La ficelle

Que s'était-il passé depuis le dernier epic fail de Gura ? Rien. Maintenant qu'il était emprisonné au fond d'un objet d'une valeur inestimable, qui allait se soucier de son sort ? Certainement pas ce mythomane d'archéologue, ça c'est sûr !

Il ne pouvait donc qu'attendre son heure. Car tôt ou tard, emmitouflé dans sa chaude et ruisselante graisse, son temps était sérieusement compté. Le seul lot de consolation dans le pire des cas, c'est qu'il avait le choix sur telle ou telle fatalité. Mourir asphyxié ? Mourir noyé ? Mourir affamé ?
En effet, le gros ne le savait pas encore, mais son bourreau devait d'abord voyager pendant un moment, afin de voguer sur une nouvelle mer. East Blue, précisément. Alors forcément, sans coussinet à se manger dans la face, la route pouvait paraître longue, voire interminable.

À la rigueur, il y avait peut-être moyen d'opter pour un système de pigeon voyageur, mais pas sûr que ce soit la meilleure méthode. Refourguer une lampe merveilleuse, passe encore...? Récupérer son fric en contrepartie, mouais... bof !

Ainsi, le colis prit tout son temps pour arriver à bon port, mais au moins il arriva, pour sûr. L'explorateur en faisait une priorité absolue. Et ce, dans la plus grande discrétion, comme toujours. On aurait presque cru qu'il se la jouait Révolutionnaire. Le gars, tu le vois... puis tu ne le vois plus !
Le bâteau, et donc l'équipage chargé de la course, finit donc par débarquer sur l'île de Goat. Et de là, un autre transport prit le relais afin de livrer personnellement, et en mains propres, ledit paquet d'exception. Un chinois pas cher, mais fiable, suffisait amplement. En gros, le type devait tirer une charrette, tandis qu'une feignasse à l'arrière lui indiquait le chemin tout en le fouettant à coups de cravache.

Sur ce, après bien des kilomètres parcourus, le taxi-driver exténué s'écroula comme une masse devant une belle et grande maison, super bien entretenue, décorée, éclairée, et tout le toutim. Ça devait appartenir à un riche, sans aucun doute.
Shlak ! L'esclave de service reçut un dernier coup. Ce cloporte aurait normalement dû se foutre à quatre pattes sur le côté, ce qui permettait au client derrière de pouvoir poser un pied sur son dos, avant de regagner la terre ferme.

Ils avaient pourtant répété la scène des bonnes manières, une bonne centaine de fois, boudidiou ! Ah, c'est comme ça ? Bah tant pis ! Pour la peine, le pauvre détenu serait privé de dessert pendant un mois dès leur retour au bâteau, na !
Puis, ding dong ! Le tortionnaire avait sonné au portail qui lui barrait le passage. Quelques secondes plus tard, le majordome du lieu se pointa à l'entrée pour accueillir l'autre homme.

Leur échange fut quasi silencieux et bref. Juste le temps de checker la marchandise, de signer un ou deux papelards, et surtout de glisser la succulente mallette bourrée de cash.
Après quoi, pas le temps de se serrer la main ou autre chose. Chacun repartit alors tranquillement de où il était venu. Le manoir pour l'un. Le port pour l'autre... enfin, une fois que la mûle fut remise de ses courbatures et autres plaies, cela va de soi.

Voilà comment Gura s'était désormais retrouvé dans cette nouvelle péripétie. Ignorant tout pour l'instant, et bientôt sur le point d'enfler dans son étroit compartiment non prévu pour son énorme taille et corpulence.

Geronimo ! La petite bande de minables s'élança donc hors de leur vaisseau et encercla en un instant les deux trouble-fête. Manque de bol, comme Gura avait déjà prévu ce classique coup, lui utilisa aussitôt sa technique du Kamik'Ass afin de décoller dans les airs, et dans un second temps, atterrir sur le pont du bâteau des vilains.
Ce fut suffisant pour créer la confusion et la stupéfaction alentour, et Eugène s'en donna à son tour à coeur joie. Puisqu'il était confronté à de la marchandise basse qualité de combattants, son célèbre Planta Finger (dans une version plus virulente qu'un massage d'extase pour bourrelets) eut de quoi laisser pantois les sauvageons restés avec le Sumo.

Bref, c'était le moment où on se disait "oups !" parce qu'avec une facilité déconcertante, même de la bête chair à canon n'avait pas été foutue de tenir face à deux mains douces pleine de doigts. Non mais allô quoi !

_ Hot Dog ! Enchaîna alors Gura, alors qu'il profitait de choper le plus proche gaillard toujours étourdi, et qui aurait pourtant pu relever le niveau de cette bataille.

Tête enfoncée et écrabouillée dans de la grosse bedaine visqueuse, la victime n'y résista pas après un ou deux craquements d'os.

Le Sumo balança ensuite le pauvre homme par-dessus bord, mais pas du côté flotte. Le "splotch" sur le quai, plus la mare écarlate qui suivit, remotiva enfin le dernier pirate qui restait encore debout, devant le bourreau en pagne.

_ Mais vous êtes vraiment des monstres ! Marmonna le mec, un sanglot dans la voix.

Cependant, il se durcit vite de tout son long, dégaina son arme tranchante dans son dos, et se mit en position. Un mélange entre une hache et une pelle. Vraiment bizarre, si ce n'est qu'il semblait au moins savoir comment on s'en servait.

Quelques chorégraphies menaçantes dans le vide plus tard, il réussit même à égratigner dans la viande dodue du catcheur, sans que celui-ci ne s'en rende compte. Probablement un déplacement d'air insolite, mais qui eut au moins pour effet, de faire grimper un minimum son niveau de courage.
Il fallut attendre que le masseur revienne au chevet de Gura, pour qu'il s'en aperçoive d'ailleurs. Grossomodo, Eugène proposait son aide pour venir léchouiller la blessure à peine sanguinolente.

