je le fasse, hein ? Je n'ai pas d'argent, et même si je partais, ma famille me retrouverait !! » lui hurlai-je pour finir.
- « Tu parles!!! si demain, la drogue est légalisée, tu devras m'admirer, moi l'homme qui a un commerce légal florissant... alors qu'hier, tu me méprisais, moi le pirate. »
- « Et qui a dit que je te mépriserais en tant que pirate ? » Et là, il marqua un temps d'arrêt. « Ton commerce florissant, tu dis. Donc, ton réseau fonctionne bien. Il fonctionne bien parce que tu n'as pas été arrêté – jusqu'à maintenant. Donc, tu ne laisses pas derrière toi des cadavres de pauvres crétins qui meurent d'overdose. Non, tu vends aux petits riches, les fils et filles de bourgeois qui veulent se sentir rebelle, sans quitter le confort de leur salon ! » La facilité avec laquelle je crachais mon venin m'aurait surpris, si j'avais encore la tête froide. Mais j'étais désormais enflammée, plongée à corps perdu dans ma bataille. « Le système est corrompu, ce n'est pas une nouvelle digne de la une des journaux. Et toi, tu as su en tirer profiter, t'en jouer... pourquoi te mépriserais-je ? Ne suis-je pas moi-même en train de faire la même chose, de tirer profit du système avec mes magouilles de marieuse ? Si je te méprisais, je devrais ME mépriser, et toi et moi savons parfaitement que justement, je ne me méprise pas. » Parce que sinon, je serais une petite chose sanglotante au sol. Ou complètement débile.

