Venez comme vous êtes

Rappel du premier message :

Cette sale histoire avec la pègre a calmé le frangin comme il le fallait, même pas eu besoin de me retrousser les manches pour lui faire comprendre que ses agissements était tout bonnement merdique. Sa salle a fermée définitivement et ce n’est pas plus mal. Dans l’affaire, les deux camps étaient en tort et les conséquences servent de leçon. Pour ce qui s’est passé là-bas, je garde ça pour moi. Il n’y aura pas lieu à de la vantardise ou de quelconques remords. Bien que Clarence était incapable de faire ou comprendre quoi que ce soit à ce moment, l’histoire est quand même remontée jusqu’à ses petites oreilles curieuses.

Le principal dans tout ça est que mon frère n’a rien et qu’à part nous deux, personne n’est au courant dans l’entourage. Il n’y a eu aucune retombées sur la famille et tout le monde se porte bien. Pour ce qui est de Hans et des sœurettes, ils n’en savent absolument rien et l’absence momentanée de l’ainé a été bidonnée. Depuis, Clar est d’aplomb et n’a pas arrêté de me mettre à l’épreuve, comme quoi je suis un homme maintenant, que je l’ai rattrapé et qu’il a trop de retard par rapport à moi, qu’il s’est ramolli et blablabla… Au départ je pensais que ce n’était que de la rigolade, mais non, ce golgote n’a jamais été aussi motivé pour se refaire une bonne condition. Et forcément, il a voulu qu’on s’entraine ensemble.

La remise en forme m’a rappelé le bon vieux temps à l’époque où je me suis entrainé comme un fou après l’Académie pour rentrer en confiance dans la Marine. Ma foi, ce qu’il enseigne est très efficace. Après, j’estime l’avoir rattrapé en terme de force, vitesse et tout ce qui s’ensuit – ceci dit sans me vanter bien évidemment – mais ses conseils restent toujours très bon. Et ce n’était qu’une question de temps pour qu’il reprenne rapidement du poil de la bête. Un circuit à l’ancienne et bien corsé, comme dans le temps quoi.

Au plus l’endurcissement avançait et au plus le frérot voyait grand. En effet, un tournoi été en train de s’organiser sur l’Ile du Karaté et je le sentais de plus en plus déterminé à y aller. Pas de problèmes, c’est toujours un plaisir de se tester face à d’autres adversaires, c’est dans ce genre de situations que j’apprends le mieux. Le problème maintenant est de devoir assumer seul l’inscription et les combats là-bas. Monsieur est tombé malade deux jours avant le départ et, forcément, il est trop faible et ne peut pas assumer le voyage dans son état. Pfff, quel dégonflé celui-là.

Me voilà à l’entrée de l’arène, encore à l’extérieur et presque noyé dans la foule qui ne fait que hurler et se débattre dans tous les sens.

[…]

Enfin, me voilà devant le personnel chargé d’enregistrer ceux qui désirent se battre. Je pense bien que passer la foule est une épreuve de sélection.

Bonjour, je me prénomme Lawrence Gargalen et je désire participer au tournoi.
Très bien, donc les règles sont simples : vous déposez vos armes ici donc interdite en combat. Si vous tombez hors de l’arène, vous êtes disqualifié. Pouvez-vous signer en bas de la feuille je vous prie ? Et noter votre nom en haut, aussi.
Et voilà, et je suis venu sans armes.
C’est parfait, donc vous entrez juste par ici et prenez à droite vers les vestiaires. Une fois tous les combattants enregistrés et réunis, quelqu’un viendra pour le tirage au sort.

C’est rapide et efficace dit donc. Alors l’homme m’a dit d’aller à droite et en jetant un dernier regard en arrière, voilà qu’un immense…homme-poisson emprunte la file ? Qu’est-ce que c’est que ce délire ? Clarence ne m’a pas prévenu que des gens comme ça allaient se pointer. Mince alors, en espérant que je ne sois pas le seul microbe ici.

Ah, voilà le bon endroit. Verre d’eau à disposition et sièges, c’est parfait.