_ C'est vrai, on t'a pas dit... on cherche après le trésor d'Alvida. Mais vous aussi, à ce qu'il paraît. Sauf qu'on le veut pour nous tous seuls. Mais vous aussi, j'parie. Donc si tu sais un truc, abrège tout de suite. Sinon... bah sinon...

Le grand chauve sourit comme un diablotin et se frotta les mains. Il dandina ensuite doucement du châssis, comme un sale djeunz impatient devant la porte de son lycée, appréhendant le pire au sujet des résultats du Bac... ou juste quelqu'un qui ne sait pas se retenir de pisser alors que c'est occupé. C'est au choix !

Le pirate solitaire mais armé s'apprêtait alors à charger dans le tas, mais cette histoire de trésor d'Alvida l'en empêcha. C'était comme si un mur invisible et éphémère l'avait coupé dans son élan.

_ En effet, je reconnais que tu en sais beaucoup trop sur nos intentions. Mais tu te fourres le doigt dans l'oeil, si tu crois que j'vais te révéler l'endroit où chercher.

_ C'est ton dernier mot ? T'es sûr que tu veux pas concerter l'avis du public ou un ami ? Ah bah non mince, on les a tous déjà exterminés, héhé !

Bref, la moquerie avait assez duré. Et tout ce qu'on retenait en fin de compte, c'était que si tu voulais mettre la main sur ce p*tain de trésor, tu étais un peu beaucoup obligé d'y laisser des plumes. Un bon trois-quart des pirates étant statistiquement des rapaces, il était ainsi facile de deviner que chaque protagoniste ici présent ne serait jamais prêt à refiler son butin à l'autre.

Sur ce, la violence du vrai combat s'annonça enfin. Primo, Eugène s'éloigna car il ne voulait pas interférer dans du un contre un. Et deuzio, le round put donc sonner en bonne est due forme. Ce fut le pirate restant qui ouvrit le bal, sûrement à cause de sa rapidité. Et du coup, Gura n'eut pas la possibilité de riposter ensuite. Il passa alors son temps à esquiver les coups de pelle qui lui martelèrent sa graisse, mais ça signifiait plutôt qu'il encaissait très bien les chocs.
Parfois pourtant, l'arme quand même tranchante de l'adversaire taillada la viande du Sumo, mais ça restait minime. Soit parce que l'autre chicon frappait comme une gonzesse, soit parce que la mise en pli du catcheur réduisait justement la force de l'impact, ou soit encore parce que sa transpiration avait tantôt un côté glissant, puis collant.

À noter d'ailleurs que sous l'effort, et à l'insu de l'acharnement du rival, Gras Double inondait en prime le pont, petit à petit. La cible l'ignorait donc, mais elle finirait alors par s'épuiser plus vite qu'à son habitude... de quoi tromper ou faire douter le bonhomme lui-même au final, qui se croyait persuadé d'avoir plus d'endurance que ça en temps normal.
Après quoi, Gura n'eut plus qu'à patiner dans son propre liquide visqueux, et ainsi se retrouver par exemple, à gauche, à droite, ou encore dans le dos du mec essoufflé.

_ Toupie Booblade ! Lança alors le Sumo, tôt ou tard.

Et c'est parti ! De vrille en vrille, l'immense masse de gélatine exprima toute sa force destructrice. Rien qu'en tourbillonnant sur lui-même, les nichons du gros tas fouettèrent leur cible en rafale, après s'être étirés au max. Principalement, le tout dans la colonne vertébrale.
Si le type ne devenait pas le chef d'une école pour des jeunes mutants, il lui restait toujours une place sur la chaise roulante. Lot de consolation, quoi.

Au terme de cette baston, le vaincu termina en poupe du bateau, encastré dans les barrières de sécurité, inanimé.

_ Eh bah voilà ! Conclut l'énorme champion, toujours en train de baigner dans son liquide. Le moyen de transport, c'est fait ! Reste plus que les trophées en or.

Eugène sortit aussitôt de son retrait pour revenir sur le devant de la scène, et hésita avant de brandir sa main. Il avait vraiment envie de palper où-vous-savez, mais se retint.
Bah oui ! Si une nana tourne en robe ou en jupe, le tissu se soulève ? Pour un pagne, c'est la même chose, mouarf. Désolé pour la vision d'horreur.

_ Vous pouvez toujours courir ! Retentit une voix criarde, dans les hauteurs. Le capitaine ne vous laissera jamais faire une telle chose !

Les deux intrus levèrent aussitôt la tête pour constater qu'il restait toujours un hurluberlu dans la vigie du bateau.

_ P*tain, mais ils sont combien comme ça ? Râla Gura, en train de récupérer encore de sa dernière rixe.

Le pirate fonça sur les envahisseurs, et précisément sur le plus gros. Comme il avait eu le temps de les observer auparavant, il y avait fort à parier pour que ce soit le plus facile à atteindre et à blesser. Obèse, lourd, lent, vite épuisé... avec des inconvénients pareils, malgré sa force de frappe tout de même, on ne pouvait pas le louper.
De plus, si l'autre nakama à la pelle avait su taper dans ce gros punching-ball, on pouvait en déduire que les coups donnés avaient dû l'affaiblir d'une manière ou d'une autre.

De ce fait, ce nouvel ennemi de petite taille sortit une dague à la fin de sa chute, et chercha à planter Gura. Heureusement, on pouvait compter sur les mains du masseur pour neutraliser la menace. Comme elles avaient le chic de se glisser quasiment n'importe où, quelle ne fut pas la surprise de l'assaillant lorsqu'il découvrit que ses mouvements ne le suivraient plus.
Pas besoin de se demander avec étonnement ce qu'il venait de se produire, qui plus est. Le mec avait aussi vu Eugène à l'oeuvre tout à l'heure, si ce n'est qu'il n'avait pas pu apercevoir cette sorcellerie si particulière. En fait, tout comme l'athlète croisé en ville, c'était donc une histoire de caresse savamment dosée sur telle partie d'anatomie.

