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C'est l'histoire d'une croisière à priori paisible... || Feat Yamiche.


- « Salem, tu peux pas laisser le… URGH ! »

Ketsuno s’arrêta de parler. Devant ma mine décidée, il n’y avait rien à faire. Personne ne pouvait m’arrêter ! Il me fallait à tout prix des congés. Vider mon esprit. Ne plus penser au Léviathan. Ne plus considérer la veuve et l’orphelin pendant un certain temps. Prendre du temps pour moi et me ressourcer. Parce qu’il fallait avouer que je commençais à fatiguer et pas qu’un peu. Entre les attaques à répétitions des pirates et révolutionnaires et la reconstruction stressante du Léviathan, j’étais à bout. Depuis la mort de ma femme, je n’avais plus pris de vacances. Aucune. Je m’étais attelé à remplir mes fonctions comme un forcené, un bourreau du travail. Certes, il m’arrivait de m’amuser parfois comme un fou, mais ce genre d’écarts s’assimilait plus à des pauses qu’à de vrais congés. Vous n’imaginiez pas le nombre de coïts interrompus que j’avais essuyé, juste parce qu’un pirate et son équipage passaient vers Shell, comme par hasard. La galère, je vous dis pas. Du coup, c’est bien décidé à changer d’air que je faisais prestement mes valises sous le regard déconcerté de ma cousine qui ne comprenait rien à mon attitude du moment. Une décision sur un coup de tête, mais irrévocable. Personne n’aurait rien à y redire. Personne ! D'autant plus que j'avais cette permission.

- « Alors, tu as eu mon billet ? »

- « Oui oui… »


La cause de cette illumination était un bateau de croisière qui avait accosté au port de Shell Town. Grand, beau, qui pouvait contenir un millier de personnes, bref... Un vrai bijou maritime, si l’on excluait le Léviathan et les différentes avancées de la marine. Le « Costa Concordera » qu’il s’appelait, d’ailleurs. Un navire très chic que m’avait fait visiter le capitaine de bord dès le premier jour de leur arrivée, ce qui acheva de me conquérir et de me donner l’envie de m’évader. J’en avais donc informé mon père, supérieur direct, qui n’avait pas trouvé d’inconvénients à ce que je prenne du temps pour moi. L’homme avait même prévu d’envoyer un autre colonel me remplacer temporairement à la tête de la base de Shell. Mon remplaçant n’avait d’ailleurs pas tardé puisqu’il s’était pointé aujourd’hui même. Ce qui me permit de sauter sur mes valises, d’autant plus le Costa devait bientôt bouger. Une aubaine, hé ! « Fais voir le billet ! » Alors que je bouclais mon deuxième et dernier bagage, Ketsuno me tendit le billet non sans une moue désapprobatrice. A voir sa gueule, je pouvais comprendre qu’elle avait envie de m’accompagner. Mais si cette fille se trouvait trop près de moi, je pouvais dire adieu à ma tranquillité. A tous les coups…

- « T’en fais pas, j’ferais pas de bêtises. Et je reviendrais vite. C’est l’affaire d’une toute petite semaine ! »

Après m’être redressé, je pris son visage dans mes mains avant de lui bisouter affectueusement le front. Puis je m’emparai du billet, gros sourire aux lèvres. Il n’était pas évident de monter à bord d’un navire qui avait déjà effectué plus de la moitié de son parcours, mais le capitaine m’aimait tellement qu’il avait fait une entorse à ses règles. Et puis, en cas de pépin, un homme de ma trempe serait certainement le bienvenu, même si j’étais persuadé que tout allait bien se passer. Bien avant de déguerpir, je vins me positionner devant un miroir, sous l’œil interrogateur de ma lieutenante avant de faire pousser mes cheveux jusqu’à mes épaules, ainsi que ma barbe, jusqu’à recouvrir toute ma gorge. La magie du retour à la vie. Des lunettes de soleil sur mon visage et hop, j’étais méconnaissable. Un vrai vioque ! Je fis en sorte de me pencher un peu vers l’avant, d’avoir les épaules voutées, avant de prendre une canne épée, sourire aux lèvres. Personne ne pourrait se douter de qui j’étais, sauf le capitaine et son équipage bien entendu. Et puis, vu la manière dont j’étais fagoté (une salopette et la chemise à  pois qui allait avec) nul doute que personne ne voudrait m’approcher, ce qui allait m’arranger, car j’avais vraiment besoin de souffler !

« T’es un clown ! Un vrai con ! » Que m’avait dit Ketsuno avant de pouffer de rire.

- « Comme ça au moins, j’suis sûr qu’on me fera pas chier, nfufufu ! »


- « T’as intérêt… » Dit-elle en me lançant un regard super suspicieux. Le genre à me mettre à l’aise. Pour une fois que je ne prévoyais pas de faire le volage…



***



Quelques heures plus tard, le navire faisait sonner ses sirènes. Le départ était proche. Tous les vacanciers qui s’étaient amusés à faire du tourisme sur l’ile convergèrent vers le navire assez rapidement. Je m’étais glissé dans cette foule incognito avant de monter à bord du navire. Mes bagages avaient déjà été enregistrés et posés dans la cabine 69, d’après Ketsuno qui avait procédé à mon enregistrement et au transport de mes valises de la base jusqu’au Costa Concordera. Puis, lentement, le bateau quitta l’île de Shell pour une autre destination. Laquelle ? Je ne savais pas et à vrai dire, je m’en fichais. Calé sur un bastingage d’une des nombreuses terrasses/ponts du navire, j’observai Shell-Town s’éloigner petit à petit jusqu’à soupirer. L’un des marins du navire qui m’avait reconnu malgré mon déguisement se proposa de m’accompagner jusqu’à ma cabine. Mais alors que j’acceptai volontiers, je vis une gamine, de dos, avec une jupe courte qui moulait indécemment ce qui semblait être un gros cul prometteur. C’était pas mon genre, mais j’avais envie de jouer le role du vioque, à cheval sur les moeurs. Aussi m’étais-je approché silencieusement d’elle avant de lui foutre un gros coup de canne sur le cul, le tout sous les yeux ahuris de quelques passagers.

- « Tu n’as pas honte gamine ?! Oser porter une telle jupe à ton âge ! On voit quasiment tout ! »

Qu’avais-je dit d’un air sévère avant qu’un coup de vent ne vienne soulever sa jupe, dévoilant à la plupart des gens, sa petite culotte ! Coïncidence qui vint ajouter du poids à mes dires, au point que certaines personnes acquiescèrent. Je remuai alors la tête dans tous les sens, la mine faussement dépitée, avant de pointer un doigt mutin vers elle : « J’espère que t’habilleras plus décemment, sinon je toucherai un mot à tes parents, petite sotte ! Compris ?! » Sans même laisser le temps à la petite de réagir, je lui tournai le dos avant de m’engouffrer dans un couloir qui menait à l’intérieur du bateau, le tout sous des murmures et quelques applaudissements. En vérité, je venais de m’amuser à ma façon. Et je comptais faire un maximum de bêtises avec cette apparence, sans qu’on ne sache qui j’étais vraiment. Le marin qui avait voulu m’aider à retrouver mes quartiers, me rejoignit sous un fou rire. J’étais tenté de me marrer également, mais je préférai garder ma mine stoïque, d’autant plus qu’en passant entre certaines personnes, j’attirai le regard avec ma gueule pas nette et mon look à revoir. Si Tom avait vu ça, il se serait foutu de ma gueule à vie. De quoi me faire rire intérieurement, tout en continuant mon chemin comme si de rien était.
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ROUND I
La Nurse et Ses Petits Princes

[Yamiko - 17 ans]

Allongée sur un lit orné d'une literie tout en blanc immaculé, une jeune fille à la chevelure blanche ouvrit un œil pour fixer le plafond, l'air ailleurs. Elle resta dans cette position plusieurs secondes avant de se redresser pour attraper un cache-œil posé sur une table de nuit qu'elle revêtit ensuite au niveau de son œil droit qu'elle avait gardé fermé. Elle écarta le drap qui la couvrait pour révéler deux petites têtes blondes collées tout contre elle de chaque côté. Un sourire se dessina sur son visage voyant les deux enfants dormir toujours comme des marmottes. Dans cet état, ils avaient l'air des vrais petits anges mais elle savait que trop bien qu'en réalité ils étaient des réels diablotins. Décidée de laisser les petits roupiller encore un peu, la jeune borgne sortit du lit discrètement, après les avoir décollés avec précaution d'elle. Alors qu'elle remonta le drap pour les couvrir correctement, elle assista à une scène vraiment adorable qui lui arracha un sourire joyeux : les deux enfants se rapprochèrent l'un de l'autre pour combler le vide qui les séparait, tout en restant dans les bras de Morphée. Elle leur caressa délicatement la tête à tour de rôle avant de s'éclipser pour prendre une douche. Elle revint dans la pièce vêtue de ses accoutrements officiels du moment : une tenue de bonne de plus classique. La célèbre robe noire et son tablier blanc, sans oublier le serre-tête à dentelle dont la couleur fondait avec celle de ses cheveux. La robe, qui tombait jusqu'à ses pieds, était bien trop longue pour elle qui était habituée à avoir les jambes libres mais elle n'avait pas le choix. C'était le prix à payer pour ce voyage qu'elle comptait terminer sur l'île Shimotsuki.
La tenue de bonne:

Tout avait commencé il y a neuf jours sur Hinu Town. Pour passer le temps, elle avait feuilleté un magazine de voyage local et était tombée sur un article sur l'escale du bateau de croisière Costa Concordera sur l'île. Son œil s'était alors intéressé sur le parcours du navire et une halte avait attiré son attention : l'ile des sabreurs. Une destination qui ne l'avait pas intéressé dans l'immédiat mais une annonce tout en bas à droite de l'article l'avait convaincu de partir. Celle-ci portait sur le recrutement de femmes de chambre pour travailler à bord du paquebot. Une opportunité pour elle de partir donc gratuitement. Elle allait devoir travailler en échange du voyage mais là était une chose qui ne la dérangeait guère. Sans perdre de temps, la jeune borgne s'était rendue à l'adresse indiquée pour poser sa candidature mais malheureusement, elle était arrivée bien trop tard; les trois places proposées avaient été déjà prises. La femme qui l'avait reçue lui avait expliqué que, alors que le bateau faisait déjà vers Hinu Town, son capitaine avait contacté son agence de recrutement, qui était la plus grande de l'île, pour exprimer son besoin de trois femmes de chambre de plus à bord. À peine l'annonce avait été publiée que des jeunes filles, en quête d'évasion, avaient défilé dans l'établissement et en seulement une journée elle avait trouvé trois candidates idéales.

Cependant, deux jours plus tard, la femme de l'agence l'avait contacté pour lui proposer un autre moyen d'embarquer à bord. Une riche famille vivant à Hinu Town cherchait une nurse pour s'occuper de leurs jumeaux durant la croisière, car la nounou officielle des enfants était trop âgée pour le voyage, et elle lui paraissait être parfaite pour le poste lui avait-elle dit. La jeune chasseuse de primes avait hésité à accepter, au vu de ce qu'elle comptait faire : ne pas aller jusqu'au bout du voyage mais profiter de l'escale du bateau à Shimotsuki pour le déserter. Elle ne se s'était pas senti capable d'abandonner deux enfants tout en mettant leurs parents dans l'embarras. Mais son interlocutrice ne lui avait même pas laissé le temps de lui fournir une réponse qu'elle lui avait déclaré qu'elle était son dernier espoir. Le bateau allait arriver le lendemain mais aucune nourrice de profession ne souhaitait postuler. Elle ne lui avait pas caché la raison des refus qui était les caractères des enfants à garder. Comme la plupart des bambins nés avec une cuillère en argent dans la bouche, ils étaient insupportables semblait-il. Face à la détresse de la femme, qui craignait des représailles des parents si elle n'arrivait pas à les satisfaire, la jeune chasseuse de primes avait fini par accepter. Une fois de plus, son cœur trop généreux l'avait fait donc embarquer dans une aventure de force mais qui au final, elle avait fini par apprécier. Effectivement les jumeaux s'étaient révélés très odieux, surtout le garçon, mais sa personnalité calme et qui savait être patiente avec ses semblables, contrairement à d'autres choses, ainsi que son âme d'une mère poule, avaient triomphé des sales caractères des petits. Cela lui avait pris tout de même trois jours alors qu'habituellement, elle arrivait à dompter un enfant dès le premier jour. Rapidement, elle avait réussi à se faire apprécier des petits princes qui, depuis deux jours, ne souhaitaient même plus être séparés d'elle même les nuits. Face au caprice de leurs enfants, la gouvernante avait été invitée par les parents à dormir avec qu'eux dans leur cabine, délaissant ainsi, et sans regret, sa bien sobre chambre à bord.

C'était leur sixième jour de leur voyage et la jeune borgne commençait à apprécier réellement celui-ci, bien qu'elle n'était pas là pour se détendre mais pour travailler. Elle laissa une demi-heure s'écouler avant d'aller ouvrir l'hublot par où l'air frais matinal s'engouffra aussitôt. Elle savoura un instant la caresse de la douce brise sur son visage tout en inspirant profondément avant de se diriger vers le lit, sur le bord duquel elle posa son séant. Elle enleva brusquement le drap qui couvrait les jumeaux qui se mirent à bouger, sentant le froid les flatter.

- Margarèthe ! Sebastian ! C'est l'heure de se réveiller sinon c'est la fessée qui va tomber !
- Yamiko, tu parles trop fort ! Marmonna le garçon.
- Désolée mon petit prince. Dans ce cas, permettez-moi donc de vous chatouiller au lieu de parler. Elle exécuta ses paroles en chatouillant au niveau de la taille l'enfant qui se tordit dans tous les sens tout en rigolant.
- Moi aussi … moi aussi Yamiko ! Demanda la petite qui s'était réveillée.
- Vos désirs sont des ordres princesse Margarèthe. Elle chatouilla à son tour la petite.

La jeune fille cessa le jeu enfantin puis alla faire prendre leur douche aux jumeaux avant de les habiller avec des vêtements assortis, comme d'habitude. Ils adoraient se déguiser et aujourd'hui, ils avaient droit à des mignonnes tenues de marins. Alors que la femme de chambre frappait pour venir changer les draps du lit et nettoyer la cabine, la jeune borgne amena les enfants prendre leur petit déjeuner dans un des réfectoires du bateau. À la coutume, ils le prenaient avec leurs parents mais hier soir, ils avaient passé la nuit dans un hôtel de luxe à Shell Town, où le bateau faisait escale, laissant leurs enfants aux bons soins de leur nourrice à bord. Comme d'habitude, Yamiko resta à sa place, debout à plus d'un mètre de la table, s'apprêtant à exécuter le moindre ordre qu'on lui donnerait, telle une servante-modèle. Margarèthe se tourna vers elle et lui tendit un croissant.
Sebastian et Margarèthe:

- Margarèthe, on se tient correctement à table !
- Mais papa et maman ne sont pas là !
- Ce n'est pas une raison pour se comporter mal !
- Tu peux manger avec nous Yamiko ?
- Non Sebastian. Une servante ne peut pas manger avec des princes ou des princesses … Cessez donc de bavarder et finissez correctement votre petit déjeuner ! On va accueillir vos parents bientôt.

Les enfants exécutèrent et une fois qu'ils eussent terminé leur petit déjeuner, tous les trois se dirigèrent vers le pont inférieur pour accueillir les parents qui étaient parmi les premiers à remonter à bord. Ils profitèrent un peu des retrouvailles avec leurs jumeaux dans leur immense cabine, qui se trouvait au troisième niveau et juste à côté de celle qu'elle occupait avec les enfants, le temps de leur offrir des jouets de grande valeur, souvenirs de Shell Town, avant de s'éclipser à leurs activités habituelles à bord. La nurse et les enfants sortirent alors sur le pont. Le bateau avait déjà repris le large. Les mains sur les têtes des jumeaux qui regardaient les personnes qui s'activaient en contrebas à travers les barres du bastingage, la jeune borgne assista au spectacle avec eux, sans vraiment y prendre gout. Cependant quelques minutes plus tard, une scène attira son attention. De sa position, elle ne pouvait entendre ce qui se disait mais au vu du comportement de chaque protagoniste, un vieil homme semblait s'en prendre à une jeune fille habillée d'une courte jupe qui devait être le sujet de l'altercation. Alors que l'homme reprit son chemin, sous l'applaudissement des quelques spectateurs, la jeune fille partit en courant. Cette dernière semblait être au bord des larmes. Jugeant qu'il était temps d'amuser les petits, la gouvernante prit une petite main dans chacune des siennes puis, avec son prince et sa princesse, elle se dirigea vers le niveau inférieur pour aller rejoindre une des salles de jeux pour enfants à bord.

Alors qu'ils longeaient le couloir pour rejoindre l'ascenseur, il se retrouvèrent face au vieil homme qui était facilement reconnaissable, accompagné d'un marin. À la vue de l'homme à la canne, les jumeaux s'arrêtèrent, forçant la jeune fille à faire de même. Elle sentit leurs petits doigts se serrèrent plus fort autour des siens.

- Qu'est-ce qu'il y a mes chatons ?
- Le Monsieur … il fait trop peur !
- Comment vous pouvez dire cela mon petit prince alors que vous ne le connaissez même pas ! Ce n'est pas bien d'accuser une personne de la sorte.
- Je l'ai vu frapper une fille en bas avec sa canne !
- Moi aussi, je l'ai vu !
- Mais non, il jouait juste avec elle ! N'est-ce pas Monsieur ? Adressa-t-elle à l'homme, sujet de peur de ses petits princes …
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- « T’es sacrément jeune pour une gouvernante, toi… »

Sans même m’occuper une seule seconde des gamins qui disaient je ne sais quoi, je m’adressai directement à la jeune femme qui me faisait face. Jeune femme ? Disons une adolescente tout court. Ses gros seins que je lorgnai sans gênes ne me trompèrent pas du tout. Grand queutard devant l’éternel, je savais aisément faire la différence entre une adulte et une jeunette. Ceci étant dit, elle dégageait tout de même une certaine maturité. Un peu comme une personne qui avait déjà connu des champs de batailles. Son cache-œil renforçait également cette impression. Plus qu’une domestique donc, elle me faisait penser à une garde de corps camouflée. Fait qui ne serait pas déconnant compte tenu de la montée, de la recrudescence de la piraterie ces dernières années. D’ailleurs, les petits avaient des tronches de pourris gâtés. Leurs parents devaient être très riches pour pouvoir s’assurer un luxe pareil. Et tout d’un coup, l’idée de leur faire des crasses germa dans ma petite tête au point que j’eus un sourire. Le marin qui me suivit eut l’air de comprendre ce que j’avais en tête et voulut poliment me conduire à ma cabine, sauf que voilà, j’avais envie de me marrer. Etre de l’autre côté de la barrière sans exagérer, juste pour le fun de faire des crasses, des bêtises. Sur le coup, c’est moi qui faisais un peu le gamin, mais cette croisière aurait le mérite de casser ma routine.

- « Et si tu laissais les gosses pour passer du bon temps avec moi ? T’as de sacrées lolo… »


- « Non ! Elle viendra pas avec toi ! Méchant monsieur ! » Coupa le garçon.