Il était partagé. Le temps des jeux de dupes était passé et ni lui ni moi ne pouvions nous permettre le luxe de nous perdre en circonvolutions. Pourtant, nous doutions ; pas forcément de la même chose, je le concède. Mais au fond, la vérité était que nous étions pas si différents l'un de l'autre. Bien au contraire. Les choses qui nous rapprochaient comptaient bien plus que celles qui nous séparaient.
- « Et bien, c'est dommage. » fit-il par dire. Devant mon air perdu, il rajouta : « De toutes les personnes à prendre comme otage à sacrifier, j'ai choisi l'une des rares qu'il me coûtent de sacrifier. »
- « Ben, ne le fais pas. » lui sortis-je avec un ton bêtement terre à terre.
- « Ah oui ? Et comment ? En me rendant, peut-être ? Ou en te libérant, en espérant que cette... comment ils disent ? Ah oui, « preuve de bonne volonté », ira titiller la clémence du jury ? Sauf que je sais qu'il n'y aura pas de jury pour moi. » conclut-il d'un ton presque désemparé.
J'aurais dû continuer à jouer la civile, celle qui ignorait tout. Mais je ne pouvais plus. Quoi que ce fut qu'il existait entre lui et moi, je ne pouvais plus lui mentir.
- « Ben, enfuis-toi. » lui conseillai-je, toujours dans la lignée de mon pragmatisme du moment. Il hésita. « Hé quoi ? Tu ne vas pas me dire que tu veux rester ici et couler avec le navire, comme un bon commandant ? Franchement, tire-toi. Tu es le chef, et le rôle des subalternes, c'est de crever pour toi. »
- « Et après, tu t'étonnes que l'état d'esprit de la Marine soit critiqué ? »
- « Mon œil. Jalousé, par critiqué. Cet état d'esprit, c'est la loi du plus fort. La Marine est ce qu'elle est parce qu'elle s'est hissée au sommet de la chaîne alimentaire. Personne ne vient lui chercher des noises, elle n'a de compte à rendre à personne. » Bon techniquement, y'a juste un truc que j'omettais. Un minuscule machin. Ben oui, vous savez, le Gouvernement Mondial ? Le conseil des Cinq Etoiles ? Tout ça, tout ça ? « Depuis quand tu fais dans le rond de jambe et le comportement à bon point ? S'ils ne voulaient pas crever, tes copains, ils n'avaient qu'à être plus intelligents. Ou ne pas miser sur toi, ou devenir chef à ta place. Parfois, c'est comme ça, on a ce à quoi on a droit, même si ce n'est pas juste. Fuis, Adrian. » Et le pire ? J'espérai de tout cœur qu'il réussirait. Non pas parce que cela arrangerait de toutes les manières les affaires d'Akbar, mais parce que je savais désormais que j'avais plus d'affection pour ce type que pour Aurora, ou le contre-amiral ou quiconque dans cette foutue mission. Mon rôle, tel que je le concevais au sein des Bureaux, c'était de faire régner les valeurs du Gouvernement : paix et prospérité. Ben voilà, j'apportais la paix et la prospérité à Adrian. Enfin, plutôt la vie sauve, mais on n'allait pas chipoter sur les détails. J'agissais à mon niveau.
- « Et toi ? »
- « Quoi moi ? »
- « Que vas-tu devenir ? »
- « Mais que veux-tu que je devienne, crétin de Saint Uréa ? Je vais rester là, assise sur ma chaise, en attendant que la Marine vienne me délivrer. »
- « Mes hommes te tueront. »
- « ... » Certes. Présenté comme ça... j'appréciais soudain son hésitation. Il aurait pu suivre mon conseil et se faire la belle. Et la laisser ici, la belle. Mais non, il était là, à se tâter. C'était presque mignon. On devait ceci dit avoir l'air spécialement cons, lui et moi, à se regarder comme ça. Puis il y eut un bruit extérieur – enfin je crois, vu que je ne savais pas où j'étais – et Adrian leva la tête, inquiet. J'entendis l'Autre aboyer des ordres dans la distance, puis il fut là :
- « Ils arrivent. On'n sait pas comment ils nous ont trouvé, mais ils sont là. On fait quoi. »
- « On peut les battre ? »
- « J'sais pas. »
- « Alors, qu'est-ce que tu m'emmerdes ? Ramène-toi avec des données concrètes ! Parce que sinon, on peut aussi rester là et commencer une partie de rami, triple buse ! » L' Autre détala, et Adrian resta debout, à bout de souffle après sa rafale. Sa peur se communiqua. Je pris conscience que j'avais de grande chance de crever, si je restais là.
- « Emmène-moi !!! » Ce fut un cri du cœur qui me prit de court. Il se retourna vers moi, comme au ralenti, complètement interloqué. Moi, j'avais la tête vide et le cœur en chamade. J'avais l'impression de rêver ! « Oui ! Emmène-moi ! Partons tous deux !!! On laisse tout ça derrière nous, et on recommence ailleurs. A nous deux, on devrait pouvoir trouver un moyen. Je peux facilement faire pression sur des « amis » pour qu'ils nous viennent en aide. Et toi, tu sais comment y faire, dans ces situations !! ça serait bien, non ? Toi et moi, et on recommence tout !! » Je voudrais pouvoir dire que ce discours m'avait été inspiré par l'idée fulgurante que rester avec lui, c'était encore le tenir à l'oeil et que ça ne ferait que retarder son arrestation. Mais le fait était et restera que j'étais on ne pouvait plus sincère à ce moment.
J'en avais juste ma claque, de toutes ces histoires. Du chantage, des affaires de coucheries, tout ça pour de l'ambition contrariée, mal placée. Des manipulations, des fausses Vérités et des réelles duplicités. C'était ça, ma vie à venir, pour les trente prochaines années ? Souffrir des désidérata en girouette de haut-gradés ne méritant pas forcément leur place, se faire manipuler au nom d'une Justice que je savais, de façon intime, bafouée si ce n'était Injustice ? Puisqu'on m'offrait la chance de recommencer ailleurs, autrement... pourquoi s'en refuser ?

Et c'est là que les choses deviennent terrifiantes. Si les choses s'étaient passées comme ça, si nous avions réussi à nous échapper... Adrian et moi n'aurions pas pour autant connu la paix. Je savais, avec cette certitude née de l'expérience, que si la Marine n'aurait pas pousser plus que ça ses recherches, CP 9 ou pas, Thunder F ou pas – et encore, je ne suis toujours pas sure que le criminel avait le moindre lien avec Salvatore – la révolution, elle, nous aurait traquée. Maintenant qu'elle avait goûté notre sang, elle ne s'arrêterait pas avant de nous avoir recrutés... ou tués... Tout ça, pour finir révolutionnaire. Comme ce que j'avais été. Est-ce donc mon destin, implacable, immuable, que de finir dans les troupes d'Adam ? Dans ma vie, j'ai connu de nombreux moments où j'ai choisi, que j'en eusse eu conscience ou pas. Mais est-ce que inexorablement, tous mes chois m'auraient ramené sur le rivage de la rébellion ?
On ne le saura jamais.

