_ Allez ! Oh hisse ! Pousse !
Je m'encourage avec les moyens du bord, hein ! Mais ça ne rime pas à grand chose, je dois bien avouer. J'utilise pourtant toutes mes forces, je m'aide de mes mains, j'essaie de me redresser avec mes coudes...
Malheureusement, à part suer pour des efforts inutiles, je ne semble pas bouger d'un centimètre.
C'est seulement après plusieurs tentatives infructueuses qu'une idée me tombe enfin sous le sens. Moi qui ne suis qu'un gros plein de soupe, j'en ai justement plein à revendre ! Ainsi, il y a fort à parier qu'en dégoulinant toujours plus, je vais en quelque sorte me fabriquer une belle mare salvatrice.
Alors, c'est décidé ! Je me dépêche de bavouiller de partout, de la tête aux pieds, jusqu'à ce que je finisse par sentir que toute ma carrure est trempée à cent pour cent.
Puis, une fois mon lubrifiant naturel répandu comme convenu, je n'ai plus qu'à me laisse guider vers la liberté. Bon d'accord, je dois encore sacrément me démener pour sortir de tous ces décombres. Mais en tout cas, on peut sentir une différence flagrante : j'ai vraiment plus de facilité pour quitter ce fichu piège, tout ça parce qu'une grande perche a jugé bon de me piétiner le nombril tout à l'heure, avec sa über force incommensurable !
_ Espèce de sale enf... ! Gueulé-je aussitôt, dès que je peux remarcher de nouveau.
En fait, j'ai peine le temps de serrer et dresser le poing vers mon interlocuteur. Et encore moins de lever la tête dans sa direction. Tout à coup, c'est le noir complet !
P*tain de m*rde ! Qu'est-ce qu'il se passe encore, cette fois-ci ? Je râle de plus belle pour qu'on me sorte de là, je tâte et déambule dans le vide sur une matière toute molle et gluante. Et soudain, j'entends une sorte de "gloups". Un peu comme si un truc énormissime venait de déglutir... ou plutôt avaler quelque chose. Enfin là, en l'occurrence, quelqu'un !
_ Ouate de phoque ! Braillé-je, tandis que mes neurones cogitent au même moment.
Je ne mets pas longtemps à piger que la grosse bestiole m'avait gobé quelques instants plus tôt. Sauf que, trop concentré sur ma petite évasion et mes griefs contre l'autre saligaud de géant, je n'ai même pas été foutu de me replacer dans la réalité.
Bah oui, quoi ! Je suis toujours cloîtré dans une satanée prison, à devoir faire le show pour ma survie... avec par-dessus le marché, un truc sauvage, féroce et ignoble qui pimente le spectacle !
Bref, pour l'heure, je dévalle donc un gouffre méga profond sans savoir quand se terminera le crash. Pour couronner le tout, le boucan infernal dans ce long tuyau est vraiment des plus horribles à subir. Merci pour mes tympans ! Pour l'odeur, passe encore... la mienne n'est pas mal non plus pour combler, dira-t-on.
Pendant ce temps-là, je crois aussi pouvoir parfois discerner des coups de feu qui résonnent, dehors. C'est vrai que le bordel créé a dû ramener la blinde de gardiens de prisons, chargés à bloc en armes à feu. Il faut bien remettre un semblant d'ordre, quoi.
Par chance, si les balles défoncent et déchirent la chair du gros bestiau, moi je suis protégé. Puis, un peu plus tard, je crois pouvoir dire que je fais plouf quelque part. Youpi ! Je suis arrivé à euh... destination.
En revanche, l'endroit devient très vite invivable. C'est pire que des égoûts ! Déjà, pour respirer, c'est la misère ! Mais en prime de couler sous peu, ma peau se met visiblement à brûler à cause de je-ne-sais quelle magie !
_ Suis-je bête ! Fais-je en sursautant au milieu de cette affreuse piscine qui me ronge doucement mais sûrement. Où vont tous les aliments, après que quelqu'un ait fini de bouffer, pardi !?
Eh ouais, beurk de la mort qui tue, là !
Comme j'attrape bientôt des sales et répétitifs hoquets, de suffocation et de dégoût, mon cerveau en profite également pour me suggérer la petite astuce qui me permettra sans doute de regagner la lumière du jour. Dans mon for intérieur, j'acquiesce et j'esquisse un sourire mesquin.
_ Toupie Booblade ! Annoncé-je alors dans le feu de l'action.
Et c'est parti pour le remue-ménage de sagouin ! Je tournicote ici et là dans la grosse poche du monstre, histoire de provoquer le chantier de ouf dans son bide. Puis, dans la foulée, j'en profite aussi pour fouetter les parois avec ma fétiche paire de lolos.
Après quelques vilaines secousses, je commence à sentir que le gigantesque animal se met à gigoter et à choper des soubresauts. Probable qu'il doit aussi tourner de l'oeil, et que son faciès attrape une sale couleur. Une façon comme une autre d'exprimer à son cher et tendre copain Olek, qu'un large et graisseux inconnu est sûrement en train de lui tabouriner les entrailles... et que tôt ou tard, il faudra bien que ça sorte !
Pauvre bête, n'empêche ! Elle doit déjà encaisser tous les plombs des chasseurs qui l'encerclent depuis un moment, ce qui ne manque pas de l'affaiblir au fil des tirs. Et maintenant, voilà qu'un énergumène bien enrobé l'oblige tout à coup à la faire souffrir davantage, en lui brûlant tout le système digestif.
Bwaarghl, que ça hurle lorsque ma grosse carcasse a fini de remonter les étages, en mode turbo ! Mon éjection est, par contre, fulgurante. J'ignore où j'atterris violemment, mais ça dégomme de nouveau du décor un peu plus... pour ne pas changer une équipe qui gagne.
Quant à la petite touche finale toute aussi crade, on peut peut-être de même remercier le monstre imposant d'avoir particulièrement pu faire gicler des tonnes et des tonnes d'acide gastrique. Ça bouffe notamment les barreaux servant normalement à séparer la déchéance humaine des gens biens.