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Neuvième Epoque: Les Gens ne sont pas humains.

Les toits.

Les aventures héroïques se passent trop rarement sur les toits. Ça fait assassin qui s’assume mal. Ce n’est pas très pratique pour marcher et encore moins pour d’autres gestes de héros comme courir, sauter, ou disparaître au détour d’un coin de ruelle derrière deux caisses d’on ne saura jamais trop quoi. Il n’y a pas toutes les commodités comme au sol. Et puis, surtout, c’est carrément casse-gueule et ça peut faire mal aux babines quand on en choit.

Pourtant c’est chouette, les toits. On y voit loin, on y voit bien. C’est dégagé, un peu comme sur une île céleste.

Une île céleste...

Enfin, en conséquence et pour donc changer un peu : Les toits.

Je suis sur le faîte de ma personnalité, à contempler tout le reste en contrebas.

J’aime bien, les toits. Je crois que c’est la perspective revenue de terminer en bouillie si je tombe de trop haut qui m’a poussé à de nouveau me mettre physiquement en danger à ce genre de niveau d’inconscience. Entre être fait de sang et n’être fait que de sang, j’ai déjà franchi un pas et il ne m’en reste plus beaucoup à effectuer avant l’issue fatale. Une botte devant l’autre jusqu’à ce que mort s’en suive, marche ou crève et marche et crève. Ça me redonne un peu la niaque, d’être mortel, malgré le plomb de l’âge et les retours du passé qui n’est pas le présent, dans le présent qui devient déjà le passé à peine le futur le remplace-t-il. Quelque chose du genre. En tout cas j’ai moins mal à la jambe. Je sais mieux où je vais, vers quoi je vais. Peut-être bien que Alma avait raison.

Des toits on voit par ailleurs pas mal de ces petits méfaits du quotidien auxquels on prêterait moyenne attention, moyenne au mieux, depuis le sol. On voit les calvities des hommes dans toutes leurs splendeurs luisantes. On voit les mains baladeuses sur les marchés des pervers qui n’ont qu’elles pour pleurer leur célibat inéluctable. On voit les rondes proportions de ces femmes qui essaient de les cacher pour éviter lesdits esseulés. On voit que les enfants ne sont vraiment rien que des plaies, les jeunes enfants, ceux qui font dans le dos de leurs parents des gestes à faire pâlir un apôtre de la bonne manière. On voit les manœuvres des truands à la petite huitaine, qui volent à la tire et tirent à l’envol. On détecte les liasses d’au moins tout ça de valeur, qui tombent des poches de certains sans qu’ils s’en rendent compte, imbéciles de touristes pleins aux as.

On remarque enfin que les gens ne regardent pas beaucoup en l’air, sinon ils verraient. Ils verraient ce type bizarre qui prend des notes depuis le coin de la rue, debout dans la gouttière à côté du chat machin accroupi, du chat rayé couleur chat crasseux : marron, noir, roux et un unique poil blanc plus très blanc.

Des toits, vu la position dominante, on se dit qu’on n’est pas comme eux qui restent engoncés dans leur bassesse monotone. C’est une vue de l’esprit bien sûr, car moi non plus je ne regarde pas tellement au-dessus de ma tête en ce moment. Moi, en ce moment, je me dis que je n’ai pas bien soif de foule, au sens figuré comme au sens le plus littéral. Les sillons de la faim qui me gangrène les tripes ne me donnent aucune envie de vider les masses de leur substance, de leurs substances. Je m’attendais à un vieux reste, à un relent irrésistible qui serait remonté pour mon premier vrai contact avec une bonne plèbe bien irriguée en flux sanguins. Mais non, comme sur Second Peace il semblerait que cette compulsion-ci se soit tarie sans phase de detox. Juste le grand vide cotonneux de l’absence de besoin.

Et qu’est-ce que je verrais, tiens, si je le faisais ? Qu’est-ce que je verrais si je regardais au-dessus, au juste ? Est-ce que par hasard je ne verrais pas des étoiles qui sauraient pourquoi le monde ? L’hypothèse me vient à l’esprit. Mais aussitôt me vient que peut-être je ferais mieux d’attendre la nuit pour ça, car les cinq étoiles du jour ne m’ont jamais semblé trop savoir même ce qu’elles faisaient. Et puis me vient que peut-être je pourrais remettre à plus tard ce genre d’interrogations futiles. Ça glisse dans le coin, ça glisse beaucoup. Je commence à peine mon aventure ici, et finir dans le plâtre après une chute de deux étages aurait piètre allure. Ma biographie s’en trouverait tronquée sans grande chance de succès en librairie. Tahar Tahgel, l’homme achevé par un toit de Water Seven.

Non, décidemment ça ne sonne pas si bien.

En faisant un peu de tourisme dans ma prime jeunesse, pas longtemps après que la croisière s’est bien amusée, surtout la duchesse qui y prédatait, j’ai traîné mes grolles jusque dans une autre ville où c’était un peu comme ici. Des tuyaux humides à tous les niveaux, aux toits, contre les murs, au sol au milieu des ruelles glauques, dans les maisons et même sur les murailles autour du centre. Mais là-bas ça s’expliquait parce que la cité était en plein désert et qu’il fallait garder toute l’eau qui parfois, seulement parfois, tombait du ciel. Du coup tout était en pente et la moindre goutte tombant à terre devenait trésor et filait droit vers le gigantesque réservoir creusé sous la ville, ou plutôt sur lequel la ville était construite. Tout un jeu d’arches en pierre et de voûtes qui auraient fait pâlir de jalousie les architectes de Marie-Joie s’ils regardaient ailleurs qu’au centre de leur monde.

Pas tant à voir en tout cas dans le concept avec cette île flottante-ci, port mégapole, mégaport pour tout bon marin qui se respecte, sans forcément que ça n’implique qu’il respecte tout le monde de son côté. De mes divers piédestaux depuis que je suis arrivé, j’ai eu le temps de repérer un bon paquet de pavillons que je ne connaissais pas, en blanc et bleu comme en blanc et noir. Je crois que je suis à la rue sur bon nombre des derniers ragots du monde civilisé. Il faudrait que je mette la patte sur un journal. Ou plutôt que je mette la patte sur une imprimerie avec une salle d’archives où je pourrais m’enfiler les nouvelles des deux dernières années. Ça me ferait un petit bagage culturel avant de rentrer dans le grand monde pour y œuvrer noir, blanc, jaune, et rouge.

Le problème c’est qu’ici on n’a pas trop le temps de transformer le bois en papier que souvent il est déjà parti renforcer un bastingage voire rallonger un mât, un sabord, une étrave, ou un autre truc technique sur un bateau quelconque. Mais tout de même, Water Seven est la petite capitale de Grand Line alors bon. Ils n’importent pas toutes leurs feuilles de choux tous les jours, impossible qu’ils ne produisent pas sur place. Reste à trouver où. Et puis j’en ai vu une qui lisait un canard tout à l’heure, moins d’une plombe après l’aube. C’est bien qu’il sortait d’une fabrique à proximité directe. Reste à trouver où...

