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L’enfer existe… et il pue la bouse

Le problème quand on a de la fierté, c'est qu'elle a tendance à mal se placer. Et celle-ci finit souvent par se coincer, occasionnant des grincements de dents et des grommellements très désagréables. Quand on a passé sa vie à se construire un train de vie agréable et qu'on se retrouve à devoir dépendre des autres, une personne avec la fierté mal placée aura tendance à très, très mal le vivre. Si la situation perdure, on peut voir apparaître des symptômes tels que l'irritabilité, les accès de violence ou des ulcères au colon pour ceux qui tentent trop de retenir les deux autres symptômes. Fort heureusement, Joseph a su préserver son bien-être intestinal en enfonçant profondément les dents d'un jeune mousse dans le bastingage de bois après que celui-ci lui a tendu un balai-serpillère en lui demandant une participation aux corvées pour payer sa traversée. Comme si un homme de sa stature allait s'abaisser à laver le ponton d'un navire, qui n'est pas le sien qui plus est. Sa traversée, il la payera plus tard, avec des piécettes sonnantes et trébuchantes, une fois la récompense en poche. En attendant, celui qui voudra lui réclamer encore quelque chose subira le même sort, même s'il doit pour cela orner la totalité du bastingage des quenottes jaunes et sales de l'équipage.

Car oui, le marchand est contraint de voyager sur des navettes et des navires de tourisme depuis que le sien a été confisqué par la Marine ce qui, en toute honnêteté, le fait bien chier.

Accoudé sur la figure de proue, Joseph regarde l'horizon en se disant qu'il va devoir repartir de zéro. Son bateau, ses marins, son hangar sur les docks... Tout cela est de l'histoire ancienne, le voilà revenu comme à ses vingt ans, seul au milieu de l'océan avec son fleuret et son pistolet comme seul bagage. Il ne peut même plus espérer de nouvelles commandes de la part de ses anciens clients : la perte de la marchandise qu'il devait transporter l'a rendu débiteur de ses clients. Dans ces cas-là, le profil bas est de rigueur. Lui qui était à la tête d'une entreprise florissante, le voilà qui fuit à travers les mers en rasant les murs comme un échappé de cachot. D'un geste rageur, l'homme frappe du poing sur le bois de la statue en forme d'énorme coquillage qui orne l'avant du navire. Ce satané adjudant Touille... Il ne perd rien pour attendre. Lorsqu'il sera revenu à la place qui lui revient, le sommet, il fera payer à ce sous-officier son affront au centuple. Mais d'ici là, il va devoir travailler dur pour se créer un empire.

C'est d'ailleurs dans ce but qu'il voyage aujourd'hui en direction de l'Amerzone, une île située au Sud du Sud de South Blue. C'est bien simple, l'île est tellement au Sud qu'il paraît qu'on pourrait rejoindre Red Line à la nage s'il n'y avait pas des monstres marins de plusieurs centaines de mètres qui se baladaient. Cette île, réputée pour son légendaire inintérêt et pour le bas niveau de civilisation des personnes qui la peuplent, est à l'opposé exact des goûts assez distingués de Joseph. Là-bas, les analphabètes et les bourrins disputent la part du lion aux consanguins. C'est donc avec appréhension que notre héros se rend dans ce bourbier.

Quelques jours plus tôt, un client l'a appelé pour lui passer une commande assez particulière.

https://www.youtube.com/watch?v=q33x5_kep2A

-Pulu-pulu-pulu-pulu! Pulu-pulu-pulu-pulu!
-Allo oui? Mushi-mushi?
-Vous êtes monsieur Andersen? Le convoyeur de marchandises?
-C'est en effet mon métier. Transport rapide et de qualité.
-J'ai eu vos coordonnées sur un tract  à Kage Berg. Alors voilà. Je suis Sir Dalors Omer et je collectionne les animaux rares, exotiques ou particuliers. J'aimerais un Wendigo. Il irait très bien dans mon petit parc.
-J'ai peur de ne pas savoir ce que c'est. Un bel oiseau aux plumes bigarrées? Un marsupial aux yeux globuleux? Ou encore un discret poisson bleu?
-Non, non, c'est une sorte de grosses masses pleines de poils hirsutes extrèmement hargneuse, avec des bras, des jambes et des crocs tranchants qui vit dans les mangroves puantes de l'Amerzone!
-Ah... (silence lourd et pesant) En résumé si j'ai bien compris, il faudrait que j'aille risquer ma vie, de la gadoue jusqu'aux mollets entouré d'horribles fumets afin de capturer une bête poilue qui risque de m'attaquer à vue?
-C'est exactement ça!
-J'ai bien peur de devoir décliner votre proposition. Mon entreprise ne gère que la livraison. L'obtention de la marchandise, ce n'est pas...
-Votre prix sera le mien.
-C'est entendu, marché conclu.
-Très bien. Prenez m'en un beau, hein! Je vous attend la semaine prochaine! *clic*
-*clic*

A la suite de cet appel, le professionnel de la livraison s'est rendu au port et a cherché pendant plusieurs heures un capitaine de navire qui connaissait l'Amerzone et encore plusieurs heures après pour en trouver un qui accepte de s'y rendre. Et voilà comment, poussé par l'appât du gain, on se retrouve à débarquer sur une île comme l'Amerzone. A peine le premier pied posé sur le sable, des relents d'eau croupie emplissent les narines de Joseph qui sort un mouchoir de tissu de sa poche et le plaque sur son visage pour tenter de le protéger de ces émanations nauséabondes. Le paysage qui s'offre à lui est cataclysmique. Difficile de déterminer ce qui est le plus pathétique à voir. Le sol est sale, boueux, les habitations sont en matériaux de récupération mal agencés les avec les autres. L'odeur est tellement insoutenable que l'homme civilisé sort un second mouchoir de son veston et le plaque par-dessus le premier. L'architecture ne mérite même pas d'être qualifié de balbutiante, il n'y a aucun sens de l'esthétisme, les murs ne sont pas droits et, petit semblant d'harmonie, les sols ne le sont pas non plus. Et les gens... Les gens... Partout, il voit des hommes sales qui transportent aussi bien des armes à feu que des cuisses de porcs sanguinolantes, des femmes aux cheveux remplis de feuilles, de terre séchée et d'autres choses indéterminées, des personnes qui marchent voutées, mal habillées... La déchéance totale.

Joseph manque de trébucher en descendant du ponton lorsque son pied se glisse entre deux planches mal ajustées. Un homme aussi repoussant que le reste s'approche de lui pour tenter de l'aider à se redresser mais le marchand se recule avec autant de vivacité que s'il s'était agit d'une flamme ardente. L'autochtone est bouffi, avec un nez difforme rappelant vaguement une pomme de terre, son visage est boursouflé et rougit par des années d'alcoolisme. Sa peau est grasse et acnéique et ses yeux sont vitreux. Il porte un horrible béret kaki et son ventre gonflé par la bière dépasse de son débardeur blanc taché de nourriture.

-Bé alor'mon gars! Cé qu't'as bin failli tfér mal!

Le visage de Joseph prend un air absolument épouvanté par cette vision. Impossible de dire ce qui provoque le pire sentiment de dégout.  La voix railleuse et la façon de parler rurale de l'amerzonien qui agressent ses tympans, la vue de ses dents déchaussées et cariées ou bien l'haleine fétide qui s'en dégage et qui l'oblige à superposer un troisième mouchoir en tissu. Trois de ses sens étant hors service en moins de quelques secondes, Joseph titube, recule et sans même répondre prend la fuite vers l'intérieur de la ville. Mais tous les amerzoniens et amerzoniennes semblent être du même accabit.

-Pour l'amour du ciel, quelle épreuve cruelle! Franchement pour ce Wendigo de malheur, la paye a intérêt à être à la hauteur!
    Le Zonien que tu laisses en plan ne comprend pas ta réaction et te regarde le fuir, l’air bête.

    - Bé, l’est zozo c’ui-ci !

    Puis il continue sa route ... en glissant et son pied se coince lui aussi entre les deux planches.

    - Ah ben ... C’est-y ben ma veine ...

    D’autres Zoniens le voient dans le pétrin et préfèrent se moquer de lui plutôt que l’aider.

    - Bé aidez moi nom de diousse !

    Au lieu de ça, ils viennent tous en même temps lui faire les poches alors qu’il essaie de retirer son pied.

    Bienvenue sur Amerzone !

    ---

    Alors que tu t’enfonces de plus en plus dans la poisseuse et nauséabonde capitale qui te fait te consterner à haute voix, un homme -un autre bouseux bien entendu- entend ton exclamation et te siffle, à l’ombre de ce qu’aurait pu être une ruelle si la capitale avait été digne de ce nom.

    Tu reste interloqué un temps, avant qu’il ne t’adresse vraiment la parole.

    - Ben alors ? T’as p’us rien dans l’caberlot ou quoi ? C’est toi qu’j’appelle, gros malin !

