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C'est l'histoire d'une croisière à priori paisible... || Feat Yamiche.

Rappel du premier message :


- « Salem, tu peux pas laisser le… URGH ! »

Ketsuno s’arrêta de parler. Devant ma mine décidée, il n’y avait rien à faire. Personne ne pouvait m’arrêter ! Il me fallait à tout prix des congés. Vider mon esprit. Ne plus penser au Léviathan. Ne plus considérer la veuve et l’orphelin pendant un certain temps. Prendre du temps pour moi et me ressourcer. Parce qu’il fallait avouer que je commençais à fatiguer et pas qu’un peu. Entre les attaques à répétitions des pirates et révolutionnaires et la reconstruction stressante du Léviathan, j’étais à bout. Depuis la mort de ma femme, je n’avais plus pris de vacances. Aucune. Je m’étais attelé à remplir mes fonctions comme un forcené, un bourreau du travail. Certes, il m’arrivait de m’amuser parfois comme un fou, mais ce genre d’écarts s’assimilait plus à des pauses qu’à de vrais congés. Vous n’imaginiez pas le nombre de coïts interrompus que j’avais essuyé, juste parce qu’un pirate et son équipage passaient vers Shell, comme par hasard. La galère, je vous dis pas. Du coup, c’est bien décidé à changer d’air que je faisais prestement mes valises sous le regard déconcerté de ma cousine qui ne comprenait rien à mon attitude du moment. Une décision sur un coup de tête, mais irrévocable. Personne n’aurait rien à y redire. Personne ! D'autant plus que j'avais cette permission.

- « Alors, tu as eu mon billet ? »

- « Oui oui… »


La cause de cette illumination était un bateau de croisière qui avait accosté au port de Shell Town. Grand, beau, qui pouvait contenir un millier de personnes, bref... Un vrai bijou maritime, si l’on excluait le Léviathan et les différentes avancées de la marine. Le « Costa Concordera » qu’il s’appelait, d’ailleurs. Un navire très chic que m’avait fait visiter le capitaine de bord dès le premier jour de leur arrivée, ce qui acheva de me conquérir et de me donner l’envie de m’évader. J’en avais donc informé mon père, supérieur direct, qui n’avait pas trouvé d’inconvénients à ce que je prenne du temps pour moi. L’homme avait même prévu d’envoyer un autre colonel me remplacer temporairement à la tête de la base de Shell. Mon remplaçant n’avait d’ailleurs pas tardé puisqu’il s’était pointé aujourd’hui même. Ce qui me permit de sauter sur mes valises, d’autant plus le Costa devait bientôt bouger. Une aubaine, hé ! « Fais voir le billet ! » Alors que je bouclais mon deuxième et dernier bagage, Ketsuno me tendit le billet non sans une moue désapprobatrice. A voir sa gueule, je pouvais comprendre qu’elle avait envie de m’accompagner. Mais si cette fille se trouvait trop près de moi, je pouvais dire adieu à ma tranquillité. A tous les coups…

- « T’en fais pas, j’ferais pas de bêtises. Et je reviendrais vite. C’est l’affaire d’une toute petite semaine ! »

Après m’être redressé, je pris son visage dans mes mains avant de lui bisouter affectueusement le front. Puis je m’emparai du billet, gros sourire aux lèvres. Il n’était pas évident de monter à bord d’un navire qui avait déjà effectué plus de la moitié de son parcours, mais le capitaine m’aimait tellement qu’il avait fait une entorse à ses règles. Et puis, en cas de pépin, un homme de ma trempe serait certainement le bienvenu, même si j’étais persuadé que tout allait bien se passer. Bien avant de déguerpir, je vins me positionner devant un miroir, sous l’œil interrogateur de ma lieutenante avant de faire pousser mes cheveux jusqu’à mes épaules, ainsi que ma barbe, jusqu’à recouvrir toute ma gorge. La magie du retour à la vie. Des lunettes de soleil sur mon visage et hop, j’étais méconnaissable. Un vrai vioque ! Je fis en sorte de me pencher un peu vers l’avant, d’avoir les épaules voutées, avant de prendre une canne épée, sourire aux lèvres. Personne ne pourrait se douter de qui j’étais, sauf le capitaine et son équipage bien entendu. Et puis, vu la manière dont j’étais fagoté (une salopette et la chemise à  pois qui allait avec) nul doute que personne ne voudrait m’approcher, ce qui allait m’arranger, car j’avais vraiment besoin de souffler !

« T’es un clown ! Un vrai con ! » Que m’avait dit Ketsuno avant de pouffer de rire.

- « Comme ça au moins, j’suis sûr qu’on me fera pas chier, nfufufu ! »


- « T’as intérêt… » Dit-elle en me lançant un regard super suspicieux. Le genre à me mettre à l’aise. Pour une fois que je ne prévoyais pas de faire le volage…



***



Quelques heures plus tard, le navire faisait sonner ses sirènes. Le départ était proche. Tous les vacanciers qui s’étaient amusés à faire du tourisme sur l’ile convergèrent vers le navire assez rapidement. Je m’étais glissé dans cette foule incognito avant de monter à bord du navire. Mes bagages avaient déjà été enregistrés et posés dans la cabine 69, d’après Ketsuno qui avait procédé à mon enregistrement et au transport de mes valises de la base jusqu’au Costa Concordera. Puis, lentement, le bateau quitta l’île de Shell pour une autre destination. Laquelle ? Je ne savais pas et à vrai dire, je m’en fichais. Calé sur un bastingage d’une des nombreuses terrasses/ponts du navire, j’observai Shell-Town s’éloigner petit à petit jusqu’à soupirer. L’un des marins du navire qui m’avait reconnu malgré mon déguisement se proposa de m’accompagner jusqu’à ma cabine. Mais alors que j’acceptai volontiers, je vis une gamine, de dos, avec une jupe courte qui moulait indécemment ce qui semblait être un gros cul prometteur. C’était pas mon genre, mais j’avais envie de jouer le role du vioque, à cheval sur les moeurs. Aussi m’étais-je approché silencieusement d’elle avant de lui foutre un gros coup de canne sur le cul, le tout sous les yeux ahuris de quelques passagers.