_ Fap Fap Joystick ! Récita-t-il, presque sur un ton solennel. Alors celle-ci, ça consiste à...
_ Merci ! Coupa le prisonnier. Je sais très bien où tu m'as...
_ Non merci, interrompit le Sumo aussitôt. Moi, j'veux pas le savoir, ahem ahem !

Bref, en deux mots quand même, c'était sans doute la plus puissante arcane de l'Okama. Étant donné qu'il avait commencé de la sorte en allant traire les vaches de Kage Berg, il avait depuis appris à maîtriser cet art qui consistait, en une seule et unique pression, à envoyer une espèce d'électricité des pieds à la tête. Et ainsi, soit détendre, soit tétaniser la personne entière plutôt qu'un seul membre précis.

En revanche, l'effet était temporaire... voire même, un peu trop. Juste le temps d'un fantasme, d'une vision érotique. Mais amplement suffisant, dès lors que Gura coinça le pauvre homme sous son talon.

_ Tu as parlé d'un capitaine, je crois ? Fit-il, pour relancer la conversation sur le vrai sujet. Un peu comme si tout le monde ici n'était seulement que le menu fretin de service ?

Malgré la pression sur ses reins, le jeune garçon éclata de rire et confirma cette remarque. En clair, si toute la bande avait fini au tapis en un temps record, c'était certainement parce que les trouffions chargés de la surveillance du transport se trouvaient être au plus bas de l'échelle, question force et baston.

_ D'accord. Donc pour faire court, si je pelote le capitaine, on a gagné ?

En effet, c'était un peu ça le deal. Le Capitaine de cet équipage pirate était absent pour cause d'expédition. Avec des plus valeureux compagnons, peut-être avait-il fini par trouver le point exact où Alvida cachait son trésor.

Et donc, moralité, comment procéder ? Attendre son retour ou aller directement le rejoindre ?

Les deux compères ne firent que se consulter du regard pendant un bon cinq minutes, et toujours aucune décision prise finalement. Il fallut attendre qu'un ou deux membres de l'équipage se réveille en bougeant de travers le petit doigt, pour que leur réflexion commune soit tout à coup perturbée.
Par réflexe, Gura avait préféré les atomiser avec sa transpiration abondante. Comme ça, les types inondés n'auraient plus l'énergie nécessaire pour fuir. Alors pour se débattre, ils pouvaient toujours courir... euh, façon de parler, hein.

Dommage, car après coup, ce n'était peut-être pas la plus intelligente des idées, quand on y pense. Bah oui ! Si les mecs s'étaient échappés, ils auraient pourquoi pas cherché à retrouver leur supérieur. Et donc, il aurait suffit de les suivre jusqu'à la nouvelle adresse.
Bref, le Sumo se rassura à sa manière, histoire d'éviter de se rejeter la faute dessus. Rien de tel que de se cacher derrière la belle excuse rappelant que trop d'efforts étaient susceptibles d'épuiser le porc.

_ Alors, c'est tout ? On va attendre ici comme des cons ?

_ Ouais, pourquoi pas ! Rumina le gros, tout en se dégotant du cordage dans les environs.

Maintenant qu'il fallait patienter, autant s'occuper à d'autres corvées. Comme par exemple, aller menotter ensemble tous les gredins tabassés plus tôt.

_ Ils vont bien finir par revenir, de toute façon, n'est-ce pas ?

_ Peut-être. Mais dans combien de temps ? Et s'ils se perdent en chemin ? Ou s'ils meurent ? Ou s'ils gardent tout pour eux ?

Ça, ce n'était pas faux. Gura grinça des dents, et pivota vers Eugène en lui tirant la tronche. Puis, bras croisés, grave soupir expulsé, il fit mine de réfléchir pour paraître lui aussi ingénieux... mais en vain.
Quelques secondes après, il se massa alors les tempes en s'imaginant que lui aussi pouvait renforcer ses euh... muscles du cerveau. Mais comme ce numéro stupide n'aboutissait à rien, il se résolut vite à penser que son surplus de graisse au crâne le bloquait tout simplement.

_ Non, le Capitaine ne ferait jamais ça ! Se manifesta le jeune garçon de la vigie.

Lui, on l'avait rangé à part. Une sorte de détenu privilégié, on aurait qu'à dire. La vérité, par contre, se voulait plus crade. Il était assurément le plus jeune et le plus faible de la bande. Conclusion, si par hasard on devait le torturer jusqu'au bout des ongles ou de l'urètre, le pauvre gosse se mettrait fatalement à table.

_ Allez, j'suis sympa... si tu sais où il se terre, je te promets de lui poser la question. Enfin si je le croise et qu'il est toujours vivant, bien sûr.

Évidemment, le saligaud se refusa à discutailler plus. Il devinait enfin que ses deux ravisseurs l'avaient ouvert justement pour essayer de le faire réagir. Pour la forme et à sa grande surprise, il se mangea une méchante claque dans la figure.

Là, Eugène se sentit obligé de ronchonner. Non pas qu'il acceptait qu'on boxe quelqu'un gratuitement, mais plutôt parce que Gura ne savait pas les donner avec passion et sensualité. En l'occurrence, c'était lui le masseur, c'était donc son rôle ! Et personne d'autre, na !

Maintenant que le sale gosse avait reçu sa correction, il n'y avait plus moyen d'en tirer quelque chose. Voilà ce qui arrivait quand on jouait la forte tête avec un ours un brin exigeant ! On finissait refermé sur soi, avec une sale gueule enflée et rougie par le sang. Et peut-être aussi quelques larmichettes au coin de l'oeil, parce qu'on pigeait enfin qu'il aurait été préférable de rester encore une année ou deux dans les jupes de maman.