    Maintenant que tu as confirmation qu’il s’agit bien de toi dont il parle, tu t’approches -un peu- de lui. Tu peux désormais t’apercevoir qu’il avait un fusil accroché dans le dos, et que son odeur corporelle commence à agresser tes narines.

    - Alors comme ça, t’veux t’en prendre à c’Wendy Go ? Ca tombe bien, moi aussi ! J’te d’mande rien à part un coup d’main. Au pire, j’verrai, j’me servirai tout seul, bwéhéhéhé.

    Et il part. Tant mieux dans un sens, tu te dis que l’odeur finira par disparaître ... avant que tu ne t’y habitues. Sauf qu’il a quand même attiré ton attention, et si tu le laisses partir, tu ne pourras pas retrouver sa trace -même à l’odeur. Alors tu lui emboîtes le pas en laissant une petite distance entre vous.

    ---

    Vous marchez depuis dix minutes maintenant, dans le silence le plus complet, même s’il y a un truc qui te fait tiquer un peu : vous ne gagnez pas la mangrove mais juste les alentours de la ville.

    Et puis le bouseux s’arrête devant une maison, dégaine son fusil et tire avant de beugler.

    - Eh oh ! Wendy ! Sort d’là, j’sais qu’t’es là ! On a des choses à s’dire ! Oh ! Wendy Go !

    Il tire une nouvelle fois, et en voyant une forme humanoïde sortir de la maison, tu réalises qu’il y a méprise puisque ce qui en sort n’est autre ... qu’un okama !

    L’enfer existe… et il pue la bouse 192073conchitawurstbymxprietod7hxvdb

    - Hiiiiiii ! Arrêtez ! Je ne veux pas en venir aux mains !

    En même temps qu’il ou elle se cache le visage avec ses mains, il assène un violent coup de pied sous le menton du chasseur, ce qui le met KO quelques mètres plus loin.
    Il écarte ses doigts pour laisser apparaître ses yeux pour te voir et t’apostrophes :

    - Et toi alors ? Qu’est ce que tu me veux ? Toi aussi tu veux piller mes biens ? Approches donc pour voir !

    Spoiler:
      Il y a des règles à respecter dans la nature. Au même titre que la perfection n'existe pas, son opposé ne le peut pas non plus. Une belle blonde à forte poitrine sera forcément aussi mentalement limité qu'une palourde après cuisson une demi-heure à feu doux tandis que le beau gosse aux poches remplies de billets sera toujours une enflure arrogante. C'est ce qu'on appelle l'équilibre naturel, la balance du cosmos, le yin et le yang... En partant de ce postulat, l'homme qui vient de l'interjecter ressemblerai à ce qu'on pourrait qualifier d'absurdité. En effet, en plus d'être laid, malodorant et disgracieux, il est assez stupide pour penser que "Wendigo" est le nom d'un des habitants de l'île et faible de surcroit car, malgré son fusil, il vient d'être terrassé par un coup de pied de travesti effrayé. Joseph ne lui accord même pas un regard tandis qu'il gémit de douleur, allongé derrière lui. A en croire la giclée de sang entre lui et le propriétaire du pied, son nez est brisé. Il ne se relèvera pas de sitôt.

      La femme à barbe (ou l'homme à seins) se méprend sur les intentions du touriste et pense qu'il est de connivence avec l'homme au fusil et qu'il cherche à la dépouiller de ses biens. Joseph hausse les sourcils, toujours le visage masqué par ses trois mouchoirs et se penche lentement vers la droite pour jeter un coup d'oeil à l'intérieur de la maison. L'intérieur est à l'image de l'extérieur. Il fait sombre, les murs sont sales, des déchets jonchent le sol, tout le mobilier est tellement bon marché qu'un nécessiteux n'en voudrait pas et une odeur de renfermé s'en échappe. Joseph reprend sa position initiale et tousse.

      -Je vous remercie mais sans façon. Vous pouvez garder vos possessions.

      Il est légèrement irrité. Comment peut-on penser un instant qu'il puisse faire équipe avec l'ignoble poivrot derrière lui? Après rélexion, Joseph se rend compte que cet okama parle normalement, sans cet accent horrible qu'ont les habitants de la campagne. Sautant sur l'occasion d'intéragir avec une personne épargant son ouïe, à défaut de son odorat, il lui explique la situation, son objectif, la méprise entre le nom de l'animal et le nom de l'okama... Bien que méfiante et sur ses gardes, l'habitante de la maisonnée le laisse parler sans l'interrompre, se contantant de simples hochements de tête et de quelques grattages de barbe.

      -Pouvez-vous m'indiquer par où je dois aller pour pouvoir débusquer la bête recherchée?

      Il espère qu'au moins lui, ou elle, sera capable de lui répondre. Le Wendigo est un animal n'existant, à priori, que sur cette île alors si même les natifs ignorent son existence, cela risque de sacrément corser sa mission. Il a accepté de se rendre dans ce trou pour capturer une bête sauvage mais il n'a jamais accepté de se lancer à la recherche d'un monstre légendaire ou mythique que personne n'a jamais vu et qui n'existerait que dans les contes populaires. Quoique... Si tel est le cas, il pourrait en demander plusieurs dizaines de millions de berrys ce qui constituerait un capital de départ intéressant pour pouvoir se payer un navire et relancer son entreprise.

      En s'appelant Wendy Go sur Amerzone, cet okama a probablement dû subir des railleries durant toute son enfance de la part des autres enfants pour son nom, sans compter les railleries pour son aspect bien entendu. Il est quasiment impossible que cette personne ignore qu'un animal poilu et dangereux porte le même nom que lui et qu'il vit sur la même île.
        Wendy semble rassuré que tu ne veuilles pas t’en prendre à ses maigres possessions, et avant de te diriger, il se confie :

        - Ah ... Enfin un peu de répit ... Vous ne semblez pas être du coin ... Ca peut vous paraître exagéré ce que je vais vous dire, mais je prends votre venue pour un don du ciel ! Non mais c’est franchement l’horreur ici ! Je viens de Kamabaka, je voulais un peu d’aventures à l’état sauvage, on m’a proposé de m’amener ici mais ... mais je crois qu’on a voulu se débarrasser de moi en fait ...

        Il baisse la tête, la mine déconfite, il est clairement abattu. Que ce soit de part l’île qui n’est pas accueillante ou de part la mentalité des gens du coin.
        Puis il reprend :

        - On ira voir les glaiseux, c’est mieux pour appréhender les dangers de la zone, je sais qu’il ne faut pas que je parte sous peine de retrouver ma maison rasée, m’enfin ... Du coup, il va falloir que nous allions dans la mangrove, avec tout ce que ça implique ...

        Il semble réfléchir un instant en se grattant la barbe puis continue :

        - Je vous propose un marché : je vous aide à chasser le Wendigo, et vous m’emmenez avec vous quand vous partez, d’accord ? Je me débrouillerai pour rentrer à Kamabaka, lâchez moi sur une autre île, la première venue, je veux juste partir d’ici ! Hein ? Vous acceptez, dites ?

        Il ne te laisse même pas le temps de répondre qu’il commence déjà partir, visiblement pressé de s’en aller d’ici.

        ---

        Alors que vous commencez à vous approcher du bayou à l’odeur fétide, mélange de verdure pourrissante et d’eau croupie, vous entendez un bourdonnement sourd, légèrement aigu, désagréable. Et si vous tendez encore plus l’oreille, vous pouvez constater que le bruit se rapproche !

        - Oh non ! Des Maringouins !

        Pas loupé ! Une poignée de secondes plus tard, vous êtes entourés d’une dizaine de moustiques géants ! Aussitôt, Wendy t’attrape par les cheveux et les tire pour te coucher dans la boue ignoble.

        Bravo, tu as officiellement accompli ton baptême amerzonien !
          Déjà très peu enjoué par la visite d'une île aussi répugnanteque l'Amerzone, Joseph découvre à son grand dam que, alors qu'il pensait être au fond du gouffre, le port dans lequel il est arrivé est en vérité la partie la plus accueillante du lieu. Le voilà à présent en train de suivre Wendy pour aller rencontrer les "glaiseux", un peuple dont le nom ne lui dit rien qui vaille. Pour les rencontrer, ils doivent passer par la mangrove. C'est amusant car l'archipel Shabaody est composée de soixante-dix-neuf archipels absolument charmante où les racines d'arbres majestueux se plongent dans les eaux claires et limpides de la mer. Alors qu'ici... C'est différent. Des arbres dépérissent et se voutent comme des vieillards en perdant des feuilles et des branches qui se décomposent dans de l'eau stagnante. L'obscurité à cause de la forme des arbres qui y règne empêche la prolifération d'herbe et de petites végétations. Le sol n'est donc composé que de boue nauséabonde et de matière organique à différents stades de décomposition. C'est plus un marécage qu'autre chose qui se dresse devant le couple. En voyant Wendy s'avancer dans cette direction le marchand s'arrête.