Juste avant mon départ sur Grand Line et d’être naufragé, puis encore bien avant de crée pour la première fois mon équipage j’étais allé sur South Blue, l’Île du Karaté plus exactement, une île qui porte bien son nom.

Là-bas j’avais fini par m’inscrire à un tournoi de combattant qui utilisait essentiellement comme arme leur corps, ça tombait bien, une petite remise à niveau ne me faisait pas de mal ! Du moins c’est ce que je me disais.

Je me sentais à vrai dire dans mon élément, toujours vêtu de mon kimono et d’un poncho je me trouvais moins seul ! Tous étaient habillés de kimono blanc bon… le mien était noir mais il allait l’affaire.

J’ai signé un paquet de paperasse avant de pouvoir être affiché sur les listes du tournoi. Je voyais plusieurs prénoms affichés, certains me disaient quelques-choses, des prénoms qu’on entend grâce à la renommée de certains dans les tavernes et d’autres qui étaient complètement anonymes.

A la fin de mon inscription une dame m’avait dit que lorsque le tournoi débutera ils me feront signe.

Pendant ce temps je décidais de patienter en me grillant une clope juste à l’entrée du bâtiment.

Je m’interrogeais sur le nom de mon adversaire, prénommé Sigurd, ce prénom ne me disait rien, est-ce que le mien allait dire quelque chose à quelqu’un ? Cela m’étonnerait sauf si d’autres personnes d’East Blue étaient venus ce qui était rare et quasiment impossible.

Une personne me tapa à l’œil, alors que je fumais, en regardant à l’intérieur de la bâtisse une bombe aux cheveux blancs passa au loin. Je restais immobile, mes yeux qui la suivaient, la bouche grande ouverte.

J’en fis tomber ma clope même ! Le temps se figea, mon esprit était troublé à la vue de cette magnifique jeune femme.

Alors que je voulus faire un pas vers elle pour la rejoindre je sentis quelqu’un s’écraser contre mon torse, je finis par baisser la tête et je vis la dame qui s’occupait des inscriptions, elle grimaçait sans doute à cause de sa chute.

- Ohhh… désolé ! Je ne vous avais pas vu !

Je lui tendis l’aida à se relever puis elle me grogna.

- Je venais vous dire que c’était à vous ! Allez combattre !

Déjà à moi ? Soit. D’un pas assuré accompagner d’un grand sourire je me rendais sur le ring. Espérons que je gagne ce combat !

-Alors ? C’était worth ?
-Hihi. Ca en valait complètement la peine, oui.
-Mwouais. Ben vu d'en haut, les gars ont eu l’air d’apprécier… même parmi les locaux, et même parmi les gars qui se la jouent gros bras d’arts martiaux. Bon, y’a bien eu les pontes des écoles et la frange traditionaliste en costumes de folklore qui se la sont joués indignés et qui criaient au sabotage des occidentaux venus faire leur satanée marketing hollywoodien, mais chuis sûr que y’en a au moins une partie d’entre eux qui faisaient ça juste pour la forme. Jax m’a fait la gueule par contre, je crois que va falloir que je joue pour lui faire avaler ça comme une petite lubie de ma miss plutôt que comme une trahison des traditions qu’il cherche à diffuser… m’enfin j’devrais gérer. Tout ça pour dire : chapeau sorcière, votre petit spectacle a bien fait son effet. Oh, et apparemment l’assurance du tournoi couvre tous les dommages qui peuvent être causés à l’arène, y compris incendie de bagarre, donc on aura rien à débourser en prime et… haha j’adore la tête que vous avez.

