Rappel du premier message :
Ah, que ça fait du bien d’être de retour chez soi. Avoir un foyer. Cela faisait bien longtemps que je n’avais plus d’endroit où retourner, où habiter. Red m’avait offert un quartier, une maison. Libre Capitaine de la Mascarade. Bien dans le CV. Mais aussi bien pour la morale : avoir un lieu où se reposer. Quand la tempête fait rage, on a encore un refuge. Je n’avais jamais ressenti ça, car je n’avais déjà plus de foyer la première fois où j’avais pris la mer. Et ensuite, avec un équipage, on est en permanence avec eux, donc il n’y a pas ce sentiment de retour, de maison nous attendant.
Après, il ne s’agit pas de ma famille, à peine des connaissances, donc peut-être n’est-ce pas aussi fort que ça devrait l’être. Mais peut-être que j’apprendrais à les apprécier avec le temps ? Eux aussi n’avaient pas l’habitude de moi. La preuve : ils mettaient, pour la plupart, un certain temps avant de me reconnaître. Faut dire, je peux les comprendre. Ils avaient coutume de me voir en tenue de prisonnier. Les vêtements qui m’avaient enveloppé à Impel. J’en ai gardé un bout, attaché autour de mon bras, mais le reste était trop usé pour être rafistolé encore une fois. Aoi m’avait prêté une nouvelle tenue : pantalon marron, chemise ample blanche. Il y avait également un ceinturon rouge et un cache-œil noir, mais je ne les avais pas pris. Pas besoin de pousser le vice jusqu’au bout, on connaît mon métier.
« Si tu trouves le paysage déroutant, ne t’inquiète pas. On s’y fait. »
Je parlais à Aoi qui avait accepté de m’accompagner dans mon quartier. C’était la moindre des choses que de lui offrir mon hospitalité à mon tour. Nous avions combattu côte à côte lors de la bataille sur Reverse, à présent nous boirons ensemble pendant le repos.
Le paysage ? Je ne mentionnais pas les infrastructures similaires au reste d’Armada, mais plutôt aux habitants. On trouvait véritablement de tout. Un jeune enfant faisant pourtant plus de 2 mètre de haut, une femme baraquée, un vieillard à gros sein, … Pour certains, on dirait qu’un fou était passé par là et avait assemblé les mauvaises pièces. La majorité avait changé de visage. Anonymat, nouvelle vie. Sauf que pour la prolonger, la sauvegarder, ils ont besoin de moi. Bonne méthode pour s’assurer de leur loyauté non ?
Oh, et ne prends pas garde aux femmes à moustache. Ce sont ceux qui commettent des fautes dans mon quartier. C’est peut-être pour cela que quelques-uns te dévisagent ainsi.
« Attends, je vais t’enlever ça. »
Petite piqure, et te revoilà normale. Après ce voyage en mer, tu l’as gardée suffisamment longtemps à mon goût. Félicitations, la plupart de mes connaissances m’aurait étranglé pendant mon sommeil pour m’obliger à les rendre normales.
« L’autre jour, tu parlais de tes enfants au passé… J’ignorais même que tu étais mère. »
Dur métier y paraît. Je n’ai été que fils pour ma part, et ça m’a déjà bien suffit. Tahar est père, mais pas sûr que ça lui réussisse non plus. Aoi avait mentionné ses enfants lorsqu’elle m’avait proposé le second matelas…
Nous nous dirigions vers un bâtiment plus grand que les autres, évidemment, à peu près au centre du quartier. Une dame à la chevelure rouge attendait sur le seuil. Elle semblait nous attendre. Moi en tout cas. Les nouvelles vont vite à ce que je constate. C’était Sybil Mia, ma seconde. La chef pendant mon absence.
« Bonjour Reyson, contente de vous savoir de retour en un morceau. Un verre de rhum vous attend déjà à l’intérieur, et un second pour votre invitée. Ne sachant pas ce qu’elle boit, j’ai opté pour la même boisson. J’espère que cela conviendra. »
D’une droiture parfaite. Souci de plaire pour éviter de perdre son poste peut-être ? Je me demandais quel était son comportement en mon absence. Peut-être se lâchera-t-elle davantage avec le temps. Je l’avais choisi pour sa chevelure surtout. Elle me faisait penser à Izya… Mon regard fixa le bracelet arborant le motif d’une flamme. Cadeau de la dragonne pour que je ne confonde plus le passé et le présent, la liberté et l’emprisonnement. Où était-elle en ce moment ?
Mais occupons-nous plutôt de notre invitée.