          -Vous n'escomptez tout de même aller là dedans? Patauger dans ce bouillon répugnant?
          -Mais si allez! Le Wendigo ne vit que dans la mangrove alors si vous voulez en trouver un, il va bien falloir y aller.

          Joseph avance un premier pas et frissonne de dégout en sentant son pied s'enfoncer d'une bonne dizaine de centimètres dans la vase. Les trois mouchoirs qu'il applique sur son nez se sont tellement imbibé des particules de moisi qui flottent dans l'air qu'ils sont devenus totalement inefficaces. Il soupire et les range dans sa poche en se jurant de les brûler dès que possible. Il retient un hurlement en sentant un liquide froid couler à l'intérieur de sa botte après avoir fait un pas à un endroit un peu trop mou. Il se jure de jeter ses bottes dans le feu également. L'homme décide de faire bien attention à ce que rien d'autre ne soit souillé s'il ne veut pas finir nu comme un ver devant un immense brasier. C'est à cet instant que Wendy décide de l'attraper par les cheveux et de le plaquer au sol. Le visage enfoncé dans une bonne dizaine de centimètres de gadoue composée d'eau croupie, de feuilles mortes et probablements d'excrements et de cadavres d'animaux en décomposition, Joseph est sur le point de faire une attaque. Il pousse un hurlement de rage qui ne provoque que de grosses bulles qui remontent lentement à la surface en explosant mollement. Couvert de cette vase de la tête aux pieds, l'homme se relève d'un bond, crache et tousse pendant quelques secondes et dégaine son fleuret en le pointant vers le travesti. Il écume de rage.

          -Vous avez intérêt à avoir une excellente explication! Je ne laisserai pas passer ça sans raison!

          Il n'a même pas le temps de continuer qu'une énorme bestiole de plus de cinquante centimètres lui passe sous le nez en vrombissant. Décontenancé, l'épéiste tourne la tête et voit un insecte gigantesque, doté d'un dard de plus de dix centimètres, qui lui tourne autour, rapidement rejoint par une dizaine de congénères. C'est... C'est ça des maringouins? Il esquive une attaque et riposte d'une estocade rapide, embrochant la bête comme s'il s'agissait d'un poulet. Deux autres lui foncent dessus et il repousse leurs aiguillons grâce à des passes d'arme rapides et totalement improvisées. Deux autres adversaires volants tombent au sol mais alors qu'il se préparait à la vague suivante, une violente douleur le surprend à l'arrière du mollet. Il vient de se faire piquer et l'animal est en train de lui pomper le sang à grande vitesse. L'homme sent ses forces le quitter. Il se penche, attrape le monstre à pleine mains et le fracasse contre le tronc d'un arbre à proximité avant de s'effondrer en arrière. Son corps s'enlise doucement. Les maringouins tournent autour des deux humains pendant quelques temps encore avant de finir par déguerpir comme ils étaient venus.

          Allongé là, entièrement reouvert de cette matière visqueuse et malodorante, le mollet endolori et vidé de ses forces, Joseph regarde la voute végétale au dessus de lui. L'enfer existe... et il pue la bouse.

          Wendy se relève rapidement et l'aide à se relever. Il grimace et s'appuie sur lui. Son mollet à doublé de volume et le démange terriblement. Ils continuent leur progression au travers des arbres. Joseph est dans un état second. En moins d'un heure sur l'Amerzone, cet endroit l'a rendu méconnaissable. Recouvert de boue, sale, avec un goût de purin dans la bouche, il boite péniblement au milieu d'un paysage qui ferait fuir un porc. De plus, la piqure commence rapidement à s'infecter dans ce lisier. La fièvre le gagne doucement.

          -Vous avez d'autres surprises comme ça? Autant être prévenu de ce qui viendra...
            - Oulà ... D’autres surprises ? Bien sûr ! L’île ne manque pas de ressources pour ça ... Alors si des moustiques géants vous effraient et un plongeon dans la boue vous dégoûte, vous pouvez repartir dès maintenant, ce qui ne serait pas sans m’arranger.

            La traversée commence à devenir pénible, les eaux boueuses et nauséabondes collent à vos jambes ce qui vous ralentit, vos bottes en débordent ... En plus de ça il fait moite. Chaud, et humide, l’impression que la transpiration est aussi gluante et poisseuse que l’eau dans laquelle vous marchez.

            - C’est bizarre ... Y’a plus un seul crocodrille ... En temps normal, les eaux en sont infestées ...

            Enfin une bonne nouvelle ! Sûrement. Tu ne finiras pas le mollet dévoré, c’est déjà pas si m... Ah, bah non. Un piraniac en profite pour croquer un petit bout de chair, et un filet de sang commence à se diffuser dans l’eau.

            - Mais arrêtez de saigner ! On va se faire dévorer !

            Et voilà que Wendy part dans une danse frénétique où il assène une flopée de coups de pied, ce qui fait voler ici et là les poissons carnivores. Vous finissez par vous extirper de l’eau avec quelques morsures ainsi qu’une grosse piqûre pour toi.

            Après ces quelques longues minutes -presque une demi-heure- de péripéties, vous arrivez au bidonville des glaiseux qui est plongé dans un joyeux bordel. Heureusement deux femmes semblent s’intéresser à toi et à ton pantalon en lambeau :

            - Keskila l’jeune homme ? Ouh ! Vilaines morsure pas vrai ? Bwéhéhé, j’connais un remède : faut pisser d’ssus.
            - Bé non ! Tu vas infecter la piqure ! Nan, faut frotter des avec boyaux d’crocodrille !

            Wendy s’en mèle.

            - Vous n’avez qu’à faire mariner les tripes dans de l’urine ...
            - Eh oh, c’est qu’il raconte elle ?
            - Ouais ! Elle est pas d’la région lui, et elle ramène sa fraise !
            - Vous n’êtes pas obligées d’être désagréables ... On veut juste chasser le Wendigo et s’en aller !
            - Bwahaha, ça va pas êt’ si facile !
            - Nop, y’a bagarre ent’ nous, installez vous, on va vous expliquer.
              Titubant, la tête tournoyant dans tous les sens comme un virtuose derviche, Joseph sort à nouveau son épée avant de grimacer en voyant qu'elle était elle aussi complètement souillée de vase. Il tend un bras tremblant vers les deux péquenauds et bredouille.

              -S... si vous m'urinez sur le mollet... v...vous tâterez de... de mon fleuret !

              Et il s'affale mollement sur une souche, épuisé. Les glaiseux haussent les épaules et s'approchent pour leur expliquer la situation. Avant de commencer, ils servent un verre d'une boisson inconnue et en distribuent à tout le monde puis s'asseyent en rond autour de Joseph qui ne peut plus se lever. Il les remercie, ayant bien besoin d'un petit remontant mais à peine ses lèvres ont elles touché le breuvage qu'il ressent une puissante brûlure. Il recrache en toussant violemment. L'alcool local est extrêmement fort et a un goût rappelant vaguement l'huile de vidange mais en plus acide. Ne voulant pas offenser ses hôtes, il fait semblant d'avoir avalé de travers mais cela n'empêche pas les autres d'exploser de rire.

              -Té! C'pas pour lé lopettes pas vré ?
              -Je vous en prie ! Je le bois très bien !
              -C'est... Kof ! Kof ! C'est quoi ce truc là? Vous buvez vraiment ça ?
              -Lé fada cui-là ! Ben sûr, cé not'e brûle-boyaux ! Cé ptête pas assé distingué pour un ptit étrangé, haha !
              -Ca cé bin vré!

              Joseph leur demande de poursuivre et verse discrètement le contenu de son verre sur sa jambe en grimaçant. L'alcool le brûle mais désinfecte la plaie en quelques secondes. Les glaiseux expliquent que les poussiéreux, un autre groupe d'amerzoniens vivant dans la partie désertique de l'île, ont débarqué avec des fusils en tirant un peu au hasard. Les glaiseux se sont fait avoir par l'effet de surprise mais on pu les semer en partant vers l'intérieur de la mangrove. Les animaux sauvages ont forcé les poussiéreux à repartir mais la guerre était déclaré entre les deux populations. Des pourparlers ont été engagés mais n'ont rien donné de très concluant. Les glaiseux sont accusé d'avoir trop chassé le crocrodile et d'avoir perturbé l’écosystème de l'île. Joseph est surpris d'entendre le mot « écosysteme » sortir au beau milieu de ce charabia. A plusieurs reprises, Wendy Go est obligé de faire la traduction car l'accent, le niveau de langage et le patois du coin forment une bouillie de sons incompréhensibles pour un humain normal.

              -Ctes s'lop'ries d'poussièreux ! Ki knou dise kekomkoi qon chasse tro ctes s'lop'ries d'crocro ! Mé c'tou cke ckon a nous !
              -Ca cé bin vré !
              -Eux ky zon plein d'phacomoche ! Y sfont d'pognon !
              -Ca cé bin vré !
              -D'accord, d'accord... Et sinon, les wendigo sont où ? Je ne comprend pas vos histoires de fou...
              -Ha ben l'wendigos s'son foutu l'camp, con ! Vec tou l'bordel qu'foutent à chak fois !