Il était complètement hilare. Devant lui, Evangeline, complètement en nage, qui venait tout juste de s’extirper de sa combinaison de mort maintenant que son combat avec Daemon Wall était terminé. La jeune femme était en piètre état au point d’en devenir méconnaissable. Le tissu utilisé pour les protections de pompier était une horreur à porter, et c’était encore pire pour son masque à gaz, pourtant impératif pour la prémunir des fumées toxiques qui émanaient de ses incendies. Rajoutez par-dessus une cape faîte dans le même matériau,  en guise de protection supplémentaire et pour lui permettre d’en imposer plus que ce que sa silhouette féminine autorisait, et vous aurez peut-être une idée de ce que c’était. Sa peau luisait de sueur, ses cheveux n’étaient qu’une charpie ébouriffée, et un mince filet de morve coulait depuis ses narines jusqu’à ses lèvres et ses pommettes. On ne pouvait pas vraiment garder son maquillage intact sous un masque de fer… ni même prendre soin de soi d’une quelconque manière. Elle avait prit quelques coups, aussi, même si rien de méchant. Et puis, elle était lasse. Mourrait d'envie de se prélasser après son magnifique combat. Elle avait vraiment mis tout ce qu'elle pouvait, et se sentait complètement épuisée.

Et même comme ça, elle rayonnait de satisfaction.

Aussi Sigurd lui passa un rapide coup de mouchoir sur le visage avant de l’embrasser gentiment. Ils étaient assis comme ils pouvaient sur des coussins exotiques posés à même le sol, dans une des quelques loges de l’arène. Elles étaient habituellement réservées aux invités d’honneurs ou aux combattants ayant réussi à atteindre les hautes sphères des tournois - surtout lorsque ceux-ci se déroulaient sur plusieurs jours. Normalement, les combattants n’avaient accès qu’aux vestiaires de l’arène, qui offraient sensiblement moins de confort et encore moins d’intimité. Mais la sorcière portait également les casquettes d’organisatrice et de sponsor de l’évènement, ce qui lui offrait beaucoup plus de libertés.

-Booon. Pas de casse, tout va bien ?, fit-il en tatonnant un bleu présent sur l'épaule de la miss.
-Je me porte comme un charme. Enfin… presque.
-Ouais, clair que là z’allez avoir du mal à charmer qui que ce soit vu la tête que vous tirez, haha.
-…
-Euh…
-…
-Rhooo allez, z’allez pas me faire croire que vous êtes susceptible pour une fois que je fais une blague de ce genre, hein.
-Bon… effectivement pas.
-Coool. Pour info, je suis tombé sur les représentantes d’Henry Selfmidge, au petit banquet. Z’avaient l’air chouette. Je crois qu’on devrait peut-être un aller faire un tour sur la capitale, quand on rentrera sur Luvneel. Y’a des galeries Selfmidge et j’ai vu la gueule des robes qu’elles portaient et chuis sûr que z’en trouverez au moins une qui vous ira comme un gant. Oh, elles seront dans les gradins avec nous, aussi, dans les rangs réservées. Notons également que les Mille Fois Sérénissimes Grands Maîtres des Arts Martiaux ont adoré les petits fours made in Luvneel, sans surprise... même s’ils ont beaucoup de mal à décrocher de leurs algues locales et que...
-Et je m’en fiche éperdument.

Elle le fit taire d’une tapote sur ses lèvres, puis se dirigea jeter un œil à la salle d’eau. Entièrement faite de bois et de toiles pour égayer les murs. A l’intérieur, une grande baignoire circulaire en cèdre nippon, déjà remplie d’une eau bouillante qui ne demandait qu’à l’accueillir.

-Un bon bain chaud et je vous rejoins dans… je n'en ai pas la moindre idée et m'en fiche complètement.
-Pad’prob, faîtes-vous plaisir, je gère comme un chef de mon coté.

Haylor passa la porte de la salle, puis hésita un instant. Sigurd qui gérait comme un chef…

Mmh…

Bah, c’était probablement vrai.








-VOUS !
-Mmmh ?
-VOUS ETES UN PUTAIN DE HEROS ET JE VEUX VRAIMENT VRAIMENT VRAIMENT VOUS DIRE MERCI ! ALORS VRAIMENT, MERCI BEAUCOUP POUR CE QUE VOUS AVEZ FAIT !