- « Méchant, vilain et pas beau ! » Renchérit sa frangine.

- « Vous voulez une fessée, sales garnements ?! »

Qu’avais-je soudainement déclaré d’une voix caverneuse, tout en retirant mes lunettes noires pour qu’ils puissent bien voir ma mine patibulaire. De quoi les effrayer énormément, puisque les gamins retirèrent leur main de celles de la domestique pour prendre aussitôt la poudre d’escampette sous des cris et des pleurs. De vrais petits couards ! Moi à leur âge, je cassais la gueule des plus gros chiens de notre ile, et je faisais des nœuds avec des serpents, carrément. Le bon vieux temps quoi ! Toujours est-il qu’en me marrant je retins « la jeune femme » par ses épaules : « J’pourrais te payer bien plus, nfufufu ! T’as qu’à me retrouver à la cabine 69 ! » Après quoi, je la lâchai enfin pour suivre tranquillement le marin qui remuait sa tête de gauche à droite, pendant que je me bidonnais en tournoyant ma canne entre mes doigts. J’étais sûr et certain qu’elle allait se méprendre sur la nature de mon offre, héhé ! Ces vacances promettaient d’être intéressantes. Un lieu de repos et un défouloir, en même temps. Nul doute que j’allais me revigorer pleinement. Cependant, il fallait que je dose. Je n’avais pas non plus envie de me mettre à dos le capitaine de ce navire, sans quoi il me foutrait hors de son bateau à la prochaine ile. M’enfin, faire la morale à une jeune fille déjà dévergondée et effrayer des sales gosses, c’était trop rien ça. Que j’me disais.

Sauf que j’avais tout faux. Du moins, pour les bambins de la domestique. Parce qu’au même moment, ces pourris gâtés couraient un peu partout et provoquaient d’énormes dégâts. En voulant éviter leur course, un serveur avait perdu l’équilibre l’espace d’une seconde et renversa son plateau sur une femme un peu âgée d’une certaine prestance, qui elle, s’écroula au sol, lâchant ainsi la laisse de son caniche qui partit mordre la jambe d’un autre… Bref… On pourrait dire qu’il s’agissait d’un effet domino qui créa un gros bordel au sein d’une bonne partie du navire. Autant dire que je me serai marré si j’avais su tout ce que ma petite farce avait engendré comme bordel, mais bon, j’étais plutôt occupé à chercher ma cabine, moi. Sachant que plusieurs personnes avaient reconnu les gamins, nul doute que leur domestique allait passer un sale quart d’heure. Les deux gosses finirent par être essoufflés et s’arrêtèrent devant une chambre pour pleurer et se serrer l’un contre l’autre. En regardant autour d’eux, les mioches se rendirent compte qu’ils étaient isolés, perdus. C’est à ce moment qu’ils entendirent un bruit des plus inquiétants. Un peu comme un grognement. Instinctivement, ils tournèrent leurs têtes vers l’origine dudit grognement, avant d’apercevoir une ombre tout au fond du couloir dans lequel ils étaient.

Une ombre d’un gros clébard.

Le genre d’animal dont la cage n’a pas été bien fermé.

Le genre d’animal qui a réussi à se faufiler de la cale aménagée pour les animaux.

Nul doute qu'à cet instant précis, les enfants étaient en grand danger !

Pendant ce temps, à l’autre bout du bateau, j’avais enfin réussi à trouver ma cabine. Je remerciai le marin qui s’inclina poliment avant de s’éclipser, non sans m’avoir assuré qu’il serait personnellement à mon service pendant tout le trajet. Je fus étonné par sa proposition, mais je la balayai vite de mon esprit en me concluant qu’il s’agissait sans aucun doute d’un ordre de son capitaine. Un chic type, bienveillant, tout ça. Une fois à l’intérieur de ma cabine assez spacieuse, je me laissai tomber sur le lit et annulai les effets de mon pouvoir. En deux trois secondes, j’avais retrouvé la gueule du beau gosse de la marine, même si j’étais toujours aussi mal fringué. Puis j’eus un soupir de bien-être. C’était la première fois, hormis dans le cadre d’une mission, que je m’isolais comme ça. On aurait presque dit un ermite. Sauf que très vite, j’avais commencé à errer dans mes pensées en oubliant de verrouiller l’entrée de ma cabine. En regardant le plafond d’un air vague, je repensai à la jeune Cipher Pol qui était venue chambouler le quotidien de ma base. Elle était vraiment trop belle et la revoir ne serait certainement pas déconnant. J’avais donc dans l’intention de me renseigner sur l’itinéraire du navire et l’appeler pour savoir sa localisation. Une nouvelle rencontre avec elle ne serait certainement pas pour me déplaire. Bien longtemps que j’avais pas eu le béguin pour une femme.
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ROUND II
Infortune

Alors que la jeune borgne avait espéré que l’homme se comporterait en adulte responsable en rassurant les enfants effrayés par sa personne, ce fut le contraire qui se produisit. L’homme à la canne se montra pire qu’un enfant mal éduqué. Non seulement, il avait osé sortir des propos, qu’un adulte de son âge devrait s’abstenir de faire devant des enfants, il prit un malsain plaisir à effrayer encore plus ces derniers qui finirent par déguerpir en pleurant. Ne souhaitant pas se donner en scène et surtout ne pas répondre à la provocation bien puérile de l’inconnu, la nurse se retint l’envie de lui donner un coup de poing dans le visage, afin d’effacer cette expression amusée qui se peignait sur celui-ci, alors qu’il la retenait pour lui faire une proposition de plus déplacée. Elle n’arrivait pas à concevoir qu’on pouvait prendre du plaisir à effrayer des simples enfants sans défense.

N’accordant aucun regard aux deux hommes qui s’éloignaient, la nounou partit de l’autre côté, à la poursuite de ses princes qui avaient déjà disparu de sa vue. Son premier réflexe fut celui de vérifier leur cabine et celle des parents mais à sa grande déception ils n’étaient pas là. La panique commença alors à la gagner mais elle ne se laissa pas submerger par le sentiment néfaste. Retenant des deux mains, jusqu’à mi-cuisse sa robe, dont la longueur et l’abondance de tissus l’empêchaient de courir correctement, elle sillonna avec empressement les couloirs, faisant attention de ne bousculer personne. Plusieurs minutes s’étaient écoulées mais elle ne trouva aucune trace des enfants qui semblait avoir disparu définitivement dans les dédales de couloirs du navire. Sans perdre l’assurance, elle poursuivit la recherche. Alors qu’elle longeait un couloir, des cris au loin attirèrent son attention. Elle se dirigea aussitôt vers le lieu pour constater une scène chaotique qu’elle n’eut pas le temps de regarder en détail car elle vit au loin les enfants disparaître. Elle se fraya un passage à travers le désordre pour partir à leur poursuite et déboucha dans une allée perpendiculaire. Alors qu’elle regardait vers la droite, un grognement de chien vers la gauche attira son attention. Elle vit alors un chien se précipiter vers ses protégés accroupis et serrés l’un contre l’autre contre un mur. La jeune borgne mit toute la puissance qu’elle pouvait donner dans ses jambes dans sa course en direction des enfants alors que l’animal faisait de même de l’autre côté. À quelques mètres des petits, elle sauta dans le vide, les deux jambes partant vers l’avant pour aller réceptionner l’animal qui avait sauté presque au même temps qu’elle. Alors qu’elle se réceptionnait majestueusement sur ses pieds, le chien retomba, dans un cri de souffrance, sur le sol puis glissa sur plusieurs mètres avant que sa course ne s’arrêtât. Elle s’assura que le canidé était bien inerte avant de se mettre à genoux pour serrer dans chaque bras un enfant.

- Vous n’avez rien mes chatons ? Les enfants se collèrent contre elle tout en sanglotant et elle tenta de les rassurer en leur caressant délicatement les cheveux. C’est bon ! C’est terminé maintenant !

Pour les petits, tout était peut-être effectivement fini mais elle savait que pour elle, les ennuis ne faisaient que commencer. Appréhension qui se confirma assez tôt lorsqu’elle se retrouva avec une vieille femme très distinguée, malgré ses yeux rouges qui révélaient qu’elle avait longuement pleuré, d’un homme, que la jeune borgne supposa être le fils de la première, des deux parents qui l’employaient, du capitaine du bateau ainsi que ses deux princes dans une salle qui servait habituellement de lieu de détente aux voyageurs mais qui a été réquisitionnée pour la réunion. Tous étaient confortablement assis, sauf elle qui était restée debout dans un coin, à la vue de tous, telle une fautive qui attendait sa punition. Le capitaine ouvrit le débat.

- Je vous ai réuni car il s’est passé un incident impliquant ces deux enfants et la mort de l’animal de compagnie de Madame Richard ici présente. Il désigna la personne âgée. Il se trouve que son chien s’était échappé de ses mains suite aux bousculades provoquées par les enfants ici présents et il a été retrouvé inconscient dans un couloir et a fini par mourir d’hémorragie interne. Notre vétérinaire à bord a diagnostiqué que celui-ci avait reçu un coup qui lui a été fatal. Nous ignorons encore qui est le responsable de l’attaque mais il en résulte que Madame Richard demande réparation du dommage subi et la responsabilité de ses enfants est engagée dans cette affaire.
- Vous voulez que nous la dédommagions pour la mort d’un animal dont nos enfants ne sont point responsables ? Lança le père des supposés coupables.
- Pas responsable ? Répliqua l’homme qui accompagnait la vieille dame. Si vos enfants n’avaient pas couru par tout comme des furies nous n’en seraient pas là ! … Si vous les avez éduqués correctement, tout ceci ne serait pas arrivé !
- De quel droit osez-vous remettre en cause l’éducation de nos enfants ? Riposta la mère qui s’était levée brusquement de son fauteuil.
- C’est de ma faute ! … Tout est de ma faute ! Intervint la servante qui semblait avoir été oubliée. C’est moi qui a frappé le chien ! Tous la fixèrent d’un regard interrogateur auquel elle s’empressa de donner une réponse. Le chien allait attaquer Margarèthe et Sebastian alors je suis intervenue mais, croyez-moi, je n’avais aucune intention de faire du mal à l’animal ! Je suis sincèrement désolée. Je ne pensais qu’à secourir mes petits princes !

La nurse avait gardé la tête baissée, en guise de soumission totale face à sa culpabilité. Bien que sa voix n'avait pas tremblé, des larmes menaçaient de couler de son œil valide. Elle aurait pu continuer de se faire oublier dans son coin, laissant les autres s’accuser mais elle n’avait pas supporté de voir la scène de violence qui se déroulait par sa faute. S’il n’avait pas commis l’erreur de croire en la bonté d’un être qui en réalité n’en avait aucune, tout ceci ne serait pas arrivé. Elle se méprisait d’avoir espéré de l’aide de cet homme qui l’avait mise dans cette situation plus que délicate. Jamais elle n’aurait pensé qu’une simple erreur pourrait engendrer de telles conséquences. Face à sa détresse, la petite Margarèthe se précipita vers elle pour s’accrocher à une de ses jambes.

- Ce n’est pas la faute de Yamiko mais du vilain Monsieur ! Lança la petite fille au bord de larmes.
- Quel vilain Monsieur Margarèthe ?
- Celui qui a frappé la fille en bas avec sa canne !
- Mais de quoi elle parle Yamiko ?

La jeune borgne expliqua alors ce qui s’était passé ; de la scène avec la jeune fille en jupe courte sur le pont inférieur à l’attaque du chien dans le couloir et en omettant volontairement de reporter les propos indécents que l’homme lui avait sortis.

- Pourrais-tu nous décrire cet homme ?
- Je peux vous dire où le trouver. Il occupe la cabine numéro soixante-neuf.

Le capitaine afficha un air de celui-ci qui connaissait l’accusé mais il s’empressa d’envoyer un de ses hommes le chercher. La jeune borgne n’appréciait guère la tournure que prenaient les choses. La situation l’avait obligé à citer l’homme à la canne mais elle aurait souhaité ne pas l’impliquer dans cette histoire ; bien qu’il était en grande partie responsable de celle-ci. Rien qu’à l’idée de le revoir la faisait bouillir de rage, elle qui était pourtant si difficilement à mettre en colère. Elle ne supportait guère les êtres qui s’amusaient des malheurs des autres. À cause de cet homme, sa parfaite situation avait été chamboulée et elle était certaine qu’il ne manquerait pas de savourer son infortune …
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Quelques minutes plus tard…

- « Hohoho ! C’est une charmante communauté, hé ! Bien le bonjour ! »

Lorsque je débarquai enfin dans la salle improvisée pour cette réunion, j’eus un large sourire, au contraire des autres personnes déjà présentes qui se figèrent. Ce n’était non pas mon apparence temporaire qui les avait raidis -En effet, j’avais adopté une nouvelle fois mon horrible tronche avec les cheveux, la barbe etc-, mais bel et bien le petit emblème cousu sur la poche de la veste que j’avais porté : Celui du gouvernement Mondial. Aussitôt, la colère retomba plus ou moins pour faire place à la crainte. Ces gens-là savaient que le GM était l’organisation à ne pas emmerder. Si j’affichais un large sourire plutôt innocent dans le genre, intérieurement, je me marrais comme un débile. J’avais prévu ce coup pour ne pas qu’on me cherche trop de problèmes. Et puis, ça m’évitait de relever mon identité. Bonjour les groupies si ça se savait que j’étais dans le coin. D’ailleurs, j’avais failli faire sur moi, lorsque je vis le marin qui s’était proposé de me servir durant le trajet, débouler comme une furie dans ma cabine. Il eut heureusement le réflexe de fermer la porte derrière lui, avant de m’expliquer les problèmes qui m’attendaient, non sans m’avouer que celle qui m’avait vendu n’était autre que la bonniche borgne. Une marrante !

- « Alors alors, qu’est-ce qu’on attend de moi… ? »

Sur le coup, personne ne put répondre. Le capitaine, auparavant très inquiet, luttait fermement pour ne pas éclater de rire. Autant dire qu’il ne s’attendait pas du tout à ce que je me déguise de la sorte. Les parents des gosses, eux, se mirent à lancer des regards assassins à la jeune bonniche qui se tenait tout près de moi. Le GM ? Cette situation les dépassait. Ils ne pouvaient décemment plus se plaindre. Qui étaient-ils pour remettre en cause les agissements d’un gouvernemental ? Personne. Oui. Malgré leur richesse et tout, ils n’étaient rien du tout. Juste des cafards qui pouvaient se faire écrabouiller à tout moment. Pour les gosses, c’était pareil. La terreur se lisait encore sur leurs visages. Lorsque je le remarquai, j’eus un soupir. J’essayai de leur sourire et de leur faire un coucou de la main droite, mais ils se pelotonnèrent contre leurs parents, immédiatement. Rien que des pourris gâtés, franchement. J’avais été moi aussi un gosse, fils de riche, né avec une cuillère en argent dans la bouche, mais jamais je n’avais été si malpoli et couard en même temps ! Une histoire d’éducation qu’on dit. Et ce n’était pas faux. Mais de tout ce beau monde, les plus bizarres étaient la vieille chouette qui avait perdu son clébard et l’homme à ses côtés.

- « Bon ben… Si personne ne peut me dire ce qui se passe, je repa… »

- « Foutaises ! Vous ne bougerez pas d’ici ! »


L’homme aux côtés de la vieille dame accablée sort une arme de l’intérieur de sa veste. Malgré son élégance et son maintien, on pouvait voir sa mine complètement déformée par la colère. Il se mit à pointer son revolver vers moi, puis vers les enfants dans les bras de leurs parents horrifiés. Le capitaine voulut bouger, essayer de le désarmer, mais la vieille sorcière qui avaient les yeux rouges et les paupières gonflés, sortit elle aussi une arme à feu de son sac à main. Apparemment, ils étaient prêts à en découdre de la plus horrible des manières. Voilà une croisière qui commençait de fort belle manière pour ma part. C’est dans ces moments que je ressentais des regrets après mes conneries. J’eus donc un long soupir, tout en restant figé. De l’autre côté, les gosses avaient commencé à pleurer et les parents, affolés, me lançaient de temps à autre un regard suppliant. « Vous, le gouvernemental, fermez la porte d’entrée. Aucun marin ne doit intervenir ! » L’homme me donna un ordre clair, simple et précis. Intérieurement, je me marrais comme un vrai con. J’aurai pu les désarmer depuis bien longtemps, mais j’étais curieux de savoir ce qui allait se passer et comment l’affaire allait tourner. Aussi avais-je tranquillement obéi.

- « Hahahaha ! C’est notre veine, Mama ! Depuis le temps qu’on les suivait pour les dépouiller de leur trésor ! »

- « Oui, mon chou, mais ils ont tué mon chien ! Tout ça à cause de ces sales gamins et cette satanée bonniche ! »

- « T’en fais pas Mama ! Avec ce qu’on aura d’eux, on pourra te racheter tous les chiens que tu veux. »


Les parents écarquillèrent leurs yeux d’effroi. On aurait dit que leur crainte s’était exacerbée à l’entente du mot « trésor ». Je les observai minutieusement pendant quelques secondes, avant de tourner rapidement ma tête vers le capitaine qui glissait sa main vers l’une de ses poches. Il voulait tenter un truc, mais d’un clin d’œil, je l’ai dissuadé de faire n’importe quoi. De toute façon, même s’ils étaient armés, la logique voulait qu’ils ne tirent pas, sous peine de rameuter des marins qui défonceraient la porte et les neutraliseraient à coup sûr. Toutefois, malgré ce fait, il y a avait un élément qui faussait presque ladite logique : Les sentiments de la vieille dame. Si son abruti de fils comptait sur la pression et la peur qu’il infligeait à ceux qu’il voulait voler, la « mama » était à fleur de peau et pouvait faire une bêtise. Son chien semblait beaucoup compter pour elle qui semblait ne pas être prête à attendre bien longtemps pour faire feu. Du coup, c’est sourire aux lèvres que je me retournai de façon anodine vers la bonniche avec un regard qu’elle pouvait sans doute décoder. Le genre qui disait « Je vais te donner une chance de te racheter auprès de tes chers employés. » M’enfin, là encore, je ne faisais que supposer. Je pouvais me tromper…

- « Mon Dieu ! Madame, veuillez reconsidérer votre pos… »

- « TA GUEULE, CHIEN DU GOUVERNEMENT ! SI TU L’OUVRES ENCORE, JE TE TROUE LA GUEULE ! »


Et voilà. J’avais eu la réaction que j’espérais de l’un d’eux : Le jeune homme. Alors qu’il pointa son arme vers moi en me gueulant dessus, je feignis la crainte en levant mes bras en l’air et donc ma canne. Sauf que dans cette position, j’avais mimé un petit mouvement du poignet de sorte à faire bouger le bout de ma canne comme celle d’une épée. Comme un génie, je générai une légère lame d’air qui alla s’écraser au plafond, là même où l’immense lustre de la pièce était accroché. Inutile de vous dire que ledit lustre finit par tomber au beau milieu de la pièce avec fracas. Instinctivement, les parents, plutôt braves je dois l’avouer, protégèrent leurs enfants dans leurs bras. Le capitaine, lui aussi surpris par ce qui venait de se passer, se protégea le visage des nombreux éclats de verres qui fusèrent de partout. Une parfaite diversion, n’est-ce pas ? D’autant plus le fils avait protégé avec son corps, sa mama, recroquevillée sur elle-même. L’occasion parfaite pour les désarmer et les mettre hors d’état de nuire. Mais contrairement à ce qu’on pouvait penser, je n’avais pas bougé d’un pouce. Je profitai de la confusion totale pour faire pousser encore plus ma chevelure et ma barbe, de sorte à me protéger. Mais qu’en était-il de la bonniche ?