              Joseph se pince l'arrête du nez et souffle un grand coup. S'il a bien tout compris, les poussiéreux font régulièrement des attaques sur le camp des glaiseux et les détonations des fusils font fuir les animaux sauvages tels que les wendigos vers les confins de la mangrove. Il a donc deux solutions. Soit, il s'enfonce sans guide encore plus profondément dans ce marécage peuplé de créatures monstrueuses qui ont déjà failli le mettre en pièce dans la petite partie qu'il a traversé. Soit il va voir le peuple des poussiéreux pour tenter de voir clair dans le conflit et de régler le problème sachant que les étrangers sont relativement mal vus dans le coin... Enfin, en vérité, il y aurait bien une troisième solution. Il pourrait rebrousser chemin, monter dans un navire et accepter le fait qu'il a subit tout ça en vain. Mais l'homme fier repousse cette éventualité d'un revers de main dans l'air.

              -Je vais voir ce que je peux faire. Je vais aller parler à ces hommes sans croiser le fer. Il doit bien y avoir une solution pour calmer leur excitation.
              -Té l'bo parleur ! T'va pouvoir leur parlé t'dsuite !
              -Ca cé bin vré !

              En effet, des détonations commencent à se faire entendre et une balle fil à quelques centimètres du nez de Joseph.
                Tu te lèves et tu files dans la direction des détonations, les mains bien en l’air pour montrer ton pacifisme. Il ne te faut pas longtemps pour tomber nez à nez avec un groupe de Poussiéreux, des fermiers au rabais, visiblement très en colère, fusil et fourche à la main.

                A deux doigts de te plomber, tu parviens à les calmer en leur avouant que tu n’y es pour rien dans l’affaire, que ça se voit bien que tu n’es pas du coin, et que tu es prêt à les aider s’ils t’aident à capturer un Wendigo vivant.

                - Eh oh hein, bon ! Oh ! Non mais hé !
                - Ouais ! D’abord ! Parce que hein, c’est bon !
                - Métoutafé ! On en a gros !

                Celui qui semble être le chef parait dépité.

                - Oh, les gars ... Z’oubliez pas c’qu’on veut ?
                - Euh ... si, trop tard.
                - C’est quoi qu’on d’mande d’jà ?
                - Ouais ! On en a gros !
                - Bande de pignoufs ! On veut qu’ces foutus glaiseux arrêtent d’chasser l’crocodrille ! Parce que ça fout les miquettes à ces saletés d’kangarous, et comme i’z’ont plus à bouffer, i’s’en prennent à nos fermes ! Nos phacomochères foutent l’camp en r’muant la terre, c’qui fait sortir des diables des sables ! C’est p’u possible hein ! Y’a des morts par chez nous !
                - Ouais !
                - En plus, si on a p’u d’bouffe, on peut pas nourrir l’île ! Et c’est pas avec leur sac à main à deux balles qu’on va s’remplir la panse mon p’tit pote !

                Les deux Glaiseuses qui sont derrière répondent.

                - Ah ! D’la bouffe ? V’là-t’y ben qui nous parle d’un truc qu’on en voit pas la couleur !
                - Ben vrai ! On crève la dalle ! C’est qu’on obligé d’bouffer du crocro à longueur d’journée !

                Wendy s’interpose.

                - Stooooop ! Bon, vous les Poussiéreux, on va vous aider à chasser les vers et les kangarous. Vous les Glaiseux, vous arrêtez de chasser les crocodrilles pour l’instant, les Poussiéreux vont vous donner de quoi manger.
                - Ah ! J’veux ben, mais nos troupeaux s’sont fait la malle à cause d’eux ! Et j’ai ben un p’tit idée pour chasser les kangarous qui nous posent problème : faut qu’on rameute un wendigo !
                - Justement, mon ... “ami” veut en capturer un, donc on passe par les bordures de la mangrove pour effr...
                - La mangrove ? Tudieu ces conn’ries ! C’est qu’avec c’merdier, les Wendigos s’sont barrés dans la Plaine de poussière avec nos phacomochères ! Vont même pas tarder à s’ram’ner dans nos fermes pour becter les kangarous !
                - Bon ! On va contourner vos fermes pour ne pas affronter les kangarous, peut être qu’en nous voyant arriver sur le contour de la mangrove, les crocodrilles vont retourner dans leur marais ... Comme ça on entre dans le désert de roches et de sable, on chasse les vers qui s’en prennent à nous en allant repousser les Wendigos, comme ça on coincera les kangarous qui reprendront leur place dans la Plaine de Poussière en fuyant. Les Wendigos retourneront dans la mangrove, et vous pourrez retrouver vos phacomochères. Ca vous va ?

                Ce plan tordu et compliqué mais efficace s’il réussit fait réfléchir les Poussiéreux un temps certains. Quelques longues secondes passent avant que le chef ne s’exclament.

                - Vendu ! Allez les gars ! On va à la chasse aux kangarous !
                - Non ! Aux wendigos !
                - Ouais, c’est pareil !

                Vous commencez donc votre périple, rythmés par des “On va à la chasse aux Wendigo !” que poussent les poussiéreux un peu trop souvent à ton goût. Il va être long ce trajet ... Et pénible surtout.
                  L'alcool artisanal local a fait doucement tomber la fièvre, pourtant Joseph continue de nager en plein délire. Il a entendu tellement de choses qui ne semblaient avoir aucun sens pour lui que son attention s'est détourné de la conversation. Il attend simplement la conclusion finale du débat. Et celle-ci le satisfait. Ils vont tous aller chasser des wendigos. D'après les bribes de conversation qu'il a réussi à capter, en chassant les wendigos pour qu'ils retournent à leur mangrove, cela devrait éloigner par la même occasion une autre espèce appelée « kangarou ». Ce faisant, cela calmerait les troupeaux d'élevages de « phacomochères » et rétablirait le calme dans la région. Grand bien leur fasse. Du moment qu'il obtient son wendigo pour pouvoir enfin fuir cet endroit le plus vit possible, il veut bien suivre n'importe quel plan, aussi bancal soit-il.

                  Ils font donc à présent route dans un paysage totalement différent de ce qu'il a pu voir jusqu'à présent. Une étendue de sable qui s'étend à perte de vue sous un soleil de plomb, des rochers aux teintes allant de rouge à ocre et une végétation rare pouvant supporter un sol aride et sec. Difficile de penser qu'un tel endroit puisse être entouré de marécages mais c'est visiblement l'obscurité créée par les arbres mourants de la mangrove qui permet de maintenir une fraîcheur et un humidité telle. Deux climats totalement opposés et pourtant, tous deux sont insupportable. Après s'être embourbé, fait piquer et mordre, il doit à présent supporter une chaleur étouffante tout en respirant du vent empli de sable et de poussière rendant toute respiration difficile. Tout le monde à apposer un tissu sur le bas de son visage pour éviter de s'encrasser les poumons. Les poussiéreux sont très enthousiastes d'avoir trouvé de l'aide pour résoudre leur problème. Visiblement, l'idée de s'allier pour repousser les animaux sauvages n'est venue à l'esprit de personne.

                  Joseph se tourne vers Wendy Go, seul personne avec qui il peut interagir directement sans avoir de pulsions de violence.

                  -Pensez-vous qu'ils savent ce qu'ils font ? Ils semblent plus bêtes que des moutons.
                  -A vrai dire, je n'en sais rien. J’évite de m'éloigner de Freetown habituellement. A m connaissance, c'est la première fois que les glaiseux et les poussiéreux coopèrent pour quoi que ce soit.
                  -Nous voilà bien parti. Au moins il n'y a pas de monstres ici.

                  A peine a-t-il finit sa phrase qu'un tremblement se fait sentir sous leur pied. Une fissure apparaît à l'avant du groupe. Les poussiéreux se mettent à hurler et à s'éparpiller. Un immense ver surgit de terre et saut, faisant claquer ses mandibules avec grand bruit avant de replonger dans le sol en traversant le sable comme si c'était de l'eau. Le groupe s'immobilise. Un des poussiéreux, au milieu vacille et tombe au sol, sa tête roulant doucement à côté de lui. Un petit mouvement de panique se répand à travers l'équipe. Joseph dégaine son fleuret et regarde frénétiquement autour de lui. C'est donc cela un diable des sables. On peut comprendre que les poussiéreux soit plutôt remontés à l'idée d'en voir débarquer dans leurs fermes. Le grondement retentit à nouveau et tout le monde s'agite.

                  -Là, crénom ! Y arrive !

                  Une seconde plus tard, le créature surgissait de nouveau mais manque sa cible et replongea.