Alors, oui, c’est bien, les toits, je maintiens.

Mais pour examiner les enseignes et lécher les vitrines je dois bien admettre que c’est loin d’être le pied.

Water Seven se mérite, Tahar, redescends donc enfin de tes petits nuages.

Et mêle-toi au monde comme tu voudrais qu’il se mêle à toi.


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Les rues.

Les aventures héroïques se passent trop rarement dans des rues qui sont en fait des canaux. Ça fait trop voyage de noces romantique, c’est plein d’eau et puis, à part le gros plan sur les vêtures de femelles mouillées et donc moulées qui peut valoir le coup à la rigueur, le cas échéant, ça enlève tout le côté aérien du bon combattant qui volète, virevolte, et tue le méchant dans un grand élan de cape bien sèche en plein soleil. Ça, ça a de la gueule, alors qu’une tunique qui colle aux poils du torse et des bottes qui font fouitch fouitch à chaque enjambée-glissade tandis que la mèche rebelle n’est plus si rebelle que ça, plaquée qu’elle est sur l’œil du bon gars qui veut bien faire mais qui le fait mal, ben... non. Ça ne se vend pas. Ça ne fait pas les récits héroïques des basse-cours nobiliaires.

Ou alors, ou alors il faudrait un combat de gondoles. Mais bon, pour original que ce serait ça laisse assez peu de place à la grosse, grosse surprise, dans le genre remake de pince-mi et pince-moi sont dans un bateau, pince-mi tombe à l’eau... Tellement c’est étroit, par endroits, il faut négocier avec le type en face au renfort de signaux lumineux pour que l’un passe pendant que l’autre s’arrête là où les deux barques peuvent se croiser sans dessaler. Un système ingénieux mais somme toute pas très pratique. Ce doit être l’éclate le matin, tous les jours, quand les honnêtes commerçants descendent ouvrir leur bicoque aux chalands tous au même moment. Déjà, l’autre jour, quand je suis arrivé dans la soute de ce bahut arraisonné en sortie de Second Peace, c’était la blinde aux docks... alors dans les petites canaruelles à côté quand tout ce peuple a dû se vomir hors des navires d’un seul jet, ça devait être fun.

Eh, voilà pourquoi j’étais monté sur les murs puis les toits, c’est vrai. Eh. Mais, donc, les canaux-rues.

Enfin, l’avantage de la gondole et des gondoliers qui ne baragouinent qu’étranger c’est que, quand même, il suffit de se poser un chapeau de paille sur les tifs après avoir chopé une prostipute pour la journée dans un coin sombre, et on croit en nuit de noces prolongées le bon prince qui a payé comptant la visite de la ville, sans que ça chagrine personne et sans qu’on ait trop envie d’aller mater avec insistance ce qui se passe sous ce carré voilé de dentelles à l’arrière de l’embarcation, et la seniarina fait un peu de bruit, non, min seniare ? Stupide gnominé.

Et du coup, Tahar Tahgel tire ses chaussettes en plein cœur de Water Seven, à deux pas de Marie-Joie le joyau du monde, sans qu’une quelconque gente s’en émeuve. Ni les coquines esbaudies qui ne savent pas, ni les coquins en manque de renommée qui voudraient bien se remplir le portefeuille pour avoir de quoi payer les réparations sur le navire, vous comprenez monsieur Tahgel, ce n’est rien de personnel, mais ici la charpenterie coûte bonbon. Ni les autres coquins en uniforme qui sont aussi dans la zone pour faire refaire une beauté à leurs laideurs des mers, mais qui eux me coffreraient pour juste la gloire, et à la rigueur un poinçon enrubanné sur le cœur parce que n’est-ce pas c’est la meilleure chose à faire pour le monde, vous comprenez monsieur Tahgel, rien de personnel non plus.

Crevures de charognes.

Cela dit je leur en veux pas plus que ça. À leur place, à leur âge, avec leur naïveté et leurs vécus vierges d’un peu tout ce qu’il peut y avoir de vraiment exceptionnel dans ce monde décadent, je ferais sans doute comme eux. Si c’était à refaire, oui, peut-être bien que j’aurais pu suivre d’autres voies que celle que. Bon.

- Dis voir.
- Oui, Seigneur ?
- Tu penses que je fais quoi, dans la vie ?

La nubile bat des paupières sans savoir quoi répondre ni si elle a vraiment le droit de même penser par elle-même, pour élaborer une réponse qui lui serait propre et non cette sorte de retour en nature bien précis qu’attendent d’ordinaire les brutes qui lui servent de clients-propriétaires. Je suppose qu’elle ne se sent pas encore bien à sa place et je comprends, dans ses cils trop fardés pour la faire paraître moins prépubère, qu’elle réfrène encore l’envie de croire à l’illusion. Je l’ai certes, et ça reste à démontrer, sauvée d’une journée d’abus pour la promener gratis dans des coins de la cité qu’elle n’a jamais même effleurés de la semelle, alors qu’elle y habite depuis que sa naissance l’y a jetée aux fauves de la vie. Mais l’enfer reprendra dès demain, dès le moment où à mon tour je l’aurai jetée.

De mes frusques trop douces, récupérées dans la cale dont je suis sorti comme un beau diable et que j’abîme de mon cuir rêche, j’extirpe une bourse et la jette entre mes jambes alanguies entre nous. Quand je vois que ça lui fait peur, je réalise que ce n’était pas forcément l’endroit le moins tendancieux pour la mettre vraiment en confiance. Je me penche, reprends le paquet et le lance un peu plus loin, directement sur ses cuisses de petite fille agenouillée jambes repliées sous elle. Mon clin d’œil ne la détend qu’à moitié, il est passé de mode.

- Cette richesse se cherche un maître depuis hier matin, ne la fais pas languir...


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Un premier sourire naturel sur sa face trop jeune, ses dents brillent plus que les pièces et diamants révélés.


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Toute à son admiration pour son trésor et comme bercée par la houle qui agite de dextre en senestre la gondole, elle ne dit rien. Puis le bronzé qui nous gamahuche l’oreille de la langue de ses pères se tait soudain pour un temps, juste après nous avoir annoncé une merveille d’architectoure pour laquelle nos yeux restent muets d’indifférence. Ce doit être le sommet romantique de la balade pour Les Amants de la Mer. Je n’invente pas ce nom, c’est bien le programme le plus long que j’ai pu négocier avec le type avant départ. Quoi qu’il en soit, le vrai silence qui s’ouvre sur ce décor, dans lequel ne demeurent que les bruits de la ville en arrière-fond, la pousse enfin à me répondre.