Nous courrions. A en perdre haleine, et pourtant, je ne sentais rien. Le monde s'était réduit à une petite bulle autour de nous, et à cette main qui serrait la mienne, me tirant toujours vers l'avant. Le décor autour de moi passait, sans que je réalisasse quoi que ce fut. A un moment, j'avais dû balancer mes chaussures qui me ralentissaient, parce que maintenant, je contemplais mon pied lacéré par je-ne-savais-quoi, et bien que le sang coulât, je ne sentais rien.

Il me semblait que je retrouvais le temps de mon enfance, où je pouvais courir dans le jardin pendant des heures, tout en riant, sans jamais m'arrêter pour souffler. Oui, les sons qui sifflaient au loin étaient comme les rires des parents qui prenaient le café sur la terrasse, et les éclats de terre autour de nous étaient les pissenlits fanés qui voletaient à foison, au gré du vent. L'horizon était barré d'un océan scintillant. C'était l'été et nous chassions les papillons, à moins que nous ne fûmes des aventuriers sur la pistes d'un trésor antique.
Et comme un vase qui se brise en un tintamarre, mon rêve éveillé se dispersa en mille morceaux. C'était des bruits de bataille que nous fuyions, la Marine étant passé à l'assaut de l’entrepôt où j'avais été menée. Et Adrian et moi tentions désespérément d'atteindre la jetée pour y trouver un petit bateau pour disparaître en mer, à moins qu'il ne voulut se cacher quelque part.
Mais je savais que le CP 9 passerait au peigne fin la zone et qu'il soupçonnerait rapidement notre envolée maritime. Qui sais ? Peut-être déjà plusieurs frégates montaient la garde. Et même sans ça ! Nous étions à Logue Town, et les navires au drapeau à la mouette circulaient en assez grand nombre pour que leur manque de vigilance fût palliée par plusieurs témoignages concordantes.
Et là, je sus. Avec une clairvoyance digne de Cassandre, que c'était peine perdue. Tôt ou tard, et à mon avis, plutôt tôt, nous serions repris. Et je savais ce qu'ils allaient faire à Adrian. Et je n'avais pas envie de le mener à ça. Cela m'était impossible. Tant de souffrance, pour juste... Akbar. Le contre-amiral méritait d'être sauvé, mais pas à ce prix là. Non, je n'étais pas prête à payer de la mort douloureuse, peut-être même sous la torture, de mon compagnon. Le premier qui savait qui j'étais, qui m'avait acceptée pour exactement ça, sans plus. Je voyais déjà la Mort se porter à ses côtés, sourire grimaçant en un funeste présage.
Je n'avais jamais été une combattante. J'avais toujours honni l'usage de la violence et j'avais été très près de me faire renvoyer de l'institut de formation quand je m'entêtai à ne vouloir apprendre que des techniques de défense, refusant avec la dernière énergie de pratiquer l'offense sous quelque forme que ce fut. J'avais déjà tué, mais toujours avec une lame. Toujours des inconnus.
Je trouvai pourtant en moi de quoi abattre Adrian Salvatore à mains nues. Des mains rouges de sang, poisseuses et à peine tremblantes, qui le serraient contre moi alors qu'il agonisait, une expression incrédule sur le visage.
- « Je suis désolée... je ne pouvais pas les laisser... » répétais-je en boucle, tout en nous balançant d'avant d'arrière, des larmes ruisselant sur mes joues. - « Je suis désolée... je ne pouvais pas les laisser... »


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Et c'est là que Folie Furieuse émergea, auréolée de gloire, se répandant en moi comme la pluie sur la terre asséchée. Habillée de cuir de domatrix, elle accula ce bon gros couillon de Bon Sens dans un coin où il se laissa enfermer. Mais Orgueil ne s'en lassa pas conter et tel le vil scélérat qu'il était, planta sa cousine dans le dos. Puis il s'en alla en sifflotant, considérant peut-être l'idée d'aller s'acheter des gaufres. Folie Furieuse se mourrait mais dans un ultime effort de chaos, accoucha de Paranoïa, qui partit en exil le temps de fomenter sa révolte pour venger sa génitrice.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Mer 24 Sep 2014 - 20:08, édité 1 fois
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Je me réveillai d'un coup. Sans un sursaut, mais comme si la vie avait soudainement retrouvé son chemin en moi. Je passais du néant à la conscience accrue que j'étais dans un hôpital, à l'instant même où j'ouvrai les yeux. Ma respiration était calme, profonde, comme si je dormais encore. D'ailleurs, l'infirmière eut la peur de sa vie en s'apercevant que je la fixais des yeux, sans bouger, sans avoir attiré son attention de professionnelle.
Après un rapide examen, elle sortit de la pièce et je restai seule.