Sigurd était en train de remonter comme une flèche la file d’attente qui menait jusqu’à Rafton Anderswag, héros de l’heure de l’évènement. En la longeant, pas en passant à travers. Mais étrangement, peut-être parce qu’il s’excusait sincèrement aux gens de les doubler comme ça, peut-être aussi parce qu’il annonçait clairement « être un connard mais j’vous jure que j’fais vite c’est juste que ce mec vient de faire un truc extra et que je veux qu’il ait des remerciements officiels en public et que putain on aurait tellement été dans la merde sinon », ou peut-être, tout simplement, parce qu’il avait excellente réputation, il n’y eu pas grand monde pour lui lancer longtemps des regards courroucés.

-Sigurd Dogaku, je fais partie des gars qui ont été engagés pour organiser le tournoi et faire la pub de l’évènement et tout ce qu’il y a autour et… putain j’ai eu la mégatrouille quand j’ai pigé qu’un voleur était venu faire ses courses dans les récompenses de la finale, ç’aurait été tellement trop la loose qu’il se tire avec ça alors franchement merci vraiment beaucoup pour ce que z’avez fait ! C’a l’aurait fait trop mal dans le cas contraire. Ce que vous avez fait était extra !

Tout en se présentant, il tendit une main pleine de gratitude que l’autre empoigna sans trop savoir qu’en faire. Oui, il avait déjà vu plusieurs impressionnables se succéder. Aucune charmante jeune demoiselle dans le lot, malheureusement. La vie n’était pas généreuse, et encore moind à ce point. Encore que si, quelques-unes, mais elles étaient en couple… ou alors, pas du tout à son goût. Mais forcément, aucune ne l’avait remercié de la sorte, vu comment Dogaku était concerné. Alors, Raphael, Rafton se laissa simplement entraîner dans le mouvement.

-Vous m’auriez vu pendant le truc… j’étais tellement dégouté que j’avais commencé à enjamber la barrière et que je crevais d’envie de faire feu sur ce connard. Sauf que faire feu dans un stade c’est tellement une bonne idée que j’allais sûrement pas le faire mais… heureusement que z’étiez là purée. Enfin… euh… j’pas trop autographes par contre, rajouta-t-il en jetant un coup d’œil au stylo que l’autre tenait. Rien contre vous mais j’ai toujours trouvé ça zarb’.
-Pas de problème. C’est… enchanté.

Le plan d’Andersen était très simple. S’il se contentait de donner des réponses minimalistes à l’autre, qui faisait visiblement très bien la discussion pour deux, celle-ci se dénouerait d’elle-même et il pourrait alors être libre de… se retrouver à la merci de…

Raphael se souleva légèrement de sa chaise, pour jeter un coup d’œil à la file d’attente toujours formée derrière Dogaku. Il en voyait le bout, oui. Mais ce bout de file était beaucoup plus éloigné que ce qu’il aurait souhaité.

Il n’y échapperait pas. Quoi qu’il arrive, il resterait coincé pour un bout de temps.

-Et il parait que c’est pas la première fois que vous avez affaire à ce type ? , l’interrompit Sigurd dans ses pensées.
-Qui ça ?
-Le voleur fanfaron au masque d’opéra, là.
-Aaaaah, oui. Boah, vous savez. Mask DeMask est un superméchant récurrent qui revient dans certaines campagnes publicitaires de chez Selfmidge.
-Hein ?
-Euh… oh, vous êtes pas au courant ?
-De ?
-Je veux dire… Mask DeMask est un criminel qui s’est juré de mettre à mal la réputation des magasins Selfmidge et… tout a commencé quand… euh… c’est une très longue histoire… que je suis sûr que Pourpre et Pervenche expliqueront bien mieux que moi, elles ont plus d’historique sur le sujet. Vous les avez peut-être déjà rencontrées ?
-Les deux miss, oui oui bien sûr.
-Voilà.
-Jeeeee… vois. Eh ben… ouch. Ca doit faire mal d’avoir un mec qui se donne du mal pour vous pourrir. Déjà que les pirates random qui vont faire leurs courses dans vos transporteurs ou vos entrepôts c’est clairement pas la joie, mais si en plus un gars se met activement à vous prendre pour cible… un genre de némésis anti-business… putain c’est tellement sale, haha.
-Vous n’imaginez pas. L’avantage, c’est qu’à force de toujours lutter contre lui, nous savons maintenant très bien comment il fonctionne… et comment l’arrêter. Son sens du spectacle est une de ses plus grandes faiblesses, rajouta Raphael d’un air empli de sagesse qu’il regretta bien vite d’avoir adopté.
-Huhu. Donc vous êtes du genre spécialiste de la sécurité ?
-Je ne…