Allait-elle profiter de l’occasion pour redorer son image ?
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ROUND III
Cœur Meurtri

Lorsqu’il fit son entrée en scène, la jeune borgne plissa les sourcils d’exaspération voyant l’air suffisant de l’acteur. Décidément, l’homme à la canne avait le don de l’énerver, elle qui était pourtant, habituellement, si calme et gentille avec tout le monde. Il faut croire qu’entre eux, le courant ne passait point. L’homme semblait représenter tout ce qu’elle détestait chez un être et ce n’était pas à cause de son apparence plutôt repoussante, car elle n’était pas du genre à juger une personne de l’extérieur, mais l’aura qu’il dégageait se révélait être incompatible avec la sienne. Son outrecuidance l’exacerbait au plus haut point.

Lorsque ses employeurs la fixèrent d’un regard plein de blâme, parce que celui qu’elle avait désigné être le coupable de leur infortune s’avérait appartenir au Gouvernement Mondial, la jeune gouvernante baissa la tête en guise de culpabilité. À force d’avoir vu la même scène de soumission face à un gouvernemental, elle comprenait que trop bien ce que ressentait le couple. Mais contrairement à eux, elle ne tremblait pas face au statut de l’homme. Pour elle, il était comme tout le monde. Elle le mettait sur le même piédestal qu’une personne sans rang. Elle était un être qui respectait tous ses semblables sans distinction d’âge, ni de sexe, ni de position sociale. Elle accorderait la même estime à un roi qu’à son serviteur. Une déférence qu’elle n’hésiterait pas à destituer, si elle jugeait que la personne ne la méritait point et ce, peu importe qu’elle était un Amiral ou un simple soldat sans nom. Une attitude qui pourrait bien la conduire vers la mort mais si elle courberait l’échine face à un miséreux respectueux de ses semblables, jamais elle ne se prosternerait face à un roi trop arrogant.

Lorsque le gouvernemental fut menacé, la jeune borgne se surprit à espérer que l’agresseur appuierait sur la détente mais son expression changea aussitôt lorsque l’arme changea de direction, pour viser ses petits princes. Les doigts crispés sur son tablier, la nounou refoula son envie de se précipiter vers ses protégés horrifiés ; jugeant que son action pourrait très bien envenimer les choses. Comme plus tôt, elle semblait être oubliée. Une opportunité donc pour la jeune borgne de tenter de retourner la situation discrètement mais il était hors question pour elle d’agir sans avoir élaboré un plan fiable car le moindre faux pas pourrait empirer les circonstances.

Tout en restant discrète dans son coin, la jeune gouvernante guetta le moment opportun pour passer à l’action et ce fut l’homme à la canne qui lança le signal. Alors qu’elle se demandait ce qu’il allait entreprendre, un bruit venant du plafond l’alerta et à peine avait-elle levé la tête que le lustre se fracassa au milieu de la pièce. De ses bras, elle protégea son visage des débris possibles puis, alors que le chaos régnait toujours, elle se précipita vers les assaillants affalés sur le sol. Sans ménagement, elle écrasa la main de l’homme qui, contrairement à la mère, n’avait pas lâché prise son arme. Alors que l’homme poussa un cri de plainte, la jeune borgne prit l’arme de sa main meurtrie puis elle ramassa celle de la maternelle. Elle pointa ensuite les deux instruments ignobles vers les agresseurs maitrisés, tout en reculant vers le capitaine à qui elle tendit ensuite les deux armes à feu dont elle avait hâte de s'en débarrasser tant elle avait horreur de celles-ci.

- Tenez Capitaine, je vous laisse vous en occuper !

La jeune borgne se dirigea ensuite vers ses petits princes et leurs parents alors que le Capitaine s'approchait des deux neutralisés, les armes pointées en leur direction. Les enfants tentèrent de venir vers leur nounou mais les parents les retinrent. Une fois face aux parents, la jeune servante s'inclina bien bas tout en s'excusant.

- Je suis vraiment navrée pour ce désagrément Monsieur et Madame !

Alors qu'elle releva la tête, le père accueillit sa joue gauche par une gifle sans retenue. La frappe était telle que la tête de la jeune gouvernante pivota sur le côté. C'était la première gifle de sa vie mais étrangement elle n'en voulait pas au paternel. Elle comprenait tout à fait le sentiment de l'homme et de ce fait elle le pardonnait donc pour son acte que même ses défunts parents n'avaient jamais pourtant osé lui donner. Elle se disait même que c'était bien mérité.

- Tu es virée !

Trois mots qui eurent le même effet qu'une balle en plein cœur chez la jeune borgne qui resta figée sur place. Les parents se dirigèrent vers la sortie, forçant leurs enfants, en pleurs et qui ne cessaient de crier le nom de leur jeune nourrice tout en tendant leurs petits vers elle, à les suivre. La tête baissée, des larmes, qu'elle n'avait pas réussies à retenir cette fois-ci, ruisselèrent le long de la joue gauche de la jeune gouvernante délaissée. Ce n'était pas sa joue en feu qui était le sujet de sa lamentation mais son cœur meurtri. Elle n'arrivait pas à croire que tout se terminait ainsi …
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- « Ne t’en fais pas, je leur parlerai et tu retrouveras ton travail. En attendant, tu viens de nous sauver ! Et pour te montrer ma gratitude, je t’offre une cabine et tout ce qui va avec. Blablabla… »

Le capitaine s’était aussitôt précipité sur la jeune fille qui avait commencé à chialer pour la prendre dans ses bras et la réconforter comme il le pouvait. Un mal pour un bien, donc. Elle perdait son job, mais elle gagnait une croisière tous frais payés. Autour de nous, ça s’agitait. Les matelots avaient investi les lieux. De mon côté, j’avais le sourire aux lèvres en les regardant collés serrés comme ça. On aurait dit le papa et sa fifille, quelque chose dans le genre. Mais n’ayant plus grand-chose à faire ou à dire, je préférai me retirer tranquillement, au moment même où deux matelots menottaient la mama et son idiot de fils. Dehors, je vis les parents des gosses pleurer à chaudes larmes en tenant leurs rejetons. Ils avaient eu peur. Très peur. Et ils relâchaient la pression en se laissant aller dans ce couloir remplis de matelots qui passaient et qui repassaient. Finalement, mon petit doigt me dit qu’ils allaient finir par réengager la jeune borgne. L’ingratitude avait ses limites et de tels gens ne pouvaient décemment pas se passer d’une gouvernante, sans compter qu’en recruter en pleine mer, c’était tout bonnement impossible. L’albinos avait fait preuve d’un sang-froid énorme et elle semblait être promise à un bel avenir avec un tel potentiel. Suite à cette pensée, j’eus un gros sourire. Celui de l’officier marine qui jouait au recruteur occasionnellement.

Je finis par quitter les environs dans l’optique de me promener un peu. Après tout ce qui s’était passé, mieux valait attendre la nuit pour bien se reposer. Je me mis à penser à ce que je pouvais faire en attendant, avant qu’une personne ne me bouscule dans une allée. Ladite personne fit tomber un paquet et pesta avant de le ramasser en vitesse sans s’excuser de la bousculade qu’elle avait occasionnée. Un mec avec une mine assez patibulaire. Pas le genre classieux, précieux, gracieux. Pas le genre à pouvoir s’offrir une croisière sur un tel navire. Assez suspect donc. Comme l’intuition d’un colonel ne trompait que rarement, je me mis à la suivre de façon discrète. Cinq minutes plus tard et après avoir traversé plus de moitié du bateau, nous nous retrouvâmes au niveau des cales, des soutes, tout ce que vous voulez du genre. L’homme que je suivis à la trace regarda derrière lui une ou deux fois et s’engouffra dans une pièce. Par chance, l’imbécile ne referma pas totalement la porte derrière lui. Profitant de ce fait, je vins me poster tout juste devant l’entrebâillement avant d’observer ce qui se tramait dans la cale. Et quelle ne fut pas ma surprise de voir qu’il y avait du monde. Une cinquantaine d’hommes voire même un peu plus, et armés jusqu’aux dents. Des sabres de bonnes factures, des armes à feu basiques. Bref, la totale quoi…

J’aurai voulu rentrer et me faufiler derrière les grosses caisses qui parsemaient le coin, mais j’entendis des bruits de pas derrière moi. Je fus bien obligé d’aller me planquer quelque part, avant de voir un visage familier et pas des moindres. Celui du matelot qui me servait personnellement. Son visage n’avait rien de celui d’un mec particulièrement anxieux. C’était même le contraire. Il souriait comme un vrai salopard. Je n’eus même pas besoin d’attendre qu’il rentre dans ce vaste espace pour comprendre qu’il était de mèche avec tous ces gars armés. Lui eut le bon réflexe de fermer la porte derrière lui comme il faut. Une seconde plus tard, il eut un tonnerre d’applaudissements bref, avant que le silence ne se fasse. J’aurai pu débouler comme une furie dans cette cale pour me battre, mais ne sachant pas vraiment à qui j’avais affaire, je préférai abandonner cette idée, d’autant plus que je n’avais pas mon meitou avec moi. J’eus un lourd soupir avant de quitter les lieux avec discrétion. Même pas deux heures que je venais de découvrir quelque chose qui me faisait déjà regretter mon choix et mon empressement. Mais d’un autre côté, ma seule présence pourrait être salvatrice pour tous les passagers de ce navire. Je pensais faire part de ma trouvaille au capitaine, mais je préférai garder l’info pour moi. Il pouvait être de mèche, qui sait…

Restait plus qu’à savoir quand ils se mettraient réellement à bouger. Mais en attendant, je regagnai rapidement ma chambre.


Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Sam 05 Déc 2015, 13:13, édité 1 fois
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ROUND IV
Mauvaise Augure

Surprise par l’action inattendue du capitaine, la jeune borgne cessa de pleurer. La honte avait pris le dessus sur sa tristesse, tant elle trouvait la situation trop embarrassante. Pour tenter de la consoler, l’homme l’avait serré dans ses bras, l’obligeant à relever la tête qu’elle avait gardé baisser pour tenter de cacher sa faiblesse. Elle était bien consciente de sa trop forte sensibilité mais malgré les efforts qu’elle déployait pour ne pas succomber au sentiment néfaste, elle finissait toujours par s’apitoyer sur son sort. Elle se trouvait vraiment pathétique mais elle ne pouvait rien y faire.

Malgré l’envie qui la tenaillait, elle ne repoussa pas l'homme qui tentait de l'apaiser mais elle ne répondit pas à son étreinte. Elle se contenta de le laisser l’étreindre. Bien qu’elle était sujette aux larmes, elle n’était pas une enfant qui s'abandonnerait dans les bras du premier venu. Elle appréciait le geste bien veillant de l'homme mais si cela ne tenait qu’à elle, elle aurait préféré qu’on la laissait se lamenter toute seule dans son coin. Lorsque le capitaine se détacha enfin d’elle, telle une gamine, du revers de sa main droite, la jeune fille essuya les larmes qui souillaient sa joue gauche.

- Merci Capitaine et désolée pour le désagrément !

La jeune borgne accompagna ses mots d’une courbette de gratitude bien marquée avant de s’éclipser. Une fois dans le couloir, elle s’immobilisa quelques instants pour regarder les dos de ses petits princes et leurs parents, qui s’éloignaient puis d’un air morose, elle longea le chemin opposé. L’homme à la canne avait déjà disparu et elle espérait ne pas le recroiser car elle n’avait aucune envie de lui faire face. Non pas parce qu’elle ne désirait pas se sentir honteuse face à lui, car elle assumerait entièrement sa faiblesse en sa présence mais elle ne se sentait tout simplement pas en état de lui tenir tête. Elle n’avait aucune envie de parler et n’aspirait qu’à s’isoler. État qu’elle alla chercher à l’arrière du paquebot. Accoudée sur le bastingage, le regard perdu sur les remous de la mer dérangée par le passage du navire, la jeune borgne fit le vide dans sa tête. Dix minutes à peine s’étaient écoulées lorsqu’elle abandonna sa tentative d’évacuation de pensées négatives pour partir à la recherche du capitaine à qui il sollicita un service qui l’aiderait à mieux se vider l’esprit. Une sollicitation qui étonna fortement l’homme mais qu’il ne lui refusa point. Pour cause, c’était plutôt un service offert que réclamé.

Moins d’une heure plus tard, la jeune borgne se retrouva à servir dans le bar du casino du navire. Elle avait troqué sa tenue de bonne contre celle d’une serveuse. Un accoutrement qu’elle trouvait encore plus inconfortable que le premier ; bien que cette fois-ci, ses jambes n’étaient plus entièrement emprisonnées. La robe trop moulante, lui serait au niveau des hanches, les siennes étant assez bien marquées pour une fille de sa taille et les chaussures à talons aiguilles qu’on l’avait obligé à porter, pour être assortie avec les autres, ne lui convenaient guère. Bien qu’elle appréciait jouer à l’équilibriste, qui faisait d’ailleurs jadis partie de son métier, elle a toujours détesté ce genre de chaussure qu’elle trouvait fort inconfortable.

S’occuper était la meilleure façon pour la jeune borgne d’oublier ses soucis. Habituellement, elle était une hyper active mais lorsqu’elle n’allait pas bien, elle l’était encore plus, jusqu’à devenir presque une machine jamais à court d’énergie. Elle travailla jusqu’à la fermeture du casino, qui était à deux heures du matin. On l’avait juste remplacé, le temps qu’elle déjeune puis lors du diner. De nouveau vêtue de la tenue de nourrice, la jeune fille se rendit à sa nouvelle cabine qu’elle partageait avec cinq autres employées du navire. Pour économiser le peu d’espace, la pièce était équipée de trois lits superposés. Le lieu ne respirait point le confort de son ancienne chambre à bord mais elle ne se plaignait pas. Elle avait l’habitude de vivre dans un environnement rude et, bien qu’elle aurait préféré rester auprès de ses princes, elle se réjouissait de la perspective de pouvoir faire connaissance avec d’autres filles.

À son arrivée, ses affaires avaient été déposées sur le lit qui lui avait été attribué. Son regard, qui avait pourtant retrouvé sa lueur joviale habituelle, s’était alors assombri. Son espoir que les parents de ses princes lui accorderaient une seconde chance, venait de voler en éclats. Ils avaient sans doute déjà trouvé une autre personne pour s’occuper des jumeaux. Après tout, leur position sociale leur permettrait de relever avec facilité une employée du navire de sa fonction actuelle afin de l’affecter à leur service. Si ça se trouvait, elle avait surement remplacé la serveuse qui était devenue la nouvelle gouvernante de Margarèthe et Sebastian.

Après une douche, la jeune borgne tenta de dormir mais en vain. Le temps s’écoula et certaines filles ronflaient déjà mais elle n’arrivait pas à fermer l’œil. Elle se leva alors pour se vêtir de la nuisette, qu’elle avait pris la peine de porter lorsqu’elle avait dormi avec les jumeaux car habituellement, tout comme maintenant, elle ne dormait qu’avec le bas de ses sous-vêtements et ce, en été comme en hiver. Elle glissa ses pieds dans ses chaussures de chambre avant d’abandonner la cabine. Instinctivement, elle s’était dirigée vers le niveau supérieur, où se trouvait son ancienne cabine. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle ferait, une fois sa destination atteinte, mais elle se laissait tout simplement emporter par l’élan de son désir qui était celui de revoir ses princes.

Le paquebot qui n’était jamais entièrement plongé dans le noir, lui permettait de se déplacer avec aisance, malgré les quelques recoins qui restaient dans la pénombre. Arrivée au second niveau, des bruits des pas qui s’approchaient stoppèrent son élan. Surement des gardes qui faisaient la ronde, pensa la jeune borgne qui, ne désirant pas se faire surprendre à se promener ainsi à une heure aussi tardive, fit demi-tour pour aller se planquer contre le mur du couloir adjacent. Elle laissa les pas s’éloigner avant d’aller jeter un œil, discrètement, dans le corridor qu’empruntaient les promeneurs nocturnes. Il y avait là cinq hommes mais aucun ne portait l’uniforme de garde officiel du navire mais surtout ils semblaient tous armés. Trouvant la situation plus que suspecte, la jeune fille laissa les hommes bifurqués dans un couloir, avant de se précipiter à leur poursuite. Pour plus de discrétion, elle ôta ses chaussons d'intérieur puis évolua pieds nus à pas de ninja. Les hommes accédèrent au niveau supérieur et la jeune fille continua la filature, laissant toujours un couloir la séparer de ses cibles. Arrivée au troisième niveau, un coup d’œil discret dans le couloir lui permit de voir que les cinq mystérieux personnages s’étaient arrêtés devant la porte de la cabine des parents de ses princes. Planquée contre le pan d’un mur, sur la dernière marche de l’escalier, la jeune borgne se demanda quoi faire. Un second coup d’œil discret lui permit de constater que les hommes ne tentaient rien, c'était comme s’ils attendaient quelque chose mais quoi ? Un renfort ? Qu’on leur ouvre la porte ? … Quoi qu'ils attendaient, c’était pour commettre un méfait que l’âme justicière de la jeune borgne ne pouvait laisser se produire.

Après quelques secondes de réflexion et une prière à sa bonne étoile, la jeune fille laissa ses pantoufles sur une marche avant d’emprunter, l’air de rien, le couloir en direction des hommes. Elle se mit à frotter l’œil avant de simuler un bâillement tout en continuant son ascension tranquillement. La prenant pour une touriste qui avait du mal à dormir ou peut-être une somnambule, un des hommes cacha discrètement ses armes et invita les quatre autres à faire de même. D’un regard simulant un état à moitié ensommeillé, la jeune fille surveillait discrètement leurs gestes. Sa prédilection s’avérait juste : les hommes tenaient à rester discrets. Lui tirer dessus ne serait donc pas une brillante idée. Un des hommes vint à la rencontre de la jeune fille, alors qu’elle se trouvait à peine à plus de deux mètres de leur position.

- Vous allez où comme ça jeune fi … ?

Un violent coup de coude, renforcé par l'autre main, dans le ventre avait interrompu l’homme qui se plia en deux mais sa tête fut redresser aussitôt par un coup similaire au niveau de la mâchoire ; faisant sauter quelques dents accompagnées des bulles de sang. Sans prendre le temps d’admirer le résultat de son assaut imprévisible, dans l’enchainement, la jeune borgne avait dégainé le katana de sa victime avant de se précipiter vers les quatre hommes, restés devant la porte de la cabine. Trois pointèrent des armes à feu vers l’assaillante mais trop tard, elle avait déjà atteint leur position. Des enchainements qui démontraient son agilité d’une féline et sa dextérité au maniement de sabre, qui n'était certes pas parfaite mais d’un niveau bien au-dessus que celle de ses cibles, la jeune fille réussit sans mal à mettre à terre les trois hommes qui avaient tenté de l’éliminer avec leur arme à feu. Seulement le quatrième, qui paraissait plus réfléchi que ses compères, pointait à présent son arme à feu vers la jeune borgne qui n’avait pas réussi à l’atteindre à temps.