- Tu n’as pas l’odeur des hommes d’ici. Tu voyages beaucoup.
- Continue.
- Tu dois être très respecté.
- Hm. C’est une façon de voir les choses... Continue ?
- Les hommes que je vois d’habitude sont frustrés, ils n’ont pas de pouvoir sur leur vie alors ils viennent en chercher sur moi. Pas toi. Donc toi tu as une bonne position, ou tu sais t’en satisfaire.
- Rappelle-moi quel âge tu as ?
- Onze ans, Seigneur.
- Tu en comprends bien trop pour une fille de onze ans.

Elle se tait subitement, baisse la tête. Elle pourrait avoir dit une bêtise et je pourrais vouloir la corriger. En fait j’essaie juste de comparer sa vie à celle de la gamine de Second Peace. Différentes voies...

- Le crapaud à qui tu as refilé mon avance tout à l’heure, c’était qui ?
- Un frustré de plus.
- Ton julot ? Il te posera problème ?

De nouveau elle hésite. Suit mon index qui lui désigne la bourse déjà enfouie sous ses vêtements, contemple des idées nouvelles dans l’eau claire du canal Saint-Truc, l’un des plus vieux de la vieille ville seniare-seniarina, semble apercevoir des portes soudainement ouvertes devant ses pieds sales, comprend enfin qu’elle n’est pas obligée de retourner dans ces griffes qui l’attendent, puis secoue la tête. Assurée, la petite.

Assurée comme ce gamin qui me fait un geste depuis la berge. Nous venons de repartir pour la fin du parcours, mais déjà il faut s’arrêter pour laisser passer quelque autre couple, réel, venu d’en face. Le gamin malpoli me fait le signal universel de désaccord, majeurs levés vers mon infortune céleste. Sa tignasse en bataille et sa silhouette de crève-la-faim le font ressembler à celui qui insultait ses parents sur le marché que j’observais des hauteurs. Elles le font ressembler à celui qui courait devant Lilou et moi à Down Below. Je soupire, la môme me laisse regarder ce qu’elle ne voit pas là-bas, à côté de la dame tout-à-fait normale que tout le monde admire, pas loin mais pas là où mes mires se sont portées. Alma m’avait prévenu que même s’ils disparaîtraient en règle générale ces retours pourraient encore se produire, en cas de danger imminent par exemple, et que je ne devais pas les ignorer.

- Seigneur ?

Mais je connais le danger imminent. Il a les plus grandes murailles du monde et les plus puissants dragons que les légendes aient jamais entretenus. Alors Petit Tahar est bien aimable, mais je n’ai pas besoin de lui, ou si peu encore. Quand nous serons rendus là-bas, oui, très certainement. Mais ici ? Suis-je interdit de séjour dans ce fief de la neutralité où je n’ai jamais posé le pied qu’une seule et unique journée parfaitement banale, il y a dix ans, sur ma route vers Marie-Joie ?

- Seigneur !
- Oh. Oh...

Une botte devant l’autre et la mort au tournant. La fillette me retient par un pan de tunique alors que j’ai un pied dans l’au-delà et l’idée manifeste de lever le second pour aller nager parmi les crocos, direction le petit bout de moi-même qui déjà s’est fait la malle jusqu’à la prochaine. Même mon sous-moi veut me tuer ?

Et si le danger imminent c’est moi-même, qu’est-ce que je fais ?

Bah.


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- Alors, mon métier ?
- Tu n’aimes pas l’argent, tu n’es pas marchand.
- Je n’aime pas l’argent ?
- Tu m’en as trop donné pour ça.
- Bien observé.
- Tu es solitaire.
- Mh.

Touché. Facile, un type avec des copains n’aurait pas eu besoin de ses services, mais touché.

- Tu n’as ni supérieur ni homme de main. Tu t’adresses à des gens comme moi comme à tout le monde, au gondolier, à l’artisan, ou au passant qui pourrait être puissant ou fortuné. Tu n’as pas le sens de la hiérarchie sociale.
- Et c’est toi qui me dis ça...
- Tu es seul.

Touché encore. Cuirassé mal en point mon capitaine. À la rive, à la rive !

- Mais tu n’es ni soumis à un dieu comme un pèlerin ni lié à l’autorité comme un mercenaire.
- Et puis je n’aime pas l’argent, tu as dit.
- Tu n’es pas un pirate non plus, donc ! Aucune chose concrète n’a de valeur pour toi.
- C’est ce que je me suis toujours tué à expliquer aux gens, eh, eh...

Je lui ai encore fait peur. Elle a attrapé un nouveau silence dans l’air, avec lequel elle se plaît à jouer comme si elle était une vraie dame avec son vrai mari. Même sa pose, empruntée aux quelques gens de la haute que ses services ont pu l’amener à croiser, est réaliste. Jambes allongées devant elle, bras sur le rebord de la barque et doigts courant au fil de l’eau sous nous, regard qui voit tout mais ne fixe rien des badauds de la berge. Ne lui manquent plus que des vrais habits qui fassent authentique, un diadème ou une coiffe peut-être pour anoblir son port de tête trop vif.

Elle arrête quand elle remarque que je la vois qui fait coucou à ses admirateurs imaginaires.

Chacun son tour.

- Tu es gentil mais tu n’es soldat d’aucune guerre, tu n’es pas de la... Révolution.
- Diable, ça se réduit.
- Tu es... Tu es...

Le soleil qui filtre par les moustiquaires lui dessine un nouveau sourire, fin, libre. Elle va dire une ânerie.

- Tu n’es rien ! Comme moi...

Qu’est-ce que je disais ? Elle est contente de sa sortie mais c’est un peu trop aisé de botter ainsi en touche. Un peu décevant aussi. J’aurais bien aimé avoir un avis extérieur en fin de compte, mais peut-être que le demander à une môme qui n’a jamais vu que la crasse où elle tapinait n’était pas l’idée la plus porteuse que j’aie eue.

- Tu es toi !

Elle a renchéri comme pour compenser, comme pour se faire pardonner d’avoir esquivé ma question. Joli lot de consolation. Moi-même... Le chevelu à la direction de la barque nous susurre dans son patois de margoulin que le tour romantique de la cité s’achève, il est midi et on arrive aux docks de la case départ. N’oubliez pas le guide, seniare, nos conditionnes de wiss sünt tros diphhissilès. Bien évidemment être compatissant serait détonner dans le décor alors je ne lui donne rien, et puis de toute façon je n’ai plus sous la main l’argent que j’ai donné à la petite.

- Toi t’es toi. Descends, maintenant.
- Descendre, Seigneur ?
- On va en ville.
- Où ça ?
- Tu sais lire ?
- Et... si je voulais partir ?


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- Tu pourrais.
- Non, c’est bon.


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- Pis tu as payé pour la journée après tout.
- Ce n’était pas mon argent.


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On a pénétré l’édifice par une entrée des artistes après un peu de repérage sommaire. C’est moi l’artiste.