- « Tu n’as pas honte gamine ?! Oser porter une telle jupe à ton âge ! On voit quasiment tout ! »

Qu’avais-je dit d’un air sévère avant qu’un coup de vent ne vienne soulever sa jupe, dévoilant à la plupart des gens, sa petite culotte ! Coïncidence qui vint ajouter du poids à mes dires, au point que certaines personnes acquiescèrent. Je remuai alors la tête dans tous les sens, la mine faussement dépitée, avant de pointer un doigt mutin vers elle : « J’espère que t’habilleras plus décemment, sinon je toucherai un mot à tes parents, petite sotte ! Compris ?! » Sans même laisser le temps à la petite de réagir, je lui tournai le dos avant de m’engouffrer dans un couloir qui menait à l’intérieur du bateau, le tout sous des murmures et quelques applaudissements. En vérité, je venais de m’amuser à ma façon. Et je comptais faire un maximum de bêtises avec cette apparence, sans qu’on ne sache qui j’étais vraiment. Le marin qui avait voulu m’aider à retrouver mes quartiers, me rejoignit sous un fou rire. J’étais tenté de me marrer également, mais je préférai garder ma mine stoïque, d’autant plus qu’en passant entre certaines personnes, j’attirai le regard avec ma gueule pas nette et mon look à revoir. Si Tom avait vu ça, il se serait foutu de ma gueule à vie. De quoi me faire rire intérieurement, tout en continuant mon chemin comme si de rien était.
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- « Récapitulons un peu… »

Le couple derrière moi était glacé et Seneca n’arrêtait pas se tordre de douleur.

- « Si je comprends bien, tout est parti de la découverte de la dénommée Edwige, c’est ça ? Cette dernière a réussi à être embauchée dans cette famille et s’occupait des gosses. Jusque-là, tout allait bien. Sauf qu’en fait, si elle avait tout fait pour se faire embaucher, c’est parce qu’elle avait entendu des rumeurs folles. Comme quoi cette famille possédait un immense trésor, en plus d’être assez riche. Tu confirmes jusque-là ? »

- « Oui, AAAARGGHH ! PITIÉ, LAISSE-MOI ME SOIGNER ! »

- « Un jour et par le plus grand des hasards, Edwige surprit une conversation de ses patrons : Ils étaient ruinés et il ne restait presque plus rien. La faute à monsieur, grand addict des jeux d’argent, c’est ça ? Vu qu’elle était surprise, elle est restée sur le qui-vive et suivait chaque jour leurs faits et gestes, histoire de savoir quand et où chercher le fameux trésor pour se dérober, c’est ça ? »

- « OUI ! C’EST EXACTEMENT ÇA ! MAINT- »

- « Dooooonc ! » Coupais-je aussitôt ! « Un AUTRE jour, elle les a discrètement suivi parce que Monsieur avait un paquet bizarre en sa possession ! Et surprise, ils rentrèrent discrètement dans une bijouterie ! Edwige s’évertua donc à les épier et réussit à entendre l’essentiel : Le diamant de Sotenville qu’ils possédaient valait plus de 500 millions de berrys, ce qu’ils semblaient déjà savoir, mais l’information intéressante était le fait que certains collectionneurs, notamment des nobles à Goa, pouvaient même tripler le prix. C’est exact ? »

Je me tournai vers le couple qui acquiesça doucement, puis je revins à Seneca qui souffrait le martyr :

- « Forte de cette information, Edwige a essayé de les voler durant les semaines qui suivirent, sans succès ! C’est comme si le couple se déplaçait avec le joyau pour ne pas essayer de le perdre, que tu m’as affirmé. Mais c’est bizarre mec. Elle pouvait les forcer, non ? »

- « PUTAIN FENYANG ! JE TE L’AI DÉJÀ DIT ! ELLE S’ÉTAIT ATTACHÉE AUX GOSSES QU’ELLES SURVEILLAIENT ET VOULAIT PAS LES RENDRE ORPHELINS ! PARCE QUE MENACER LES PARENTS, LES FORCER A TOUT RÉVÉLER REVENAIT A LES BUTER A LA FIN POUR PAS LAISSER DE TRACES ! J’AI MAAAAAAAAAAAAAAAAAAAL !!!!! »

Alors qu’il se tordait de douleur devant moi en hurlant comme une bête blessée, je grattais mon menton. Ça se tenait... Ou pas. Mais ce n’était pas mes oignons.

- « C’est vrai que tu m’as dit ça. Et que tu m’as signifié qu’elle aimait voler plutôt que tuer en fait. C’est bien pour ça que vous êtes en couple, non ? Du coup, lorsqu’elle a vu leurs billets pour cette croisière une semaine avant qu’ils ne décident de la congédier, elle t’a prévenu… Toi son chéri… Toi, l’as du vol… Le grand Seneca… »

Seneca n’arrêtait pas de gémir alors que je prenais mon temps pour revenir sur ses affirmations, comme un gamin sadique qui torturait un animal sans défense, le sourire et le fun en moins.