- Tirez donc ! Cela m’arrangerait que vous donniez l’alerte !
- Non mais t’es qui toi ?
- Moi ? Je suis une chasseuse de primes et ... vous êtes ma proie !

Tout en concluant ses paroles, d’un coup de pied bien maîtrisé au niveau de la main de l’homme, la jeune fille envoya valser l’arme de celui-ci qui glissa au loin sur le sol. Lorsque l’homme ramena sa tête, qui avait suivi la direction de son arme lâchée prise, la pointe de la lame souillée par le sang de ses camarades, mis en hors d'état de nuire, lui effleura le cou. Alors que les deux personnages se fixèrent un « commencez l’opération ! » s’échappa de la bouche d’un mini-escargophone phone que l’homme tenait caché dans sa ma gauche.

- Dites-moi ce que vous manigancez ?

La jeune borgne laissa écouler quelques secondes puis voyant que l’interrogé ne souhaitait pas parler, sans hésitation, elle planta la pointe du katana dans le pied gauche de celui-ci qui se mordit alors une lèvre pour ne pas laisser échapper un cri d'agonie. Signe qu’il ne tenait toujours pas à alarmer les occupants du navire. La jeune chasseuse de primes détestait devoir recourir à la torture mais malheureusement, là était le moyen le plus rapide pour forcer un être à faire des aveux. Elle remua le couteau dans la plaie mais l’homme garda les lèvres closes, alors que des larmes de souffrance ruisselèrent le long de ses joues. Une détermination qui suscita l’admiration de la jeune borgne mais elle avait besoin qu’il se confesse.

- Puisque vous ne semblez pas tenir à vos pieds alors laissez-moi donc vous délester de ceux-ci !

Elle retira la lame puis s’apprêta à faucher l’homme au niveau des cuisses.

- Attends ! Je vais tout te dire !

La déception se lisait dans le regard de la jeune fille, face à l’abandon de l’homme dont elle avait réellement admiré la résistance. En réalité, jamais elle n'aurait exécuté sa menace mais qui, grâce à son jeu d’actrice bien maîtrisé, avait porté son fruit.

Une fois que l’homme avait terminé sa confession, d’un violent coup de genou dans le ventre suivi d’une frappe bien contrôlé du tranchant de la main droite à l'arrière du cou, alors que la victime s’était pliée en deux, la jeune femme assomma l’homme à regret. Elle alla ensuite toquer discrètement à la porte de la cabine des parents des jumeaux mais aucune réponse de l’intérieur. Ne souhaitant pas réveiller les voisins, la jeune fille n’insista pas. Elle avait besoin d’informer le capitaine de la situation, dont la cabine se trouvait bien trop loin, mais ne connaissant pas son numéro de denden, elle avait donc espéré pouvoir compter sur l’aide des parents. Malheureusement, ceux-ci semblaient dormir profondément, avec insouciance, comme d’habitude. Ils avaient surement abusé de l’alcool avant de se coucher très tard comme à la coutume.

Un des fourreaux des assommés, équipé de sa lame, attaché solidement avec son support au niveau de la taille, une arme à feu, dont elle avait hésité à prendre, dans la main droite et le mini-escargophone de sa dernière victime dans la main gauche, la jeune borgne se dirigea vers la cabine numéro soixante neuf qu'occupait l'homme à la canne. S’il était réellement un gouvernemental, il devrait bien pouvoir l’aider à maîtriser la situation malgré son âge très avancé. Ces hauts gradés du Gouvernement Mondial, restaient des vrais monstres toute leur vie. La jeune femme espérait juste qu’elle réussirait à le réveiller mais elle n’avait pas de réel doute là-dessus. Elle pensait même que l’homme était déjà surement en train d’agir quelque part mais il valait mieux s’en assurer.

La jeune borgne tenait surement actuellement, la vie de plusieurs êtres ente ses mains. D’après la confession de l’homme plus tôt, plusieurs groupes, de cinq personnes, s’étaient placées devant les portes des cabines, occupées par des voyageurs appartenant à la haute société. Ils devaient attendre le signal donné via le mini-escargophone pour commencer à investir le lieu. L'opération consistait à maîtriser les occupants, dans la plus grande discrétion, puis prendre tous leurs objets de valeurs ; visant en premier le coffre-fort, dont était équipée chaque cabine des touristes aisés. Il fallait de nouveau attendre un autre signal pour sortir de la pièce. Une synchronisation nécessaire pour éviter des débordements et que la jeune borgne trouvait fort intelligente. Un bateau était en train de suivre discrètement le navire de croisière et attendait le feu vert, de celui qui menait l’opération à bord, pour aborder celui-ci, afin de récupérer les voleurs et leurs butins. Des hommes avaient été également dispersés pour aller maîtriser, discrètement, ceux qui pourraient contrecarrer leur plan. Le capitaine faisait sans doute partie de ceux-là mais la jeune femme n’en était pas sûre ...

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Pendant que je patientais tranquillement dans ma chambre en attendant que tous ces lascars fassent le pas en premier, l’on m’apporta mon diner en chambre. Une charmante serveuse, d’ailleurs. Qui me rappela très vite ma petite borgne au cul des plus rebondis qu’il m’ait été donné de voir un jour ! J’eus l’envie de la draguer et de la foutre dans mon lit, mais j’étais à peu près certain qu’elle risquait d’aller tout raconter à ses copines qui el raconteraient ça à des passagers du bateau et ainsi de suite… Jusqu’à ce que tout le monde sache que j’étais dans le coin. Pas très tentant. De ce fait, je me fis violence et la laissai partir, non sans accompagner son auguste fessier du regard qui rebondissait au moindre pas. Une vraie diva ! Halala ! Ces callipyges me tueraient un jour ! Je finis par rentrer dans ma cabine, une fois qu’elle eut disparue de mon champ de vision, avant de m’intéresser au menu du soir. Et quelle ne fut pas ma désillusion lorsque je me rendis compte qu’il n’y avait aucune viande. Aucune. Que de la merde en plus : Champignons, poissons à la forme douteuse, et surtout… AVOCATS ! Ce que je détestais de toute mon âme ! A croire qu’ils s’étaient trompés de clients ! J’aurai pu sauter de mon lit et faire le gouvernemental grincheux en allant me plaindre, mais j’avais carrément la flemme. Ce pourquoi je me laissai tomber sur le lit, avant de laisser vagabonder mon esprit ailleurs… Jusqu’à m’assoupir complètement.

- « … Pas de panique ! SURTOUT, PAS DE PANIQUE S’IL VOUS PLAIT ! »

Une voix criarde me réveilla soudainement. Et là encore, je fus surpris et pour cause : Ma cabine était plongée dans l’obscurité. Je grattai mes yeux comme un gamin, avant de bailler et de me lever en m’étirant. La journée n’avait pas forcément été harassante, mais je me sentais un peu fatigué, bizarrement. Ce ne fut que lorsque je voulus sortir que la même voix reprit parole. Elle était propagée par une sorte d’escargophone version haut-parleur dans tout le navire. Et cette voix-là n’était autre que celle de… « Tous nos générateurs ont quelques petits problèmes que nous allons régler dans une heure, au grand maximum ! Nos techniciens sont d’ailleurs à l’œuvre ! Pour plus de sécurité, nous vous demandons de rester dans vos cabines respectives, le temps que ces dysfonctionnements soient réglés. Ceci est la recommandation du capitaine lui-même qui est sur place pour superviser les réparations. » J’eus alors un sourire. Cette voix-là n’était autre que celle du marin qui m’avait reconnu et proposé ses services. Celui-là même que j’avais aperçu rentrer dans une cale pleine de brigands en tout genre. Lui et sa clique avaient commencé à bouger. Mais son modus operandi me confirmait deux choses : La première était qu’il voulait agir discrètement sans effusions de sang. Un voleur pro. Le deuxième point était tout simplement l’innocence du capitaine.

Je me mis alors à réfléchir, bien que le moment n’était pas opportun pour. Un pirate classique aurait fait dans le spectaculaire en perpétrant un carnage, tout bêtement. Mais il devait être confronté à deux gros problèmes : Le nombre de matelots… Et ma présence. Mais encore qu’il pensait que je ne me doutais de rien et qu’il fallait faire les choses en douceur pour ne pas éveiller mes soupçons. Le nombre de matelots était cependant une difficulté qu’il avait sans doute dû contourner en prenant en otage le capitaine à l’aide de quelques-uns de ses sbires. Les hommes du capitaine étaient donc obligés de rester sagement dans un coin ou même de participer au vol qui se préparait un peu partout. Il faut dire que le navire était bourré de riches et d’aristocrates en tout genre. Lui et ses gars allaient sans doute se remplir les poches. J’eus un soupir, suite à cette succession farfelue d’hypothèses. C’était tiré par les cheveux, mais ça se tenait. D’autant plus qu’en tournant en rond dans ma cabine et en passant devant le hublot, j’avais aperçu un navire suspect qui se tenait pas loin du notre, comme si de rien était. Le bougre avait même préparé sa fuite ! Un sacré gaillard ce petit ! Pas étonnant qu’il ait réussi à me reconnaitre/démasquer alors que je ne m’étais même pas encore présenté à quiconque comme étant le vrai colonel Fenyang. Il avait l’œil, de la jugeote, mais aussi du culot. M’enfin… Les traitres étaient presque tous pareils. Pas vraiment étonnant, somme toute.

- « Des vacances hein… ? Tu parles… »

En quelques secondes seulement, je repris mon physique originel. Celui du beau gosse bien foutu et tout. Vu que le navire était dans l’obscurité totale pour un bon moment, il n’y avait plus aucune raison que je me cache. Puis, pour me battre, j’étais mieux sous cette forme. Je portai un jeans, posai une chemise blanche sur mes épaules avec de simples sandales, avant de dégainer mon meitou. Le fait que les bandits aient immobilisés les passagers dans leurs chambres étaient une bonne chose. Ces derniers n’auraient pas à voir l’horreur qui allait suivre, car il n’était pas dit que j’allais faire preuve de clémence comme d’habitude. Malgré mon sourire, j’étais plutôt sur les nerfs. C’est d’ailleurs sous cet état d’esprit que j’ouvris la porte de ma chambre pour sortir. Et quelle ne fut pas ma surprise de voir un beau comité d’accueil devant ma porte. Un comité dont le chef n’était autre que cette serveuse qui m’avait envoyé mon repas tout à l’heure. De quoi m’arracher un air assez surpris et pas qu’un peu d’ailleurs. « Huhuhu… Mon p’tit doigt me disait que tu n’allais pas manger le plat que je t’ai apporté. Mais je suis étonnée que tu sois sur pieds, Fenyang. Même l’odeur aurait dû te neutraliser pour un bon bout de temps ! » Tout s’expliquait. L’assoupissement était dû à l’odeur des plats drogués. Et il y avait d’autres infiltrés dans le personnel de bord. Une affaire rondement bien menée. Tellement que j’eus un soupir. Ledit comité d’accueil n’était composé… Que de belles femmes !

- « Alors mon chou… Tu vas nous frapper ? Tu es pourtant gentil avec les jolies dames, non… ? »


L’affaire se corsait franchement. Parce qu’en effet, frapper des femmes, c’était pas vraiment mon truc. Sauf dans un lit. Quand elles le désiraient. Pour jouer, bien entendu. Mais je vous passe les détails. Pas le moment de s’égarer. Je me mis à grincer des dents. C’était vraiment pas de veine. Mais j’étais pas le seul dans la même merde. Au même moment, un bon groupe de gros bras attendaient la jeune borgne au tournant du chemin qu’elle empruntait. Ils étaient pas moins de dix à vouloir neutraliser celle qui venait contrecarrer une partie de leurs plans. Ceux qu’elle avait bastonné ne lui avaient pas tout dit, en plus de s’être relevés rapidement pour prévenir un autre groupe non loin de l’endroit qu’ils étaient censés piller. La tête pensante avait tout prévu et plus les secondes s’égrenaient et plus la situation s’envenimait. Pour ne rien arranger à la situation, le navire s’immobilisa complètement. La caravelle qui suivait s’approchait tout doucement. Bien sûr, je n’étais pas au courant de grand-chose. Encerclés par de jolies gonzesses armées de sabres et de fouets recouverts d’épines, j’avais mieux à faire. J’avais même deux solutions : Soit fuir, soir les assommer très rapidement et me diriger vers la cabine du capitaine situé au tout dernier niveau. Ça promettait une belle promenade de santé tout ça !  Ironie qui me fit sourire comme un con au point de provoquer la colère de l’une d’elle qui fit voler son fouet vers moi. Le plus dur commençait maintenant !
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ROUND V
Un Carnage Bien Lamentable

Alors que la jeune borgne longeait un couloir, le bateau tomba soudain dans la semi-obscurité. Seules étaient restées allumées des faibles lumières qui éclairaient tristement le dédale des couloirs du paquebot. Une luminosité qui permettait tout juste de localiser la position de ce dernier, tout en étant assez proche de celui-ci.

Stoppée, la jeune borgne se demanda ce qui se passait et une voix vint déchirer le silence et la pénombre, pour lui apporter la réponse à son questionnement. La dernière phrase attira particulièrement son attention. Recommandation du capitaine, hein ? Pourquoi donc le chef à bord, celui dont la voix rassurante était connue presque de tous, n'avait-il pas fait lui-même l'annonce avant de partir superviser les réparations ? Après tout, rassurer les passagers était l'un de ces devoirs. Malgré la gravité de la situation, le mensonge fit presque sourire la jeune fille. Sa gentillesse la faisait certes souvent passer pour une naïve mais elle était loin d'être bête. L'annonce captieuse lui aurait au moins permis de savoir quelque chose qui avait son importance : le capitaine n'était plus en liberté. La chasseuse de primes espéra profondément qu'il était au moins toujours en vie.

Après quelques secondes d'arrêt pour habituer son œil à la faible clarté, la jeune borgne abandonna sa position mais au détour d'un couloir, elle tomba presque nez à nez avec un groupe d'une dizaine d'hommes. La jeune fille recula rapidement alors que des sabres furent pointer dans sa direction.

Bordel ! Que font-ils là ? Se demanda la chasseuse de primes qui pensait qu'ils étaient tous cloitrés dans les cabines qu'ils devaient dépouiller, en attendant le signal les autorisant à en sortir.

Sa question eut une réponse rapidement alors que son regard se posa sur deux hommes qui étaient parmi le petit groupe qu'elle pensait avoir neutralisé totalement. Il semblerait qu'elle allait devoir à apprendre à frapper convenablement, de sorte à ne pas permettre à ses victimes de se relever aussi rapidement.

- Rends-toi sans discuter ! Recommanda celui qui semblait mener le petit groupe.

Son œil inquisiteur, permit à la jeune borgne de constater que certains de ses assaillants possédaient des armes à feu mais ils avaient préféré dégainer leurs sabres. Peut-être qu'ils ne veulent toujours pas alerter les passagers ! Après tout leur meneur en chef avait rassuré ces derniers afin qu'ils restent sagement dans leurs cabines respectives.

Ne désirant pas non plus sonner l'alarme, qui pourrait pousser ses assaillants à troquer leurs sabres contre les armes à feu, aggravant ainsi sa situation, mais aussi parce qu'elle ne tenait pas à faire sortir des passagers curieux de leurs cabines au risque de devenir des victimes des dommages collatéraux, tout doucement la jeune borgne déposa son arme à feu ainsi que l'escargot-phone sur le sol. Puis, la main droite s’apprêtant à dégainer le sabre qu’elle avait volé à l’une de ses victimes d'il y a peu de temps, elle chargea ses opposants qui pensaient qu’elle avait décidé d'abandonner toute résistance. Comprenant la sournoiserie, les hommes tentèrent de riposter mais la jeune fille était déjà sur eux. Ceux de devant tentèrent de reculer pour parer les coups de l’assaillante mais à cause de leurs camarades postés derrière eux, ils ne purent faire grand-chose. Ils réussirent juste à créer un bordel au sein du groupe qui manquait déjà cruellement de coordination. Une confusion qui créa des ouvertures pour la jeune borgne.

Dans une danse d’attaques et d’esquives sans répit, qui démontrait son agilité et souplesse d’une acrobate reconvertie en combattante, la jeune fille enchaina des coups d’épée auxquels elle ajoutait, de temps à autre, des coups de pied et genou bien maîtrisés pour ne laissait aucune opportunité à ses opposants de l’atteindre. Tactique qui se trouva pourtant contrecarrée par un homme à la carrure bien plus imposante que ses compères. Alors que la jeune borgne tentait de le faire plier par un coup de pied au niveau du ventre, celui-ci réussit à bloquer son membre, le tenant fermement à deux mains. La jeune borgne tira pour essayer de libérer sa jambe main en vain.

Des sourires malsains se dessinèrent sur les visages des ennemis qui étaient encore debout. Tout doucement, ils s’approchèrent alors qu’elle avait réussi à les disperser dans ses assauts.

- T’es fait comme un rat ! Lâcha celui qui commandait le groupe.

Les deux mains sur la poignée de son épée, l’homme chercha à l’empaler mais sa lame perça le vide alors que la cible, s’aidant de la force de ses abdominaux surentrainés, s’était pliée en deux pour s’agripper au cou de son geôlier tout en lui offrant un coup de boule au niveau du nez dans l’élan. Le colosse, à demi-assommé, lâcha prise la captive qui s’intercepta sur le sol alors que l’homme tituba vers l’arrière. Le « petit meneur », irrité, chercha de nouveau à l’embrocher. La jeune fille pivota sur le côté pour parer le coup puis, de sa main libre, elle attrapa dans l’élan un poignet de son assaillant et d’un violent coup de genou au niveau du thorax, elle l’envoya dans le néant alors, qu’entrainé vers l’avant, l’homme était sur le point de s’affaler. La victime m’émit aucun gémissement mais du sang coula de sa boucha alors que la jeune borgne la laissa choir sur le sol. Aussitôt, le géant qui avait retrouvé ses esprits, ramassa un sabre et tenta de faucher la jeune borgne mais qui se pencha alors à quatre vint dix degrés en arrière. La lame passa par-dessus son corps ramené à l'horizontale et lorsque celle-ci fut en dehors de portée de son corps, elle se releva rapidement, pivotant sur le côté dans l'élan pour asséner un violent coup de pied latéral au niveau du flanc de son agresseur qui vola avant de faire une glissade sur plusieurs mètres sur le sol du couloir.

- Sale garce !

Désespéré ou agacé ou peut-être les deux, un homme dégaina son arme à feu pour le pointer vers la jeune borgne.

- Le chef a dit pas d’arme à feu avant son feu vert !
- Calmes-toi Toto où tu auras à faire avec le patron !
- Si cette petite salope ne nous bute pas avant !
- Je ne vous tuerais pas si vous me laissez vous immobiliser gentiment ! Lâcha calmement la jeune borgne tout en ramassant un sabre qui trainait à côté d'un corps inerte. Je déteste la violence ! Poursuivit-elle, les deux mains à présent armées d’armes blanches.