_ Ne lui en veut pas trop. Il est trop impatient, c'est tout.

Eugène s'était accroupi proche du gamin, et comme pour la méthode du gentil-méchant flic, il allait donc tenter sa chance à sa manière. Sauf que le jeune garçon connaissait déjà l'astuce. Néanmoins, qui était le pire des deux, en fin de compte ? Le Sumo brutal, ou le masseur exalté ?

_ Vous me faîtes ch*er tous les deux, voilà ! Le capitaine est parti dans cette direction, contents !?

Bah ça alors ! La mine blasée mais le nez fermement tendu, il pointait effectivement vers des nouvelles coordonnées de l'île. Ok, ça restait encore grossier, voire incrédule, mais on approchait sinon de l'objectif final, dirait-on.
Et au moins, on lui lâcherait peut-être la grappe, à présent.

Gura se pencha à son tour tant bien que mal, en essayant de pas trop mouiller l'assemblée ou l'écraser carrément. Un large sourire se dessina alors sur son visage, avec la salive et tout, prête à s'écouler.

_ Mais j'ai même pas eu le temps de lui mettre une claque vibrante, fit Eugène, un peu triste.
_ C'est justement pour ça que j'abandonne l'affaire. Vous êtes tarés tous les deux !
_ On s'en fout ! Coupa le gros, une paume de main se préparant à être catapultée vers la joue du plaignant. Moi, tout ce que j'veux, c'est le trésor !

Malheureusement, même avec toute la bonne volonté du monde, il y avait un petit bémol notable à ce nouveau point de rendez-vous. C'était bien trop approximatif. En fait, tout en haut du mât, à son poste de surveillance, il avait juste pu suivre la progression de son capitaine. À l'oeil nu, quoi. Résultat, quand la fine équipe de boy-scouts disparut derrière un élément de décor un peu trop encombrant, le gosse avait donc déduit que ses potes étaient forcément arrivés à bon port.

_ Génial ! Chuchota presque Gura, souffle surtout coupé par le renseignement risible.

Comme convenu, la deuxième baffe allait être donnée, mais l'autre quiche s'endormit avant. À cause d'une technique de massage non-identifiée à la clé, cela va de soi... qui consistait à caresser du bout des doigts la face de la victime. Une sorte de "t'as le bonjour de la pieuvre", mais sans surprise de la tarte à la crême en plus.

_ Détends-toi, l'ami ! J'suis sûr qu'on va trouver facilement. Que dirais-tu si je te...

Eugène tenta de lui mordiller le lobe de l'oreille, mais le Sumo s'écarta à temps en bougonnant des trucs incompréhensibles.

C'était ballot d'en arriver à une telle conclusion. Tout ça pour ça ? Gura dériva alors de gauche à droite sur le pont du bâteau, sans doute pour s'occuper. Peut-être qu'une illumination viendrait tout à coup lui époustoufler la cervelle. Mouais bof... c'était beau de rêver !
Le masseur aussi cogitait dans son coin. Et pour avoir longtemps cotoyé un collectionneur, raffolant de tout ce qui brille ou de valeur, il avait bien quelques pistes à suivre. Puisqu'en règle générale, les objets rares et convoités ne se trouvaient pas au supermarché du coin, il fallait donc bien raisonner par tel ou tel autre acheminement. Comme par exemple, des notes prises, des cartes, des questions sans réponses, des contacts, etc. Bref, tous ces petits détails anodins mais qui avaient leur importance, une fois mis bout à bout.

C'est pourquoi après quelques fouilles et autres regards indiscrets dans la cabine du grand chef de ce navire, Eugène réussit sa petite pêche aux infos. Bon d'accord, sans aucun rapport apparent avec une histoire de trésor sur cette île. Quelques mots, noms ou dessins quand même... mais pas de quoi lever les bras au ciel et s'en féliciter.
Cependant, en revenant sur ses pas vers l'extérieur, il tomba nez à nez avec un escargophone. Pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt, boudidiou ? Si l'équipage était si soudé que l'autre sale gosse l'avait souligné, il y avait de fortes chances pour que les différents groupes formés gardent un chouia de communication entre eux, tatatam !

_ Gura ! S'excita-t-il alors en se précipitant vers le catcheur. Je crois que j'ai la solution pour... euh, mais qu'est-ce que t'as foutu ?

_ Bah moi aussi, j'pensais avoir trouvé comment résoudre notre souci. En travaillant un peu plus les sous-fifres au corps. J'me disais que quelqu'un aurait pu cracher le morceau.

En effet, c'était une idée comme une autre. Mais à part du sang, les types n'avaient rien pu, su ou voulu ouvrir utilement sur l'avancement de l'enquête.

Eugène resta de marbre un instant devant la "boucherie", l'escargophone à la main. Inconscients ou morts, il ne valait mieux pas savoir le verdict, d'un autre côté. Même le jeune garçon retenu à part ne savait plus trembler, traumatisé. Du coup, Gura consola son pote d'une tape virile dans le dos et lui proposa même de patienter, au cas où celui-ci lui prendrait l'envie de caresser les victimes si ça l'amusait, avant de reprendre la route.
Sinon qu'importe ! De toute façon, une petite pause déjeuner sonna bientôt le glas dans le bidon du porcin. Signal pour se rassasier avant un nouveau départ, quoi !

_ Oui mais moi, avec cet escargophone, j'espérais qu'un des types appelle son capitaine pour nous dire où il est.

Il avait dit ça dans le vide, les épaules relâchées et le dos voûté, car son collègue disparaissait déjà vers la cuisine. Ce dernier n'avait-il pourtant pas expliqué tout à l'heure que seul le trésor lui importait plus que tout ? C'est dingue ce qu'un gargouillis puisse être susceptible de vous faire changer l'ordre des priorités !