- « Et paf ! T’as réussi à être embauché fissa au sein de ce navire avec quelques-uns de tes potes, en tant que simples matelots. Et lorsque le couple a débarqué, t’as essayé de les approcher, de les voler, mais là encore, sans succès… A croire qu’ils étaient trop bons pour vous. Sur ce constat, tu t’es dit : Autant faire dans le grandiose. Autant taper dans le haut niveau. Autant en parler à une vieille connaissance qui avait les moyens de faire fort. Oui, copain Sho-Pin et ses potes, ça, c’est du lourd… »

Le pauvre voleur pissait le sang et pleurait comme une madeleine. Combattant de pacotille, va…

- « Tu lui as tracé l’itinéraire de la croisière et tu lui as demandé de te fournir quelques hommes. Sauf que le gars, il a été réticent au début… Bien entendu, il allait avoir sa part du gâteau, mais il voulait un gage. C’est malin les pirates. C’est méfiant aussi… Du coup, t’as pas eu d’autres choix que de demander à Edwige de rejoindre son équipage. Et vu sa beauté, il a jugé que c’était un bon parti. Qu’il pouvait en faire une putain si jamais il perdait dans l’affaire. Un deal entre toi et lui. Un deal que la pauvre Edwige elle-même ne sait pas… Elle qui croit faire partie d’un équipage pirate le temps du vol… Ce qui est censé être le cas, bien entendu… »

On en venait maintenant à la partie du plan qui suscitait le plus ma colère. Parce que passé sous mon nez…

- « Sho-Pin t’a donc promis de te fournir des hommes et des armes. Le rendez-vous était à Shell-Town. Ma ville. La ville que JE PROTÈGE. Et donc ils sont venus par petits groupes. En civil. Avec les armes. Incognito. Sous mon nez. Sous celui de mes soldats. Et t’as réussi avec tes potes déjà à bord à les infiltrer. Sauf qu’il eut un imprévu. Et l’imprévu… C’était ma présence, moi... »

J’avais vraiment les boules sur le coup et c’était même peu de le dire, mais je continuai à blablater comme si de rien était :

- « Le programme a alors légèrement différé : Tu m’as donc proposé mes services pour surveiller mes faits et gestes. Et parce qu’aussi, t’avais peur que je ne tombe ou soupçonne quelque chose. Pour ne pas te faire griller justement, t’as essayé d’accélérer les choses. Avec la mama et le fils ce matin, par exemple. Ce sont aussi des gens dans le coup, je suppose ? Enfin bref… Ensuite, t’as tenté de me droguer avec la bouffe histoire que je sois HS, sauf que pas de bol, j’aime pas les avocats. T’as envoyé des meufs au cas où, pour me retenir le plus longtemps possible, mais t’aurai jamais pu penser que la nouvelle nounou des gosses qu’Edwige surveillait allait être de la partie et te créer de graves ennuis… Pis, en interne, les hommes de Sho-Pin ne tenaient plus en place. Plus que piller tous les riches du coin et se faire plein les poches, ils voulaient aussi les tuer. Pour le plaisir. C’est dans leur nature. D’ailleurs, ça se tient, puisqu’ils se butaient même entre eux… Là, tu as fait dans le théâtral et tu leur as donné le feu vert en me menaçant de ramener mon cul vers toi sans quoi tu allais faire un carnage. La suite, on la connait… »

Grosso-modo, nous avions là les plans tortueux et foireux d’un gars paumé qui n’avait pas senti ses chevilles gonfler. Les grandes lignes si on veut. Il y avait encore des points d’ombre en ce qui concernait le couple derrière-moi : Qu’est-ce qu’ils comptaient faire de leur trésor ? Où allaient-ils ? Mais surtout, plus important… Où avaient-ils pu bien se cacher depuis le début des évènements ? Mystère et boule de gomme. Mais je ne comptais rien demander, rien éclaircir du tout. J’avais pas la foi. Je m’en fichais en fait. Ce qui était le plus important maintenant, c’était d’arrêter la boucherie gratuite au sein du navire. Seneca pour sa part pleurait, bavait, vomissait presque et me suppliait de le soigner, de l’épargner, bref… De lui porter aide et assistance. Sauf que non, je n’allais pas le faire… Il pouvait allègrement se vider de son sang et agoniser. Il ne méritait que ça. C’est sur cette pensée que je me levai, prenant avec moi mon meitou. Je me retournai et dépassai le couple pour qui la chasseuse de primes travaillait sans leur accorder le moindre regard, sans leur adresser le moindre mot. Je n’avais rien à leur dire… Ils me bredouillèrent un merci, mais je n’en avais cure. L’idée était d’aller se débarrassera du fameux Sho-Pin sur le pont…


***


- « Eh bien… On dirait que je suis arrivé à temps… »

Après avoir traversé le navire pendant cinq bonnes minutes, j’avais fini par débarquer sur le pont au moment même où le géant s’apprêtait à donner le coup de grâce à la gamine qui semblait être la seule à lui avoir tenu tête. Il ne m’avait suffi que de quelques pas rapides pour me placer entre eux au dernier moment et ainsi m’interposer comme il le fallait, épée brandie à l’horizontale, au-dessus de ma tête. Lorsque sa hallebarde heurta ma lame sans faire mouche, le demi-géant s’immobilisa, surpris de voir un nouvel intervenant s’opposer à lui, mais plus important encore, réussir à contenir son attaque. « Bwéhéhéhé ! Encore un moucheron qui va croi- » Et sur cette phrase, il eut un beug. Complètement. Ses yeux s’étaient posés sur mon visage et sa mine se décomposa tout doucement avant qu’il ne fasse plusieurs bonds en arrière, paniqué. Pour ma part, j’avais un visage stoïque, presque indifférent. Encore un pirate de merde parmi tant d’autres. Il avait beau être grand et capitaine qu’il ne valait rien… Ou presque. En tout cas, j’avais vu pire. Et il le savait. Me connaissait d’ailleurs. Ma renommée était grande sur toute l’étendue des blues, il fallait le dire. Son corps pétrifié se mit à trembler. Et il n’était pas le seul. Ses sbires restants étaient pareils :

- « Tu comptes te rendre ? »