Une vérité dont on pouvait se douter au vu de la situation. Elle détestait réellement la brutalité mais que le chemin qu'elle avait choisi d'emprunter l'obligeait à embrasser. Son objectif l'amenait à faire couler le sang et parfois même à prendre des vies. Choses qu'elle exécutait sans aucun plaisir.

- Tu te fous de nous ?

Le visage déformé par la colère, la main de l’homme tenant l’arme braquée sur la jeune fille se mit à trembler.

- Toto ! Insista un des camarades de l'exaspéré.

Après un gros effort pour calmer ses nerfs à vif, le dénommé Toto finit par ranger son arme à feu. Puis, lui et ses trois compagnons restants se jetèrent ensemble sur la jeune borgne qu’ils avaient encerclée. Les bras tendus de chaque côté, la jeune fille attendit que ses assaillants fussent à la portée de ses lames pour basculer le haut de son corps vers la droite puis elle effectua des tours fulgurants sur elle-même dans l'autre sens, déchiquetant les quatre hommes. Du sang gicla sur elle.

- Désolée, laissa échapper la jeune fille d’un ton navré tout en balayant du regard les corps étalés et ensanglantés.

Après s’être bien armée, sa nuisette, son faciès ainsi qu’une grande partie de son corps non couvert souillés par le sang des ennemis, la jeune borgne poursuivit son chemin en direction de la cabine soixante neuf.

Arrivée à destination, les sourcils de la jeune fille froncèrent de perplexité alors qu’elle assistait à une scène qu’elle avait du mal à saisir. Un homme était en train de parer, avec une réelle aisance, les assauts des femmes toutes vêtues des tenues du personnel du navire. Trois têtes lui étaient même familières.

C’est quoi ce bordel ? Qui était donc cet homme et pourquoi des employées à bord l’attaquaient mais surtout, pourquoi celui-ci se contentait d’esquiver alors qu’elle voyait clairement qu’il pouvait les mettre en hors d’état de nuire quand il le souhaitait ? D'autant plus qu’il était armé.

- Tient ! On a de la compagnie, lança une des femmes, voyant la spectatrice.
- Laissez, je m’en occupe, se proposa une des trois que la jeune borgne connaissait de vue.

Décidée à expédier rapidement les prochains combats qu’elle allait devoir mener parce qu’elle n’avait pas de temps à perdre dans un affrontement qui perdure, la jeune borgne tenait dans chaque main une arme à feu qu’elle avait ramassée sur ses précédentes victimes. Des outils qu’elle n’affectionnait guère mais qu’elle savait être plus expéditifs qu’un sabre.

- Qu’est-ce qui se passe ici ? Demanda la jeune borgne tout examinant le fouet que tenait la femme qui venait à sa rencontre.
- Il fait partie des méchants alors on cherche juste à le maitriser tout comme je vais le faire avec toi !

Tout en concluant ses propos, la non identifiée chercha à emprisonner la jeune borgne avec son fouet mais cette dernière, qui n'avait pas cessé de surveiller le comportement de celle qu'elle trouvait fort suspecte, intercepta le coup en balançant un bras dans la direction d'où venait le fouet. L'objet s'enroula autour de son membre, non sans une légère douleur, alors que de sa main libre, elle tira au niveau de l'épaule son agresseur qui venait de révéler son vrai visage. Elle avait ciblé le côté du bras qui était armé. La cible lâcha prise son fouet et d'un balancement, la jeune borgne libéra son bras.

- Bordel !
- La petite pute !

Abandonnant leur cible principale, d'autres femmes se précipitèrent sur la jeune borgne mais elle ne les laissa pas s'approcher en les tirant incessamment dessus avec ses deux armes à feu. Ne désirant pas tuer ses cibles, la chasseuse de primes chercha à éviter leurs points vitaux mais étant une bien piètre tireuse, elle envoya bien de projectiles dans le décor. Certaines volèrent même en direction de l'homme et ses propres assaillantes dont certaines furent toucher plus ou moins gravement. Au bout de quelques secondes, la jeune borgne fut obligée de reculer mais elle continua de harceler ses offenseurs. Après des nombreux coups de feu, elle finit par immobiliser ses cibles. Cependant, celles qui avaient réussi à s'échapper des balles perdues abandonnèrent l'inconnu, qu'elles avaient jugé moins dangereux que la médiocre tireuse, pour chercher à immobiliser cette dernière.

La chasseuse de primes tira trois coups, qui manquèrent leurs cibles, puis des clics des armes à feu vides se firent entendre. Une expression de victoire sur le faciès, ses assaillantes continuèrent de ruer vers elle. La chasseuse de primes laissa tomber les armes vides pour saisir, de derrière son dos, deux armes similaires de son arsenal coincé dans la sangle du support de son katana dérobé. Il y avait d'accrochées trois armes à feu en total. Voyant les deux nouvelles armes braquées vers elles, les assaillantes ralentirent mais il était trop tard, des nouveaux projectiles vinrent les assaillir l'une après l'autre. Après avoir gaspillé quelques balles supplémentaires, la jeune borgne réussit enfin à neutraliser l'armée des femelles.

Tout doucement et avec prudence, la jeune chasseuse de primes s'approcha de l'homme qui s'était contenté de regarder le spectacle loin d'être méritant qu'elle venait d'offrir. Elle évita de marcher sur les corps agonisants mais ses pieds nus se posèrent parfois dans les flaques de sang qui parsemaient à présent le sol.

Arrivée à une distance assez raisonnable de l'homme qu'elle n'arrivait pas à identifier, elle s'arrêta puis braqua une de ses armes à feu sur celui-ci.

- Qui êtes …
- Bordel ! Qu'est-ce …

Deux hommes, alertés par les coups de feu, étaient sortis d'une cabine pour constater ce qui se passait et regardaient à présent dans leur direction. Trois autres sortirent d'une cabine se trouvant du côté opposé.

- Merde ! Lâcha la jeune borgne tout en se précipitant dans la cabine numéro soixante neuf, qui était la plus proche, un bras tendu pour entraîner l'homme dans son élan, alors que des balles les manquèrent de peu.

La chasseuse de primes verrouilla la porte de la cabine avant de se concentrer de nouveau sur l'inconnu qu'elle avait entraîné avec elle par instinct, sans savoir s'il était un ennemi ou un allié. Un jour ses actes irréfléchis vont finir par lui coûter la vie mais elle avait le pressentiment que cet homme n'était pas une mauvaise personne. Par prudence, elle recula cependant pour rester à une bonne distance de celui-ci, s'apprêtant à l'accueillir avec ses armes à feu au moindre assaut puis elle examina un bref instant le haut de l'homme qu'elle avait souillé de sang dans la précipitation.

- Qui êtes-vous ? Finit-elle par demander alors que des bruits se firent entendre de derrière la porte.

Plus que l'identité de l'inconnu, la jeune borgne se demandait surtout où était passé l'homme à la canne qu'elle était venue chercher. Elle supposa que celui-ci était déjà parti contrecarrer le plan des voleurs à bord. Il ne lui restait plus qu'à le retrouver mais d'abord, il fallait sortir de cet endroit où elle s'était cloitrée peut-être impudemment …
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- « Heu… »

Je n’ai pas compris grand-chose. Enfin, je n’ai pas surtout compris comment la p’tite borgne était arrivée à mon niveau, avant de faire son show. Show qui avait failli me couter la vie, si, de mon côté, je ne m’étais pas évertué à dévier les balles qui filaient vers moi. Une vraie sauvageonne, cette gamine. On oublierait vite fait qu’elle était mignonne et bien foutue, très sérieusement. Malgré ma force, j’allais dorénavant faire gaffe aux meufs que j’allais draguer. Si j’étais partie plus loin dans mon p’tit jeu avec cette albinos, elle aurait pu me latter les couilles comme si de rien était. Effrayant. D’ailleurs, le plus flippant, c’est qu’elle avait presque buté les filles qui m’avaient initialement attaqué et qu’elle s’était enfermée avec moi dans ma cabine. Comme emmerde, on faisait pas mieux, j’vous jure. Sur le moment donc, je ne savais pas comment répondre à ses questions. Surtout qu’elle était prête à faire feu. Derrière la porte, on pouvait entendre des cris d’indignation, de peur et des bruits de pas qui soulignaient la fuite de tous les passagers curieux qui se hâtaient de rentrer dans leurs cabines et de s’y boucler à double tour. Dans cet étage, la psychose régnait déjà et elle n’allait pas tarder à se propager dans tout le navire. Au train où les choses évoluaient, il y allait avoir plusieurs victimes. Le mieux pour moi était d’agir vite. Vite et bien.

« T’es vraiment mignonne, toi… »


Après ma phrase flatteuse, de longues mèches de ma chevelure jaillirent de nulle part et s’enroulèrent autour des bras de la jeune femme pour l’immobiliser. A vrai dire, je les avais fait discrètement pousser, derrière mon dos, pour pouvoir la prendre par surprise, histoire d’éviter le maximum de dégâts. Une fois neutralisée, j’eus presque un ouf de soulagement : « Désolé gamine. J’ai rien contre toi, mais je préfère assurer mes arrières. » Un petit rire s’en suivit pour détendre un peu l’atmosphère, avant que je ne m’approche d’elle, jusqu’à plaquer mon torse contre ses boobs et la coincer contre la porte derrière elle. Je m’exposais à un coup de pied bien placé, mais je m’en fichais un peu. A cet instant précis, j’avais un regard presque intense, fiévreux et un sourire charmeur qui faisait généralement des ravages auprès de la gente féminine. Le moment ne s’y prêtait pas du tout, mais je levai une main vers son visage que je me mis à caresser. En quelques secondes seulement, j’venais d’oublier ma résolution concernant ma prudence. Mes doigts glissaient lentement sur les traits harmonieux de son visage et même sur ses lèvres pendant un bref instant. Puis, sans crier gare, je me penchai vers elle pour embrasser son front. En d’autres circonstances, j’aurai volontiers embobiné cette gamine pour lui apprendre la vie, mais le temps pressait.

- « Merci pour ton coup de main, gamine. »


Là-dessus, je déliai les liens qui ceignaient ses poignets, avant d’annuler les effets du retour à la vie pour retrouver une coupe de cheveux plus ou moins normale. En tout cas, elle était bien ébouriffée. Tranquillement alors, je me retournai vers l’intérieur de ma cabine, avant de commencer à fouiller mes tiroirs pour dégoter un escargophone portatif en lien direct avec la base de Shell-Town. Vu le bordel à venir et le navire suspect qui nous suivait, il n’y avait pas de temps à perdre. Mais à peine voulais-je lancer un appel qu’une voix retentit une nouvelle fois au sein de tout le navire : « Halala… Malheureusement pour vous, chers passagers, deux troubles-faits ont décidé de saboter mon SUBLIMISSIME PLAN, moi, le GRAND SENECA ! Mais nous avons l’avantage du nombre et nous avons des otages à foison dans tout le navire ! Tentez de faire de la résistance et nous les tuerons tous. Tous ! D’ailleurs, t’as intérêt à ramener ton cul fissa à la cabine du capitaine, colonel Fenyang. Sinon… » La voix s’éteignit. Puis le silence fut. Dans tout le bateau, ce devait être la stupeur. Beaucoup devaient ne pas avoir compris ce qui se passait et c’est en cela que la situation devenait assez inquiétante. Si les passagers dans leurs cabines, pour une raison ou pour une autre sortaient de leurs cabines, ils risquaient de se faire canarder gratuitement…

- « Ketsuno ? C’est Salem… On a un gros problème. Envoie-moi des hommes à ces coordonnées… »

Pendant que le cerveau de toute cette opération (Seneca, qu’il disait qu’il s’appelait) proférait ses menaces, j’avais déplié une carte d’East Blue sur mon lit et j’avais tracé des courbes selon mes propres estimations pour avoir une idée plus ou moins précise de l’endroit où nous nous trouvions. N’était pas navigateur qui voulait. Lorsque ce fut fait, je me redressai et je passai une main sur mon visage, las. Des vacances empoisonnées, ni plus, ni moins. En plus, j’avais sur les épaules, la vie de milliers de passagers. On ne pouvait pas être dans une merde aussi profonde que celle-ci. On pouvait pas faire pire, si vous voulez. « Tu dois avoir compris toi, non ? Je suis désolé. Le fameux gouvernemental qui t’a fait des crasses et qui t’a fait perdre ton boulot, c’était moi. Et tu dois deviner qui est le colonel dont il parle… » J’eus un sourire navré. Et j’étais vraiment désolé maintenant que j’étais à nu. Tout devait être parfaitement clair et limpide à ses yeux. Je voulus ouvrir la bouche pour lui dire je ne sais quoi, mais des coups de feu et des cris de détresse retentirent dans les différents étages/niveaux du bateau. Finalement, le carnage que j’avais tant redouté avait maintenant lieu. Plus de temps à perdre. Je fermai les yeux pendant un petit moment, puis les rouvris avant de marcher d’un pas décidé vers la jeune femme qui devait être abasourdie, choquée etc…

- « Je sais que ce que je vais te dire va te paraitre culotté, mais il faut que tu restes à l’abri. Je me charge de tout ici. J’en prends toute la responsabilité. Cependant, si tu penses que tu n’as pas à écouter mes ordres, va protéger les gamins que tu chérissais. Eux et eux seuls. »


Mes dires étaient un peu contradictoires, mais disons que j’anticipais sur ses différentes réactions à venir. Comment le gars qui lui avait fait des misères pouvait-il avoir le culot de lui donner des ordres ? N’importe qui se poserait cette question, qui par ailleurs, était plutôt légitime. Une fois à son niveau, je posai une main sur son épaule la plus proche, avant d’ouvrir la porte et sortir. Devant ma chambre, il n’y avait qu’une mare de sang. Tous les corps s’étaient volatilisés. Étonnant ! Dire que je les pensais déjà six pieds sous terre. Des dures à cuire, pour sûr. Mais dans leur fuite, ces filles avaient laissé des trainées de sang derrière elle. Il ne me restait plus qu’à les suivre et je tomberais surement sur quelque chose d’intéressant. Ou à la cabine où le dénommé Seneca m’attendait. D’ailleurs, en réfléchissant bien, je me disais que j’avais déjà entendu ce nom là quelque part. Ma mémoire me faisait défaut, ceci dit. La faute à la tension qui me taraudait plus ou moins. Dans ce genre de situation, la réflexion n’était pas de mise. Parmi tout le brouhaha et le chaos qui gagnaient le navire, je me faufilais précautionneusement entre les différents couloirs, tout en suivant toujours les traces de sang. Foncer tête baissée ne donnerait rien de bon. Question d’expérience. C’est en voulant prendre un couloir que je tombai sur une scène macabre. Des gars abattaient froidement les filles qui avaient réussi à progresser jusqu’à eux.

Ça devenait du n’importe quoi…

Et ça présageait vraiment rien de bon.
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ROUND VI
Silence Avant la Tempête

Mignonne ? La jeune fille se demanda si ce n’était pas une plaisanterie. Comment cet homme pouvait donc lui sortir une telle flatterie alors qu’elle était souillée par le sang de ses ennemis de la tête aux pieds ? Était-il donc un fétichiste du gore qui appréciait donc l’image plutôt macabre qu’elle offrait ?

La suite des choses semblaient confirmer l’idée car après l’avoir maîtrisée, avec une rapidité et aisance qui avait surpris la jeune fille, l’homme se mit à la toucher alors qu’elle se sentait souillée corps et âme. Un homme sain d’esprit éviterait plutôt tout contact avec elle.

Mais plus que la nature de l’acte ce fut l’entreprise en elle-même qui inquiéta la jeune fille.

Tentant de garder son sang-froid, elle essaya de se débattre mais le corps si viril qui compressait le sien, qui à côté semblait si frêle malgré ses formes plutôt généreuses pour son âge, ne lui offrit aucune possibilité de mouvement. Tout en se demandant si elle allait perdre sa pureté ici, la jeune fille se maudit intérieurement de s’être enfermée avec cet inconnu qui avait bien caché son jeu. La force écrasante qui émanait de son geôlier lui murmurait silencieusement qu’elle s’était fait avoir comme une idiote. L’homme aurait pu très bien s’en sortir de sa misère sans son aide. Elle se demanda d’ailleurs si la comédie avec les femmes en tenues des employées à bord n’était qu’une mascarade pour lui tendre un piège.

Un baiser inattendu sur son front désorienta complètement la jeune fille qui s’attendait plutôt à ce que l’homme lui déroberait ses lèvres qu’elle avait laissées à sa portée. Elle aurait pu très bien détourner le visage mais elle ne l’avait pas fait car elle ne souhaitait pas défiler face au regard lubrique qu’elle avait soutenu avec un semblant d’impassibilité. Cependant, elle s’était apprêtée à lui mordre les lèvres jusqu’au sang ou à lui couper la langue avec ses dents s’il avait osé lui voler un baiser.

Les paroles qui suivirent l’acte incompréhensible éclairèrent la jeune fille. Ce n’était qu’un simple geste pour la remercier.

Il aurait pu se contenter de me remercier tout simplement … Il est vraiment louche cet homme … Je devrais lui fausser compagnie pendant qu’il est occupé.

Une voix qui retentit à travers tout le paquebot coupa l’élan de la jeune borgne qui s’apprêtait à sortir discrètement.

Colonel Fenyang ?

La jeune femme fixa l’homme qui tenait à présent un escargot-phone. Le nom ne lui disait rien mais elle supposa que c’était de lui dont parlait cet orgueilleux Seneca. Du genre à ne pas suivre l’actualité de ce monde et à ne s’informer que sur des choses qui l’intéresseraient, elle était même incapable de reconnaître le nom d’un illustre amiral.

La jeune fille n’eut pas à attendre bien longtemps pour avoir la confirmation de sa supposition. Elle eut même droit à des informations supplémentaires qui lui donnait envie de donner un coup de poing sur le visage de ce Salem mais elle ne fit rien, non pas peur mais juste par politesse. Après tout, elle était une fille bien éduquée et non pas une sauvage incapable de se maîtriser.

Rester à l’abri ? … Non mais quel culot ! … J’ai risqué ma vie pendant qu’il jouait la comédie et il ose s’inquiéter de ma sécurité maintenant ? … Quel homme vraiment contradictoire celui-là !

- Faites attention à vous Colonel Fenyang, lâcha la jeune borgne d’un ton neutre alors que l’homme s’apprêtait à quitter la cabine.

La jeune fille attendit un moment avant d’abandonner le lieu à son tour. Après un rapide coup d’œil sur la mare de sang dénuée de corps dans le couloir, elle se dirigea vers la cabine de ses petits anges. Lieu qu’elle atteignit après avoir immobilisé quelques hommes avec ses deux armes à feu qui avaient fini par se vider.

Après avoir dégainé la dernière arme à feu qui lui restait, elle poussa la porte de la cabine qui, à son grand étonnement, n’était pas verrouillée. Au seuil de la porte, elle entendit des pleurs mais ne vit personne. Elle rangea alors son arme tout en se dirigeant vers l’endroit d’où provenait le larmoiement. Elle se baissa pour regarder sous le grand lit qu’elle avait partagé avec les jumeaux pour voir deux bouilles aux joues rouges et yeux humides.