Les sous-sols sont intéressants, pleins d’arches et de clefs de voûte en roche massive, un peu comme la ville sans nom de plus tôt dans ma vie, celle avec le réservoir sous elle entière. Dans la lumière presque pas tamisée venue du plafond, qui doit affleurer les soupiraux visibles depuis les canaux, ma compagne court et s’esbaudit devant les restes un peu glauques de l’époque de construction. Squelettes dans les murs, vieilles torches en tibias et têtes de mort à l’entrée de tunnels effondrés. Bien sûr, c’est Water Seven donc niveau charpente de soutien, c’est bien fourni également, ce qui rend un mélange de styles assez particulier. Comme l’impression de progresser dans un animal mi-vivant mi-artificiel, endormi en tout cas et dont le double squelette serait de bois et de pierre mêlés.

- C’est là.
- Comment tu sais ?
- Donc tu ne sais pas lire. Ça, c’est B, comme Bibliothèque.
- Trop fort ! Tu m’apprendras les autres, Seigneur ?

Je ne réponds pas, défonce le verrou dont l’encadrement d’ébénisterie doit avoir l’âge de Mallory Gentry et son degré de vermoulu. Les escaliers remontant vers les premiers étages effectivement utilisés du bâtiment sont plongés dans un noir que seule mon empathie peut percer, elle s’accroche à mes jupons d’instinct. D’instinct aussi, je la repousse sèchement. Le contact m’a surpris, et la réalité de sa présence ici m’est apparue. Je ne suis pas son père, et elle n’est pas ma fille. J’ai brisé la fenêtre de notre complicité née du matin, elle se mord la lèvre.

Dans mon dos, elle se cogne trois fois les pieds en tâtonnant sur les marches irrégulières. Mais elle ne dit rien.

- Reste à côté de moi.

Et son mutisme vexé ne rompt pas, alors qu’on débouche dans une réserve où la porte que je pousse fait s’effondrer des étagères, encombrées de bibelots sans doute pas beaucoup moins âgés que le loquet plus bas. Le nuage de poussière a l’air d’avoir étouffé le bruit des chutes, je ne sens personne s’agiter dans le lointain. La salle est un dépôt d’outils qui n’ont pas grand-chose à faire dans un temple du livre, peut-être que c’est pour ça que personne ne vient. Peut-être que personne ne vient plus jamais ici à part les rats qui nous filent entre les jambes. Je répète.

- Reste à côté de moi. Pas un mot sauf si je te parle.

Plus tôt, il y avait la bêtise du pilote pour nous dissimuler au milieu de tous. Ici, il n’y a plus rien. Ceux qui fréquentent ce lieu sauront qui est Tahar Tahgel et, si les cheveux comme la barbe coupés changent un homme, je ne veux pas prendre le risque d’attirer l’attention sur moi. La vision au travers des murs permet d’éviter le gros des troupes de bibliothécaires pendant que nous arpentons les travées où résident les milliers de mille reliures. Si j’avais voulu apprendre à construire un navire du début jusqu’à la fin en lisant tous les ouvrages concernés du coin, il m’aurait fallu deux vies pour tout lire avant de m’y mettre. Mais nous avons passé tous les manuels qui nous auraient été utiles. C’était la section générale du lieu : construction maritime. Le reste est réparti entre divers recoins aux allures d’alcôves pour initiés, y compris la section où sont empilées les nouvelles du monde, que nous trouvons enfin. Que je trouve enfin, puisque je ne peux pas compter sur les grands yeux extasiés mais analphabètes qui me filent.

Moi pas, mais elle elle a l’air d’avoir oublié qu’elle devait être très fière et mutique.

- Reste ici. Si quelqu’un vient d’un côté ou de l’autre tu me le dis aussitôt, compris ?
- Compris !
- En chuchotant.
- Compris...


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- Hm.

Je me remets à flots doucement. Les gros titres succèdent aux entrefilets ou s’y mélangent, mon cerveau fait l’amalgame et derrière je trie ce qui est intéressant d’un juron étouffé ou d’un grognement plus ou moins sonore. Elle a jeté un œil deux ou trois fois, l’air de rien et croyant que je ne la voyais pas, le nez en l’air et les mains derrière la tête, mais ça ne m’a pas tiré de mes lectures. Instructives, je ne sais. Mettons que si, j’ai rattrapé mon inculture des derniers évènements de ce bas monde. Et quels évènements...

Vladimir Toreshky est mort. Ça me donne assez peu de sueurs froides mais ça me fait penser à Elize et à sa proposition sur Jaya. Je me demande s’il aurait eu des chances avec moi à ses côtés. Je me demande si le Malvoulant en face aurait eu ses chances, et ce qu’il m’aurait fait pour lui avoir raccroché au nez chez Méphora.

Jaya, justement, Flist et les Rhino Storms. Le cocktail a explosé, Lilou était au milieu.

Non je n’ai pas fini, petite.

On brûle des textes de haine à mon égard un jour d’automne qui serait celui où j’ai quitté Troop. Le Jour du Saigneur.

Jack corsaire a fait des siennes sur l’île maléfique, gloire à Jack corsaire. Layr, es-tu là-bas ?

La confrérie de Red surnage Grand Line, dont les Cinq Étoiles ont voulu bloquer l’accès. Quels cons.

Ludwig Van Ghost, second de Ravrak s’est démultiplié dans son ambition de remplacer Toreshky. Quel con.

Non je n’ai pas fini, petite.

Goa est tombée, Goa a changé.

Las Camp est tombée, Las Camp a changé.

Les régimes diffèrent mais ont tous le point commun d’avoir une fin comme un début. Qui croit différemment n’est que le dernier des aveugles, ou maître en place et déterminé à le rester envers et contre tout.

Et dans tout ça les peuples montrent qu’eux se relèvent toujours si personne ne les a génocidés.

Non je n’ai pas fini, pe...

- Petite ?

Elle s’est endormie sous une desserte submergée de bouquins sans doute à ranger. Très bien, on ne l’y voit pas, j’ai le temps d’examiner et peut-être de suivre l’être qui a réapparu dans le coin de mon regard, à sa place. Salut petit moi-même.

Mais il ne bouge pas cette fois, pas un geste même déplacé. Il m’observe juste d’un air qui doit être triste. Il y a un bruit derrière, dans une galerie plus fréquentée où je sens trois personnes, qui lui fait tourner la tête, puis il reporte son attention sur moi, énigmatique. Est-ce que je dois aller voir ? J’y vais.

Quand je reviens il n’y a plus que la minote et j’ai perdu la durée de mon vain aller-retour. La bibliothécaire en train d’accuser réception de ses prêts retournés n’avait pas plus d’intérêt que le lecteur de « L’âge d’Or de la Construction Navale » selon Béchamel de Sirracuz, et la troisième présence était en fait un vieux chien qui m’a fait de la peine parce que je me suis imaginé à sa place. Je reprends mes lectures, il n’y a que ça à faire.