Cette seule question suffit à le faire fuir, la queue entre les jambes. Oui oui. Lui, le grand Sho-Pin. Pirate primé à pas moins de… Quoi ? Vingt millions non ? Eh ouais… Pirate de merde, comme je le disais. Ses hommes se mirent eux aussi à s’enfuir. Que de lâches... Seule celle qui devait être Edwige restait clouée sur place, pas très loin de moi, le cœur balançant. « Où était Seneca ? Qu’est-ce que je dois faire ? » Qu’elle devait surement se poser comme questions. Cela se voyait sur son visage. J’eus même une once de pitié, avant de la voir prendre à son tour la poudre d’escampette. En moins de temps qu’il n’en faut, leur immense galion se décolla alors du bateau de croisière qui était toujours dans une position précaire, avant de définitivement lever l’ancre. Une belle brochette de peureux. Le capitaine du navire malgré son membre coupé ne comprenait pas pourquoi je laissais les pirates s’enfuir. Pareil pour les autres personnes encore sur le pont. Pour ma part et en silence, je m’avançai tranquille vers le bastingage, avant de lever mon meitou dans les airs, non sans un soupir. Et lorsque je l’abatis dans le vide, une gigantesque lame de vent se forma et alla violemment percuter le galion des pirates. Une autre attaque de la même envergure s’en suivit très rapidement…

Et le navire ennemi fut complètement réduit en charpies, le tout sous des cris d’effroi et d’agonie qui retranscrivaient bien la détresse des pirates attaqués.

Les différentes parties du navire tranché dans tous les sens, finirent par s’enfoncer avec force dans les profonds des eaux, emportant avec eux leurs différents occupants. Difficile de nager dans ces conditions… Les débris du navire étaient toujours de taille conséquente et risquaient d’assommer certains qui allaient tout bonnement se noyer. D’autres avaient dû se trouver sur le chemin de mes lames de vent… Bref, un beau et gros carnage bien spectaculaire comme il faut. Les survivants allaient être peu nombreux. Autant dire que je n’avais pas fait dans la demi-mesure. Les occupants du pont étaient tout bonnement médusés. A leurs yeux, j’apparaissais comme un véritable monstre de puissance. Un monstre qui n’avait plus sa place sur les blues, mais bel et bien sûr Grand Line. Pour ma part, je regardais déjà au loin et je voyais apparaitre quelques navires de la marine. Ketsuno avait été rapide, réactive. Bien. Je me tournai alors vers le capitaine qui se faisait déjà soigner et eut pour lui un sourire désolé, avant de faire face à la gamine maculée de sang de la tête aux pieds. Pas belle à voir, ouais. Mais plutôt héroïque. A saluer. Je m’avançai donc vers elle, avant de passer une main dans sa chevelure. Le moment ne s’y prêtait pas, mais j’avais tout même un sourire aux lèvres :

- « Tu as été d’une aide précieuse jusqu’au bout. Merci pour tout. »

La suite s’imposait d’elle-même : J’allais récupérer les survivants parmi les ennemis, faire évacuer toute l’embarcation et ramener tout ce beau monde sur Shell-Town.
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ROUND XI
Le Fruit De La Faiblesse

Alors qu'elle s'apprêtait à abandonner, son corps tenta pourtant de bouger. En son for intérieur, la jeune fille désirait toujours vivre alors elle essaya de basculer sur le côté pour éviter le coup de grâce mais en vain. Son esprit lui dictait de rouler mais son corps refusait de s'exécuter. Alors qu'elle pensait que la fin non désirée était arrivée sans qu'elle puisse s'en échapper, tel un ange qui surgit de nulle part, le gouvernemental vint bloquer l'élan de son bourreau.

« Colonel Fen … »

L'affalée ne put terminer sa phrase car sa vue se brouilla alors que les voix lui parvenaient en bourdonnement puis ce fut le noir complet. Son corps avait complètement atteint ses limites. Elle avait trop dépensé d'énergie en moins d'une journée. Après avoir travaillé jusqu'à tard dans la nuit, elle avait dû de se battre jusqu'au petit matin. Elle avait poussé son corps au-delà de ses limites et dégustait à présent les effets secondaires.

Inconsciente, la chasseuse de primes ne put suivre ce qui se passa par la suite mais lorsqu'elle ouvrit les yeux, sa blessure au flanc avait été soigné et une couverte la maintenait au chaud. Des voix et des bruits des pas qui se précipitaient lui parvinrent. Tout doucement, elle pencha alors la tête sur le côté pour constater qu'on ramassait des corps alors que certains soignaient des blessés. La guerre était donc terminée et elle savait parfaitement qui avait mis un terme à celle-ci. Comme interpelé par ses pensées le héros du jour vint glisser une main dans la chevelure de la blessée tout en lui offrant un sourire auquel la jeune fille ne put répondre. Ses mots se voulaient réconfortants mais tout ce que la jeune borgne avait envie de lui dire était un "désolée" mais sachant que là n'était pas sans doute ce qu'il aimerait entendre, elle se contenta alors de fixer le Colonel Fenyang dans le silence. Lorsque ce dernier s'en alla exécuter ses devoirs, la jeune fille ramena un bras pour voiler ses yeux alors que des larmes coulaient de nouveau de son œil valide.

Une aide précieuse ? Elle se sentait plutôt comme un boulet qui n'avait fait que lui compliquer les choses. Maudissant sa faiblesse, la chasseuse de primes ne pouvait s'empêcher de penser que le Colonel Fenyang s'en serait mieux sorti si elle ne s'était pas mêlée de cette affaire. Si elle n'avait pas joué aux héroïnes en tentant d'arrêter les premiers fauteurs de troubles qu'elle avait croisés, peut-être que le carnage aurait pu être évité. Elle se sentait comme l'élément déclencheur du massacre et avait donc tous ces morts sur la conscience.

Pardonnez-moi ! Finit-elle par lâcher dans le vide.