- Alors ? On joue au cache-cache mes petits anges ? Demanda-t-elle avec le sourire.
- Ya … Yamiko ?
- Oui, c’est moi !

Les enfants glissèrent du dessous du lit pour se précipiter dans les bras de leur ancienne nourrisse sans faire attention au sang qui la souillait. Les petits continuèrent de pleurer et la jeune fille tenta de les rassurer en leur caressant tendrement la tête.

- Ça va aller maintenant ! … Je suis là !


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Après avoir nettoyé le sang qui avait maculé les enfants durant l'étreinte, la jeune borgne les délaissa le temps de prendre une douche. Elle se revêtit ensuite de cette robe de nurse qu'elle n'appréciait guère mais qui était le seul habit propre à sa taille à disposition dans la cabine. Quelques-unes étaient proprement pliées dans un placard qui, hier encore, était le sien.

Assise sur le lit, une main enfouit dans les cheveux blonds de chaque petite tête reposée sur chacune de ses jambes, la jeune borgne tendit les oreilles pour tenter de capter ce qui se passait dehors. Le calme régnait mais elle savait pertinemment que tout n’était pas terminé. La cabine des parents de ses petits princes, qui se trouvait juste à côté, était surement assiégée comme nombreuses autres et le Colonel Fenyang était surement en train de faire du tapage quelque part à l’heure actuelle.

Tout en caressant les têtes de ses petits anges, la jeune borgne pria pour qu’aucun innocent ne soit tué durant cette bataille. Les minutes se transformèrent en heure et les jumeaux, las d’avoir tant pleuré, avaient fini par s’endormir sur ses jambes. Tout doucement, elle se libéra des deux petits êtres qu’elle allongea correctement dans le lit avant de les couvrir délicatement. Comme d'habitude, les jumeaux se rapprochèrent l'un de l'autre dans leur sommeil. Une scène si attendrissante qui arracha un sourire à la jeune fille, oubliant un bref instant la situation bien délicate dans laquelle ils se trouvaient.

Après un baiser sur chaque front de ses petits anges endormis la jeune borgne alla ramasser l'arme à feu qu'elle avait cachée dans un coin pour la mettre dans la grande poche carrée de la robe noire, dissimulée sous le tablier. D'habitude, elle y glissait plutôt un ou deux mouchoirs pour essuyer les morves de ses petits et parfois un petit livre d'enfants pour une lecture dans un coin tranquille.

Des pas silencieux, la jeune fille se dirigea ensuite vers la sortie. Tout doucement, elle verrouilla la porte de l’extérieur puis glissa la clé dans sa poche, prenant soin de la glisser sous l'arme pour ne pas risquer de la faire tomber lorsque le moment de dégainer l'arme à feu viendra.

Après avoir inspiré puis expiré profondément pour se donner du courage pour aller affronter ce qui l'attendait, la nounou emprunta la direction vers la cabine du capitaine du navire. Ne désirant pas se faire prendre ni alerter une fois de plus les fouteurs de trouble, la jeune fille jetait un coup d'œil discret dans un couloir pour s'assurer qu'aucune vermine n'y était postée avant de s'y engager. Entreprise qui la faisait progresser bien lentement et de prime qui ne l'avait pas menée bien loin. En effet, alors qu'elle avançait tranquillement dans un couloir, deux hommes étaient sortis d'une cabine qu'elle venait à peine de dépasser.

- Halte ! Lâcha un ton assez rude.
- Désirez-vous quelque chose Messieurs ? Fit-elle avec un grand sourire qui se voulait innocent alors qu'elle s'était retournée pour faire face aux deux forbans.
- Retourne dans ta cabine !
- Navrée mais je dois m'entretenir avec Monsieur Seneca.
- Qu'est-ce que tu lui veux ?
- Je ne révèlerai ce que je sais qu'à Monsieur Seneca. Je peux juste vous dire que c'est à propos du colonel Fenyang. Les deux hommes se regardèrent. Amenez-moi auprès de lui et vous aurez une chance de l'arrêter ou bien arrêtez-moi ici et vous le regretterez !
- Tu nous menaces gamine ?
- Loin de moi cette idée. Je ne suis qu'une pauvre nurse qui essaie de se venger de son infortune … Je hais ce colonel Fenyang … Il m'a fait subir tellement d'humiliations et de souffrance … Parce qu'il a un statut bien plus important que le mien, il se croit alors tout permis ! La jeune borgne simula un visage déformé par la haine alors que ses poings s'étaient fermés pour marquer sa détermination. Par sa faute, j'ai perdu un œil … Je voudrais qu'il souffre autant que j'ai souffert … non, je voudrais qu'il meure et de mes propres mains si possible !

Amadoués par la comédie de la jeune fille qui était à son énième mensonge, les deux hommes menèrent l'actrice auprès de Seneca.

Bon ben, me voilà dans la merde une fois de plus ! J'aurais dû peut-être écouter ce colonel Fenyang et rester sagement à l'abri … Que faire maintenant ?

Seneca connaissait son identité. L'homme avait été témoin de ce que lui avait fait subir Salem déguisé en vieillard mais il ne serait surement pas dupe de ses mensonges, même si bien ficelés, comme ses sous-fifres.

Tout doucement, le trio s'approchait du lieu où se trouvait le meneur de cet assaut si bien orchestré. Plus ils approchaient, plus les couloirs étaient morbides. Pas un corps en vue mais du sang partout. Et ci là était les prémices d'un carnage qu'elle redoutait tant ? …
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- « Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? »

- « On aurait pu profiter de son cul, merde ! Depuis le temps que j’en rêvais ! »

- « T’es malade ou quoi ? T’as vu comment elle saignait ? Bon Dieu, mais qu’est-ce qu'on fout avec un équipier pareil ?! »


Deux gars du petit groupe qui avait abattu les meufs qui avaient lamentablement rampé au sol jusqu’à eux, se mirent à se chamailler comme des gosses. Puis ils se bidonnèrent comme des bossus. De vrais tarés ! Mais bien avant qu’ils ne puissent comprendre quoique ce soit, l’une des têtes des mecs vola carrément avant qu’un violent geyser de sang ne gicle sur chacun d’eux. Ils restèrent abasourdis pendant quelques secondes devant le corps sans tête, et dès que celui-ci chuta piteusement au sol, ils se mirent en garde, alertes. Sauf que c’était trop tard. En quelques instants, les têtes restantes firent pareilles. Mort rapide. Que des sous fifres. J’eus un soupir ennuyé en agitant mon épée dans le vide pour débarrasser la lame de tout ce sang impur. Ils n’étaient pas si forts que ça, définitivement. Si ça se trouvait, je pouvais finalement m’aventurer dans de nombreux couloirs pour en liquider une bonne centaine, avant de me diriger vers la cabine du capitaine. Le bateau se retrouverait dans un bordel sans nom, mais si c’était la seule solution pour sauver des vies, je n’avais plus à hésiter. Mais alors que je comptais reprendre la route, l’escargophone portatif de l’un des décapités sonna bruyamment. Je le récupérai, le décrochai et attendit que l’interlocuteur à l’autre bout du fil prenne en premier la parole, ce qui ne tarda point.

- « A toutes les unités. Revenez vers la cabine du capitaine ! Ordre de Seneca ! La priorité est Fenyang ! Nous devons l’éliminer d’un coup ! »


Eh bien… Voilà qui était intéressant. Après m’avoir invité là où il était, voilà qu’il me préparait un gros comité d’accueil. Il avait intérêt, en même temps. Il avait vraiment intérêt, tant je bouillonnais maintenant d’envie d’en découdre. Habituellement, je capturais les hors-la-loi vivants, mais là, j’allais faire une petite exception, car en plus d’avoir gâché mes vacances, il avait buté un bon nombre d’innocents. Cet ordre provoqua sans doute le repli de tous les forbans qui pillaient le bateau de fond en comble, car dès lors, les bruits de paniques et les cris de terreur s’évanouirent progressivement. Puis, la minute d’après, le calme fut presque absolue dans le navire. Continuer mon chemin comme ça, de manière hasardeuse me couterait cher. Ceci dit, le temps pressait et je n’avais tellement pas le choix. Si je ne grouillais pas, qui sait ce qui se passerait d’autre. Je me mis à réfléchir à une éventualité, lorsque mon regard vairon balaya le sol. Et là, une idée géniale me vint en tête. Sans me gêner, je dépouillai le plus gros cadavre (qui avait à peu près ma stature) de ses vêtements, avant de les revêtir. Pour finir, je rabattis l’espèce de capuche de son manteau sur ma tête, avant de récupérer son escargophone et de foncer vers le lieu de convergence des sous-fifres de Seneca. Si mes calculs étaient bons, je pourrai peut-être délivrer le capitaine et ses hommes…

Néanmoins, après avoir traversé deux trois couloirs sans encombres, je tombai sur une scène insolite…

- « Hoy gamine… Vu que tu kiffes pas Fenyang… On pourrait p’être s’amuser non ? On est du même bord après tout ! Tu pourras rencontrer Seneca juste après ! »


Le gars tout juste derrière Yamiko lui claqua une fesse avant de ricaner comme un p’tit con. L’autre, devant, se retourna lui aussi et afficha un gros sourire dégueulasse qui en disait long. Son ami venait d’avoir la meilleure idée du siècle. Mais alors qu’ils comptaient prendre en sandwich l’albinos pour profiter de ses formes plutôt envoutantes il fallait l’avouer, je m’étais avancé vers eux de façon bruyante de sorte à ce qu’ils me remarquent. D’abord méfiants (l’espace de quelques secondes) ils se remirent à rire comme des idiots. C’était sans compter cependant sur mon meitou que je dégainai silencieusement avant de les envoyer six pieds sous terre en les décapitant d’un seul coup. La manière de tuer rester la même, mais elle restait la plus rapide et surtout la plus sure. Eventrer, ce n’était pas trop mon fort. Poignarder non plus. « C’est moi qui t’accompagnerai à notre maitre, gamine. » J’aurai pu dévoiler mon identité en soulevant la capuche et tout, mais non. Si Yamiko savait qui j’étais, le plan risquait d’être foiré. De ce fait, j’usai de ma vitesse de loin supérieure à la sienne et je fis mon apparition tout juste derrière elle comme par magie, avant de me saisir fermement de ses deux bras que je tordis presque violemment derrière son dos comme pour bien la maintenir. Avec tout ce qu’elle m’avait montré, mieux valait ne pas prendre de risque.

- « Ces imbéciles allaient se laisser berner par ta joliesse, mais ce ne sera pas mon cas. Si tu oses quoique ce soit contre le maitre, ou contre moi, je te tuerai sans hésitations ! »


Bien entendu, j’avais quelque peu modifié le ton de ma voix en jouant sur mes cordes vocales à l’aide du retour à la vie. Mon intonation était semblable en tous points à celle du gars que j’imitais. J’avais eu la chance de l’entendre bavasser avant que je ne liquide lui et ses potes. Sans attendre trop longtemps, je fis en sorte de bien attraper les poignets de la gamine, avant de la forcer à avancer. Derrière, la vue n’était pas déplaisante. Pas pour rien que l’autre avait voulu la peloter. Mais l’heure n’était pas à ce genre de pensées. Il me fallait grouiller. Seneca risquait de perdre patience et c’est en cela que Yamiko, malgré la dangerosité de la situation, avait son importance. Si elle réussissait à le distraire pendant un petit moment, j’aurai le temps d’aviser. Du coup, c’est trois minutes plus tard que nous arrivâmes à destination. Autour de la cabine, il y avait un nombre monstre de forbans à la gueule patibulaire. Mais ils étaient tellement obnubilés par les bijoux et les billets qu’ils avaient dévalisé aux passagers qu’ils ne nous prêtaient pas attention. Seul celui qui faisait office de portier nous regarda d’un air suspect, mais ouvrit rapidement la porte pour nous laisser passer. Et là, nous fûmes dans un grand salon (Les cabines des capitaines comportent généralement plusieurs pièces) au milieu duquel trônaient Seneca et cinq personnes sur des divans : Ses lieutenants, sans doute.

Mais ils n’étaient pas les seuls : Dans un coin reculé de la pièce, était entassé une bonne partie des matelots, y compris leur capitaine. Tous ligotés comme de vulgaires animaux. C’était comme je l’avais pensé. Il les avait pris en otage…

- « Boss, je vous ramène une personne, qui semble-t-il, à quelque chose à vous dire. »


Et sur cette phrase, je poussai Yamiko vers le groupuscule où se trouvait le fameux Seneca. Celui-là même qui avait un cigare à la main et un gros sourire aux lèvres.
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ROUND VII
Creuser Sa Propre Tombe

Un claquement sur une de ses fesses fit sursauter la jeune fille. Face à la situation qui prenait une tournure qui ne lui plaisait guère, la jeune borgne était sur la défensive. Malgré son silence et sa placidité, elle était prête à castrer les hommes qui s’apprêtaient à toucher son corps immaculé mais un nouvel arrivant calma les excités d’une façon définitive et bien expéditive qui laissa la jeune fille dans la perplexité durant un cours instant.

- Heu … merci, finit-elle par lâcher une fois sortie de sa stupeur.

Elle n’approuvait guère cette façon de se débarrasser de ses propres camarades mais ils étaient ses ennemis alors ça l’arrangerait bien s’ils s’entretuaient.

Les poignets emprisonnés, la jeune nurse avança sagement et dans le silence total.


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- Quelque chose à me dire ? … T’as intérêt à ce que ça soit intéressant car j’ai horreur qu’on fasse perdre mon temps !
- C’est à propos du Colonel Fenyang … je sais où vous pouvez le trouver.
- Vraiment ? Seneca se redressa dans son fauteuil, un air sceptique sur le facies. Tu ne serais pas en train de me jouer un mauvais tour jeune fille . … Je te connais, t’es la nounou qui a perdu son taff à cause de Fenyang.
- Une raison pour que vous me croyiez. Je déteste cet homme alors j’aimerais vous aider à l’arrêter.

Seneca ricana.

- Tu veux nous aider, nous, ennemis du Gouvernement Mondial juste parce que tu veux te venger d’une petite escarmouche avec un Colonel de la Marine ? Tu ne penses pas que c’est un peu extrême ?
- Surement mais je suis du genre très rancunière … C’est à cause de cette facette de ma personnalité que j’ai perdu un œil mais je vous épargne les détails pour ne pas gaspiller votre précieux temps … Vous acceptez ma collaboration ?

Heureusement que les deux hommes à qui elle avait raconté le premier mensonge concernant la perte de son œil n’étaient plus là pour contredire le nouveau boniment.

- Déshabilles-toi !
- Pardon ?
- J’ai dit, déshabilles-toi !
- Je ne suis pas ve …
- Si tu veux collaborer avec moi, il va falloir que tu apprennes à m’obéir sans discuter. Si tu avais été un de mes subordonnés, je t’aurais déjà fait sauter ta petite tête alors une dernière fois, déshabilles-toi !
- Comme il vous plaira !

Prenant cela pour un test, tout doucement et avec assurance la jeune borgne se mit à défaire les nœuds de son tablier blanc qui finit sur le sol, risquant de faire découvrir l’arme à feu qu’elle avait glissée dans la poche de sa robe.

Je n’ai qu’à leur dire que c’est pour me protéger si jamais ils la découvrent.

Des doigts qui ne tremblaient guère, comme si elle avait l’habitude de se dévêtir devant autant de monde, la jeune nourrisse se mit à déboutonner sa robe. La pudeur lui était inconnue alors, bien que l’entreprise ne la réjouissait pas vraiment, celle-ci ne l’embarrassait pas tellement.

Des hommes ravalèrent leur salive, d’autres affichaient des regards ébahis alors que certains arboraient une expression bien perverse face à la naissance de la poitrine de la jeune fille qui se dévoilait. Elle n’avait pas de soutien-gorge car elle était sortie de sa cabine officielle, où toutes ses affaires personnelles avaient été ramenées après son renvoi en tant que gouvernante des jumeaux, en simple nuisette et une petite culotte. Elle avait donc tout simplement troqué sa robe de nuit souillée par la tenue de bonne à disposition dans la cabine de ses petits princes.

Un autre bouton fut libéré et on pouvait commencer à entrevoir les tétons de la jeune nurse qui garda son calme malgré la situation.

- Stop ! Rhabilles-toi ! Lâcha soudain Seneca.

La jeune fille se retint de laisser échapper un soupir de soulagement. Elle n’était pas pudique certes mais s’exposer telle une bête de foire n’était pas vraiment une de ses activités favorites.

Certains hommes ne purent s’empêcher de lâcher des soupirs de désenchantement alors que la jeune borgne se remit à reboutonner sa robe et bien plus rapidement que lorsqu’elle avait entrepris de la défaire. Comme elle l’avait espéré, toute cette mise en scène n’était qu’un test pour voir jusqu’où elle était prête à aller pour son souhait qui n’était en réalité qu’un pur mensonge.

- Que veux-tu en échange ? Reprit Seneca alors que la jeune nurse fermait le dernier bouton de sa robe.
- Votre silence sur ma coopération, que ni vous ni un de vos hommes ne tente de me toucher et que vous me laissez couper deux ou trois doigts à cet arrogant marine quand vous l’aurez arrêté !
- Ça fait beaucoup de choses dis-moi … mais soit ! Crache donc ce que tu as à dire.
- Fenyang se rendait à la salle des machines, pour tenter d’immobiliser le navire je suppose, quand j’ai entrepris de venir vous voir. Malgré le temps que vos hommes et vous-même m’avez fait perdre, je suppose qu’il y est toujours vu que le bateau continue d’avancer.
- Je te conseille de me parler sur un autre ton ! Laissa échapper Seneca d’un ton bien sévère. Comment es-tu au courant de ses déplacements ? Poursuivit ensuite le scélérat d’une voix plus calme.
- Parce que je le suivais afin de guetter un moment opportun pour lui faire de la misère.
- À une heure aussi tardive ?
- Quand on veut faire tomber un ennemi, il faut être prêt à le faire à n’importe quelle heure et puis la nuit est une très bonne alliée lorsqu’on veut être discret !
- T’es vraiment pas nette comme fille ! Je suis étonné qu’on t’ait confié la garde des enfants !
- Je ne suis pas une folle, si c’est que vous pensez Monsieur Seneca. J’adore les enfants. Jamais l’idée de leur faire du mal m’effleurerait l’esprit. Je ne nuis que les adultes qui me bousculent sans aucune raison … comme cet arrogant Colonel Fenyang.
- Oauis, tu ne tournes vraiment pas rond ! Je plains presque ce Colonel Fenyang d’avoir fait de toi son ennemie ! Conclut Seneca avant d’ordonner à une dizaine de ses hommes de se rendre dans la salle des machines du navire avant de reporter son attention sur sa nouvelle complice. J’espère pour toi que tu ne m’as pas raconté de conneries !


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Debout sagement dans un coin, où elle pouvait être surveillée, la jeune chasseuse de primes guetta discrètement les hommes postés ici et là ainsi que l’environnement. Le nombre des subordonnés avait quelque peu diminué mais ils étaient toujours bien trop nombreux pour qu’elle arrive à tous les maitriser.