Sur ce, les acteurs engagés n'étant plus opérationnels, le scénar devait un peu changer de main. Alors ? Qui allait dorénavant devoir se charger de jouer le futur membre d'équipage ? Et pourquoi pas un autre comédien... du cirque, cette fois-ci, par exemple !

_ C'est simple ! Expliqua Eugène, après avoir suivi le Sumo jusqu'au frigo à provisions. Tu appelles leur capitaine en te faisant passer pour l'un d'eux. Tu lui sors une connerie -si possible crédible- comme quoi tu as besoin de les rejoindre. Mais que tu connais pas l'entrée exacte, ou que t'es perdu en chemin... j'sais pas moi !

Difficile de savoir si Gura s'était réjoui de cette situation, ou s'il grommelait juste parce que parler la bouche pleine, c'était tout bonnement indéchiffrable.

_ Ah oui ! Et euh... bien sûr, faut aussi trouver une combine pour la voix. Ce serait trop con que le mec devine direct que tu fais pas partie de l'équipage. Mais j'suis sûr que, professionnel de la scène que t'es, tu savais déjà comment concevoir le plan ?

Gura poussa alors un "hmm hmm", plus parce que la bouffe était bonne, que parce qu'il approuvait totalement le deal au sujet de la réalisation d'une entourloupe de ce genre. Même si au fond de lui, il devinait qu'on ne pourrait sans doute pas envisager de faire autement.

_ Buuurrrp ! Ouais ouais. Je médite là-dessus sur-le-champ.

Bref, repas dans le gosier enfin, le goret se sentait de nouveau rechargé à bloc, et prêt à pouvoir fonctionner ces prochaines heures aussi longtemps qu'une pile Duracell.

Ses mains tambourinèrent un petit "beat ragga" sur ses bourrelets, puis il se leva de son tabouret, direction dehors à l'air libre. Par contre, qu'est-ce qu'il allait bien invoquer comme excuse ou requête à ce foutu capitaine ? Avec du bol, le grand manitou de ces quichons était le seul gars pas naïf de la bande, pfff !

_ Si j'dois user d'une drôle de voix, il va se demander quoi. Si j'lui dis que j'suis malade, il va alors se demander pourquoi j'veux le rejoindre pour les contaminer. Ou alors j'peux lui dire que le bâteau brûle, et donc j'ai dû me protéger les voies respiratoires ? Mouais bof. Ou alors je suis coincé sous des débris, dans les cales, un placard ? Mouais bof. Ou alors je suis le seul survivant gravement blessé, après qu'on se soit tous fait atomiser par la Marine ? Rha, bof bof et rebof !

Gura tapa du poing sur la rambarde où il s'était accoudé pour réfléchir. Par chance, le bois ne se fendit pas sous sa colère. Puis il replongea dans ses interrogations intensives. Cependant, rien ne lui convenait car il se cantonnait au fait que l'adversaire aurait toujours le dessus pour le casser automatiquement.

_ Et si c'était le capitaine qui avait plutôt un problème ? Reprit-il joyeusement en levant le doigt vers son partenaire. Eh ouais, ça va le faire ! Je vais lui mythonner une histoire de soldats aperçus en planque dans son secteur, d'après notre vigie. Et comme on les suspecte de chercher à le choper dans leurs filets dès sa sortie, on viendrait ainsi les prendre à revers. Deux précautions valent mieux qu'une, quoi. Et toc !

Après tout... pourquoi pas ? Si la cachette du trésor était soi-disant discrètement bien encerclée au retour du capitaine, il lui serait probablement difficile de riposter avec des richesses sous le bras.

_ Comme quoi... t'es pas si con, lâcha Eugène, avant de faire semblant de déglutir. Oups. D'ailleurs, tu n'auras qu'à lui chuchoter ça tout simplement. Et hop ! Pour la voix, c'est réglé.

Beh oui ! Si on partait du principe que la Marine était dans les parages du trésor et du capitaine, logique de chercher à parler tout bas pour ne pas se faire repérer, et dans l'attente justement de les prendre en tenaille, tout en restant proche de la zone occupée.

Après s'être relativement approché au plus près de la cachette du trésor, selon les dires du gamin de la vigie, Gura entama donc la phase du verrouillage plus précis de l'entrée. Pour cela, il avait bien sûr usé de sa voix la plus basse. Et en tant que fourbe acteur déjà sur le ring de son cirque, convaincre finalement le capitaine à l'autre bout du fil fut des plus faciles. Un peu comme si tu mendiais gratuitement une turlutte à une prostipute en rade, mais qu'elle était tout de même d'accord pour ne pas quémander salaire après son dur labeur.

De fil en aiguille, le Sumo et Eugène n'allèrent ainsi pas tarder à se glisser dans une maison abandonnée. Le genre de baraque qui avait été reconstruite sur une autre, puis sur une autre encore. Et grossomodo, les murs et le toit ne servaient simplement que de simple façade pour tromper l'oeil, quoi.
Là, il suffisait de passer par la même porte que les premiers venus. Ces andouilles l'avaient tellement bien défoncé que, du coup elle ne se fermait plus correctement. Cependant, une fois à l'intérieur, rien ne permit à première vue de distinguer le moindre côté intriguant... à part peut-être que tous les meubles étaient répandus en vrac dans la grande pièce principale.

_ Chiottes ! Grogna alors Gura. J'espère que ce capitaine s'est pas foutu de ma gueule, et qu'il a réussi à nous berner comme des pigeons !

_ Mouais. D'autant plus que moi, si j'avais un trésor à cacher pendant des lustres, c'est certainement pas ici que j'irais le caser en feuj.

_ Bah... c'est peut-être ça la tuile, au contraire. Si personne ne s'attend à trouver du beau magot inestimable dans cette espèce de chaumière banale, autant faire dans l'original à ce compte-là.

Les deux hommes fouillèrent encore un moment tout ce qui avait déjà été vandalisé, mais rien de concluant au final. Et si les autres enfoirés avaient déjà tout pris ?