Au milieu du tumulte journalistique, la voix d’Adam, relayée encore par quelques-uns, paraît presque timide désormais. On l’a entendue sur des murs dans Marie-Joie, dans des baraquements çà et là, colportée par la rumeur ou par ses hérauts habituels, héros, zéros. J’ai manqué ses premières heures, antérieures à mon premier réveil par les douces mains de Clochette à Zartacla, mais je me souviens de comment on parlait de lui dans ces années-là. Quelle menace il représentait.

Une part de moi se demande ce que serait ma vie aujourd’hui si j’avais croisé sa route comme ces autres, Mandrake, Knox, Aldo. Une autre se demande ce qu’elle serait si ces dix ans passés dans le néant de mes mondes avaient été subjugués par une rencontre avec un sbire du Nouveau. Une autre se demande si je vais bien. Adam appelle à l’humanité au milieu de ces déferlements de haine, mais quelle humanité ? Quelle humanité reste-t-il au monde, aux gens ? Quelle humanité me reste-t-il à moi qui ne suis pas humain, qui ne le suis plus si jamais je l’ai été ?


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L’humanité de ces enfants qui dorment ? Comme elle, qui dormait là où elle s’était cachée, puis qui soudain se gave des plats qu’elle a commandés car la bibliothèque a fermé et nous sommes sortis puis je lui ai dit de s’en aller et elle est rentrée dans ce restaurant louche où je la regarde depuis les toits en face, rejoints dans le noir d’une nuit sans lune ? Eux aussi l’ont perdue, cette humanité. Les gens la leur ont fait perdre. Les gens qui paient pour des services plus ou moins vils, plus ou moins veules, les gens qui comme moi.

Elle mange tout son soûl et peut-être que ce moment est celui où est le plus humaine, où elle en oublie le mieux qui le monde l’a forcée à devenir et où elle se souvient le moins mal de qui elle était quand elle est née, intacte encore dans sa tête et dans son corps. Et moi je la regarde et peut-être que moi aussi ce moment est celui où je suis le plus moi-même. Je ne vois pas de Petit Moi, il n’y a que les toits à l’entour. Toujours les toits, ceux où on est en dehors, plus haut, plus loin, à l’extérieur de la scène majeure. Ma position depuis toujours en fait, sauf qu’au lieu d’être au-dessus par le passé j’étais en dessous, loin en dessous, dans la fange et dans les bas-fonds où croupissent les inhumanités...


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- D’gage !
- MHein ?!

Le sommeil m’a emporté dans son élan comme le fourbe qu’il est, sans prévenir. Mes yeux sont encore collés de l’humidité de mes rêves, je distingue mal le visage de l’ombre en face de moi. Il fait noir en plus, les torches publiques sont éteintes depuis lurette. À tous les coups j’ai loupé la sortie de la gamine, rah... L’ombre réitère.

- D’gage !

Dans mes rêves il y avait des seigneurs saigneurs et des enfants qui se tenaient la main, tous avec des visages que j’ai connus sans jamais leur donner de nom. Des mômes de Troop et des mômes d’à côté. Des trognes et des bouilles marquées comme celles de... Il approche sa tronche, on ne peut pas parler de visage. Je comprends que je suis sur son territoire, c’est là qu’il dort et je dois lui laisser, on ne vole pas la place d’un clochard !

- L’vieux Kast ’mort c’t’nuit d’rnière, s’noyé. T’peux prend’ s’coin s’l’pont l’bas.

À son accent je devine en lui un vieil émigré de l’West comme moi, rejeté là par les marées de sa vie pas plus censée que la mienne, pas moins non plus, sensiblement mon âge à en croire ses escarres et ses yeux vitreux dans le demi-croissant de lune qui a fini par se lever. Les mers ne sont pas tendres. Je me redresse pour lui dire que ça va, je lui laisse son coin, qui dort sur les toits de toute façon ? Mais c’est ce moment qu’il choisit pour à son tour voir ma tête. Et lui ça ne loupe pas, il me remet. Son souffle se coupe, ses épaules se raidissent puis tressautent, puis il éclate en sanglots bien fournis. Les dents qu’il voulait sortir juste avant ne sont que deux ultimes chicots encore attachés à sa gencive par le même miracle que celui qui l’a maintenu en vie jusque cette rencontre.

- M’tuez pas ! M’tuez pas ! Pitié m’sieur l’Chien Fou ! Pitié !

Derrière lui je vois bien que la cuisine est fermée depuis un bail, et nulle trace de la direction prise par la  riche héritière de ma fortune de la veille. Je secoue la main pour lui dire de se taire, je n’arrive pas à me concentrer pour sentir les choses, seulement c’est tout le contraire qu’il comprend et il se met à brailler comme si les douze enfers allaient l’engloutir.

- PITIÉÉÉÉÉ, J’VEUX PAS MOURIR, NAN J’VEUX PAS M’SIEUR SAIGNEUR ! J’EN CONJU
- Shhhh !
- AAAHAHHAAA, ’VA M’TUEBWWAAAHAHAAAA !
- OH ! Tu vas la boucler, oui !? Je vais pas te buter, d’accord ?!

Le contact appuyé de mes paumes sur ses clavicules saillantes le foudroie et il se tait enfin. Je n’ai pourtant pas lâché mon Aura mais il s’effondre tout de même. Il respire encore, tant mieux pour lui. Tant pis ? Je l’allonge doucement à terre et ne lui emprunte qu’une seule de ses quatre couvertures. Les nuits sont fraîches dans une ville pleine d’eau. Quand je redescends du toit, une nouvelle ombre m’accueille, et je sais qui c’est. Il feint encore de m’ignorer mais contemple le nord. Très bien, c’est donc au nord que j’irai.

Le nord m’emmène vers le froid polaire des faubourgs de Water Seven.

C’est le cœur de la nuit, et tandis que j’arpente les pavés des berges ou des ponts en essayant de ne pas me perdre et de retrouver sa trace, je me demande pourquoi. J’ai le temps de me demander pourquoi, car personne n’est assez fou ni même ivre pour se risquer à mettre le nez et encore moins autre chose dehors par un temps et une heure pareille. La ville est vide, personne ne me fait obstacle. Pourquoi la rechercher ? Pourquoi la retrouver ? Non, ça je sais pourquoi. Même raison qui m’a fait la repousser dans l’après-midi des couloirs souterrains à la bibliothèque. Même raison qui fait que je ne devrais pas la poursuivre. Je ne suis pas son père. Mais je m’enferre, il faut que je rejoue la scène de ma séparation avec Izya, et cette fois il faut que ça se passe bien, que ça se passe mieux. Masochisme classique, illogisme primordial.

Sa trace.

Je la retrouve vers l’aube. C’est mon autre moi-même qui me l’indique de sa présence revenue encore et encore. Il a repris son air triste, je le vois maintenant grâce aux premières lueurs dans les cieux violets. Violets comme mes lèvres sans doute, je ne me suis pas servi de la couverture qui m’encombre mais que je conserve. Et si je la trouve qui grelotte sous un pont comme celui qu’on m’a recommandé ? Mieux vaut que je la garde.