Elle avait espéré que Seneca et ses plus gros bras se seraient déplacés pour aller intercepter le Colonel Fenyang mais il était évident que, malgré ses propos, l'instigateur ne lui faisait pas du tout confiance. Il était vrai que son histoire ne tenait pas vraiment debout mais elle était certainement qu'un être moins brillant aurait tout avalé.

On pouvait dire que son entreprise avait échoué. Il était donc temps de trouver un plan B et avant que l'escobarderie ne soit découverte.

Ne trouvant aucune issue qui ne se solderait pas par son lamentable échec, la jeune chasseuse de primes se mit à espérer que le Colonel Fenyang vint l'extirper de cette emmerde dans laquelle elle s'était foutue toute seule tout en se promettant de l'écouter la prochaine fois …


Dernière édition par Yamiko le Mer 16 Déc 2015, 20:44, édité 3 fois
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- « Je te l’avais dit non ? De rester sagement dans ton coin ou de protéger les gosses… »

J’avais repris le timbre normal de ma voix. Et ce changement avait interpellé Seneca et ses lieutenants. Ceux-ci se retournèrent vers moi alors que j’avançais tranquillement vers les otages comme si de rien était, non sans zyeuter la jeune albinos sur mon chemin. Son air déconfit était marrant. Et sa prestation avait été divine, même si je notais qu’elle devait encore m’en vouloir pour tout ce qui s’était passé depuis notre rencontre. « Eh toi ! Qu’est-ce que tu fous ?! » L’un des lieutenants se leva subitement. Il avait comme un certain flair, un septième sens pour voir venir de loin les coups de putes. Sous ma capuche, je riais dans ma barbe, même si je pouvais me marrer comme un salopard maintenant que rien ne pouvait m’arrêter. Alors qu’il comptait venir me barrer la route, le den-den de Seneca sonna. Ses hommes, très certainement. Ils avaient dû découvrir la supercherie de la jeune borgne. La brève communication éclaira la lanterne du leadeur et de ses hommes qui se levèrent aussitôt de concert. Mais trop tard… J’avais déjà dégainé ma lame que je brandissais au-dessus de ma tête, debout devant le capitaine du navire. On pouvait croire que j’allais le buter vu comment j’avais brassé l’air avec mon arme, mais je rompis juste ses liens…

- « Qu’est-ce que… »

- « J’aime beaucoup me déguiser vous savez, capitaine ! »

- « Colo… »

- « FENYAAAAAAAAAAAAAANG ! »


Seneca avait finalement rugi comme un beau diable. Vu que j’étais démasqué, je retirai ma capuche, avant de reprendre mon apparence initiale en faisant régresser la longueur de ma barbe et de ma chevelure. Le cap’ du navire s’évertua à détacher rapidement ses autres hommes, tandis que je me retournais vers notre ennemi du soir qui fulminait comme jamais. Il semblait avoir oublié que j’avais le pouvoir de me déguiser. Définitivement pratique ce pouvoir. « SALE PUTAIN ! T’ÉTAIS DE MÈCHE AVEC LUI HEIN ! » Cette fois-ci, Monsieur s’énerva pour de bon. Et la première qu’il invectiva était bien évidemment Yamiko. Pauvre gamine. Je faillis avoir un fou rire, mais la situation ne s’y prêtait pas vraiment, puisque l’un des hommes fonça immédiatement sur elle, lame dégainée. Mais compte toute attente, je m’interposai brillamment et parai son attaque d’un revers de mon épée. Un coup d’boule plus tard, l’homme roula sur plusieurs mètres et s’étala piteusement sur le sol. Les trois autres entouraient Seneca. Ils faisaient certainement gaffe à mes mouvements, d’autant plus que le capitaine avait maintenant fini de délivrer ses quelques matelots. Ces derniers étaient d’ailleurs très en colère. Il n’y avait qu’à voir leurs traits pour le comprendre.

- « Seneca, sale traitre ! »

- « HUBERT, ATTENDS ! »
Hurla le capitaine.

L’un des matelots du nom d’Hubert fonça rageusement vers Seneca, mais ce dernier sortit une arme à feu et abattit froidement son ex-collègue, le tout sous les yeux résignés de son supérieur. Les autres grognèrent, prêts à se ruer sur Seneca et ses trois sbires restants, mais je fis vite de les calmer en projetant soudainement une lame de vent bien sentie sur l’un des murs de la pièce qui explosa complètement, brisant alors la tension qui s’imposait tout doucement dans la pièce. L’attaque fit d’ailleurs des dégâts à l’extérieur, puisque les gravats avaient heurté un bon nombre de pirates qui se trouvaient de l’autre côté du coin. Le chemin était tout tracé et leur permettait de contourner Seneca et sa bande : « Il est temps de reprendre le contrôle du navire non ? » Ma phrase fut éloquente alors que je me tenais tout juste devant nos ennemis. Le capitaine baissa sa tête, ferma les yeux, me remercia mentalement et se rua vers le trou béant que j’avais créé, suivi par ses hommes. Il était temps que cette boucherie gratuite et incompréhensive cesse. Incompréhensive, car il y avait une chose qui m’échappait encore. Du moins, c’est ce que je pensais. Et mon intuition ne me trompait pas. Ce bordel sans queue ni tête avait un fond.

- « Tché ! Ce n’est qu’une question de temps ! Leno, poursuis-les ! Milo, relève-toi ! »


Alors que l’un d’eux, le dénommé Leno, comptait les poursuivre, mes cheveux poussèrent à une vitesse assez ahurissante et jaillirent sur lui comme des lianes. Les mèches réussirent à accrocher l’un de ses pieds de sorte à le faire chuter lourdement, avant de le tirer vers moi comme si de rien était. Le pauvre se débattit comme un beau diable, mais un coup d’estoc acheva de le calmer pour l’éternité. Devant tous les meurtres qu’ils avaient perpétrés, plus d’hésitation, plus de remords. Ils n’étaient plus que quatre contre moi et… l’albinos. Pouvait-elle se battre ? Je n’en étais pas sûr, mais rien n’indiquait qu’elle serait plus en sécurité dehors. Seneca qui s’énerva pointa son arme vers nous et fit feu à plusieurs reprises. Mais cette fois-ci, je bloquai habilement tous ses petits projectiles à l’aide du plat de ma lame, montrant par la même occasion la différence de niveau qu’il y avait entre nous. Mais qu’importe. Ils avaient l’avantage du nombre qu’il se disait. Ce pourquoi ses lieutenants et lui firent vite de nous encercler, de nous acculer vers un mur, avant qu’ils ne dégainent des épées en tous genres : Une rapière, un glaive, un sabre et un braquemart. Des épéistes accomplis, il faut croire. Là-dessus, Seneca se mit à ricaner et ne put s’empêcher de l’ouvrir :

- « On va en finir avec toi et on va mettre la main sur les parents des gamins que surveillaient cette pétasse ! Ils ont le trésor ! Pas question qu’ils s’échappent encore une fois, sinon que c’est sur moi que tout retombera ! »


Je haussai un sourcil devant cette déclaration, mais nos ennemis se ruèrent sur nous pour en découdre. Pas le temps de réfléchir. L’heure était à l’action.
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ROUND VIII
L'art de Mentir

Au son de la voix du Colonel Fenyang, qui lui était à présent bien familière, la jeune borgne se figea alors qu'une bouffée de chaleur d'un être qui venait d'être surprise la main dans le sac l'envahissait. Il avait tout entendu. Toutes ces mauvaises choses qu'elle avait sorties sur lui. Pour le coup, elle avait complètement oublié qu'elles n'étaient que des purs mensonges tant elle avait été surprise par la présence soudaine du gouvernemental.

Pendant que Fenyang se confrontait verbalement à Seneca, la fausse nourrice finit par se calmer peu à peu jusqu'à retrouver son état normal. Mais son calme, elle ne put le garder bien longtemps car un combat commença à éclater dans la pièce. La jeune fille, qui avait été démasquée, se retrouva assailli rapidement. Usant de son agilité d'ancienne acrobate reconvertie en combattante, elle réussit à éviter, plus ou moins difficilement, tous les coups qu'on lui portait. Sa dernière esquive l'amena à s'affaler sur le ventre sur une table, alors qu'elle tentait d'éviter un couteau qui volait dans sa direction. Un homme tenta de la trancher, alors qu'elle était toujours allongée, mais elle roula sur le côté pour tomber de l'autre côté de la table. Son assaillant se prit une lame de vent dans le dos et s'effondra sur le meuble à moitié écroulé alors que sa chute à elle fut amorti par un corps qui se réveilla soudain sous son poids. Celui-ci ouvrit les yeux alors que son visage se trouvait au niveau de la poitrine de l'affalée. Soudain ravivé, l'homme lui empoigna fermement les fesses puis, l'air bien heureux, il enfouit son visage contre la poitrine de la fausse nourrice. Irritée, la jeune borgne enfonça un majeur dans chaque oreille du vicieux puis, les autres doigts agrippés sans ménageant sur le pervers, de toutes ses forces elle repoussa la tête fouineuse. Sous la douleur, le libidineux finit par la lâcher prise tout en poussant un hurlement. La jeune borgne en profita pour rouler sur le côté et se relever rapidement. Elle fixa un court instant le dépravé avant de lui écraser violemment le ventre.

- Saleté de pervers !

Ses contre-attaques et esquives finirent par amener la jeune fille auprès du Colonel Fenyang.

- Vous ne savez vraiment pas faire dans la dentelle vous, lâcha-t-elle à l'attention du gouvernemental, tout en suivant du regard le Capitaine et ses hommes s'éloignaient. Il faudrait que je vous parle … enfin … si on s'en sort vivant de ce merdier.

Elle parlait plus pour elle que pour lui. Encerclée avec des armes braquées sur elle, la jeune fille doutait fort de s'en sortir indemne de la situation même avec le Colonel Fenyang à ses côtés. Ayant toujours combattu seule jusqu'à présent, elle n'avait pas vraiment l'esprit d'équipe. Présentement, elle comptait plus sur sa propre personne que sur le Colonel pour se soustraire de sa mauvaise posture.

La déclaration de Seneca surpris la fausse nurse. Elle se demanda s'il n'était pas en train de bluffer mais elle ne voyait pas vraiment pourquoi il leur mentirait. On pourrait croire que le vipérin tentait de la déstabiliser mais ce n'était pas très logique car elle n'était pas celle qui était la plus à craindre.

- Bon, ben … je compte sur vous Colonel Fenyang ! Fit discrètement la jeune fille.

Sans donner plus de précision sur ses intentions, la jeune borgne sortit l'arme à feu qui était restée bien calée au fond de sa poche pour la braquer sur Seneca. Le fielleux resta silencieux un moment avant d'éclater de rire.

- Tu comptes sérieusement tous nous buter ? … Ouvre donc les yeux petite … enfin l'œil … Crois-tu vraiment pouvoir gagner contre nous tous avec cette simple arme ?
- Gagner non mais t'amener avec moi dans la mort, oui … La pétasse que je suis est en réalité une chasseuse de primes et l'arme à feu est mon joujou alors je ferai rependre ta cervelle corrompue avant que toi ou un de tes hommes ne me bute !

Mensonge une fois de plus. Le Colonel Fenyang pouvait témoigner de la médiocrité de ses tirs mais ça, Seneca n'était pas sensé le savoir.

- Une chasseuse de primes hein ? Je savais que tu n'étais pas une fille ordinaire. … Je crois que je t'aime bien gamine alors collaborons donc pour de bon … Joins-toi à moi et je te promets de ne pas faire du mal ni à tes petits "princes" ni à leurs parents … Crois-moi, tu gagnerais bien plus en devenant une des nôtres qu'à risquer ta vie à chasser tes têtes.

Marché plutôt tentant mais elle préférait mourir que de s'allier à un être aussi abject.

Bon ! C'est quand tu veux le gouvernemental !

Finalement, elle se reposait entièrement sur l'aide de ce Fenyang dont elle guettait les contre-attaques pour passer à l'action. Elle pria pour qu'il agisse rapidement, avant que Seneca et ses hommes ne décident d'agir.

- Je suis devenue chasseuse de primes parce que j'aime l'argent alors ton marché est vraiment tentant mais qui me dit que tu n'es pas en train de me tendre un piège ? Poursuivit la jeune fille qui essayait toujours de gagner du temps …


Dernière édition par Yamiko le Mer 16 Déc 2015, 20:42, édité 2 fois
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- « Chasseuse de primes ? Oooh… »

Pourquoi avais-je eu un sourire aux lèvres à cet instant précis ? Sans doute parce que mon sang de recruteur et d’instructeur avait bouilli d’un seul coup. Je voyais bien cette gamine dans les rangs de la marine. Yamiko était assez gentille et force pour faire une bonne soldate de notre faction. Aucun doute là-dessus. J’eus un petit rire suite à mon exclamation qui retint l’attention de Seneca. Lorsqu’il se retourna vers moi, quelle ne fut pas sa surprise de voir que j’en avais déjà fini avec tous ses copains. Le sang coulait doucement le long de mon meitou déjà souillé. Je les avais décapités. Encore. Comme à mon habitude. Les remords n’existaient pas et arracher la tête de mes ennemis était la meilleure manière -et la plus rapide aussi- de s’assurer qu’ils étaient six pieds sous terre. Je devais ressembler à un vrai monstre à cet instant précis, puisqu’il eut un mouvement de recul avant de faire deux bonds en arrière. Et puis, il était tout seul maintenant le petit Seneca. Personne pour l’aider. Pas un chat. Quoique. Il aurait pu instiller un truc dans la tête de la petite. Si elle s’avérait être vénale, tout était perdu. Aussi la surveillais-je d’un coin de l’œil.

- « Rends-toi, Seneca. A l’heure actuelle, tes gars doivent prendre morfler… »


Et je n’étais pas loin de la vérité. Si ses hommes avaient buté un nombre incalculable de touristes dans ce grand navire, ils mordaient maintenant la poussière face aux marins qui se vengeaient comme ils se le devaient et qui reprenaient peu à peu le contrôle des lieux sous les ordres d’un capitaine excellent. Excellent mais sans doute meurtri par tout ce qui s’était passé. Cette croisière allait certainement être dans les gros titres en plus d’entacher la réputation de la compagnie. Il allait sans doute être viré, quelque chose de ce genre. Situation bien pénible ma foi. Et c’est en y pensant que je ne décolérais pas vraiment, même si mon visage ne le laissait pas forcément paraitre. Alors que j’étais prêt à décocher une lame de vent en direction de sa gueule, l’un de ses larbins débarqua à toute allure. Vu sa dégaine et sa mine effrayée, il devait être un p’tit peureux qui avait réussi à éviter les quelques marins qui investissaient tous les couloirs et recoins du bateau : « il… LE BOSS ARRIVE ! » Le boss arrive ? N’était-ce pas Seneca lui-même ? Mais qu’est-ce que c’était encore que ça ? Même pas le temps de bien y réfléchir, que…

BRAOOOOOOOOOOOOOOOOOOOUUUUUUUM !

Sans comprendre le pourquoi du comment, mon corps fit un vol plané d’une extrême vitesse pour aller heurter un mur avec fracas. Sans un mouvement reflexe de dernière seconde d’ailleurs, je me serai certainement empalé comme un con sur mon propre meitou que j’avais jeté au sol. Légèrement étourdi, je finis cependant par me lever en titubant et en tâtant mon visage. Une partie était totalement ensanglantée. J’avais l’arcade sourcilière ouverte, comme d’habitude. Je titubai un instant avant de me redresser complètement. Là, je ne pus dissimuler un râle de douleur. J’avais même la tête qui me faisait atrocement souffrir et la douleur que j’avais au niveau des hanches m’indiquait que je devais m’être pété une hanche, carrément. Alors que je fis un pas en avant dans tout le bordel autour de moi (Chaises et tables renversés, verres brisés au sol etc…), je sentis que le cadre était bizarre. Comme si l’atmosphère était tendue, bancale. Puis, un grand bruit sinistre s’en suivit et le bateau bougea d’une manière inquiétante. Ce que je ne savais pas, c’est que le galion qui le suivait de près était venu se heurter à notre embarcation. Un abordage…

- « Aaaaaargh ! Où il est, ce fils de pute ?! »

Malgré ma migraine atroce, je balayai la pièce sens dessus dessous du regard, mais plus de traces de Seneca. Il avait réussi à filer !


***


- « Mais… »

Alors que le capitaine et ses hommes pensaient que tout était terminé ou presque, ils ne purent que constater, impuissants, à l’abordage de nombreux pirates sur le pont le plus dégagé du navire. Ce n’était même plus un simple bordel. C’était un cauchemar sans fin. Ceux qui venaient de débarquer étaient au moins une centaine. Et vu leurs mines, autant dire qu’ils n’étaient pas des rigolos. Les hommes du navire auraient pu virer dans le désespoir, mais les pleurs et cris de détresses des rescapés les poussèrent à garder espoir, à raffermir leurs positions et à se tenir devant les pirates qui ricanaient devant toute cette bleusaille. Et puis, un énième combat éclata sur le pont du navire chancelant, dans une position précaire, menaçant de se renverser à tout moment. Dans tout ce chaos, un dernier personnage descendit du galion ennemi. Il était immense. Plus de sept mètres carrément, le crâne chauve, la barbe hirsute, la mine patibulaire, vêtu en peaux de bêtes et armée d’une lourde hallebarde. Un vrai colosse. Sans doute le « boss » des forbans. A sa vue, le capitaine blêmit, mais se présenta devant lui avec courage pour le défier.

- « Oh ? T’es le capitaine du coin ? Va me chercher Seneca. Il m’a promis un truc. Allez, va… Si tu veux pas mourir, bwéhéhéhéhéhé ! »

Sho-Pin, capitaine pirate à 20 millions, l’une des terreurs de West Blue est dans la place.
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ROUND IX
Pour la Justice

Alors que la jeune borgne attendait un quelconque signal venant du Colonel Fenyang pour passer à l'action, bien qu'elle était prête à appuyer sur la détente prématurément si besoin, qu'elle ne fut pas sa surprise lorsque du sang gicla sur elle alors que les hommes qui les encerclaient tombèrent les uns après les autres, les têtes détachées de leurs corps. Si elle n'était pas un être habitué à voir du sang, la scène bien macabre qui s'offrait à son regard aurait pu très bien la plonger dans un traumatisme.

C'était bien la peine que je me change tiens !

Gardant l'arme à feu braquée sur Seneca d'une main, du revers de l'autre, la fausse nourrice essuya le sang qui avait éclaboussé sa joue. Elle aurait bien pesté contre le gouvernemental, qui ne semblait vraiment pas savoir faire dans la délicatesse, mais l'heure n'était pas aux enfantillages. Malgré son côté enfantin, elle se montrait toujours sérieuse sur un champ de bataille. Qualité qu'avait reconnue son ancienne sensei, la princesse Sania Al-Jawhara, à qui elle devait tout ce qu'elle avait appris. Elle reconnaissait avoir encore du chemin à faire, avant de devenir la femme forte qu'elle souhaitait devenir, mais les bases apprises avec Sania lui avaient au moins permis de rester en vie jusqu'à présent. Elle était certaine d'être parmi les cadavres, qui parsemaient actuellement le navire, si elle ne savait pas un minimum se battre.