Des mots qui ne pouvaient rien changer à ce qui s'était passé mais qui, comme ses larmes qui se déversaient de son corps meurtri, la réconfortait quelque peu.

« Yamiko ? … Yamiko ? » Interpela le Capitaine qui avait remarqué l'état de l'accablée.

L'homme avait posé un genou à terre pour se baisser au niveau de la jeune borgne qui avait pourtant tourné la tête de l'autre côté, ne désirant pas lui montrer son visage affligé.

« Tu as été bien courageuse. Tenta de lui rassurer le Capitaine malgré ses propres blessures. Tu as sauvé plein de vies au péril de la tienne. Tu peux être fière de toi … Yamiko ? … Silence … Regarde-moi s'il te plaît.
- Je suis morte !
- Une morte qui parle, en voilà une chose peu commune ! Tenta de plaisanter le grand homme.
- Désolée … pour votre bras !
- Ce n'est rien. Je suis en vie, c'est le plus important. »

L'homme resta un moment auprès de la jeune fille qui avait gardé la tête tournée de l'autre côté tout en restant silencieuse. Comprenant le message, il finit par se relever.

« Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à venir me voir ! »

La jeune borgne resta dans sa position de désolation jusqu'à ce qu'une femme vienne l'ausculter en profondeur. Résultat de son héroïsme : une blessure ouverte au flanc, des bleus bien douloureux sur tout le corps, des tripes meurtries et plusieurs côtes cassés. Le dernier était le fruit du coup de pied du colosse qu'elle avait ramassé.

Étant incapable de tenir sur ses jambes, qui lui paraissait peser des tonnes, la jeune borgne fut transportée dans une cabine qui lui survira de chambre de convalescence le temps qu'on amarre le paquebot sur l'île la plus proche avec un port capable de l'accueillir en toute sécurité. Le Colonel Fenyang allait surement rentrer avec ses compagnons de la Marine de son côté et désirant le remercier avant qu'il ne parte, la jeune borgne tenta de se relever mais à peine s'était-elle tenue sur ses jambes qu'elle s'écroula aussitôt. La chute éveilla les douleurs de tout son corps. Alors qu'elle tentait de se relever, s'accrochant misérablement au lit, la porte de la cabine s'ouvrit.

« Mais qu'est-ce que vous faites ! Fit une infirmière tout en se précipitant pour aider la souffreteuse. Vous voulez aggraver votre cas ? Il ne faut pas que vous bou …
- Yamiko !!! » fit en chœur ses petits princes que l'infirmière avait amenés avec elle, tout en se jetant sans ménagement sur leur nounou qui venait à peine de s'assoir sur le lit.

Le poids des jumeaux fit basculer la jeune borgne en arrière alors qu'un hurlement de souffrance s'échappa de ses lèvres, raisonnant sur tout le pont comme si on était en train de l'étriper.

« Doucement les enfants ! Lâcha l'infirmière tout en se précipitant pour décrocher les jumeaux qui étaient restés figés tout en étant en partie sur leur nourrice. Il ne faut pas trop la brusquer.
- Qu'est-ce qu'elle a ? Questionna le petit Sebastian qui était le plus curieux des jumeaux.
- J'ai juste mal … un peu partout mon ange, fit la nurse d'une voix déformée par la douleur. Je suis contente de vous voir sains et saufs mais voulez-vous bien me laisser me reposer un peu mes petits princes ? Je viendrai vous voir dès que possible.
- Je veux rester avec toi ! Réclama la jumelle.
- Moi aussi ! Enrichit le jumeau.
- Les enfants ! Il faut la laisse se reposer comme ça elle sera en forme pour jouer avec vous.
- On jouera comme avant ?
- Bien sûr mais avant je dois me reposer. » Fit la nurse tout en caressant la petite joue rose de sa petite princesse.

À contre cœur, les jumeaux quittèrent la cabine après avoir reçu une longue étreinte de la part de la nourrice. L'infirmière leur emboita les pas mais s'arrêta au seuil de la porte alors que l'alitée la remerciait.

« Évitez de trop vous gesticuler ! Vous devez ménager vos côtes. »

La jeune borgne se contenta d'incliner légèrement le haut de son corps en guise d'acquiescement puis la femme claqua la porte. La nourrice avait le cœur meurtri d'avoir expédié ses petits mais elle ne désirait pas leur montrer sa souffrance qui s'éveillait au moindre mouvement. En tout cas, elle était soulagée d'avoir constaté qu'ils allaient bien malgré la tournure des évènements.

Tout doucement, elle se rallongea sur le lit puis son regard se perdit sur le plafond alors que son esprit vagabonda. Elle se posait plein de questions sur son avenir. Sur ce qu'elle allait devenir. Une chose au moins était sûre, si elle désirait poursuivre cette voie qu'elle avait tracée, elle allait devoir devenir plus forte, beaucoup plus forte. Elle n'aspirait pas à devenir un monstre de combat mais espérait au moins être capable de défendre sa propre vie, ce qui n'était pas le cas aujourd'hui. Elle devait la vie au Colonel Fenyang. Une chose qu'elle n'oubliera jamais …


Dernière édition par Yamiko le Dim 24 Jan 2016, 19:52, édité 1 fois
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- « Non mais ce navire est ingouvernable ! Vous allez finir par couler ! Laissez nous vous reconduire à Shell ! »

Alors que Ketsuno se débattait avec le capitaine entouré de la plupart de ses matelots, je m’étais isolé pour fumer une clope. Le cœur n’y était pas, n’y était plus. Si j’avais été une femme, j’aurai surement chialé comme une madeleine. Mon cœur était serré et je venais une fois de plus de constater que j’avais fait preuve d’une grande bêtise. La question était toute simple : Pourquoi ne les avais-je pas liquidés lorsque je les avais surpris dans l’une des cales de ce navire ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui m’avait pris ? A quel point avais-je été négligent ? Autant de questions qui résonnaient dans ma caboche et qui m’accablaient sans que je ne puisse trouver une seule réponse adéquate. J’étais fautif. Quelque part et sans se voiler la face à l’aide d’excuses foireuses, j’étais fautif de tout ce carnage. Je prenais sur moi. L’équipage aurait certes pu faire attention, mais j’aurai dû agir dès le début. J’avais beau être « colonel » que j’étais conscient que j’avais beaucoup à apprendre. Chienne de vie j’vous jure…