Il allait démentir. Le problème, c’est que Sigurd était tout sauf discret, et que la file d’attente derrière lui s’était déformée en une masse circulaire compacte qui les observait attentivement. Lui-même tentait de se faire pardonner d’avoir doublé tout le monde en souhaitant « partager » son entrevue. Et maintenant, c’était une bonne centaine d’yeux qui le regardaient avec ce même air admiratif, parfois luisant de l’éclat de quelques pépites d’or réellement convaincues.

Et il ne se voyait sûrement pas dire non à ça.

-Euh… j’imagine qu’on peut dire ça comme ça, oui.
-Mwarharharh. Ben en tout cas, on peut dire que vous avez fait clairement mieux que les marines du coin, haha. En temps normal j’essaie de pas être mesquin avec les responsables de ce genre de trucs parce que je sais la merde que c’est d’organiser des patrouilles, mais… avoir tout un dispositif transformé en gros flan parce que tout le monde prend sa « pose clope » en même temps, je vous jure que si le responsable de la garnison revient me bassiner avec tout la noblesse de sa 132ème division de la marine en poste sur l’île du Karaté, je vais me faire un plaisir de lui caser ça dans le gosier… « ouais ouais, et fumer comme une cheminée c’est aussi dans les traditions martiales du coin, sûrement ? »… dans tes dents, baltringue !

A nouveau, l’égérie de la marque Selfmidge ne pu qu’hocher la tête… en diagonale de gauche à droite, ce qui ne voulait absolument rien dire. Il n’avait pas spécialement envie de lancer la pierre à qui que ce soit, et encore moins de se faire des amis dont il n’avait pas besoin ici. Et à la façon dont les marines présents dans l’assemblée tiquaient en entendant les paroles de Dogaku, il n’allait pas aller dans ce sens. Ce que l’autre remarqua et accueilli d’un petit sourire. Plus surprenant, il ne semblait pour sa part pas y accorder la moindre impression. Ou plutôt, devina bien vite Anderson, il s’amusait à irriter les militaires. Ce type était tordu.

-Du coup, vous êtes avec les miss Pourpre et Pervenche, des magasins Selfmidge ? Une égérie de la maison et un représentant comme elles ?

Pas vraiment, se dit le concerné. Plutôt une mascotte à tout faire, corvéable à merci, faisant souvent office de sbire de bas étage, rarement considéré, et…

-On se retrouvera dans les tribunes dans le coin des orga’, du coup ?

Raphael n’avait pas prévu ça, mais… à priori oui, en effet. Maintenant qu’il était hors-concours, il devrait bien se résumer à ça. Ca n’était pas comme si on allait le forcer à signer quoi que ce soit pendant que des combats auraient lieu, après tout. Pas comme si qui que ce soit aurait envie de faire la queue alors que des combats auraient lieu.

Mais d’ici là…

-Bon, j’abuse pas plus de votre temps et de la patience de tout le monde. Mais à nouveau, merci vraiment beaucoup ! Et puis merci à vous tous, vraiment ! Bonne journée à tout le monde !

Bon. Ce serait fatiguant, mais au moins, l’autre avait l’air assez bavard pour occuper ses deux manipulatrices du Gambling Blue à lui tout seul. Ce qui signifiait qu’elles ne lui trouveraient pas de place dans une autre de leurs machinations étriquées… avec un peu de chance.