Profitant que toute l'attention de Seneca était portée sur Fenyang, la jeune fille tenta de lui loger une balle dans une épaule car, contrairement au gouvernemental, elle ne désirait tuer personne. Pour beaucoup, là était sans doute une faiblesse mais on lui avait inculqué qu'il n'y avait aucune fierté à voir d'ôter la vie d'un être, même si c'était le diable en personne. Sania lui avait appris à maitriser ses ennemis et non pas à les tuer. Elle reconnaissait ne pas avoir le talent de la princesse dans la maitrise des techniques car la plupart de ses ennemis finissaient toujours par se relever, ce qui envenimait bien souvent sa situation, mais elle comptait bien s'améliorer pour ne plus laisser aucun adversaire se relever sans leur ôter la vie.

La jeune borgne n'avait pas encore appuyé sur la détente qu'un homme, paniqué, fit soudain irruption pour faire une annonce de plus déconcertante.

Quoi ? Ce n'est pas Seneca le boss !?

Une grande secousse coupa court les pensées de la jeune fille alors que son corps se fit projeter violemment. Lâchant prise l'arme à feu, elle glissa sur le sol avant d'être arrêtée avec fracas par le pied d'une table qui avait glissé jusqu'à un mur. Son ventre avait servi d'amortisseur et la douleur fut telle que celle-ci lui arracha un cri d'agonie. À demi-inconsciente, elle resta recroquevillée sur le sol, les mains portées à son ventre endolori.

Elle serait restée dans cette position de faiblesse si la voix enragée du Colonel Fenyang ne l'avait pas ramené à la réalité. Soudain, oubliant sa propre infortune, elle pensa à ses petits princes. Étaient-ils blessés ? Dormaient-ils toujours ? Elle l'espérait bien car elle n'osait pas imaginer leur panique sans elle à leurs côtés. Mais ce qui inquiétait le plus la nounou était que les parents des petits semblaient être en possession de ce que cherchaient Seneca et sa bande. La jeune chasseuse de primes se demanda de quoi il s'agissait car, mis à part des bijoux de valeur et de l'argent, comme on pouvait en trouver chez tous les passagers aisés à bord de ce paquebot, elle ne voyait pas du tout ce que ça pourrait bien être. En tout cas, cette chose devait avoir une très grande valeur pour qu'une armée de malfrats investisse un bateau de croisière pour mettre la main dessus. Chose qui ne la rassurait pas du tout car ses petits princes pourraient bien être pris en otages par ceux qui convoitaient le mystérieux trésor de leurs parents. Le désir d'être à leurs côtés pour les protéger l'amena alors à se relever.

Difficilement la jeune borgne se releva puis, une main toujours apposée sur son ventre, pour en soulager l'élancement, tout doucement et avec difficulté elle s'avança. À moitié fléchie, elle fit une halte aux côtés du Colonel Fenyang.

- Vous pissez le sang Colonel ! … Bon, je vous laisse trouver l'infirmerie tout seul comme un grand car j'ai à faire … Tâchez de ne pas clamser ! Ajouta-t-elle tout en reprenant, toujours aussi péniblement, son chemin.

Même en piteux état, elle ne pouvait s'empêcher de sortir des âneries mais par cet acte plutôt enfantin, elle ne cherchait qu'à détendre un peu l'atmosphère à sa manière. Le Colonel Fenyang pouvait la trouver bien familière mais la jeune borgne, bien que respectueuse, était le genre à parler comme elle l'entendait à qui elle souhaitait et jamais la hiérarchique n'a été une entrave à cette facette de sa personnalité. Les Al-Jawhara pouvaient témoigner de sa privauté.

Rasant le mur avec une épaule, elle s'avança tout doucement mais surement. Elle longea des couloirs parsemés des corps inertes ou en anagogie. Elle se demanda si elle n'était pas en enfer. Face au paysage affligeant qui défilait à son regard, des larmes finirent par brouiller sa vision. Le carnage qu'elle avait tant redouté avait fini par avoir lieu et elle se maudissait de n'avoir pu l'empêcher. Elle savait pertinemment qu'elle n'était pas assez forte pour prétendre à cette prétention mais son âme justicière ne pouvait s'empêcher de désirer l'impossible.

Ses pas finirent par l'amener sur un pont où le combat faisait rage. Des pauvres marins et quelques malheureux touristes tentaient de tenir tête aux pirates qui s'étaient fraîchement invités à bord pour s'adonner au carnage. Une scène qui lui rappela un douloureux passé : le massacre de sa troupe de cirque, de sa grande famille. Événement qu'elle ne désirait pas revivre.

Le désespoir laissa place à la colère qui se transforma en rage de vaincre. Une lueur combative dans le regard, la jeune borgne ramassa deux katana des victimes puis fonça dans le tas, découpant les vipérins sans chercher à éviter les endroits sensibles cette fois-ci. Le désir de mettre fin à cette boucherie gratuite, l'animait d'une force incontrôlable, lui faisant oublier sa douleur ainsi que ses principes.

Allez en enfer ! Je vous tuerais tous, vauriens de pirates ! Je ne vous laisserai pas les tuer ! Meurs misérables insectes ! Vous ne méritez pas de vivre saleté de parasites ! … Comme pour justifier son propre carnage, ces mots résonnèrent dans sa tête alors qu'elle ne cessait de charger les ennemis qu'elle ne cherchait plus à ménager. Des corps tombèrent derrière elle, certains privés d'un simple œil, d'autres d'un membre mais la plupart étaient éventrés. En quelques secondes la jeune borgne se trouva de nouveau souillée par le sang. Elle ne prenait aucun plaisir dans ce massacre mais pour la justice, en ce moment, elle était prête à se transformer en monstre …


Dernière édition par Yamiko le Sam 19 Déc 2015, 18:02, édité 1 fois
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Merci bébé. C’est clair que j’avais pas remarqué…

Qu’avais-je voulu lui rétorquer. Sauf qu’elle avait déjà quitté la pièce pour aller je ne sais où. Tacher de ne pas clamser ? C’était ma réplique ça ! D’entre nous deux, c’est elle qui avait le plus de chance de se faire buter, et pas l’inverse. M’enfin bon… L’heure n’était pas propice à ce genre de réflexions, même si je me demandais comment elle avait fait pour se relever aussi rapidement. Sa chute n’avait pas dû être aussi dommageable que la mienne faut croire. P’tite veinarde que voilà. Pensée qui eut le mérite de m’arracher un sourire avant que je ne quitte moi aussi la salle. Une fois bien enfoncé dans les couloirs, je pus entendre les cris qui venaient du pont principal du navire. Le combat devait faire rage entre les hommes restants de Seneca et les marins. C’était en tout cas ce que je me disais, n’étant toujours pas au courant de l’abordage. De ce fait, plutôt que de me rendre sur le pont, je préférai fouiller les couloirs remplis de cadavres. Jamais je n’avais encore vécu situation pareille. Si seulement j’étais venu avec quelques hommes, rien de tout cela ne se serait passé. Maintenant que j’étais seul, les remords affluèrent une nouvelle fois. Je serrai les dents et essuyai rageusement tout le sang qui coulait de ma blessure ouverte pour ne pas trop y penser. Mon intuition me dictait qu’il me fallait aller au bout de mes idées, de continuer mon chemin…

Et j’eus raison de la suivre…

- « Si vous ne me dites pas où est le diamant de Sotenville, j’vais buter vos gosses ! »

- « Non… Pitié… Dans la chambre… Dans la chambre, je vous jure… »
Balbutiait une femme.

Seneca et son acolyte restant se mirent à ricaner. Caché derrière un mur, je pouvais les voir tenir les enfants du couple qui demandait grâce. Je haussai un sourcil. Le diamant dont il parlait était censé être le trésor ? En voilà une nouvelle ! Et puis, où est-ce que ce couple se trouvait depuis tout ce temps ? Comment se faisait-il que Seneca n’avait pas pensé à séquestrer les gosses pour demander directement le trésor ? Etait-ce ma présence qui avait foiré une bonne partie de ses plans ? Et puis zut ! Pas le temps de me poser de pareilles questions ! Ce n’était clairement pas le plus important. La vie des gosses était la priorité. Ce pourquoi je m’élançai en pleine vitesse dans leurs dos sans hésiter une seule seconde. Si Seneca me sentit arriver et réussit à éviter mon revers de la lame qui était supposé balayer horizontalement toute la zone devant moi (De sorte à les décapiter en une seule attaque), son acolyte, celui-là même qui était venu le prévenir que leur « boss » arrivait, eut moins de chance. La mère de famille eut un cri d’effroi au même titre que ses enfants qui se ruèrent aussitôt sur elle. L’un s’était débarrassé du cadavre qui l’étreignait et l’autre avait été heureusement libéré par Seneca qui avait fait deux ou trois bonds sur un côté. La génitrice serra ses gosses contre elle, tandis que le père qui comptait ouvrir la porte de leur chambre, resta tétanisé…

- « Encore toi Fenyang ! Décidément, t’es une plaie ! Mais j’vais faire en sorte d’en finir !!! »

Seneca se rua vers moi comme un forcené, bien décidé à en découdre une fois pour toute. Les coups d’estoc se mirent à pleuvoir, automatiquement. Mais malgré mes blessures, le combat pencha rapidement en ma faveur en à peine deux minutes d’échange intense dans un couloir plutôt étroit qui ne nous permettait pas de très grands mouvements. Même si j’étais mal en point, il n’en demeurait pas moins que j’étais plus fort que lui et nettement plus expérimenté dans le domaine de l’escrime. J’avais même combattu dans des conditions pires que celles que je vivais là. Il n’y avait pas photos ! Seneca sentant qu’il se ferait avoir, balança son arme vers moi. Je réussis à la dévier in-extrémis de sorte à ce qu’elle n’aille pas se planter dans l’un des membres de la famille derrière moi, avant de le voir fuir au loin, encore. Erreur de sa part ! Car je fis pareil que lui. Projeter mon arme telle une lance. Et le lancer fit mouche ! Le meitou transperça carrément l’une de ses jambes et le pauvre tomba à terre en hurlant de douleur. Je me rapprochai lentement de lui, retirai l’arme de son membre, non sans bien la tourner dans sa chair pour agrandir la blessure et lui faire très mal, avant de lui sectionner les tendons en complément. Cruel ? Moi ? Si peu… D’ailleurs, ce n’était pas l’envie de le buter qui me manquait, mais il fallait qu’il éclaire ma lanterne sur plusieurs points.

- « Maintenant, arrête de gueuler et raconte-moi tout. »


***


Sur le pont, le combat faisait toujours rage. Le capitaine du bateau de croisière tentait tant bien que mal de contenir les assauts de Sho-Pin, mais cet adversaire était un poil trop fort pour lui. D’ailleurs, dans la lutte vaine qui l’opposait au pirate, il avait déjà perdu un bras. Sho à l’aide de sa hallebarde avait fait mouche d’une seule attaque, suite au refus du capitaine à coopérer. Les pirates de Sho auraient pu se réjouir de la tournure que prenait la situation s’il n’y avait pas cette terrible albinos qui faisait un carnage dans leurs rangs. Ils avaient beau l’attaquer, beau l’encercler, mais ils n’arrivaient à rien. Sho enfonça son poing rageur dans le bide de son adversaire devenu manchot et l’éjecta plus loin. Il se redressa ensuite et eut un rire gras, très moqueur : « Tu es forte pour une gamine, bwéhéhéhéhé ! Edwige, tu veux bien aller la calmer pour moi ? Ne la tue pas, surtout. Elle peut être utile, bwéhéhéhéhé ! » Une femme, très belle, surgit du dos du gigantesque pirate et dégaina elle aussi deux katanas en s’avançant d’un pas assuré vers l’albinos. Elle avait les mêmes formes, la même taille et était bizarrement vêtue d’un uniforme de nurse, bien plus court et bien plus osé que celui qu’avait revêtu Yamiko dans la journée. Les pirates qui voulurent en découdre avec l’albinos s’écartèrent pour céder la place à la nouvelle combattante.

- « Alors chérie, tu viens jouer avec moi ? »


Un duel 100 % féminin et sanglant s’annonçait.
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ROUND X
Défaite

Animée toujours par cette rage de vaincre, alimenté par son désir ardent de mettre fin à la tuerie, la jeune borgne continua de se frayer un chemin à travers les bras cassés qui tombèrent les uns après les autres derrière elle. Son action, qu'on pouvait qualifier sans mal de suicidaire en plus d'être bien vile, sauvait par moments de justesse la vie de quelques malheureux marins et civils qui s'étaient engagés dans la bataille.

Alors que le sang de ses victimes l'éclaboussait, la jeune fille sentait son âme s'avilir. Elle n'aimait guère tuer et encore moins s'adonner à un massacre, surtout pas des plus faibles. Elle ne prenait aucun plaisir à ôter la vie des êtres, même avec des âmes corrompues, mais présentement elle n'avait pas le choix. Pour que le bien triomphe, elle avait décidé de devenir un monstre. Un mal nécessaire pour arrêter le diable afin de sauver des innocents dont trop ceux qui étaient déjà tombés.

Ses assauts incessants finirent d'ailleurs par la mener vers le luciférien. Après avoir fait tomber un dernier sbire de ce dernier, la chasseuse de primes se positionna à quelques mètres du malveillant. Les sous-fifres restants n'osaient plus l'attaquer mais se contentaient de rester en garde à l'écart. Souillée par le sang de la tête aux pieds alors que des goutes dégoulinaient des lames de ses katana, la jeune fille n'était pas très jolie à voir. D'un blanc immaculé, ses cheveux étaient à présent voilés de rouge. Elle avait tout d'une fille de l'enfer qui éloignerait tous ceux qui avaient peur de la mort.

C'est un humain ça ? Se demanda la jeune chasseuse de primes, tout en levant la tête pour guetter le visage de celui qu'elle allait devoir terrasser afin de mettre fin à la décimation. Sania lui avait déclaré un jour que tuer le meneur pouvait mettre fin à un conflit mais seulement, son ennemi devait trône à plus de six mètres. Le doute de réussir tenta alors d'ébranler la détermination de la jeune fille mais il était hors de question pour elle d'abandonner. Elle n'était pas prête à sacrifier sa vie dans ce combat mais elle refusait de défiler.

La jeune borne n'eut pas le temps d'élucider la nature du démon qu'une jeune femme, habillée en nurse elle aussi mais d'une tenue nettement plus sexy que la sienne, vint la provoquer. Personnage qui ne l'intéressait point actuellement, ainsi, alors que la chienne la chargeait, exécutant l'ordre de son maitre, la jeune borgne se défila sur le côté pour se mettre à courir en direction du colosse. Elle se précipita du côté gauche du géant et tenta de le faucher, de ses deux lames, au niveau du mollet mais celui-ci para le coup avec sa hallebarde puis, de sa main libre, elle tenta d'écraser la chasseuse de primes par un coup de poing qui pulvérisa le plancher que la jeune fille avait eu, heureusement, le réflexe d'abandonner à temps, en roulant sur le côté.

La chasseuse de primes eut à peine le temps de se relever que la chienne tentait de nouveau de l'attaquer.

- C'est moi ton adversaire gamine !
- Laisse-la-moi Edwige ! Elle semble beaucoup m'aimer alors la moindre des choses serait de répondre à ses sentiments bwéhéhéhéhé.
- Yamiko, enfuis-toi ! Lâcha le Capitaine qui était en train de se vider de son sang.

Si elle était seule, elle se serait enfui en effet. On lui avait inculqué que le fuite n'était pas toujours synonyme de lâcheté mais qu'elle pouvait aussi être une option légitime, si on la choisissait de façon à n'avoir aucun regret. Hors, si elle fuyait maintenant elle le regrettera alors amèrement. Des nombreuses vies étaient entre ses mains actuellement et fuir serait les abandonner à ce diable et elle ne pouvait se résoudre à cette idée.

- Si tu prenais ce que tu es venu chercher puis tu te cassais !?
- Tu n'as pas à me dire ce que j'ai à faire gamine !
- La Marine ne va pas tarder à débarquer alors c'est le mieux que tu as à faire !
- Tu ne chercherais pas plutôt à te débarrasser de moi rapidement ?

Le luciférien avait raison même si elle avait dit la vérité concernant la Marine que Colonel Fenyang avait déjà contactée. Elle cherchait effectivement à le faire partir avant qu'il ne fasse plus de victimes. Souhait qui n'honorait point son statut de chasseuse de primes car c'était laisser filer une proie mais elle n'avait pas choisi ce métier pour l'honneur et encore moins pour de l'argent. Ce qui lui importait présentement était juste de sauver le plus de vies possible à bord. Seulement, pourrait-elle tenir tête à ce géant ? Elle en doutait mais entre le regret et la mort, elle avait fait son choix.

- Alors, je vais devoir te jeter par-dessus bord moi-même ! Lâchât-elle tout en fonçant sans crier gare dans la montagne.

Une fois de plus le monstre para le coup mais la jeune borgne enchaina de suite par une nouvelle attaque mais qui, de nouveau, fut esquivée. Ne se laissant pas déconcentrer, la chasseuse de primes enchaina les assauts mais qui à chaque fois était contrée. Essoufflée, ses attaques devinrent plus lentes et elle finit par perdre le dessus sur l'adversaire qui passa à l'offensive. Les attaques du colosse forcèrent la jeune borgne à reculer dans ses esquives.

- Cesse donc d'esquiver et laisses-toi se faire embrocher bwéhéhéhéhé.

Rêve toujours mocheté !

Alors que le géant chercha à l'empaler, la jeune femme lâcha prise le katana de sa main droite tout en décalant légèrement vers la gauche. La lame de la hallebarde déchira sa robe au niveau du flanc, lui arrachant un peu de chair et du sang au passage, avant de passer derrière elle. La jeune borgne profita de ce moment pour saisir fermement l'arme de son adversaire au niveau de la manche. Alors que le pirate cherchait à tirer son arme qui avait été bloquée, la chasseuse de primes planta violemment son katana restant dans le pied gauche du colosse.

- Heu ? Lâcha le luciférien qui n'avait pas encore capté ce qui venait de se passer.

Le pirate ne mit pas pourtant bien longtemps pour comprendre la situation car il ne laissa pas le temps à la jeune fille de reculer qu'il l'envoya valser violemment avec son pied intact. La chasseuse de primes fut projetée sur les cadavres, fruits de son propre carnage.

- Sale gamine ! Tu vas me le payer ! Hurla le vipérin tout en arrachant le katana qui avait traversé son pied.

Le faciès déformé par la colère, en titubant, le géant se dirigea vers la jeune borgne qui tentait de se redresser, du sang coulant le long de la commissure droite de ses lèvres.

- Maître Sho-Pin, laisse-moi m'en occu …
- Dégage ! Fit le maître tout en poussant violemment sa chienne qui tentait de l'arrêter.

Écrasant sans ménagement les corps qui jonchaient le passage, le géant finit par arriver au niveau de la chasseuse de primes qui n'avait pas réussi à se relever.

Désolée mais j'ai échoué ! S'excusa intérieurement la jeune fille à tous ceux qu'elle allait abandonner à cause de son impuissance, alors que son regard fixait la lame de la hallebarde qui s'apprêtait à lui donner le coup de grâce …
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