Après de très longues minutes de batailles verbales intenses, Ketsuno l’avait emporté. D’autant plus que des bruissements métalliques assez bizarres indiquaient que le bateau de croisière ne risquait pas de partir très loin. La plupart des survivants avaient donc été évacués vers les différents navires de la marine. Je n’avais pas trouvé d’inconvénients à cela et c’est un capitaine -Manchot- qui était venu me présenter ses excuses et me remercier encore une fois. Brave type celui-là. S’il ne m’avait pas invité gratuitement, Dieu seul sait ce qui se serait passé dans ce navire. Ma seule consolation dirons-nous. Mais même si je ne le montrais pas, parce qu’il avait toujours ce visage digne et resplendissant qui galvanisait même ses hommes, je le plaignais. La croisière avait été cauchemardesque et il avait perdu un bras dans toute cette histoire. Ceci dit, il était un exemple pour moi sur le moment. Un homme. Un vrai. Avec grand H. Garder un tel sang-froid, un tel professionnalisme et une telle humilité dans cette situation là…

Peu de personnes pouvait le faire. Pas sûr que j’faisais partie de ce groupuscule.

C’est aux abords du petit matin que nous arrivâmes à Shell. La compagnie avait affirmé qu’elle s’occuperait elle-même du Costa Concordera abandonné en plein milieu de la mer. S’il n’avait pas coulé d’ici là, carrément. Lorsque nous débarquâmes, mes hommes avaient déjà installés des tentes un peu partout sur la côte. Des cellules d’aide psychologique en somme. Les habitants de la ville s’étaient également portés volontaires pour aider, tandis que les survivants du côté des pirates étaient directement conduits vers la base y être enfermés. Tout était bien rodé et coordonné par Ketsuno qui m’aidait énormément sur le coup. Alors que la côte grouillait de monde, je me mis à chercher la jeune chasseuse de primes dans toute cette foule étouffante. Il m’aura fallu un bon quart d’heure pour la retrouver. Une fois à son niveau, je posai une main presque paternelle sur l’une ses épaules. Je la retournai vers moi et la dévisageai longuement. Avec ce qu’elle m’avait montré et rien qu’à cet âge, aucun doute n’était permis :

- « T’es forte, gamine ! J’ai rarement vu des comme toi, surtout à cet âge. Qu’est-ce que tu dirais de rejoindre la marine ? Ma division ? C’est non seulement bien payé, mais je suis sûr que ça collerait à tes aspirations ! Tu as la justice dans le sang, c'est indéniable ! Et puis, je m’occuperai personnellement de ta formation. Alors ? Partante ? »

Mon visage était celui d’un homme admiratif et déterminé. Yamiko était un talent brut. Que je pouvais sans polir. Je le sentais, je le savais et ça venait du fond de mes tripes.
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ROUND XII
Poursuivre Son Chemin

Finalement le bateau de croisière semblait être dans un piteux état tel que, par sécurité, les passagers furent transférés dans des navires marines qui les transporteront à Shell Town. Destination qui ne convenait pas à la jeune borgne qui désirait se rendre sur l'île des sabreurs Shimotsuki, mais n'ayant pas le choix, elle se laissa évacuer comme tous les autres.

Une fois sur l'île, elle fut placée dans une tente comme tous les blessés. Lieux où ces derniers resteront jusqu'à ce leurs proches viendront les chercher. Sauf que pour sa part, personne ne viendra la récupérer.

« Il n'y a vraiment personne qui pourrait venir te chercher ?
- Non.
- Yamiko, tu dois bien avoir un parent tout de même !?
- Je vous dis que non.
- Qui es-tu donc jeune fille ? Finit par lui demander le Capitaine après un léger silence, le regard rivé sur celle qui évitait le sien. Ayant appris la situation de la jeune borgne, il était alors venu le voir en personne. Je trouve déjà étrange que tu sois une chasseuse de primes à ton âge mais le fait que tu sembles être une vagabonde solitaire si jeune m'intrigue encore plus … Ne te sens pas obligé de te confier à moi mais j'aimerais vraiment te connaitre Yamiko. »

La jeune chasseuse de primes n'aimait guère raconter son triste passé mais elle jugeait que le Capitaine, qui se montrait si attentionnée envers elle depuis le début de sa mésaventure, méritait de le savoir.

« Avez-vous déjà entendu parler d'une troupe de cirque ambulante massacrée par des pirates il y a deux ans ?
- Je me souviens vaguement de cette histoire horrible que j'avais lue dans le journal … Yamiko, serais-tu la seule rescapée que la Marine avait retrouvée ? » Lâcha le Capitaine après un bref silence, se souvenant de la description de la seule survivante du massacre : une jeune fille aux cheveux blancs dont un œil n'avait pas été épargné.

Face au silence de la jeune fille, le Capitaine eut sa réponse. Là était la vérité qui était à l'origine de ses errance et solitude.

L'atmosphère devint soudain pesante.

« Et si tu venais avec moi ? Fit l'homme après un moment. Ma famille n'est pas bien aisée mais il y a de la place pour toi si tu veux. Je t'apprécie beaucoup et je serais vraiment heureux si tu acceptais de m'accompagner. »

Face à la proposition plus que bienveillante du Capitaine, des larmes de joie menacèrent de se déverser de son œil valide mais qu'elle réussit à contenir. Il lui offrait la possibilité d'avoir un foyer. Une proposition que n'importe quel être isolé, suite à une infortune comme elle était, aurait accepté sans hésiter, seulement, elle avait un objectif à toucher. Finalité qui l'amenait à sillonner les mers et à braver maintes dangers. Son but l'avait déjà poussé à abandonner des familles où elle avait été bien accueillie et dans lesquelles elle aurait pu très bien trouver une place.