Et dans les tribunes, les compères respectifs d’Anderswag et Haylor n’avaient guère tardé à sympathiser. Les deux croupières n’avaient même pas à utiliser du moindre de leurs artifices pour faire vivre leur discussion ; Sigurd était un excellent public qui l’entretenait tout seul. D’autant plus qu’il s’était rapidement trouvé des points communs avec les deux femmes. Ca n’était pas un goût prononcé pour les choses de qualité qui se payaient dignement, même si oui, il y avait de ça. Ca n’était pas non plus le plaisir de vilipender les combattants qui triomphaient victorieusement de leurs adversaires, généralement en s’attardant sur quelques mesquneries à leur encontre, même si à nouveau, la mauvaise foi jalousante de Sigurd et l’esprit de commérage des deux autres s’entendaient à merveille.

En l’occurrence, les trois spectateurs étaient simplement partis d’une remarque que Sigurd avait faite sur le pendentif que portait Pervenche, fait d’une roche pourpre qui lui rappelait des minerais précieux qu’il avait déjà vu dans la Flaque… et qui venaient précisément de là, lui annonça l’émissaire de Selfmidge. Elle détailla légèrement l’anecdote, expliquant notamment que c’était elle-même qui avait récupéré le minerai de ses mains à l’occasion d’une expédition au travers de Redline. Une expédition de nature peu avouable, même si ça, elle ne le précisa pas. Son amie le devina, mais n’insista pas sur ce point ; elle posa tout de même quelques questions, par simple curiosité.

Elle n’allait quand même pas annoncer à Sigurd Dogaku que toutes les deux avaient été pirates avant de se ranger dans le casino Gambling Blue, non plus. Juste qu’elles avaient beaucoup vogué sur les mers –ce qu’elles faisaient encore, en vérité- et que Pervenche avait une expérience toute particulière des labyrinthes caverneux de la Flaque. Comme Sigurd.

S’ensuivit plusieurs réminiscences qui les ramenèrent tous les deux plusieurs années en arrière, dans ces grottes incroyablement dangereuses pour qui ne les connaissaient pas… et gorgées de merveilles en abondance pour les rares initiés. Sigurd et Pervenche y avaient vu des choses que même les marins de l’équateur ne pourraient jamais voir ; la curiosité de Pourpre se rassasia de leurs récits tout du long.

En fait, ils s’absorbèrent tellement dans leurs souvenirs qu’aucun d’entre eux ne prêta la moindre attention aux combats qui venaient de reprendre. Ni à quoi que ce soit d’autre, en fait.

Jusqu’au retour de nos deux combattants, que Sigurd accueilli avec d’un énorme sourire.

-Wéééééé ! Alors, euh… tout va bien ?
-J’ai connu mieux, indiqua Andersen.

Il avait l’impression que ses poignets étaient maintenant constitués de plâtre friable ; cela faisait maintenant cinq minutes qu’il ne cessait de les tourner, et ses articulations n’arrêtaient toujours pas de craquer. Signer des autographes, c’était une véritable horreur.

-Et vous miss ?
-Ca ira.

A son ton, Sigurd devina qu’elle avait pris un peu plus de coups que ce qu’elle aurait souhaité dans sa petite opération flamboiement. Mais pas sur le visage, cette fois. Pour une fois.
Il se retint de lui faire la morale en y allant de ses insupportables taquineries habituelles, un geste qu’elle apprécia tout particulièrement… comme en témoignait la lourdeur avec laquelle elle se laissa choir dans le siège adjacent, lasse et… passablement énervée, dieu seul savait pourquoi. Alors, forcément, il chercha à la dérider.

Il pouvait bien attirer leur attention à tous sur cet énorme pirate aux bras plus larges que son torse à lui, ou encore sur le taux inhabituels de borgnes qui participaient au tournoi, sur la quantité hilarante de pirates qui tentaient de se faire passer pour de simples voyageurs et qui multipliaient les occasion de se trahir, ou encore sur l’homme-pelote d’épingle (ou homme-poisson de l’ordre des rascasses pour les puristes) qui tentait laborieusement de se frayer un chemin dans la masse compacte de la foule des gradins… en prenant soin de ne piquer personne, ce qui lui avait déjà valu plusieurs ennemis quelques mètres plus loin.