Ou pas.


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C’est la bourse que je reconnais d’abord, posée devant elle sur la table en bois fissuré. Celle que je lui ai donnée le matin. Elle en compte du doigt les pièces et pierres, l’autre main contre sa joue pensive. Ensuite la tresse sur sa nuque et ses vêtements qui sont restés les mêmes. Je fais un tour du propriétaire depuis l’extérieur avant de m’annoncer.

C’est une petite bâtisse à un seul étage, au toit miteux prêt à s’effondrer au premier vent. Le mauvais verre des vitres est jauni par le feu qui doit brûler dans un coin. Je jette un dernier coup de troisième œil discret avant d’entrer. Petit Moi a disparu.

Devant elle, le crapaud à qui j’ai donné les doublezons pour la lui emprunter. Retour à la case départ, alors ? Elle ne pouvait pas se sortir de ce carcan ?

Non. Si.

Quand je rentre, avant même son visage qu’elle tourne vers moi, étonnée, c’est le couteau planté dans sa poitrine que j’aperçois. Elle l’y a enfoncé jusqu’à la garde, sans arrière-pensées. Et maintenant elle me sourit et s’exclame.

- Seigneur, tu m’as retrouvée !
- Je me suis dit que tu aurais besoin d’aide.
- En êtes-vous si sûr, colonel ?

La surprise est presque totale. J’aurais dû le voir. Et je l’ai vu. J’ai juste choisi de ne pas le savoir.

Petit Tahar est assis sur un buffet défoncé et ses jambes battent la mesure dans le vide.

Il regarde ses bottines avec la plus intense des attentions, comme s’il boudait.

Danger imminent ? L’homme sage apprend de ses erreurs. Et moi ?

Je le laisse à sa feinte nonchalance pour la regarder, elle.

- Bonjour Ela.


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- Elles sont pour vous.

Il y a des vous moins intimes que d’autres... Celui-ci est froid, dur comme la roche d’une grotte où je n’ai jamais remis les pieds depuis dix ans. Dur comme ces pierres ouvragées qu’elle a jetées contre mes bottes et qui ont fêlé le mauvais carrelage de la pièce. Des menottes en granit, car on n’est jamais trop prudent. C’est très personnel, colonel.

- Délicate attent
- Taisez-vous !
- D’accord...

Ma malice ne la fait pas sourire, j’ai le dernier mot mais à elle le dernier geste. L’œil noir de son arme braquée sur moi ne me quitte que lorsque j’ai refermé la seconde entrave, autour de mon poignet gauche. Clic. Clic. Je me demande si ses balles sont elles aussi renforcées en granit. Sans doute, car elle doit imaginer qu’il n’y a que ça pour la protéger des pouvoirs de mon fruit. Comme ces fers qui pèsent lourd mais me laissent toute mon énergie désormais. Oui Ela, oui je me tairai, je me tairai sur ça si ça peut te rassurer.

À son invitation je prends la place de la petite devenue muette, abattue par la tournure des évènements, tandis qu’elles restent toutes deux debout. La gamine passe au travers de Petit Tahar et l’éclate comme une bulle de savon.

- Vois-tu, Sara, le colonel n’est pas homme à se soucier d’apporter son aide aux gens.

Sara, eh ? Maintenant que j’y pense je ne lui avais encore pas demandé comment elle s’appelait. Sara. Le temps n’est qu’un grand cercle plat. Sa vie l’a maltraitée moralement comme physiquement, et elle n’aura jamais la pulpeuse silhouette qu’avait déjà la Sarah Crow que j’ai connue. Mais l’ironie est bien assez suffisante pour me mordre malgré tout, et je garde le silence devant son air encore plein des espoirs que la journée en ma compagnie l’a fait porter sur moi. Je crois qu’à nouveau la séparation ne se passera pas si bien que je l’aurais voulu, que je le voudrais encore.

Que je ne rétorque pas semble un peu surprendre Ela, elle en rajoute.

- Vous ne m’aviez même pas remarquée, n’est-ce pas ? Depuis votre arrivée. Voilà comme il se souvient des gens qu’il doit aider, petite, voilà !

Mais sa remarque me fait réfléchir. Je ne l’ai pas remarquée alors qu’elle, si ? Quand est-ce que j’aurais pu la voir ? Je contemple les parois de ma mémoire qui défaille, à la recherche de son visage parmi la foule. Elle me relance.

- Vous ne dites rien, colonel, vous approuvez ?
- Tu m’as dit de me taire, j’obéis...
- Je vous défends de

Soupir. Son ton reste mesuré, démesurément glacial, alors que j’attise son ressentiment. Elle est loin du lieutenant-colonel timide qui me secondait comme un larbin à mon arrivée à Marie-Joie, et même à mon départ de. C’est une femme, maintenant. Une femme accomplie, dont la place est au milieu des vues et pas derrière dans l’ombre du meneur charismatique. Inversion des rôles ? Inversion des rôles...

- m’infantiliser, colonel.

Je l’ai vue, oui. Sur le marché, devant ce petit moi-même qui faisait des gestes obscènes.

- Trop d’années ont passé.

Je l’ai vue, oui. Sur la berge depuis la gondole, admirée par tous pendant que j’allais rejoindre les poissons.

- Colonel ?

Je l’ai vue à la bibliothèque peut-être. Cette bibliothécaire qui ne m’a pas jeté un regard de plus qu’à ce chien en fin de droits prostré à ses pieds. Ma vie est un cercle plat plein d’autres cercles sans relief que je ne vois pas...

- Je t’ai vue, Ela. Je t’ai souvent vue ces dernières années.

Et je ne mens qu’un peu. Qu’un tout petit peu.


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Dans sa main droite il y a son pistolet à silex, bien orienté, qu’elle n’a qu’à étreindre un peu plus pour me perforer.

Dans sa main gauche, une tasse fumante en terre, jumelle de celle entre mes deux paumes maintenues solidaires.

Dans les tasses, un jus de vie sans goût, sans âme, parce que le moment relègue tout ça loin derrière.

- Vous m’avez vue ?

Elle s’est assise après avoir haussé les épaules, regardé par la fenêtre, regardé la gamine, haussé les épaules, regardé par la fenêtre. Je crois qu’elle n’a pas bien prévu ce qu’elle ferait une fois qu’elle m’aurait coffré.

- Tu as de l’alcool, petite ? Sara...
- Je ne sais pas, Seigneur, c’était sa maison.

Elle a un signe de tête vers la dépouille du mac qui se vide dans son coin. C’est Ela qui l’avait planté en réalité. Ça me rassure un peu, je ne sais pas pourquoi. Peut-être après tout que la môme a encore de son humanité. Ela par contre...

