Rappel du premier message :
Je m'adosse à un mur en terre, assise sur un tonneau plein d'alcool qui transpire jusqu'à mes narines. Les cheveux cachés sous un couvre-chef digne de Flist lui-même, je regarde d'un oeil mauvais les pirates passants dans la rue principale de ce côté de l'île. Les uns s'effondrent dans la boue, trop souls pour continuer à marcher. Les autres se tiennent aux épaules de leurs compères pour éviter de rejoindre les premiers. Jaya n'a pas changé depuis mon dernier passage à terre. Il y fait juste plus chaud encore qu'à mes premiers pas ici, une chaleur si étouffante que je pourrais suffoquer. L'air me brule le nez et la gorge et chaque respiration est une torture sans nom. Mais l'intérieur des terres brule toujours plus que les côtes qui bénéficient d'un vent marin immédiatement plus agréable.
Mais j'ai quitté ses côtes il y a quelques heures déjà, abandonnant ma coque de noix à l'orée de la jungle, dans une crique qui ressemblait plus à un cloaque qu'à une vraie crique. Tout ça pour me glisser dans une ville qui a plus des airs de porcherie que de vraie ville. Un soupir m'échappe, les bras toujours croisés contre ma poitrine en attendant le bon moment. Et ce bon moment vient quand je fais semblant de ne plus m'y attendre.
Hé, le roi des gredins !
Une énorme main bourine m'attrape brutalement et je me sens m'élever bien plus haut que je ne le devrais. Mes pieds battent l'air alors que je m'agrippe à la poigne qui me tient. L'homme soulève mon chapeau et me regarde droit dans les yeux. Moi, je me force à fixer son oeil encore valide en souhaitant à tout prix oublier son sourire édenté et son souffle qui hume le whisky et qui pourrait faire grimper mon taux d'alcoolémie. Les bras forts mais le ventre gras, il m'estime à peine avant de me balancer à terre :
T'assois pas sur mon rhum !
La porte du bar se claque brutalement alors que je me redresse en crachant la terre que j'ai avalé et qui croustille sous la molaire. Époussetant mes vêtements, j'évite de claquer la gueule de tous ces gros gars qui rient de ma mésaventure. Je m'attendais pas à autant de violence, mais le message est passé par la manière dure, et il consiste en un bout de papier coincé dans la fente de l'acier qui maintient le bois du tonneau. Je pousse un autre soupir en terminant de me nettoyer. Mes manches sont pleines de boue et c'est sans parler de mon pantalon en cuir. J'avais l'attitude et l'air des gens du coin, j'en ai maintenant le parfum.
Le tonneau, quand à lui, suit son chemin jusqu'au comptoir ; il est envoyé brutalement rencontré le bois pourri qui sert de repose verre, pile devant la tignasse rousse qui se termine à l'eau-de-vie en compagnie de ses autres camarades pirates. Il n'y a qu'elle qui voit la feuille pliée dépasser à peine de l'encoche, sans doute parce que ses compères sont beaucoup trop bourrés pour voir quoique ce soit de toute façon, et surtout parce qu'il n'y a qu'elle qui sait ce qu'un tonneau peut contenir, en dehors de l'alcool j'entends.
La feuille pliée est subtilisée sans que personne ne s'en rende compte et lue dans des conditions plus convenables. Sur celle-ci, une écriture résolument féminine et distincte, mais des mots mystérieux pour un non-initié.Je serais sur place ce soir.
Au bar habituel ou tu as l'habitude de trainer avec tes amis. Tu recevras un verre de rhum. Si tu le refuses, je saurais qu'il me faudra revenir pour finir ce que nous avons entrepris. Si tu l'acceptes, il te suffira d'aller le boire à ses côtés.
Je saurais quoi en faire.
Inutile de te rappeler les règles.
Aucun regard.
Aucune parole.
C'est mieux pour nous.
N'oublie pas de bruler ce message.
Je m'esquive dans une petite rue pourrie de Jaya, pour rejoindre les ombres d'ou je viens.
Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 9 Juil 2014 - 13:20, édité 1 fois