                  -Cé l'vibration qui l'fé v'nir. Y pense qu'on est un troupeau d'phaco.
                  -Oué, normal'ment, y sortent entre leur pattes et leur traversent la panse !

                  Joseph a une idée qui lui traverse l'esprit. Il en fait part à Wendy qui s'occupe de traduire sa proposition en langage de péquenaud. L'idée serait de faire quatre groupes de deux personnes et de s'éloigner un peu pour former un rectangle afin de simuler les quatre pattes d'un très gros animal puis de sautiller pour attirer l'attention du diable des sables. Joseph, lui, resterait au milieu, immobile, la lame prête à recevoir le monstre lorsqu'il surgira. Les poussiéreux se regardent un instant.

                  -Oué. Ca peut bin marcher, c't'idée là !
                    Tout le monde s'exécute, le diable tarde à réapparaitre, la tension monte ! Mais comme prévu l'immonde et énorme bestiole jaillit hors du sable sur ta gauche, prête à enfoncer ses crocs dans une bête encore plus colossale ... qui n'existe pas en réalité.

                    Elle semble étonnée, puis déçue quand elle plane juste au dessus de toi. Tu profites de cette petite seconde de surprise, unique fenêtre de tir pour lever haut ton fleuret qui transperce difficilement sa chitine épaisse et dense. Tu es à deux doigts de t'envoler avec elle quand le cuir de son thorax se déchire enfin en une immense plaie béante déversant un flot -non, une vague- de sang visqueux sur toi. Le diable, rageur, crie aussi puissamment que l'est sa douleur et replonge dans le sable dans un grognement et un vacarme assourdissant.

                    Et puis, plus rien. Mais tout le monde reste aux aguets, vous pouvez encore sentir sa présence, la tension est vraiment palpable. Tu te permets un coup d'oeil sur les gouttes de sang avalées par le sable, qui perlent en flasques épaisses et immondes.

                    La scène reste figée, comme suspendue dans le temps. Jusqu'à ce que la tête du diable émerge à moitié du sable à une centaine de mètre devant toi, il ouvre grand sa gueule et fond sur toi avec une vitesse inimaginable, ce qui ne manque de lui faire avaler d'énormes quantités de sable qui s'engouffrent inévitablement dans son corps ! Il hurle une nouvelle fois, vous pouvez sentir son haleine fétide.

                    Tu es clairement sa cible, les autres ne pourront rien y faire. Finalement, ton voyage se finira peut être dans son estomac ...
                      La gueule béante de la créature s'avance à toute vitesse dans un immense geyser de sable. Les autres s'éloignent, il ne fait aucun doute que c'est l'étranger qui est la cible de l'attaque et l'amerzonien qui prendrait le moindre risque pour un touriste n'est pas encore né. Cela arrange Joseph car il est plus libre de ses mouvements et il peut ainsi faire virevolter sa lame sans risque de la souiller du sang d'un de ces bouseux. L'homme se tient droit, immobile, l'oeil fixé sur le monstre qui cherche à le dévorer. Au dernier instant, il roule sur le côté pour éviter un coup de mandibules qui l'aurait tué instantanément sans le moindre doute. Dans le même mouvement, il donne un coup sur le flanc de la créature mais la pointe de la lame rebondit sur la carapace. Le monstre rugit, effectue un volte-face quasiment instantané et repart à la charge. L'homme sort son pistolet à silex, vise et tire. La balle ricoche sur l'animal avec un petit son métallique sans qu'il ne semble rien sentir. Son blindage est très résistant, il faut qu'il réitère une estocade, un coup perpendiculaire à la surface à transpercer, s'il veut avoir une chance de passer au travers. Il peut aussi se contenter d'esquiver jusqu'à ce que la créature se vide de son sang. A moins que...

                      Joseph s'allonge à plat ventre et plante ses pieds dans le sable, puis il attrape la garde de sa rapière à deux mains et la pointe droit devant lui. Le monstre rugit et claque à nouveau des mandibules avant d'accélérer de façon prodigieuse. L'impact est terrible, dans un flot de sang et de sable, tout se termine. La lame de plus de quatre-vingt centimètres s'est enfoncée dans la gueule de la monstruosité jusqu'à la garde. Les pinces acérées claquent encore frénétiquement à quelques centimètres du visage de Joseph qui se tient toujours immobile. Les dizaines de pattes de l'insecte géant s'agitent encore quelques secondes dans des spasmes furieux puis finissent par s'immobiliser. La bête est morte. Après s'en être assuré, Joseph se redresse et retire son arme d'un coup sec.

                      -Celle-là ne nous embêtera plus. Bien heureux, car je suis fourbu.

                      Les glaiseux se joignent aux bouseux pour pousser un cri de joie en brandissant le poing en l'air comme s'ils étaient fiers de la défaite du diable des sables alors qu'ils n'ont pas levé le petit doigt. Les effusions retombées, le petit groupe reprend sa route. Au loin, à l'horizon, les fermes des poussiéreux commencent à être visibles. Ils biffurquent alors vers le Nord car le but est de prendre les meutes de kangarous à revers après avoir trouvé les wendigos pour les effrayer. Joseph fait part de ses reflexions à Wendy qui est dans l'incapacité de l'éclairer. Il décide alors de le demander, quitte à passer pour un idiot.

                      -Pourquoi ne chassez vous pas directement les kangarous afin de les repousser loin de vos trous? A quoi bon aller chercher leur prédateur dans le but que ceux-ci leur fasse peur?
                      -Bé cé qu'lé kangarous, cé coriace, c'te bête-là!
                      -Ca cé bin vré! Y sont plein et plein!
                      -Pi lé kangarous, z'ont plus peur des wendigos que d'nous! Alors y s'bar'ront pas vers eux quoi kon essaye!
                      -Et les wendigos auront peur de nous? Ils iront vers les kangarous?
                      -Ouéééééééé l'wendigo c'des tapettes! Z'ont peur du feu, 'vec tous leurs poils c'leur point faible!
                      -Eeeeeetttt.... On a de quoi faire du feu?
                      -...
                      -...
                      -...
                      -'verra bien!

                      Tandis qu'ils marchent, ils dépassent un troupeau de ces fameux kangarous. Joseph comprend mieux le problème en les voyant. Plus d'une trentaine de ces terribles marsupiaux se trouvent à une centaine de mètres d'eux. Grands de plus de trois mètres, tout en muscles et dotés de crocs pointus, ces bêtes semblent dotés d'une grande force physique. Le groupe d'humains reste bien silencieux et continue en essayant de ne pas se faire remarquer. Leur objectif est encore plus loin, au Nord...
                        Tu ne t'en étais pas aperçu durant le combat, mais le vent commençait à se lever. Indécis, sans vraiment avoir de direction, ou plutôt, si, il tournoyait vaguement. En tout cas, les poussiéreux ont une mauvaise impression.

                        Ce satané vent vient de faire décoller un fétu de paille qui rebondit mollement sur le sable dans un léger craquement qui attire le Kangarou le plus proche. Il tourne la tête machinalement, et bien plus que le fétu, c'est votre petit groupe qu'il aperçoit !
                        Il se met à beugler et taper le sol de ses pattes arrières, ce qui attirent l'attention de tous ses congénères qui entament la même danse frénétique.

                        Sauf que tout ce boucan, toutes ses ondes et tous ces tremblements résonnent dans le sable. Au moment où les animaux boxeurs vont pour vous charger, le sol a quelques remous qui ne sont pas naturels. Bizarrement, ce signe avant-coureur les calme immédiatement. Les kangarous se mettent à crachoter de peur, les oreilles en arrière. Deux vers des sables jaillissent hors du sable et commencent à s'en prendre à un des marsupiaux qui se fait croquer la tête et ensevelir immédiatement.

                        Si les diables sont moins gros que celui d'avant, il ne fait pas bon trainer par ici. Du coup, vous pouvez même fuir étant donné que deux sortes de prédateurs sont occupées à se battre l'une contre l'autre.

                        ---

                        La route est encore longue, et comme le craignaient les poussiéreux, une tempête de sable va se lever d'une minute à l'autre. Heureusement, vous atteindrez bientôt la Plaine de Poussière, et avec elle, l’extrémité boueuse de l'île : la tourbe caverneuse.

                        Le chef des poussiéreux explique même qu'il imagine qu'en cas de tempête, les Wendigos se réfugieront dans ces cavernes, et que vous devrez les imiter pour vous mettre à l'abri. Le hic, c'est que vous ne pouvez pas vous faire du feu avec toute ce vent, et qu'il sera dangereux de mettre les pieds dans ces cavernes boueuses sans lumière ni feu ...
                          Le spectacle qui vient de s'offrir à eux a été si terrifiant que tout le monde a décidé de fuir sans même se concerter. Des kangarous se faisaient réduire en pièce par d'immenses vers semblables à ceux que Joseph vient de tuer. En affronter plusieurs était impensable. A présent, le groupe d'homme (et d'un okama) a réussi à prendre suffisamment de distance pour être en sécurité. De toute façon, un problème presque plus grand se profile déjà. Les bourrasques se font de plus en plus violentes, chargées de sable qui griffe le visage et s'infiltre dans tous les vêtements. Les vestes claquent tandis que le groupe accélère la cadence. Le chef des poussiéreux hurle quelque chose mais sa voix est emportée par la tempête. Les yeux plissés, Joseph lutte pour avancer malgré la résistance qui lui est opposée. La visibilité diminue, partout on ne voit plus que du jaune, le sol se confond avec l'air. Du sable, partout. Les membres du groupe s'agrippent les uns les autres pour ne pas se séparer.