Plus tard, sans savoir quand, Tronche de Gruyère ouvrit la porte et s'effaça pour laisser entrer le CP 9. Puis il ferma la porte et monta la garde à l'extérieur.
- « Hé bien, la mioche, tu ne t'es pas trop mal débrouillée. »
- « … que s'est-il passé ? Je ne me souviens plus... »
- « On t'a retrouvé un peu plus loin de l'entrepôt. Ça n'a pas été trop difficile de vous retrouver, surtout toi . Niveau discrétion, on fait mieux. »
- « Comment vous m'avez retrouvée ? A l’entrepôt, je veux dire. »
- « Tes chaussures. Peut-être moches, mais bien pratiques pour planquer un den-den traceur dans le talon. »
- « Ah...Et maintenant ? »
- « L'affaire est réglée. Tu retournes à ton Bureau. Ton chef t'informera au besoin. »
- « Akbar ? »
- « Je t'ai dit que c'était réglé. » me reprit-il d'un ton plus ferme.
- « Alors, Adrian est mort... »
- « Si ça te permet de dormir en paix, tu n'as qu'à te dire ça. »
- « … non, je veux savoir. »
- « Pourquoi ? Tu l'as tué, non ? Qu'est-ce que ça peut te faire ? »
- « Je l'ai vraiment tué ? Moi ? »
- « C'est si important que ça ? »
Pas plus que mon devenir. Pourquoi il était là, à mon chevet ? Sûrement pas pour prendre de mes nouvelles. Vu qu'il n'était pas en train de me questionner pour recouper des infos, pour remplir son rapport, c'était que j'étais interrogée.
Et je savais exactement pourquoi.
- « J'espère bien ! » m'offusquai-je. Heureusement que j'étais droguée à l'anti-douleur, parce que ça ne sonnait pas juste, cette réaction. « Avec le mal que je me suis donnée pour ME le faire !!! Il est hors de question que ça soit Tronche de Gruyère qui récolte les lauriers de ma gloire !!! » Il haussa un sourcil.
- « Alors, tu es après les lauriers de la gloire, petite ? »
- « Bien entendu. Je suis une CP, après tout. Je ne bosse pas pour l'honneur et la sécurité des autres. » Il marqua une pause et se permit un reniflement.
- « Hé bien, qui l'aurait cru. On fera peut-être quelque chose de toi, Raven-Cooper. »


Encore plus tard, je dus expliquer pourquoi, au lieu de rester sur place et prêter main forte à l'assaut, j'avais été retrouvée inconsciente près de la cible. Il me fut facile de noyer le poisson en disant qu'il m'avait pris avec lui lors de sa fuite en tant qu'otage et que je n'avais pu agir sans mettre ma propre vie en danger qu'à ce moment. Je ne m'étonnais plus de la facilité avec laquelle les mensonges glissaient sur ma langue, comme du miel sur une tartine.
Comme l'essentiel était de l'avoir arrêté, comme mon dossier parlait pour moi – à la fois des résultats déplorables en combat, un manque criant de missions terrain de ce genre, mais un quasi sans faute pour le reste des mandats - personne ne s'attarda sur le sujet. L'affaire fut classée, archivée et oubliée de tous.


Dernière édition par Shaïness Raven-Cooper le Mer 24 Sep 2014 - 20:11, édité 1 fois
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Ce qu'il y a de fascinant avec la terre et l'humain, c'est que même quand ton monde est fondamentalement bouleversé, le reste de l'univers continue à fonctionner. La planète n'a pas bougé de son axe, le soleil continue de se lever, puis de se coucher pour laisser place à une nouvelle nuit, puis une nouvelle journée, et personne ne tient compte de ce qu'il se passe au fond de toi, de ce qu'il y a, ou tout du moins, ce qu'il n'y a plus.
Tes actions, tes doutes, tes mensonges, n'ont rien changé. Les gens sont retournés à leurs activités comme si cette histoire n'avait jamais eu lieu, tes collègues sont repartis sur une autre mission sans regarder une seule fois en arrière. Berenike s'est évaporée aussi vite qu'elle est rentrée dans ta vie, et rien ne dit que tu puisses un jour recroiser sa route. Rien ne dit non plus que tu l'espères.