« Votre proposition me touche énormément Capitaine mais je dois poursuivre mon chemin.
- Ton chemin ? Chercherais-tu les pirates responsables de la disparition des tiens pour te venger ? Lâcha le Capitaine, de l'inquiétude se lisant dans sa voix.
- Non. La vengeance n'est pas mon but.
- Qu'est-ce que tu cherches alors ?
- Des survivants des miens qui avaient été amenés par les pirates.
- Le journal n'avait pas mentionné ce fait !
- Parce qu'ils ne sont pas au courant. Vous êtes une des rares personnes à qui je confie cette histoire … Je vous apprécie également Capitaine, déclara la jeune fille avec le sourire. Si jamais un jour je suis lasse d'errer, j'aimerais bien accepter votre proposition, du moins si celle-ci tient toujours ce jour-là !
- Bien sûr, fit l'homme avec un léger sourire en retour. J'espère que tu atteindras ton objectif Yamiko. S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour toi, n'hésite pas à me solliciter n'importe quand. »

Le Capitaine écrit ses coordonnées sur un papier qu'elle tendit ensuite à la jeune fille.

« Merci Capitaine. Merci pour tout, fit la jeune borgne d'une voix émotionnée.
- Bon, je file. Je reviens plus tard. Peut-être que tu changeras d'avis d'ici mon départ. »

La jeune borgne suivit du regard l'homme qui s'éclipsait puis elle examina de nouveau la feuille qu'elle avait en main alors que la tristesse voila son œil valide. Elle se sentait désolée pour ce qui était arrivé au Capitaine. Il avait perdu son travail et à cause de son bras en moins, peut-être ne trouvera-t-il jamais une nouvelle activité professionnelle. Malgré sa propre infortune, le Capitaine se souciait des sorts des autres. Il était irrémédiablement un grand homme. La jeune fille se disait qu'un être aussi gentil ne méritait pas autant de malheur.

La jeune borgne allouait beaucoup d'estime au Capitaine et regrettait de ne pas pouvoir le suivre, même si ce n'était pas définitivement. Elle avait déjà assez perdu de temps alors elle ne pouvait pas se permettre une nouvelle halte dans sa quête.

***

Ne pouvant plus de rester enfermée dans la tente, la jeune chasseuse de primes entreprit une petite escapade bien qu'on lui avait interdit de bouger. Avec pénibilité, elle se faufila avec précaution à travers la foule, pour ne pas recevoir un coup par inadvertance qui n'arrangerait pas sa situation physique déjà bien piteuse. Chaque pas lui arrachait des douleurs, cependant, telle une doloriste, elle continua d'avancer. Elle n'aimait guère être enfermée et encore moins être bloquée dans un lit. Situation qui pouvait saper complètement son moral. Elle avait donc décidé d'aller s'installer quelque part, où elle pourrait au moins savourer tranquillement la caresse du vent sur sa peau. Chose qui avait le don de la faire sentir bien.

Au milieu de la foule, une main vint se poser sur l'une de ses épaules. Tout doucement, la jeune fille se retourna.

« Je ne … »

Alors qu'elle s'apprêtait à se défendre verbalement, croyant qu'on était venu la réexpédier dans la tente, elle s'interrompit face au Colonel Fenyang.

« Navrée Colonel Fenyang mais je ne peux pas accepter votre proposition bien que très alléchante. J'ai un objectif personnel à atteindre et occuper une fonction comme marine risquerait de freiner mon ascension vers celui-ci. Sachez cependant que votre offre me touche énormément. Vous êtes un véritable héros pour moi et ça aurait été un véritable honneur d'être placée sous votre commandement si mon chemin n'avait pas été déjà tracé ... »

En vérité, s'engager dans la Marine pourrait au contraire l'amener à atteindre plus rapidement son objectif mais, bien qu'elle trouvait la proposition du Colonel réellement méritante, elle ne désirait point s'enrôler dans la Marine. Sinon, elle l'aurait déjà fait l'année dernière à Hinu Town, en intégrant la garnison locale où se trouvait celui qu'elle considérait comme son grand frère, le commandant Hurano Hikari.

Malgré la solitude, qui souvent la rendait bien morose, elle appréciait assez sa vie d'une chasseuse de primes entièrement libre. Elle pouvait aller où elle désirait et faire ce qui lui plaisait sans se soucier des protocoles ni devoir demander de l'autorisation. Si elle avait été dans la Marine, elle croupirait surement en ce moment en prison ou se serait fait expulser de sa fonction pour cause de complicité avec des pirates qu'elle aurait trouvés assez gentils pour en faire des amis. Une dissidente, voilà ce qu'elle serait en tant qu'agent de la Marine. Elle n'était pas assez rigide pour suivre des règles aussi strictes que celles d'une organisation telle que cette dernière.

La jeune borgne s'inclina face au gouvernemental, geste qui lui arracha une douleur lancinante qui fut crispée son visage qu'elle tenta de cacher du regard du Colonel Fenyang.

« Je vous remercie pour tout Colonel. Je n'oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi ! Portez-vous bien et surtout ne vous laissez pas aller car je reviendrai vous affronter un jour, tenta de plaisanter la jeune fille avec le sourire. Si vous permettez … »

Espérant un jour avoir l'occasion de recroiser cet homme qui lui avait sauvé la vie et qu'elle admirait pour sa puissance, la jeune borgne reprit son chemin. Face au Colonel, à qui elle ne tenait pas à montrer sa faiblesse, la chasseuse de primes tenta de marcher convenablement malgré les douleurs qui s'éveillaient à présent dans tout son corps.