Et finalement, le son du rire caractéristique de Pourpre, amusée par une des remarques cyniques de Rafton, le ramena à un autre sujet. Le précédent, en fait.

-Dîtes, vous vous souvenez de la fois où on a escorté chais-plus-quel gros bonhomme jusqu’à Marijoa là ?
-Euh… hein ?
-Quand j’vous ai fait visiter les cavernes aux champis et aux algues fluos.
-Aaaah. Oui. L’ambassadeur du royaume invité à Marijoa pour renégocier les droits d’intervention de la marine sur le territoire maritime lors de…
-Naaaan, on s’en foutait et on s’en fout encore à priori. J’vous demandais si vous vous souveniez des champignons géants.
-Hein ?
-Rhooooo. Dé-cep-tion mons-tru-euse. M’enfin… les cavernes, les couleurs, le fluo de partout ?
-Ooooh. Vous avez fait les cavernes aux lucioles mycomiques ?, demanda Pervenche.
-Ouais.
-Superbe ! J’ai toujours eu envie de…
-Aaaaah, c’était de ça que vous parliez ?
-Les quoi ?, demanda Raphael.
-Des champis mutants géants aux spores fluos façon boule disco iridescente qui neigent en flottillant dans une frange de chenal du réseau Marijoan et qui font office de lampadaires pseudos-naturels scientifiquement artificiés du coté de certains postes marines souterrains, résuma Dogaku.
-Ah.

Andersen n’avait rien compris à ce bazar de raccourcis empilés les uns sur les autres, mais préféra ne pas insister. Contrairement à Pervenche, dont les vestiges d’un sens de l’aventure à ce jour disparu commençaient à palpiter de nouveau.

Ca, ou alors…

-ATTENTION !

Sigurd, jusque-là penché vers les trois du Gambling Blue, eut à peine le temps de regarder droit devant lui. Et se retrouver nez à nez avec une forme grotesque qui lui fonçait dessus.

L’arrière train d’un combattant éjecté de biais depuis l’arène jusqu’à leur tribune, par une puissance prodigieuse. Ils beuglèrent tous ensemble, Sigurd emporté vers les rangs arrière, Pourpre et Haylor effrayées par le choc soudain, Raphael balancé ventre à terre par Pervenche qui s’était précipitamment écartée de tout ça.

Etrangement, ou plutôt sans surprise, la commotion ne fut aucunement reprise par les commentateurs.

Eux se contentèrent d’officialiser la victoire du combattant qui venait d’accomplir ce fait d’arme.

Bien. Le deuxième tour de tournoi était entamé. Sans surprise, j'avais réussi à me qualifier pour la première partie. Il était facile de se démarquer avec le Rokushiki, j'avais même dissuadé certains adversaires de m'attaquer. Franchement, c'était ça le concours qui était censé parfaire mon entraînement ?

Enfin, apparemment c'était maintenant que les choses se complexifiaient. Ludwig, un Ludwig, avait dévoilé son identité en expulsant un adversaire du ring. D'un côté, j'étais contente de ne pas être à la place de celui qui s'était fait botter méchamment les fesses... mais de l'autre, j'enviais le combat promis par la présence d'un tel concurrent. Ce ne serait que partie remise, le tirage nous confronterait irrémédiablement.

Foulant des pieds une nouvelle fois le sol poussiéreux de l'arène, mon regard se promène à nouveau aux alentours. Les gradins sont remplis, les spectateurs excités par les spectacles qui s'enchaînent. Pourtant, je suis loin d'être leur favorite : trop expéditive, trop insaisissable. Clairement, je ne suis pas une bête de foire qui se laisse malmener pour les beaux yeux du public.

« - Alors, à quoi je vais avoir affaire cette fois-ci ?

- J'ai vu ton précédent combat, Eb. Tu te débrouilles bien, mais penses-tu être la seule à maîtriser les arts martiaux du Cipher Pol ? »

Je lève un sourcil, adoptant une posture défensive. Mon adversaire semble sûr de lui, je préfère donc être sur mes gardes ; si c'est un autre agent, nul doute qu'il me donnera du fil à retordre. Finalement, le top à la vachette résonne après que les speakers aient présenté nos deux noms :

« - Eb contre Roluigi !