Heureusement, après tous ces efforts surhumains, le tas de graisse transpira un peu trop... comme d'hab'. Et toute la flotte déversée ne manqua pas de s'écouler bruyamment. On serait presque cru dans un puits. Meuh si, vous savez ? Quand les plic-ploc tombent, ils résonnent avec un certain écho. Bah là, idem.
Puce à l'oreille alors, si un tel vacarme paraissait possible, alors c'est qu'il y avait un sous-sol assez profond de l'autre côté du plancher.

_ Ça a vraiment du bon de cotoyer une montagne aussi énorme que toi, n'empêche. Enfin, ça a ses avantages, du moins. Ta sueur, ça me rappelle les neiges éternelles qu'on trouve parfois au sommet.

Gura le prit comme un compliment, tandis que Eugène avait examiné la surface de la pièce avec plus de minutie.

En effet, les deux enquêteurs avaient trouvé une trappe dissimulée sous un tapis. Pfff, le truc tout con, quoi ! Et encore un peu, ils auraient pu bêtement passer à côté d'un détail aussi normalement dérisoire, quoi.
En tout cas, il n'y avait plus qu'à s'y faufiler. Chose aisée pour le masseur, évidemment. Par contre, Gura, quant à lui, gratta les murs avec ses über poignées d'amour. Enfin, tant que ça ne faisait pas effondrer la maison, ou que ça prévenait d'autres pirates déjà sur place...

En bas de ces six pieds sous terre, et plus si affinités, on était en droit de se demander s'il y avait vraiment besoin d'aller si loin pour aller cacher ses pépettes et autres objets en or. Ou encore, est-ce que si prétendu trésor il y avait, il appartenait réellement à cette célèbre Alvida ?

_ C'est pas l'autre Ted qui disait tout à l'heure que la nana aurait pu être ton arrière grand-mère ou de la famille ?

Bah ouais, sérieux ! Si j'connaissais le con qui avait creusé un étroit passage pour y faire coulisser pourtant de la méga morue à l'époque...

Enfin, une fois à destination, d'autres traces prouvèrent au moins que des étrangers faisaient effectivement dans l'exploration. De l'éclairage avait été disséminé dans un long tunnel qui, aussitôt traversé, donna direct sur une sorte de base secrète. Il ne restait plus qu'un espace vide et de la roche démolie, mais on y avait résidé dans un lointain passé, ça c'est sûr.

_ À moi le trésor, ouaiiis !!! Jouit Gura, qui ne pensait déjà plus à faire profil bas.

Bon, là... le comité d'accueil adverse se manifesta à la vitesse de la lumière, armé jusqu'aux dents, principalement des lames. Une petite dizaine de gars, mais paraîtrait-il, plus puissants que les morpions gardant le bateau.
Ils étaient tous partis fouiller dans différentes caisses entreposées ici ou là, mais n'avaient pas encore apparemment mis la main sur un quelconque coffre. Juste quelques objets anciens qui pouvaient toujours se revendre cher, donc ça avait aussi son importance.

_ T'es qui, toi ? Demanda le capitaine, embarrassé. T'es de la Marine, c'est ça ? Et t'as mis mes hommes aux arrêts ?

_ Ah... oui... ça... se moqua le mastodonte en pagne. Comment t'expliquer ? C'était juste une blague. Il n'y a personne dehors.

Le pirate en chef recolla doucement les morceaux, et pigea enfin la farce qu'on lui avait fait souper.

_ Je vois. Eh bah sache que j'ai horreur qu'on me prenne pour un con !

Le mec ne rigolait pas avec son regard de tueur. Même ses gardes du corps n'avaient pas encore moufeté depuis le début. Peut-être un signe qu'ils le craignaient sévère. Ça ou une éducation et une discipline des plus efficaces, sans déc'.

_ Ah mais tu avais raison quand même sur un point, rétorqua le souple du poignet. Tes hommes dehors, tu peux déjà les oublier, en revanche.

C'était l'insulte de trop. Le capitaine ordonna la guerre aussitôt après. Pendant qu'il dégainait son arme de prédilection, sa troupe de chiens enragés bondit cash sur les deux intrus, tous en choeur.

La baston générale éclata en fanfare, ce qui ne laissa même pas le temps aux deux héros de taper les premiers. Ou du moins, ne serait-ce qu'un vilain plus chétif que les autres, quoi. D'ailleurs, Gura, trop concentré sur le big boss de fin de jeu, n'avait carrément pas envie de se consacrer sur les obstacles juste présents pour le ralentir.

_ Préviens pas surtout ! Grogna l'efféminé, obligé de trouver une solution rapide.

Ce fut donc Eugène qui s'en chargerait sous peu... ou pas, en fait !

Le Sumo avait tout simplement prévu d'expédier tout le monde en un seul et unique coup. Le Kamik'Ass. En clair, décoller à la verticale au tout dernier moment, quitte à se farcir du métal aiguisé dans sa chair rondelette. Puis dans un second temps, tout aussi fulgurant, retomber violemment pour de l'annihilation expéditive de brutasse.
Et à vrai dire, ça fonctionna pas mal. Les plus résistants se relevaient tout de même, mais avec des pertes d'équilibre à répétition. Surtout à cause des secousses provoquées. Donc, si le masseur les enchaînait avec son art du Fap-fap comme il l'avait déjà si bien démontré, les blaireaux restants étaient donc déjà condamnés à perdre.

_ Fap Fap Pex !

Une autre technique de massage de son cru, mais qui consistait cette fois, à se caresser soi-même. Les bras et le torse, pour être exact. Et ainsi, toujours grâce à sa faculté de ramollir ou durcir le corps, Eugène sut se bâtir un haut de musculature d'haltérophile, le temps de quelques distributions de beignes corsées.