- Dans le buffet, sous toi ?
- Oui ! Tu veux quoi, celle-ci ou celle-là ? C’est quoi, « aquavit » ?
- C’est ce qu’il faut, donne. Tu permets, Ela ?

Ela permet. Je vide sur le malhomme mon godet puis reviens à la table surchargé de la bouteille claire. Les entraves et la nuit passée au froid dehors me rendent pataud, j’aurais bien besoin de cette couverture au final. Mais elle entoure le corps, maintenant. Des gouttes éclaboussent la table grossière à côté de mon verre, puis sous celui d’Ela qui en demande à son tour. Je pourrais les compter. Les gouttes. Je pourrais dessiner la forme qu’elles font émerger sur le bois humide. L’odeur des herbes nous monte au nez. Sara qui s’était approchée a un haut-le-cœur et s’éloigne une fois de plus. J’ai l’impression que c’est ma vie qui repart avec elle. Et en face de moi siège ma mort.

Une belle mort blonde accompagnée du soleil levant.

La soirée passée avec elle pour venger la disparition de Jenv qu’on brûlait au matin ressurgit. Elle était froide et humide. La nuit. Triste. Je me demande quel souvenir elle en garde de son côté, et je réalise en me le demandant que c’est la première fois que je me le demande. Je ne l’ai pas vue tant que ça, non...

- Je t’ai vue à Impel Down.
- Je n’y étais pas...
- Je sais, mais tu y étais.
- Si vous le dites.

Son verre monte à ses lèvres, le remords que j’ai éprouvé alors aux miennes. Elle me voit vieilli là où elle a mûri.

- Je t’ai vue un soir sur mon navire, il y a... deux ans ? Pendant qu’Arashibourei faisait sauter les Allods d’Akeem.
- Je n’y étais pas non plus...
- Je sais, mais tu y étais.
- Si vous le dites.

Tant mieux. Si je suis vieux et pathétique, peut-être qu’elle ne me tirera pas dessus aussi vite. Elle me tirera dessus, je n’ai pas d’illusions. Je sais que je le mérite, je sais qu’elle pourrait le faire, je sais que c’est l’issue possible.

- Je t’ai vue en seize cent quinze, et beaucoup de nuits après ce matin pluvieux. Tu essayais de m’attraper le bras.
- Vous m’avez oubliée.
- Non.

Si.

- J’ai été disgraciée, dégradée, presque exécutée .Le colonel Kattar était là, prêt à intervenir si l’amiral Kenpachi en donnait l’ordre. Tout ça pour vous avoir connu le temps de quelques huitaines. Et vous, vous m’avez oubliée, si simplement oubliée comme vous avez si simplement oublié Sar Akk-Ônor. Savez-vous qu’elle s’est tuée l’an passé, quand la nouvelle a couru que Pride vous avait ouvert les portes de l’Enfer ? Je vous hais, colonel, je vous hais comme les victimes des si grands Saigneurs des Mers vous haïssent. Je vous hais.


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- Passe-moi l’autre.
- Seigneur ?
- Passe-la moi.
- Oui, Seigneur.

L’aquavit, terminé, cède place à une autre liqueur sans nom, distillat quelconque dont l’effet n’est que celui recherché. Que Sar se soit donné la mort m’a touché plus que la haine d’Ela, prévisible et prévue dès l’instant où ses iris se sont posés sur moi tout à l’heure. Prévisible et prévue dès lors qu’elle m’a repéré qui jouais au père avec la gamine tous ces jours durant. Un rose délicat lui est monté aux joues. L’alcool. Moi-même je n’ai plus si froid.

Le plein jour, qui illumine désormais son visage au teint de cire, y est peut-être pour quelque chose aussi.

- Pour ce que ça peut valoir, je crois bien que je suis désolé.
- Vous croyez ?
- Et sinon, que vas-tu faire de moi ? De nous, même.
- Vous croyez !? C’est le mieux que vous puissiez faire ? Croire ?!

Elle s’étrangle en répétant, la tasse qu’elle repose se fend dans ma tête avant de fendre entre ses doigts sous la force de sa colère. Je peux compter les petits éclats comme je pouvais compter les gouttes quand je nous ai servis. Il y en a moins que ceux de mes actes pour lesquels je devrais être désolé. Certains sont minuscules et inoffensifs, roulent et se perdent dans les failles de la table ou sur le sol inégal, prêts à attaquer une semelle inattentive. D’autres sont plus épais et, retors, se fraient un chemin sous le cuir des mitaines d’Ela pour lui trancher la peau. Le sang qui perle au bout de sa main tremblante de rage n’a plus l’odeur qu’il aurait eue avant, il me révulse et rejoint dans le flot de mes erreurs passées le sang de l’agent Red rougissant la mer d’Orange Town.

- Je ne peux pas beaucoup, Ela. Je ne peux pas assez pour changer ce qui s’est fait.
- Alors changez ce qui sera !
- J’essaie.

Son attention part soudain sur sa main maculée. Comme s’il y avait plus qu’elle n’aurait voulu dans sa dernière exclamation. Changer ce qui sera, hein. Qu’avait-elle en tête ? Ma mort ? Ma mort par sa main ?

- J’essaie, Ela. J’ai essayé d’être le père que je n’ai pas été. J’essaie d’être l’homme que je n’ai pas été.

J’essaierai d’être le héros que je n’ai pas été ?

- Et ?
- Et c’est comme lorsque tu as essayé d’attraper mon bras il y a onze ans.

Le souvenir est mauvais comme ils le sont si souvent. Elle me regarde fixement comme si nous n’étions pas assis l’un face à l’autre depuis le début du jour. Dans ses pupilles repassent les images de cet autre matin, ces odeurs d’une femme qu’on passait à la postérité, ces silences au sens varié, ces étincelles qui ont jailli. Et puis ce moment de béance où plus rien n’a existé. Et puis ces cris, la panique, une mémoire qui disparaissait sans qu’on s’en occupe.

Ma fuite, le noir de ma disparition. La geôle pour elle sans doute, suspecte d’être ma subordonnée. Le noir des barreaux du soupirail qui lui montraient la potence de Marie-Joie. Le gris de la culpabilité, malgré l’abjection qu’était Flermet. Le terne des dix années à survivre après la journée à craindre pour sa vie dans la cour du déshonneur.

Le bleu de son écharpe déchirée, délavée, déshonorée des galons qu’on en avait retirés puis jetée aux vents mauvais de mon insouciance jusque, encore et toujours, cette plage d’East Blue où le Corbeau rouge me l’a tendue avant notre duel. Elle avait pris le soin de broder quelques mots dessus avant de la lui donner. Quelques mots pour moi, que je n’ai pas lus pour garder l’esprit clair et des chances de survie dans ce combat à mort, combat de chiens.

- Qu’avais-tu cousu ?
- Plaît-il ?
- Sur ton écharpe d’officier. Tu avais cousu des mots.
- Je n...
- Seigneur !