Au fond, il ne s'agit que des heures de discussion avec des centaines d'individus, des interactions, des coups et du sang, tout ça pour revenir à une sorte de paix factice. En regardant les gens aller et venir sans qu'ils ne se doutent de ces guerres internes qui se déroulent pourtant devant leur nez ou sous leur pied, on peut se demander comment ils font pour ne pas voir ces existences se terminer brutalement, ces tourments dans lesquels le monde est pris sans le vouloir, ces guerres sans buts, sans fins, qui perdent leur sens quand elles s'éternisent.

Est-ce que ça va ?

Petite voix fluette qui tranche le silence de ta chambre. Mais désormais une voix que tu connais puisqu'elle t'a conduit sur des routes nébuleuses, t'as forcé à prendre des décisions, à faire des choix, à relever tes œillères pour voir d'autres aspects du monde. Comme pour la lune. On voit ce qu'elle nous renvoie du ciel : Un globe brillant et blanc, dont la forme varie selon les périodes, passant d'une boule pleine et rayonnante à un croissant discret. Il y a toujours une face cachée.


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Sauf quand il n'y avait plus de face. Quand le ciel n'était plus qu'une étendue sombre et morne, égaillée ici et là du scintillement d'une étoile solitaire perdue à des millions de kilomètres, suspendues dans l'infinité du vide cosmique.
Quelque part, c'était bien, d'être laissée dans l'ombre. Sans lumière, il n'y avait plus de jeux mouvants de semi-vérités qui sont manipulées. Il ne restait qu'une uniformité de pénombre, où toutes choses sont égales à elles-mêmes. Il suffit juste de poser une étiquette pour cela fut.
Ça m'allait très bien. Je n'avais plus à réfléchir. J'acceptais, sans broncher, n'en pensant pas moins mais peu désireuse de m'exposer. J'avais bien compris que c'était le règne de la loi du plus fort. Et pour devenir fort, il fallait savoir faire des compromis.

Quand j’avais commencé à être admise dans les cercles des adultes, je me suis mise à fréquenter des milieux très bavards et très indiscret. J’avais toujours eu une fascination choquée pour la facilité qu’avaient les autres à se révéler, à s’exposer. Et puis aussi une inquiétude à l’idée que j’allais avoir à faire miens cette façon d’être, ce langage qui ne correspondait ni à mon éducation ni à ma personnalité. Oh oui, je pouvais parler pendant des heures de Shaïness, sans jamais parler de moi.
Je savais mentir, manipuler, mais intrinsèquement j'étais quelqu'un d'entier. Entièrement dévouée à la Grande cause, aurais-je ajouté il y a encore quelques semaines. Entièrement mauvaise, avouerais-je désormais.

Trouver Raven chez moi, me surprit, parce que je ne m'attendais absolument pas à ce qu'elle reprît contact avec moi. Mais dans le cas où j'aurais envisagé ce cas, j'aurais trouvé ça totalement normal de la découvrir installée dans mon canapé, comme si nous étions les meilleures amies du monde.
- « Pourquoi poser une question dont on connaît la réponse ? » lui-je en déposant mes sacs de course dans ma petite cuisine. « Que cela soit vrai ou non, la réponse sera irrémédiablement « oui ». Parce que rien ne peut ne pas aller sous le regard bienveillant du Gouvernement Mondial. » Un mirage que tous avaient appris à accepter et à entretenir. Idiote que j'étais, je l'avais pris bille en tête, brisant un tabou social. « Tout va toujours bien dans le meilleur des mondes... Je suppose que vous n'êtes pas là pour l’apéritif. Si vous voulez les photos que j'avais récupéré... » pendant une seconde flotta entre nous le nom d'Adrian, avant que je ne tus cette douleur. « c'est trop tard, je les ai remises à Tronche de Gruyère. » Et qu'importe qu'elle sût ou non à qui je faisais référence. « Je ne peux plus rien pour vous, maintenant que j'ai fait ce que vous voulez. Akbar reste gouverneur. Le réseau de drogue est démantelé, même si on n'en a pas parlé dans les journaux. »
C'était le CP9 qui m'avait expliqué que le Gouvernement ne pouvait pas se rengorger en public de ce succès de la Marine, parce qu'il y avait trop de zones de flou dans le dossier pour exposer ce dernier au regard chafouin des journalistes. Il n'y avait donc eu qu'une communication succincte, parlant d'une action de grande envergure dont les conséquences n'avaient pas encore identifiées. Le tout restait une opération entre très top secret. Aucun nom n'apparaissait.
Alors, que pouvait bien me vouloir ENCORE la révolution ?
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Je ne viens pas pour Akbar, ou Adrian, ou qui que ce soit d'autres, je viens pour toi, Shaïness.