Manque de bol, le capitaine bougea aussitôt ensuite. Profitant de la situation, il n'eut qu'à pilonner les deux affreux, qui venaient à peine de sortir vainqueur de leur premier round. Pas le temps alors d'apercevoir grand chose, si ce n'est que le dernier rival de taille utilisait une sorte de marteau géant, avec une chaîne en guise de manche.
Pour pouvoir tournoyer avec, façon épreuve d'athélisme ? Ou juste parce que Alvida était connue pour manier une massue ? Et en tant que tel, si le capitaine était fan, il espérait alors faire en sorte de marcher sur les pas d'une légende.

_ Enc*lé ! Pesta le gros pendant son vol plané dans le mur en pierre.

Mais à cause de son diamètre de taille conséquente, Eugène fut lui aussi emporté... et écrabouillé le premier dans les cailloux, de ce fait. Mince alors !

_ Phoque ! Meurs pas, hein. Je te masserai avec mes boobs tout à l'heure, si t'as survécu d'ici là. Promis ! En attendant, j'dois les dédicacer dans la tronche d'un autre, excuse-moi.

On consolait avec les moyens du bord, hein. Avec de la bonne petite blagounette pourrave.

Après la pause tendresse, Gura se massa tout seul sa trogne démontée par le marteau ennemi. Bien entendu, il pouvait remercier ses joues déjà volumineuses d'avoir amorti euh... un tiers de la violence du coup ? Bon d'accord, peut-être un peu moins, si jamais c'est trop grobillesque, hein. Qu'à cela ne tienne sinon, car il avait de toute façon hérité d'une belle blessure ouverte et écarlate.

_ Fait ch*er ! Couina-t-il, une main en train de tatonner sa face bouffie. J'espère que tu m'as pas fait sauter une dent, en prime !

_ Hahaha. T'en fais pas pour ça. Avec mon prochain coup, c'est carrément le portrait tout entier que j'vais te décrocher.

Le capitaine léchouilla son arme après l'avoir secoué devant son large interlocuteur.

Gura ne répondit pas tout de suite et préféra plutôt regarder le plafond. Bien sûr, il comptait bien rester concentré cette fois-ci, mais disons que tous ces zigotos et leur pulsion malsaine à toujours vouloir bisouter, mordiller, suçoter... ça commençait à faire de trop, au bout d'un moment.
D'ailleurs, pas longtemps après, le gros se mit en position, histoire de prouver qu'il avait bien l'intention de montrer de quel bois il se chauffait. Pas grand chose de charismatique à contempler, soi-dit en passant. Le Sumo se postait juste de face, jambe écartées et bras croisés, style vigile imposant payé pour ne laisser entrer personne.

_ Ranafout' ! Je demanderai à mon masseur perso de me remodeler tout ça, s'il faut.
_ Bah voyons ! On voit que tu ne connais pas ma réputation. Fracasser des crânes, c'est ma grande passion, d'une part. Et avec ce marteau, j'ai répandu bien plus de cervelles au tapis, que toi avec tes bourrelets, j'parie !
_ Ah tiens, maintenant que t'en parles... j'ai justement écrabouillé le bocal d'un de tes copains sur le bâteau, avant de venir ici, héhé.
_ Salopard ! Tu veux jouer à ça, hein ? Faire ton petit malin prétentieux.

Bref, ce petit jeu de la plus grosse jongla encore pendant quelques minutes, jusqu'à ce que le chef de l'équipage se présente. Ou quelque chose du genre. Il était arrivé au passage où il prenait plaisir à vanter le nombre de zéros sur sa prime (4 ou 5 à peine, mouarf !), et du surnom que la Marine lui avait donné : Martin, la Saucisse de Morteau... car le type donnait la mort au marteau, et que ses victimes en bouillie finissaient, ni plus ni moins, en chair à saucisse.
Gura se retint de pouffer de rire, mais il se demanda également de quel petit pseudo on l'affublerait dans l'avenir, si ça devait se produire un jour. Il se voyait mal être interpellé comme "la dinde de Noël", Sabrina ou autre truc tout qué-ni pitoyable.

_ Enfin bref, dommage que tu prennes trop de place. Peut-être que je t'aurais engagé sur mon bateau, toi et l'autre tante.
_ J'aurais refusé, façon. Je monte pas à bord avec des minables.
_ Pfff ! Tu crois quand même pas que t'as une chance de me laminer ?
_ Bah... euh... si. Comme ça après, à moi le trésor, yeehaa !

Le catcheur décroisa les bras et les leva en signe de victoire courue d'avance, ou un peu comme s'il venait de gagner au Millionnaire de Philippe Risoli.

Forcément, en échange, Martin n'approuva pas cette attitude trop désinvolte. Et puis m*rde ! C'était lui le grand pirate qui devait récupérer la récompense... et non pas un pauvre goret baveux en couche-culotte, inconnu au bataillon.

Prochaine étape donc, une bastosse finale dans les gencives du nudiste, picétou !

Le capitaine leva alors un peu plus son arme fétiche. Enfin il la suspendit au bout de ses deux bras tendus, plus précisément. Ensuite, le bonhomme se mit à tournoyer, prendre de la vitesse, et s'emballer dans une danse endiablée et circulaire.

_ Délire, j'ai la même ! S'émerveilla Gura aussitôt. Tu es déjà venu assister à mes combats de catch, quand j'étais encore au cirque ?

Le pirate n'entendait déjà plus rien. Et heureusement dans un sens, parce que le Bibendum méritait vraiment de se taire, surtout si cétait pour discuter à côté de la plaque au beau milieu d'une rixe de cette importance.

À vrai dire, Gura y croyait pourtant sérieusement, s'imaginant déjà avoir affaire à un fan de l'époque. Qui sait ? Peut-être pas si inconnu au bataillon que ça, hein ? Mais bon ok... de là à le retrouver ici parce que le monde serait trop petit, hmmm... mouais bof !

_ Soit ! T'es en retard d'un wagon, pis t'as encore beaucoup à apprendre, jeune padawan ! Car moi j'en ai deux. Toupie Booblade !