                          Après quelques minutes d'errance que Joseph pensait sincèrement sans but, ils arrivent pourtant devant un massif rocheux qui les coupe du vent pendant quelques temps, juste le temps de se reposer un peu. Même si c'est de façon très brève, chacun prend le temps de souffler deux secondes et de prendre une bonne bouffée d'air sans supplément sable. Mais le répit est de courte durée, très vite, les bourrasques reprennent de plus belle plaquant Wendy contre le pierre, lui arrachant un hurlement de douleur.

                          -'Gnez-vous l'cul! Dans la caverne!

                          Une grotte dans la paroi sur la droite leur offre un abri providentiel. L'étranger récupère Wendy et le tire en direction de la cavité. Ils se précipitent à l'intérieur dans un capharnaüm monstre, trébuchant les uns sur les autres. Joseph repousse en râlant un glaiseux qui s'est affalé sur lui et se relève en se secouant pour retirer les kilos de sable qui se sont glissés dans les plis de tous ses vêtements. La caverne est spatieuse mais très sombre et personne n'est en mesure d'allumer un feu. Le bruit du vent qui rugit à l'extérieur est assourdissant. Le souffle s'engouffre à l'intérieur de la caverne en faisant raisonner toute la cavité d'un son grave et très désagréable, comme une vibration permanente. Joseph place sa main devant ses yeux pour se protéger des projections et hurle pour se faire entendre.

                          -Vous savez combien de temps ca va durer? J'aimerais ne pas me retrouver coincé!
                          -Ho! Ba c'peut durer ent'cinq heures et huit jours!
                          -HUIT JOURS?!?! C'est de l'humour?!
                          -Nan! Même qu'c'est arrivé l'mois dernier!

                          Joseph pousse un hurlement de rage qui résonne contre les parois rocheuses. L'echo lui renvoie le son de sa rage , encore et encore, de plus en plus fort, de plus en plus violemment. En quelques instants, le cri devient véritablement assourdissant, couplé au boucan de la tempête qui continue de souffler à l'extérieur. Wendy se bouche les oreilles tandis que Joseph grimace. Il tente de demander ce que c'est en criant aussi fort qu'il peut mais sa voix est couverte. Il se rapproche du poussiéreux et lui hurle dans l'oreille. Celui-ci lui répond de la même façon qu'il s'agit très probablement des wendigos, comme il lui a dit tout à l'heure alors qu'ils étaient encore dehors.

                          Joseph peste. S'il avait entendu ça, il aurait probablement proposé d'aller se réfugier ailleurs. Enfin, au moins, cela signifie qu'il a enfin réussi à débusquer les fameux monstres qu'il est venu chercher. Il réflechit en observant la disposition de la salle. Pourrait-il placer un piège pour réussir à en capturer un vivant ? Ou sera-t-il obligé de le mettre K.O pour ensuite le ligoter ? Difficile à dire, il ne sait même pas combien il y en a... Il se tourne vers Wendy et remarque que celui-ci le regarde avec de grands yeux. Il constate d'ailleurs que c'est le cas de tous les amerzoniens. Le silence est retombé dans la caverne.

                          -Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?

                          D'un seul mouvement, tous les amerzoniens lèvent le doigt et montrent quelque chose derrière Joseph. L'éscrimeur sent alors quelque chose tomber sur son épaule droite. Ses doigts s'enfoncent dans une substance inconnue. C'est gluant... Ses doiigts s'écartent et des fils se forment avant de céder sous l'effet de la gravité. De la… bave? Joseph lève la tête. Un grognement se fait entendre. Une énorme boule de poil le fixe d'un oeil brillant. Dans un hurlement de colère, un Wendigo frappe l'homme dans le dos. La puissance phénoménale du monstre l'envoie valser à toute vitesse. Jospeh s'écrase contre la paroi de pierre. Sa tête frappe la roche et il s'effondre, sonné.
                            Wendy a juste le temps de te charger sur son épaule avant d'esquiver l'énorme paluche velue destinée à l'écrabouiller. Le petit groupe détale dans le dédale de galeries, les locaux bien avant l'okama.

                            C'est franchement jouer à quitte ou double, mais ce n'est pas comme s'ils avaient le choix.
                            La situation se résume à fuir ce Wendigo dans le but d'essayer de le semer tout en espérant ne pas se jeter dans la gueule d'un autre ou de plusieurs autres. La course n'est pas facilitée par l'obscurité, tout est noir ou juste un peu moins noir, ni par les échos des rugissements qui empêchent de bien situer l'immense bête à poils.

                            (...)

                            Après quelques longues minutes, tu te réveilles enfin, endolori. Alors que tu allais pour grogner de douleur, Wendy plaque sa main devant ta bouche pour étouffer le bruit qui en sort.

                            - Chhhhht !

                            Et puis tu te souviens soudainement des derniers instants avant ton évanouissement. Visiblement, ils ont réussi à distancer votre poursuivant. Et même vous pouvez affirmer qu'il s'éloigne aux bruits des pas qui diminuent d'intensité.
                            Les poussiéreux se permettent même d'essayer de faire un feu avec quelques matériaux qu'ils ont glané aux alentours : un peu de bois flotté mais sec, de la paille issue d'un bois filandreux et deux silex qu'ils font s'entrechoquer en quelques étincelles. Certes, ils émettent un bruit régulier, mais s'ils parviennent à leurs fins, cela pourra certainement vous sauver la vie.

                            Au bout d'une dizaine de minutes et d'une centaine de tentatives, une petite flamme nait dans la paille.

                            Grouh ?

                            Personne ne prête vraiment attention à ce petit bruit, visiblement heureux de voir enfin une porte de sortie. Aussitôt le chef des Poussiéreux retire son haut pour fabriquer une torche de fortune avec le bois flotté.

                            Quand la galerie s'éclaire enfin suffisamment, vous pouvez apercevoir une masse p...

                            ROAAAAAAAAAAAAAA ... Oumf ?

                            Vous n'aviez pas vu ce Wendigo dans le tournant non loin ! Il a poussé un hurlement atroce en voyant la flamme danser et éclairer les parois mais il ne l'a pas terminé, comme si entre temps, il s'était aperçu de quelque chose qui piquait sa curiosité. Et aussitôt, sans pouvoir réagir, fascinés, il attrape Wendy dans ses bras et frotte affectueusement sa joue contre la tête de l'okama.
                            Il ... Il serait tombé amoureux de lui ?

                            Vous êtes à la fois étonnés mais dégoutés, rassurés mais vous relativisez, parce que tout est relatif quand on parle d'amour et d'une telle monstruosité. D'ailleurs, le visage de Wendy réclame d'urgence votre pitié et votre aide.

                            Sauf que. Comme si cela ne suffisait pas, l'autre Wendigo, celui qui vous a poursuivi, vous a retrouvé et compte bien faire de vous son diner, n'ayant pas pu chasser à cause de la tempête. Il hésite un peu à cause du feu, mais la guerre éclate inévitablement entre les deux colosses velus quand soudain, le chef des Poussiéreux a une idée :

                            - 'Pourrait défendre not' amoureux cont' l'aut' balourd ! Z'aiment bien s'becqu'ter entre eux ! On pourrait s'servir du gigot du mort pour guider l'Jules d'l'Okama comme on l'f'rait avec un ch'val et une carotte, nan ?


                            Dernière édition par PNJ Requiem le Mer 09 Déc 2015, 22:10, édité 1 fois
                              Joseph n'est pas rassuré. Ces deux monstres sont de véritables colosses, deux montagnes de muscles recouvertes de poils bleu verdâtre. Sachant que quelques temps avant, un des poussiéreux les avait qualifié de "lopettes", il préférait ne pas rencontrer les créatures qualifiées de "monstrueuses". Se retrouver pris en sandwich dans un tunnel entre deux wendigos est la situation la plus désagréable qu'il ait eu à subir, si l'on oublie le passage où il avait le visage enfoncé dans dix centimètres de boue ignoble. Comment son client pouvait-il réellement vouloir posséder cet animal chez lui ? Dangereux, laids et malodorants, nul doute qu'en avoir un pour animal de compagnie rentre dans le top 10 des plus mauvaises idées, au coude à coude avec celui qui s'était lancé pour défi  de traverser Calm Belt à la nage.