Voix ferme, campée sur sa position, Raven te fixe sans bouger d'un pouce en gardant cet air sérieux et pourtant doux. Tu constates que cette femme est toutes en facettes, et que ses traits sont encore jeunes. Elle est comme elle a toujours été, simple devant toi, et franche, sinon humaine, à la mimique sincèrement inquiète pour toi...

Je ne veux pas savoir ce que le gouvernement ressent, je veux savoir comment, toi, tu vas...

Elle ne peut pas faire plus claire dans ses mots, dans ses phrases,... Et elle comprend, d'une certaine manière, que cet intérêt soit dur à entendre comme à comprendre. Quand on se doit d'être invisible ou parfait, voir qu'on nous scrute peut déranger.

Ce que je t'ai demandé de faire est éprouvant, et ça le serait pour n'importe qui. Je t'ai mise dans une situation que personne n'a envie de connaitre et j'entends à l'ironie qui transpire dans tes paroles que tu ne le vis pas spécialement bien... C'est pour ça que tu m'importes.

Alors ?


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- « Et si je n'ai pas envie que je vous importe ? »
Sa douceur m'était insupportable.
C'était tout ce dont j'avais besoin : elle semblait comprendre les tourments qui m'assaillaient et m'offrait une épaule réconfortante contre laquelle me blottir et pleurer. Quelqu'un qui serait là pour moi, juste pour moi, et non pour la fille de, l'espionne, la beauté de ou le quelconque avantage qu'on pourrait tirer de ma fréquentation. Mais pourquoi fallait-il que, de toutes les personnes de mon entourage ou de ma connaissance, se fut la seule à se montrer gentille avec moi ? Pire encore, pourquoi fallait-il que ce fut la seule qui pouvait me consoler ? Oui, je pouvais toujours rentrer chez moi, et Mère serait la première à être empathique avec moi, mais elle ne saura jamais pourquoi j'étais triste, et si jamais je le lui disais, jamais elle ne comprendrait.
A vrai dire, moi non plus. Je ne comprenais pas ce que Raven faisait ici. Enfin, Maya

- « Je ne vois pas ce que mes états d'âmes pourraient vous faire. Nous ne sommes pas amies. En fait, nous sommes même ennemies et je devrais vous arrêter. Je ne sais même pas pourquoi je ne le fais pas. Je sais que je n'en ai pas envie, mais pas que j'ai envie d'avoir cette conversation. Je ne sais pas si c'est la culpabilité qui guide vos pas ou autre, mais je sais que ce n'est pas moi qui vous intéresse. Vous ne m'avez parlé que parce que de toute cette histoire, j'étais le pion le plus faible, le plus facile à faire céder. Moi ou un autre, ça aurait été pareil pour vous. Alors, que voulez-vous ? Que je vous dise que vous aviez raison ? Si vous voulez. Akbar méritait de rester. Sauf que si vous aviez voulu arrêter Adrian, vous n'aviez pas besoin de moi. » Au fur et à mesure que je parlais, déroulant devant moi le fil de mon raisonnement, avec logique et clarté, je m'énervais. Voilà, ça recommençait. J'étais à nouveau manipulée. Raven voulait quelque chose de moi, et elle utilisait la bonne excuse de mon morale pour m’appâter. « En tant que secrétaire, vous pouviez depuis le début prendre ces photos et couper l'herbe sous le pied d'Adrian. Alors, je ne sais pas pourquoi vous m'avez fait faire tout ça, et ça me dégoûte d'avoir été l'objet de manipulations, mais voilà, ça m'a permis de sauver un homme bien. » Et dans ma tête, je parlais autant du contre-amiral que du truand. L'un avait échappé à sa déchéance honteuse, lors à une torture insupportable. « Alors, non, je ne vais pas bien, et ce n'est pas votre présence qui va arranger les choses. Si je pouvais être seule, ça serait déjà un début. »

