Et dire que demain ça risque d'être pire. Je suis bien contente que cet entretien soit terminé. Je remets mon manteau sur les épaules et je ramasse la tête de Mogaba aussitôt. On dirait que même dans la mort, il a décidé de me faire chier celui-là. Il faut que je trouve un moyen de me débarrasser de lui définitivement. Heureusement que l'option "chasseurs de primes corrompus" n'était qu'une solution parmi tant d'autres. Je vais avoir tout mon temps demain pour revendre cette boule de chair en pétrification. Plus le temps passe, plus cet amas de chair perd de sa valeur, déjà que ceux qui vont me l'acheter vont me le faire un prix réduit... Bon, l'essentiel, c'est que je sais déjà comment occuper ma journée. Je quitte alors le bureau sans un mot et sans un regard, comme si cette discussion n'avait jamais eu lieu. Je fais toutefois attention de ne pas me faire repérer par les civils une fois dehors, car je ressors d'un bâtiment public. Il serait extrêmement mal vu pour une personne cagoulée de quitter un tel endroit à cette heure-ci. La lune éclaire toujours de sa blanche lueur la place. Il n'y a maintenant moins de monde dans les rues, mais je peux toujours sentir ces milliers de paires de yeux m'observer. Je fais mine de pas m'en apercevoir et je m'en vais.
Inutile de perdre plus de temps, je me dirige aussi discrètement qu'à mon habitude entre les rues d'Alubarna. J'arpente la ville à la recherche d'endroits lugubres, peu fréquentés. Le genre de lieux qu'un honnête citoyen évite et que les criminels s'autorisent à s'y rendre. Quoi de mieux que de visiter les bars en périphérie. C'est facile de faire du repérage à cette-ci. Les seuls bâtiments éclairés sont ceux que je recherche, les autres, sont des immeubles où les habitants rêvent à leur lendemain. En cherchant à vendre la tête de Mogaba ici, je fais une pierre deux coups. Cela va me permettre de savoir qui prendre pour faire mon pillage à Nanohana. Pour l'instant, je ne fais qu'un repérage, savoir qui seront faciles à convaincre.
Vérifiant une énième fois que personne ne me suit, j'entre dans un bâtiment qui se trouve dans une ruelle peu éclairée. Le bar se trouve en sous-sol. Tout le monde arrête leur occupation pour m'observer pendant un bref instant. Je me dirige au comptoir pour commander un verre après avoir balayé du regarde la pièce. Je garde toujours mon manteau sur moi. Même s'il n'y a que des supposés criminels dans le coin, il se peut qu'il y en ait qui se déguisent. Ça ne m'étonnerait pas de voir des agents d'Alabasta ou du Gouvernement Mondial se renseigner pour pouvoir pincer plus tard tout ce petit monde.
▬ Ce que vous avez de meilleur.
Le barman vient alors me servir un whisky. Il s'intéresse à moi, peut-être une mise à l'épreuve.
▬
Alors, pas facile la vie à Alabasta, hein?▬ Pas vraiment. Je supporte très bien son climat rude et les conditions de séjour.
J'attire d'un coup quelques regards. Les intéressés sont curieux d'entendre un peu plus. Suis-je quelqu'un qui frime ou qui est vraiment sérieuse? Il y a de quoi susciter un intérêt. Je paie le verre et je commence à boire. Sortant du lot, un homme vient se mettre à côté de moi.
▬ Si la vie n'est pas difficile dans ce royaume de merde pour toi, c'est que tu dois être un habitué, quelqu'un qui n'a pas besoin de faire semblant. Me tromperais-je?
Il insinue que je suis une espionne, ce qui laisse aux autres clients, sans exception, de le croire. On dirait que j'ai affaire à un capitaine pirate qui en a marre de moisir ici. Je me retourne alors pour voir l'assemblé prêt à me faire la peau s'il s'avère que je suis bien du mauvais groupe. Je compte une bonne trentaine. Ceux qui ne soutiennent pas le type à côté de moi doivent être des solitaires, complètement indifférents.
▬ Si je trouve la vie fort agréable dans ce royaume de sables, c'est parce que je n'y vois pas le mauvais côté des choses, mais au contraire, je vois carrément le meilleur. Et ce, à chaque instant. Je le savoure comme un mets délicieux.
Une voix s'élève alors au bout de la pièce pendant que je sirote mon verre.
▬ Ah ouais? Tu trouves ça plaisant d'attendre longtemps à ne rien faire à longueur de journée? Avoue! T'es qu'un vulgaire espion!
Le barman reste impassible. Les autres, ils sont prêts à me trouer le corps sans hésitation et sans entendre davantage. Étant face à eux, je décide de faire tomber mon manteau de manière à ce que tout le monde puisse bien voir qui je suis. Après avoir bien étudié l'environnement et la situation, il n'y a pas de danger à ce que je me révèle. Je n'ai même pas besoin d'ouvrir la bouche pour me présenter ou pour expliquer qu'il est inutile de se ruer sur moi.
▬
Aoi... Aoi Nakajima?▬
Qu'est-ce qu'elle fout là?▬ C'est vraiment elle?
Le capitaine à côté de moi manque presque de tomber de son tabouret. Confus, il m'adresse la parole pour me demander pardon.
▬ Je... Je suis désolé... J'ai vraiment cru que vous étiez du Gouvernement Mondial. Vous savez, on se méfie de tellement gens qu'on ne sait plus vers qui se tourner. La situation nous est si pénible que mes hommes deviennent facilement à cran et prennent le premier étranger suspect comme un ennemi...
Je souris, limite si je commence à rire. Je suis au bord de l'extase. Je préfère attendre que mes nakamas reviennent avec la localisation de chaque banque, de chaque bijouterie, de chaque commerçant important et de chaque hôtel de luxe de Nanohana avant de parler de mon pillage à d'autres pirates et criminels, mais je peux déjà voir quels équipages seraient prêts à marquer le coup avec nous sans en parler directement. Je peux déjà me faire remarquer auprès des hors-la-lois et me faire des amis. Ces gens-là n'ont aucun intérêt à me dénoncer s'ils veulent pouvoir continuer leur aventure. Ils sont coincés ici pendant un moment.
▬ Ton équipage et toi, vous pourriez vous tourner vers moi, par exemple... Je connais bien le pays pour y avoir vécu vingt ans.
Pour la tête de Mogaba, il faudra trouver des acheteur ailleurs. Peut-être ceux qui sont indifférents à la scène. Qui sait?
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D'après les testaments de la Reine des Masques, dit Hathor.