Puisque Gura connaissait ce tour, en plus d'avoir l'occasion de ne pas être pris par surprise, il esquiva la première rafale de son rival. Et ainsi, à son tour, il put riposter avec sa propre technique de doubles niches rotatives.

Drôle de combat quand même. Deux gars qui vrillent sur eux-mêmes pour se baffer l'un l'autre... pourquoi pas, après tout ! De plus, Martin pouvait également mesurer et calculer ses frappes, grâce à sa chaine qu'il suffisait de dérouler un peu plus, par exemple. Tandis que pour Gura, même s'il savait tout autant étirer ses mamelles, ça ne cassait pas non plus trois pattes à un canard. Une paire de mètres à tout casser, et point barre. En somme, il y aurait donc un temps où son numéro ne se révèlerait pas aussi efficace que souhaité.

Par chance, la longueur du marteau ne fut pas forcément la meilleure stratégie. Si Gura s'amenait top près, il n'y avait grossomodo plus rien à craindre... à part se faire enrouler pendant un court instant. Cependant, vu qu'il tourbilonnait lui aussi, il avait vite fait d'envoyer balader l'adversaire. Notamment à cause de sa carrure, voire même de ses bourrelets qui finissaient par croquer dans les maillons de la chaîne.
Sur ce, plusieurs fouettages euh... virils plus tard, le catcheur prit enfin l'avantage. Bah ouais, normal ! C'était Gura le magnifique, s'il vous plaît ! Professionnel de la baffe aux tétons, 'tention ! Ne négligeons pas ce détail, namého ! Laule.

Résultat, le Sumo démontra son art jusqu'au paroxysme de sa puissance, et finit, de ce fait, par démolir littéralement l'autre plagiat de la toupie infernale. Voilà ce qui arrivait aux charlatans qui croyaient maîtriser ce type de kung-fu destructeur !
Une fois bombardé en long, en large, et en travers, le guignol armé valsa dans un mur avec une telle violence que même le périmètre alentour se fissurait dans la foulée. Puis quand les décombres eurent fini d'ensevelir le pirate vaincu, un objet brillant scintilla un peu plus loin. Une boîte dissimulée, dirait-on ? Comme de par hasard ? Décidément, vive le destin !
En tout cas, le temps que le colosse se remette les yeux en face des trous après sa technique spéciale, il salua un public inexistant, tout heureux de pouvoir apercevoir la fameuse lumière au bout du tunnel.

_ Merci, merci ! Jouit-il, en croyant même entendre des acclamations et autres sifflements d'excitation, via de fausses tribunes.

Le héros ruisselant du jour continua de palabrer au paradis, en avançant vers cette lumière étincelante. Mais tout à coup, une ombre... une silhouette... un être vivant se matérialisa devant lui, et le bloqua dans sa progression.
C'était une femme, belle, peut-être même carrément Alvida, allez savoir ! En tout cas, beau petit déhanché. Donc sans doute dans sa forme bien foutue, grâce au Sube Sube no Mi ? Elle écartait les bras en formulant des citations poétiques, pleine de romance. Le vrai rêve comme c'est pas permis, quoi !

_ Ohé ! Gura ? Tu m'entends ! C'est moi, Eugène ! T'es sûr que tout va bien ?

Évidemment, la scène du calin se brisa net tôt ou tard, dès que le Sumo revint à la raison. Moralité, les yeux dans les orbites, ok... mais les neurones par contre, ça c'était encore autre chose à régler.
Bref, en vérité, ce con était surtout en train de se mettre à l'aise, en cherchant à se frotter sur son coéquipier de mission.

Le masseur qui, lui, avait donc fini par se réveiller de sa précédente sieste un peu brusque, et découvrant qu'il ne restait plus qu'un mastodonte en train de se pavaner seul comme un zombie sans but, il était venu aux nouvelles et pour féliciter son pote de cet exploit.
Manque de bol, Gura n'avait pas dû s'imaginer qu'il avait tout de même sacrément dégusté des coups de marteaux adverses dans sa caboche. Et forcément, ça vous change d'un homme ensuite !

Par chance, le masseur lui prodigua des soins à sa manière. Mais dans l'esprit torturé de Gura, lui y voyait des caresses amoureuses de sa future promise, dans un premier temps... le genre, de princesse qu'on gagnait à la fin du film, quoi.

_ Hein, quoi ? S'étonna enfin le tas de graisse, en sursaut. Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu me fais des choses ? Où est l'autre blaireau ? On a gagné ? T'as pas tout piqué le trésor pour toi, hein ?

_ Mais non, regarde. Il est toujours là-bas. Si tu veux, j'vais te le chercher...

Puis sans attendre la réponse du Sumo, Eugène déambula de la croupe jusqu'au fameux coffre, le dégoupilla du socle qui le retenait, et fit demi-tour à cloche-pieds. Il aurait aussi pu chorégraphier la macaréna, du moon-walk ou du style égyptien, mais peut-être pour une prochaine fois, à la rigueur, hein ?

_ Allez, allez ! Vas-y, ouvre ! Ouvre !

Le catcheur, plus défoncé qu'il ne voulait bien l'admettre, n'arrivait même pas gesticuler correctement ses doigts. C'est donc son assistant qui s'en chargea.
Mais en ouvrant...

_ Euh... où sont les sous-sous ?

Les deux compères se consultèrent d'un long regard, puis fouillèrent chacun leur tour dans le coffre. Pas une p*tain de pièce de monnaie en vue, ou ne serait-ce qu'une ou deux babioles en or ! Il y avait juste, tenez-vous bien... une sorte de string rose, extra-méga-giga large, taille XXXXXL !!!

Ouate de phoque ! Tout ce ramdam, et conclure sur une connerie de ficelle de pacotille ? C'est sûr, ça changerait au moins du pagne qui vole au vent.