Sauf que seule, je l'avais été, et depuis le début, et on ne pouvait pas dire que ça m'avait réussi. En plus ça ne faisait qu'empirer mes ruminations sur le fait que le système était bien sclérosé, mais que je n'y pouvais rien. A se dresser, vertueuse – arhem – je ne gagnerai qu'à me faire éjecter. Alors, à défaut de changer, il fallait que je me protège, que j'évite de me faire à mon tour contaminer, entraînée et brouillée par l'ordre établi. Je ne pouvais plus qu'être placide spectatrice, condamnée à réaliser un jour future qu'elle avait peut-être les mains propres, mais sûrement pas l'âme. A faire le dos rond, à force de compromis, on n'en était pas moins coupable de coopération silencieuse.
Coupable.

J'avais une conscience pure, mais sombre. J'avais en moi l'absolu. J'avais été CP, ce qui était grave. Les hommes peuvent avoir, comme le ciel, une sérénité ténébreuse. Il suffisait que quelque chose en nous fit la nuit. L'espionnage avait fait la nuit en moi. Mais il restait des étoiles. J'étais pleine de vertus et de vérités, qui éclairaient mes noirceurs vespérales.
Et cela allait me détruire.
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Elle pourrait avoir des airs de gamine, un peu boudeuse, qu'on viendrait juste de punir pour une bêtise qui n'est même pas sienne. Raven a à peine ton âge, pourtant, même un peu moins, et elle en a vu autant que toi ses dernières années. Du coup, lorsqu'elle se relève de son fauteuil, prête à quitter ton appartement comme tu le désires, elle s'arrête la main sur la poignée et se retourne brusquement vers toi pour tenter une dernière fois :

Soit.

Mais pourquoi t'énerver, Shaïness ? Pourquoi t'emporter après moi quand je me soucis de toi ? Qu'est-ce qui te dérange là-dedans ? Que je sois ce qu'on appelle une « Révolutionnaire », ou que tu ne te sois jamais sentie si proche de qui que ce soit depuis bien longtemps ? Tu te sens coupable ? Je te fais peur, c'est ça ? Pour quoi ? Je ne demande que ce qui devrait être, et voilà où j'en suis : on me colle une prime sur la tête, on me traite de paria, on me boute de chez moi... Et toi, maintenant, tu me repousses quand je ne fais qu'être humaine avec toi ? Mais qu'ai-je fait pour t'être aussi insupportable, mh ? Tu m'en veux à ce point ?

Si tu t'es sentie manipulée, et bien j'en suis désolée. Terriblement, Shaïness. Mais tu n'es pas un pion sur l'échiquier, tu es plus que ça. Le grain de sable qui enraille une machine n'est peut-être rien de plus qu'un grain de sable, n'empêche qu'il arrive à mettre à mal tout un système. Je vois juste en toi une personne qui veut faire le bien, faire ce qui est juste. Ce n'est peut-être pas parfait, c'est fait avec les moyens du bord, mais ça reste juste. Ai-je tort à ton propos ? Dis-moi que je me trompe sur ton compte et tu n'entendras plus jamais parler de moi, ou d'un quelconque de mes frères...

La Justice, l'Equité, la Liberté... Ce sont les seules choses que nous voulons assurer à nos semblables. Qu'il n'y ait plus d'esclavage, de messes-basses, de jeux de cour et de pouvoir, de protéger nos concitoyens sans arrière penser,...

Non... Tu n'es pas un pion. Tu es un filet de sécurité... Indispensable quand on a peur de tomber.


Raven est un livre ouvert. Elle ne dit que ce qu'elle voit, et ne montre que ce qu'elle est.