                              Joseph éprouve une forme de compassion pour Wendy qui se retrouve enlacé par un des deux Wendigo mais il pense avant tout à son propre cas. Bien que désagréable, la protection d'une des deux créatures est un avantage que le reste du groupe n'a pas. Un des poussiéreux à proposé de laisser un des deux monstres se faire tuer par l'autre et de se servir du cadavre du mort pour attirer le vainqueur. Joseph éloigne cette idée d'un revers de main.

                              -Il y a des chances pour qu'ils se partagent nos corps plutôt que de se battre entre eux à mort. Et comment traînerions nous le perdant plus vite que ne se déplace le survivant? Et surtout où irions nous? Nous sommes bloqués dans ce trou!

                              Plaqué contre le paroi comme s'il voulait fusionner avec elle, Joseph hurle contre cette bande d'imbécile qui lui sert de guide dans cette région aussi inhospitalière que repoussante qu'est l'Amerzone. Il propose au contraire de profiter de l'avantage qu'ils ont sur un des deux wendigos, à savoir, son affection pour Wendy. Ignorant les supplications de ce dernier, il expose son idée. Les poussiéreux devront harceler le monstre amoureux sans répit pour éviter que l'okama ne se fasse empaler par un membre qui, si les proportions humaines sont appliquées, doit mesurer une bonne cinquantaine de centimètres. Pendant ce temps, lui et les glaiseux vont s'attaquer à l'autre protagoniste. Une fois celui-ci bien énervé et affaibli, ils retourneront rejoindre les poussiéreux pour forcer les deux bêtes à se confronter. Le Wendigo resté au fond devra alors lâcher Wendy pour se défendre. Si tout s'est bien passé et que Joseph a réussi à bien affaiblir sa cible, c'est le wendigo sentimental qui devrait remporter le duel. Et c'est alors Wendy lui-même qui deviendra l'appât qui servira à attirer le survivant à travers la tempête jusqu'au troupeau de kangarous.

                              Le plan semble en laisser plus d'un perplexe, mais après quelques secondes de réflexion qui paraissent des heures au bretteur, ils finissent par acquiescer. Joseph retire sa veste et la plante sur un bâton avant de l'enflammer pour créer une seconde torche. De toute façon, il s'est promis de brûler la totalité de ses vêtements alors autant que cela sois utile. Chaque groupe armé d'une torche se dirige vers un des monstres. Très vite, les combats s'engagent, les créatures hurlent de rage à la vue des flammes et les humains hurlent pour se donner du courage. Joseph sort son fleuret de son étui et se place en première ligne. Sa tête lui fait encore un peu mal mais il a un sacré avantage pour compenser. Le glaiseux qui tient la torche juste derrière lui empêche le wendigo de trop avancer et le force à rester sur une position défensive.

                              -Hit the light!

                              Profitant de l'incapacité de la bête à s'avancer sans prendre le risque de voir sa toison s'enflammer, Joseph enchaîne à très grande vitesse les estocades puissantes, perçant sa chaire d'une multitudes de petits trous. Une par une, ces plaies sont bénignes, mais en aussi grand nombre, cela provoque une perte de sang non négligeable qui entraîne un affaiblissement rapide. L'escrimeur doit tout de même esquiver quelques coups de griffes très dangereux qui le frôlent à plusieurs reprises mais il reprend toujours sa place et continue sa danse. Après quelques minutes, Joseph lève le bras et hurle pour couvrir les rugissements.

                              -Allez, maintenant, on y va! On retourne tous là-bas!

                              Le groupe fait alors volte-face et se met à courir comme des dératés. La créature, enfin libérée de sa situation, laisse libre cours à sa colère et les poursuit lourdement en frappant les murs et le sol de ses poings immenses. Autant la situation était sous contrôle lorsqu'il était acculé par le feu, autant l'entendre courir férocement dans leur dos est on ne peut plus terrifiant. Un des glaiseux pousse un cri de terreur lorsqu'il se fait attraper, soulever et fracasser contre le sol dans l'indifférence générale. Pas le temps de se retourner, pas le temps de pleurer les morts. On comptabilisera les victimes lorsque tout sera fini. Pour l'instant, il faut courir.

                              Ils arrivent finalement à rejoindre l'autre groupe...


                              Dernière édition par Joseph Q. Andersen le Jeu 17 Déc 2015, 15:43, édité 1 fois
                                ... et ton plan a plutôt bien marché !

                                Un détail près : le Wendigo amoureux n'a jamais voulu lâcher Wendy. Même quand les Poussiéreux l'ont harcelé, il a préféré se tourner pour protéger sa ... protégée en se défendant vaguement de l'autre main et en poussant de timides cris de dépit. Ou de soumission, de pacifisme. Il ne voulait clairement pas se battre ...

                                ... sauf que tu arrives poursuivi par l'autre Wendigo aussi furieux que sanguinolent. Le premier Wendigo, te voyant en danger, poursuivi par un congénère, entre dans une colère noire (d'un seul bras, protégeant Wendy de l'autre) et le duel tant attendu éclate dans un bordel sismique, poussiéreux et sonore. Quand le Wendigo affaibli s'écroule, vaincu, au sol, au bout que quelques minutes durant lesquelles vous vous mis à l'abri, l'autre se révèle être une énorme boule de poils toute mignonne, et qui le serait encore plus si vous éteigniez vos torches qui l'effraient.

                                Quand vous comprenez enfin cela, il vous invite à s'installer sur vous, sur ses épaules en vous agrippant à sa toison, ou dans ses bras et sort assez aisément de la Tourbe caverneuse.

                                Le vent chargé de sable a faibli d'intensité, mais fouette encore le visage. Et vous avez un autre souci : comment allez-vous vous faire comprendre par ce Wendigo ?
                                  Situation surprenante, le Wendigo qui avait pris Wendy est en réalité totalement amical. Après avoir vaincu son congénère agressif, il a invité tous les humains à l'utiliser comme moyen de transport. La bête est grande, toutefois, faire tenir dix personnes relève du défi. Joseph monte directement sur les épaules du monstre poilu tandis que quatre personnes sont prises entre les bras puissants. Les cinq autres s'accrochent dans le dos, se tenant comme ils le peuvent à la toison dans un équilibre précaire. La monstruosité à dix têtes s'avancent alors en dehors de la grotte. La tempête s'est calmée mais le vent chargé de sable reste très désagréable. Joseph remonte le col de son veston pour se protéger la bouche et le nez et met une de ses mains en visière. Ils doivent désormais se diriger vers la ferme des poussiéreux pour repousser les kangarous.

                                  -C'ta droite, j'te l'dis!
                                  -Mais non à gauche, j'te l'dis!

                                  Joseph tente de tirer sur la tête du Wendigo pour l'orienter dans la direction voulue mais il laisse vite tomber, ne sachant pas où ils doivent aller. Le groupe erre dans le désert pendant quelques temps jusqu'à ce que la créature s'arrête pour renifler l'air. Il semble pris d'un élan d'excitation et se met à courir, mettant à mal les pauvres humains perchés sur son dos. Sa démarche lourde et violente fait trembler le sol à mesure qu'il court. Les amerzoniens hurlent, se retenant de plus en plus difficilement. Wendy n'est pas en reste, criant au Wendigo de s'arrêter mais celui-ci n'écoute pas, il a flairé quelque chose. Sans aucune visibilité, ils ne contrôlent plus rien et se font emmener.

                                  D'un coup, ils se retrouvent au beau milieu d'un groupe de kangarous qui se mettent à grogner en voyant leur prédateur.

                                  -J't'avions dit qu'c'était à droite!

                                  Le Wendigo s'arrête et libère enfin le groupe qui se dépêche de descendre avant d'être pris dans l'affrontement. Les marsupiaux ne sont pas réellement intimidés. Ils ont l'avantage du nombre. Le conflit éclate. Plusieurs kangarous se jettent sur le Wendigo, tout crocs dehors tandis que ce dernier réplique grâce à des coups de poings d'une violence phénoménale. Joseph s'approche de Wendy et l’emmène par la main à l'intérieur de la ferme. Les glaiseux et les poussiéreux les suivent rapidement. Ils se retrouvent tous à l'intérieur du bâtiment alors qu'à l'extérieur le combat fait rage. Le gentil monstre pousse des hurlements de douleur. Il ne s'en sort pas.

                                  -Il ne vas pas y arriver. Je vais aller l'aider.
                                  -Comment ? Mais vous êtes fou! Ces créatures vont vous réduire en pièces!

                                  Sans se soucier des avertissements, Joseph sort dans les bourrasques. Si ce Wendigo meurt, il n'aura plus rien à ramener à son client et il est hors de question qu'il ait subit tout ça pour rentrer les mains vides. Il n'attend pas une seconde et tire une balle dans la tête du kangarou qui est en train de mettre le wendigo à mal. La créature s'effondre et le monstre à fourrure peut se relever. Joseph va vers lui et remonte sur ses épaules. De ce perchoir, il est passablement à l'abri des morsures et il peut tirer pour aider son compagnon. La plupart du temps, il tire en l'air ou bien dans une patte, le but n'étant pas d'exterminer les marsupiaux mais de les faire fuir en direction de la mangrove pour que l'île retrouve son équilibre.