Après une bien pénible avancée, elle finit par atteindre un coin de plage tranquille. Avec précaution, elle s'assit dans le sable, le dos adossé contre un rocher. Elle leva ensuite le regard pour fixer un moment le ciel puis ferma l'œil pour savourer la caresse du vent sur son visage.

Alors qu'elle se sentait peu à peu apaisée, elle ouvrit enfin l'œil. Elle se remémora ensuite les derniers évènements qui avaient bousculé le courant de sa vie puis elle finit par se demander si elle n'aurait pas dû au moins solliciter au Colonel Fenyang de lui enseigner le maniement du sabre. Après tout, le gouvernemental avait démontré qu'il était un excellent bretteur. Se disant que l'homme n'aura de toute façon pas du temps à lui accorder, à elle qui n'était qu'une "gamine" qu'elle avait croisée au hasard, la jeune chasseuse de primes chassa l'idée de son esprit. De plus, elle trouvait son souhait quelque peu déplacé car elle venait après tout de refuser la proposition du Colonel de faire d'elle son élève en quelque sorte. Il ne lui restait donc plus qu'à poursuivre son objectif initial : se rendre sur l'île des sabreurs pour acquérir un bon sabre et apprendre à le manier avec l'aide d'un maître qu'elle aura déniché sur place. Mais avant tout, il faudrait déjà qu'elle se remette de ses blessures, fruits de son dernier et bien pitoyable héroïsme …
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- « Eh bien… »

Surpris ? Clairement que je l’étais. C’était bien la première fois que j’essuyais un tel refus. Toutes les personnes à qui j’avais proposé un entrainement avaient pourtant accepté. Proposition alléchante qu’elle avait dite ? Pas tant que ça finalement, il faut croire. Les quelques inconvénients inhérentes à l’intégration des rangs qu’elle m’avait étalé, n’étaient pas ce qui me dissuadait d’insister ; mais plutôt un petit quelque chose dans sa voix et sa manière d’être qui m’indiquaient clairement qu’elle n’était définitivement pas disposée à devenir marine. Pas pour le moment en tout cas. J’eus donc un soupir lorsqu’elle décida de s’en aller. Sa p’tite blague eut au moins le mérite de m’arracher un petit sourire, mais je me rendis très vite compte qu’elle trainait encore des séquelles de ce qui venait de se passer. Comme quoi, toutes les histoires ne finissaient pas par un happy-end. Je fis néanmoins signe à un bénévole dans les environs, qui s’approcha de moi et à qui je donnai quelques indications la concernant. L’idée était qu’il lui prodigue des soins plus poussés et lui offre le gite au moins pour cette journée. Il était clair qu’elle ne pouvait pas voyager dans cet état et qu’elle refuserait certainement de prendre ses quartiers dans ma base même pour une courte période. Cette alternative était la meilleure à mes yeux en ce moment même…

Par la suite et malgré mon manque d’envie, je fis le tour des lieux. Je n’avais presque rien à faire, si ce n’est m’enquérir de l’état de tous les blessés/traumatisés etc… Je fis cet effort pendant de très longues heures, jusqu’à ce que les familles des différents passagers du bateau de croisière ne débarquent. Certaines étaient en joies de retrouver leurs proches sains et saufs, tandis que d’autres pleuraient la mort des leurs. Situation très éprouvante. Là encore, j’assistai le capitaine du navire qui bien plus affecté qu’il ne le montrait. Un brave homme jusqu’au bout des ongles. J’eus d’ailleurs honte pendant ces moments-là. Honte de l’avoir soupçonné d’être le complice de Seneca et de son groupe. Si j’avais écarté cette hypothèse farfelue, nous aurions sans doute pu limiter les dégâts, voire même étouffer dans l’œuf cette prise d’otages grotesque. Ma connerie, je ne la pardonnais qu’à moitié. A moitié seulement. Et c’est bien ce qui me maintenait sur place alors que j’avais  cruellement besoin de repos. A la tombée de la nuit, il ne resta plus grand monde. Je réquisitionnai alors l’hôtel de ville pour loger les personnes restantes. Quant aux marins du bateau de croisière et au capitaine lui-même, je les installai tout simplement dans ma base. C’est d’ailleurs quelques temps avant de s’endormir que le capitaine me raconta toute l’histoire de l’albinos.

J’aurai pu m’offusquer, quitter précipitamment la base et aller à sa recherche… Mais non. Je ne le fis pas. Cette gosse avait une raison louable de ne pas faire partie de la marine, même si intégrer les rangs auraient pu l’aider à retrouver les survivants plus facilement. A se venger même. Qui plus est, je la comprenais plus ou moins. J’avais déjà perdu des êtres chers moi aussi. Je savais donc ce que signifiait tout cela et ce que ça impliquait en fin de compte. En définitive, je ne pouvais que lui souhaiter une chose : Le succès dans toutes ses entreprises à venir. Le chemin était long, surtout pour une gamine de son âge, mais avec de la persévérance, elle pourrait y arriver. Je ne voulais même pas penser à l’autre cas de figure. A l’échec. L’avenir nous dirait tout. D’ailleurs, elle avait promis de venir me botter les fesses, ce que j’allais prendre pour argent comptant. J’allais donc l’attendre de pied ferme. C’est sous cette pensée plus qu’optimiste que je pris enfin soin de moi-même. Une douche, un repas… Et la couette. Tout bêtement. Mais je ne m’écroulai pas immédiatement. Je pensai à la chasseuse de primes (Et pas pour les mauvaises raisons pour une fois !) pendant une bonne heure et au reste de la semaine que je m’étais octroyé, avant que le marchand de sables ne vienne enfin me visiter. Et c’est sur cette image que les rideaux se refermèrent sur un fait marquant de ma longue histoire.
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