D'une sincérité désarmante à la voix encore adolescente, au discours teinté d'une maturité trop vite acquise.
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Forcément, quand on vous dit qu'on a besoin de vous, qu'on vous reconnaît quelques qualités, c'est difficile après d'être en colère. Après tout, qu'avait-elle fait pour me mettre tellement en colère ? Me faire confiance ? Me demander mon aide pour mettre à terre un mal, moi dont c'était ma mission sacrée ? N'avais-je pas prêter serment ? Alors, pourquoi elle m'énervait autant ? Ah tiens, ce n'était plus de la colère.

Oh, je sais moi, pourquoi. Parce qu'elle donnait l'impression que c'était tellement facile, de faire « bien ». Elle ne semblait pas se poser de questions, la Raven. Mais là, du haut de mes 23 ans, je ne savais pas.
- « Mais vous êtes la révolution ! Vous êtes... le Mal ! »
- « C'est ce qu'on t'a dit dans ton école, n'est-ce pas ? Maintenant, regarde mes gestes, et dis-moi si c'était bien ou mal. Juge en ton âme et conscience. » J'eus un rire court, glauque, sans joie ni moquerie. Mon âme ? Voilà bien longtemps que je l'avais vendu au diable. Si j'avais pu fourguer ma conscience avec, ça m'aurait bien éviter des soucis. Garce de diable, il m'avait bien eu, ce jour là.
- « Vous voulez détruire l'ordre...vous êtes des extrémistes, des utopistes... des ... » tentai-je de reprendre, avant de me rappeler que Raven m'avait aidé à sauver un Marine. Où était le danger ? Les rebelles assoiffés de sang ? « Et qui me dit que tout ça, ce n'est pas que du blabla, des illusions comme ce qu'est le Gouvernement et toute sa clique ? » Elle avait beau me dire qu'elle n'était pas en train de me manipuler, ce n'était pas pour autant que je pouvais la croire. Quant à le vouloir.

Elle me regardait, l'air triste. Pourtant, et pour la première fois, il n'y avait pas de pitié. Rien de ce sentiment supérieur qui hantait ma vie, des adultes sur les enfants, des femmes mariées sur les débutantes, des gradés sur les clampins, des administrateurs sur les civils. Juste quelqu'un qui était triste et quelque part, j'étais la cause de sa tristesse.
Les dernières forces que j'avais encore s'évanouirent comme neige au soleil. Des lieux communs, mais il ne me restait plus que ça. Mon visage enfouit dans mes mains, je lui murmurai :
- « Je ne peux plus. C'est trop dur. Je ne peux pas.. Non.. » Elle resta là, immobile et silencieuse. Hésitante ou critique, je ne pouvais savoir. Elle finit par parler, à peine un souffle.
- « Je te laisse ça. Utilise-le ou jette-le, c'est à toi de voir. Quitte ou double. »
Mon ricanement se perdit dans une sorte de grognement alors que je reniflais des larmes que je ne me savais pas pleurer.


Plusieurs mois plus tard, j'étais affalée sur mon côté et je m'amusais à enfoncer mon doigt dans la chair d'un petit den-den blanc qui tentait de mâchonner sa feuille de salade en paix, mais qui passait plus de temps à me lancer des regards ennuyés de reproches. Le cadeau de Raven était tel une pomme empoisonné et à la fois, la rose de Belle. C'est beau de loin, et on savait qu'y toucher était une très mauvaise idée, mais c'était tellement tentant. C'était comme une petite voix, qui me susurrait à l'oreille qu'il y avait toujours cette possibilité, que tout était encore autre que le rêve ou le cauchemar. Que je pouvais me réveiller de cette réalité qui n'en finissait pas de me décevoir.
Le truc, quand on bossait dans les Bureaux, restait que nous faisons de notre pain quotidien la misère de ce monde. Aucun crime, aucune indélicatesse nous était dissimulé. Pire, nous nous en délections, comme des porcs se baugeant dans la boue. Les dossiers se suivaient et se ressemblaient. Je n'étais pas tous les jours amenés à sauver un contre-amiral ou à aider à démanteler un tentaculaire empire de la drogue, mais mon ordinaire en plus d'être guère reluisant, se limitait aux crimes crapuleux et aux médisances de petites gens. On pourrait croire qu'après cent ans de prospérité, le Gouvernement aurait vu à réduire les crimes. Il n'en était rien.
- « …Raven ? Que faut-il que je fasse ? »
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