                                  Encouragé par Joseph, les poussiéreux sortent à leur tour, armés de pelles et de pioches. C'est leur ferme et leurs troupeaux qui sont en danger et ils refusent de laisser un simple étranger s'occuper seul de leurs problèmes. C'est une question d'honneur!
                                    Le combat fait rage, les kangarous boxent, collent des pains ; toi tu fais des petits trous dans leur cuir rêche ; les poussiéreux assènent des coups de pelle. Alors que ton nouvel ami se ramasse des coups de poing partout, submergé par le nombre, ne tardant pas bientôt à tomber au combat, le sol tremble.

                                    Il tremble plus fort que ce que permettent les sauts des kangarous, et après l'interpellation d'un des Poussiéreux, vous regardez un immense nuage de poussière se lever à l'horizon. Tout le monde le regard et le calme reprend ses droits. Enfin, le calme, c'est relatif, le sol n'arrête pas de trembler.

                                    Et puis à mesure que le nuage grossit, vous voyez qu'il s'agit en réalité d'une charge commune des autres Wendigos maculés du sang de leur compère qu'ils ont dévoré et celle des phacomochères qui profitent de la situation pour reprendre leur place.

                                    Les Wendigos se sont ouvert l'appétit et ont suivi leur congénère qui vous est amical. Si dans un premier temps, ils voulaient s'en prendre à vous, ils jettent finalement leur dévolu sur les animaux boxeurs dont ils raffolent, aidés par les phacomochères.

                                    - Les phaco- ! Les phaco- ! Les phacomochères ! Vite, 'trappez les !
                                    - Ben vrai ! Faut qu'ils r'tournent dans nos fermes crénom !

                                    Terrorisés, les kangarous fuient dans la mangrove, délaissant les fermes saccagées. Dans ce brouhaha, des vers des sables surgissent mais ne manquent pas de s'enfouir aussitôt. Les phacomochères chargent dans les tas, faisant percuter leur crâne épais et dur contre leurs ennemis qui roulent sur plusieurs mètres.

                                    C'est le chaos total quand les Wendigos finissent par déserter la zone. Les crocodrilles fuient les frontières boueuses pour s'enfoncer dans le coeur de la mangrove. Le silence retombent en même temps que le sable soulevé. Votre ami le Wendigo s'effondre de fatigue. Les phacomochères sont à la recherche de nourriture et ils déserteront bien vite la zone quand ils s'apercevront qu'ils n'ont quasiment plus rien à avaler, et il faudra les capturer avant qu'il ne le fasse.
                                      La mission est accomplie. Les bestioles sont toutes reparties dans leur environnements naturels respectifs. Joseph, appuyé sur son sabre comme s'il s'agissait d'une canne, halète bruyamment. La bataille qui vient d'avoir lieu était d'une violence inouïe et le calme qui règne à présent est presque oppressant. Autour d'eux, de nombreux corps de kangarous et phacomochères morts. Quelques rares wendigos également et trois humains. Joseph observe un phacomochère qui vient renifler à côté de lui.

                                      -Alors c'est ça que vous appelez un phacomochère? C'est de cette bête que vous mangez la chaire?
                                      -Bé oui con! Cé not'bétail qui s'fout l'camp! Y voient pas les cadavres, ces cons d'bestiaux!?

                                      En effet, les animaux d'élevage commencent à se rendre compte qu'il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent dans le coin et s'éloignent de plus en plus. Leur odorat est très bon habituellement mais le vent souffle dans le mauvais sens et ils ne sentent pas les corps. Le bretteur demande ce que ces animaux ont l'habitude de manger et les poussiéreux se regardent comme s'il avait parlé une langue étrangère. Ils ne comprennent pas vraiment la question. Toutes les créatures vivant sur cette île mangent absolument tout. Viandes, légumes, fruits, poissons, cadavre, créature vivantes... Il est absurde pour un amerzonien de se demander quelle catégorie de nourriture irait à quoi que ce soit. Joseph propose alors d'attirer les porcidés d'un demi-quintal grâce aux nombreux cadavres qui se trouvent à leur disposition. Dans le même temps, il demande aux poussiéreux de ligoter le wendigo inconscient et de le charger dans une charette. Les paysans rechignent mais obéissent, sachant pertinemment qu'ils ont une dette envers l'homme venu d'ailleurs.

                                      -Serrez le bien pour qu'il ne puisse pas s'enfuir en brisant les cordes. Et mettez aussi des morceaux de kangarous pour le voyage.

                                      Pendant ce temps, de son épée, il découpe un wendigo mort et lance les morceaux ensanglantés en direction des phacomochères qui s'éloignent en reniflant le sable. Le sang attire leur attention. Les bêtes se chargent les unes les autres avec une violence effrayante pour pouvoir dévorer un bras ou un pied poilu. Très vite, les animaux se tournent vers Joseph, l’œil brillant de stupidité méchante. Et ils chargent. N'ayant plus qu'un avant-bras dans la main, il se met à courir aussi vite qu'il le peut.

                                      -Vite, où dois-je les emmener?! Dépêchez-vous où je serais piétiné!
                                      -Par là, j'te l'dis!

                                      Un des poussiéreux ouvre la porte d'une grange et lui fait signe de rentrer. L'étranger fonce dans cette direction, sentant le souffle chaud des créatures sur ses talons. Juste avant d'entrer, il lance le bras de Wendigo à l'intérieur et saute sur le côté. Le troupeau pénètre dans la grange dans un fracas terrible et les paysans referment la porte et verrouillent le tout. Enfin, le calme revenu si l'on fait abstraction des bêtes qui s'agitent à l'intérieur, les amerzoniens et Joseph se félicitent. C'est un franc succès. Sept morts ce n'est pas si terrible. Après tout ce n'était que des bouseux sans éducation. Difficile de les compter comme de réelles pertes.

                                      Les poussiéreux tiennent à remercier Joseph en lui offrant un verre de leur alcool local mais celui-ci décline poliment, leur affirmant que leur production est excellente mais qu'il se sent un peu barbouillé après toute cette violence. Il propose à Wendy de venir avec lui comme leur accord le stipulait. En réalité, c'est surtout pour s'assurer du bon comportement du wendigo durant le trajet mais l'okama y trouve son compte. Un des poussiéreux les accompagne également pour ramener la charrette à la ferme après avoir déchargé la bête toujours inconsciente sur le quai du port. Jetant un dernier coup d’œil derrière lui, Joseph se dit qu'il tuerait pour un bon bain...
                                        Vous voilà enfin repartis, Wendy et toi ... silencieusement talonnés par les deux glaiseux. Tu te retournes, tu les vois, ils te regardent avec un air innocent.

                                        - Ben quoi Faut-y ben qu'on r'tourne chez nous ?
                                        - Bah ouais ! L'est con c'lui là.

                                        Vous continuez donc votre petit bonhomme de chemin à travers la mangrove sans trop d'encombre. Il faut dire que chaque espèce est retournée à sa place et qu'elle essaie de ne pas trop faire de vague pour causer une nouvelle série de catastrophes.

                                        Ah, si. L'odeur puante est fétide de la mangrove. Cette chaleur qui vous colle à la peau et vous suez comme si vous transpiriez de la colle. Ce sont deux seuls et réels ennemis. Il n'y a que le Wendigo qui se porte à merveille, et encore, il fait un peu la tête de ne pas pouvoir serrer Wendy dans ses bras ...

                                        Au bout de quelques heures vous vous séparez, puisqu'eux retournent à leur village et à vous à Freetown ... qui n'est autre qu'un autre village mais qui sert de capitale de fortune.
                                        Bref ! Aux abords de Freetown, l'okama te dit qu'il faudra passer chez lui (ou elle) pour réunir ses affaires et s'extirper de cet enfer.

                                        ---

                                        Une épaisse fumée noire commence à se propager dans le ciel à votre arrivée, les zoniens crachent par terre en voyant Wendy. Craignant le pire, vous hâtez le pas et comme sur Amerzone, l'enfer, c'est les autres, vos craintes sont justifiées : la fumée noire émane de la maison de Wendy. Aussitôt, il ouvre la porte à la volée et tombe nez à nez avec un squelette pendu qui se dandine au bout de sa corde.

                                        - Yiiiiiii ! Enlève moi ça !

                                        Mais pire encore, le wendigo devient tout affolé en voyant les immenses flammes dévorer la maison de l'intérieur. Les locaux se massent autour de vous et huent l'okama :

                                        - Dégage, travelo !
                                        - Ouais, fous l'camp !
                                        - Y'a qu'les vrais qui restent ! Toi, tu t'casses !

                                        Allez, courage, c'est ta dernière péripétie avant de quitter l'île !
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