La petite est prise de panique, se jette entre nous et entre moi et cette réponse qu’une Ela troublée ne trouvait pas. À la fenêtre, elle avise un groupe de cinq hommes dont quatre muscles qui feront trop de bruit en tombant.

Le patron du crapaud, d’après la petite et la logique des choses.


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- Debout, colonel. Il y a une sortie derrière.
- Où va-t-on ?


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- Et maintenant quoi ?
- J’ai froid, Seigneur.
- Tu as entendu ? La petite a fr
- J’ai entendu.

La cave sent comme les souterrains de la bibliothèque. L’humidité, le renfermé, la pierre morte et disparue depuis des lustres aux regards du peuple qui en foule pourtant le plafond chaque jour. C’est une grande salle que les quelques torches allumées par notre hôte rendent lugubre. Personne ne cherchera qui que soit ici, je devine la finalité. Pas le proxénète ni ses acolytes, facilement distanciés grâce au canon d’Ela dans les reins qui fait courir vite, pas la guilde des charpentiers de la ville, pas les galonnés, pas les truands à la petite comme à la grosse huitaine.

Personne. Qu’elle réfléchisse en paix.

- Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfui ?
- Hum ?
- Tout à l’heure. Même affaibli et privé des pouvoirs du démon par les fers, vos autres capacités vous auraient permis de m’échapper pendant la course-poursuite. Le haki, ce Color Trap dont Jaya a tant saigné.
- Ah, ça...

Que moi je réfléchisse en paix.

- Je n’y ai pas pensé.
- C’est tout ?

Elle a farfouillé un peu dans son barda étalé par terre, puis donné une couverture à la petite avant de me répondre avec une once de déception. Sara grelotte toujours mais ses dents claquent moins. Elle nous observe sans comprendre le jeu auquel nous jouons Ela et moi. Pas sûr qu’aucun de nous deux connaisse mieux les règles qu’elle, cela dit... Un feu démarre dans un vieux poêle de navire qui nous épargne la fumée. J’oubliais que par voie de conséquence Water Seven n’a rien à envier au Cimetière d’Épaves en nombre de pièces détachées disponibles à la toise carrée. La salle où nous sommes est de fait un refuge parfait pour les squatteurs et marginaux en tous genres. Je me demande si le vieux d’hier soir ne ferait pas mieux de dormir ici plutôt que là-haut. Il aurait plus chaud, la nuit.

- Ça n’aurait pas été de très bon goût...
- Est-ce que le bon goût vous importe réellement ?

Cette réponse-ci a fusé comme d’autres avant. Dix ans qui passent et rien qui change, la douleur toujours si vive et la mortification toujours si actuelle. Mes pérégrinations depuis Impel Down, depuis Dead End Impel Down comprise même,  m’ont appris que rien ne s’oubliait jamais vraiment. Réappris, parce que je l’ai toujours su, comme tout le monde le sait toujours. Au mieux ça s’atténue un peu entre deux autres vexations plus récentes qui nivèlent un peu le reste, au pire on se voile le souvenir jusque croire l’avoir oublié... Et puis il ressort, un jour, comme ça. Je pense que je comprends ce qu’elle ressent. Je pense aussi que si je lui dis seulement que « je le pense » ça l’énervera encore. Ce qu’elle veut ce sont des certitudes et des absolus. Je suis désolé Ela, je n’aurais pas dû te quitter comme ça sans rien dire. Je suis désolé Ela, j’aurais dû te recontacter après, quand tout s’est calmé. C’est ça qu’elle voudrait. Est-ce que c’est si compliqué ? Essayons voir.

- Ela, je s

C’est compliqué. Mon murmure se perd dans ma barbe sous mon menton baissé vers ma poitrine. Je regarde mes semelles et je me demande pourquoi en effet je n’ai pas fui tout à l’heure. J’aurais pu, détruire son monde comme j’ai détruit celui d’Elize et celui d’Eloras, ou ne rien faire et simplement m’enfuir à la nage par un canal survolé dans notre course ou l’autre. Je n’y ai pas pensé, vraiment. Pourtant est-ce que ç’aurait vraiment bien empiré l’opinion qu’elle s’est forgée sur moi, pendant ces dix ans ? C’est discutable, peu probable même. Est-ce qu’il y a un pire, dans le pire ? Si je me base sur mon expérience et mes désillusions à moi, je ne crois pas. Ce jour de 1615 où Viper m’a tué aux yeux du monde et où je me suis tué à mes yeux, tous ceux d’après y ont ressemblé. Malgré les éclaircies où le manque d’alcool faisait respirer mon cerveau, malgré ce séjour chez Adam et Belle précédé du grand saut depuis la falaise, malgré cette rencontre avec la fée Clochette et toutes les autres ensuite, malgré les Seigneurs même, et malgré la sortie d’Impel Down et malgré Lilou et malgré Izya qu’au final j’ai déçue comme j’ai toujours déçu quand je ne l’étais pas, moi, déçu, tous les jours depuis ce pire où Jenv est morte n’ont jamais rien été que des variations de pire. Et même, ces jours-là, avant, eux aussi n’étaient que du pire si j’y repense. Tous, jusqu’au premier. Marie-Joie, la deuxième voie, les quatre mers et la merde avant, SarahpaslaSaraquejeregarde, et les années dans les abords de Troop Erdu et même celles sur Troop Erdu, ruinées à jamais et préludes au pire et donc pires elles-mêmes... Comment je disais, attends voir, comment ça sonnait, dans le temps ? Tahar a vu pire ? Eh.

J’ai toujours vu pire, plutôt. Je n’ai jamais vu que le pire.


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- Et maintenant quoi ?
- Je ne sais pas, vous ne m’aidez pas.
- Emmène-moi à Marie-Joie.
- ...

Sara dort, emmitouflée dans sa première nuit de totale liberté depuis... depuis combien d’années je ne sais pas. Lovée comme un chat devant une cheminée, elle n’est qu’une petite boule au pied du poêle encore chauffé au rouge. La nuit n’est pas très avancée, les braises encore fortes. On ne se voit pas l’un l’autre, malgré tout. Je ne me repère qu’à l’empathie et j’ignore comment Ela ne trébuche pas à chaque fois qu’elle se relève pour aller vérifier un coin ou l’autre de la salle. Paranoïa de chasseuse de primes, souplesse et démarche féline de fille habituée à la vie à la dure depuis sa dégradation. Cette fois elle ne s’est pas relevée, cela dit. Elle reste assise sur son tas de gravats, sans qu’un seul ne se déloge de son emplacement pour rouler sur les autres. C’est tout juste si je perçois sa respiration, saccadée pourtant mais si bien tenue. Elle se méfie, se maintient, se contient.

Un chaton insouciant, un chien fou et une louve solitaire s’enferment dans un sous-sol, quelles suites espérer ?

- Tu ne dis rien. Quoi ?
- Vous, quoi !


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