- Oula j'aimerais pas me retrouver entre ces deux-là. Et pourtant je suis dans la Marine d'élite. »

J'ignore les commentaires qui se perpétuent comme un bruit de fond permanent. Mon regard se pose sur la silhouette encagoulée et longiforme, criant effectivement « espion ».


Il est le premier à attaquer, se fendant d'un Soru dans ma direction pour tenter de me prendre par surprise, mais je le survole au dernier instant. Au bout de quelques échanges, je perçois la différence significative entre nous. L'inconnu a bien manqué une fois de m'avoir... et par là je veux évidemment dire de me faire rabattre ma capuche, mais ses nombreux efforts l'ont essoufflé. Je ne suis pas forcément indemne non plus : je sens des gouttes perler le long de ma colonne vertébrale et l'esquive tardive d'une lame d'air m'a fait écoper d'une griffure sur le bras.

« - Tu te défends pas mal, » me dit-il.

Naturellement, je ne réponds pas. D'un bond, je me retrouve au-dessus de lui, balançant mon bras dans sa direction pour le laisser penser qu'il va être foudroyé par un Shigan. Il s'écarte et tombe dans mon piège.

« - Rankyaku ! »

La lame d'air part et le fouette au niveau du torse, cisaillant ses cottes et l'expulsant vers les gradins. L'attaque est soigneusement mesurée de sorte à ce qu'elle soit plus spectaculaire qu'autre chose : mon adversaire n'en gardera pas de trop graves séquelles, mais il aura du mal à rire pendant au moins plusieurs semaines.

« - C'est incroyable, quelle vitesse d'exécution !

- Eh bien j'en suis sûre désormais, c'était des techniques de Rokushiki. Mais attendez, c'est autorisé ça ?

- Tous les arts martiaux sont autorisés, ma chère Lin, tous les arts martiaux. »

Cette fois-ci, j'ai eu un peu plus de fil à retordre et il semblerait que cela ait plu aux gradins. Tirant sur le pan de tissu qui recouvre mon crâne, je dissimule un peu plus mes traits dans l'ombre avant de m'en retourner vers les vestiaires.


Désormais qualifiée pour le dernier tour, il ne me reste plus qu'à savourer les prestations qui suivent. Ne sachant où me mettre, je m'installe à côté d'un groupe qui attire les regards, espérant profiter de leur lumière pour rester dans l'ombre.

À côté de moi, un homme à la chevelure verte, le héros de la journée, semblait lutter pour ne pas mourir de faim. Voyant le supplice qu'il doit endurer, je lui tends donc une barre chocolatée, chapardée dans un distributeur un peu plus tôt.

« - Les héros ne doivent pas négliger leurs repas. Prenez plutôt un Kinder Bruno. »

Et sur cette phrase digne d'un spot publicitaire, je me grille une cigarette.

“ Hm… Je…” le ventre du vert émit à nouveau un son venu d’outre-tombe et il finit par ravaler tout sentiment de gêne vis-à-vis de la proposition “J’imagine que oui… du chocolat ça ne peut pas faire de mal. Merci !”

S’emparant de la barre chocolatée qu’on lui tendait, Raphaël prit plaisir à la libérer de son emballage pour en prendre une généreuse bouchée. Il n’avait pas mangé depuis un moment et, entendre sa troupe bourgeoise parler des meilleurs restaurants des Blues était une torture dont il comptait bien se passer, le tournoi battait son plein et s’il devait s’astreindre à des mondanités le soir même, il pouvait bien se permettre de se promener un peu. HSBC dans la poche, Pourpre et Pervenche ne devraient plus avoir besoin de lui avant la fin de journée…

Attendant quelques instants de savoir ce qui avait pu piquer l’intérêt de la mystérieuse combattante, il se rendit très rapidement compte qu’elle était passée à autre chose et avait déjà reporté son attention sur la rixe suivante. L’idée de lui demander une cigarette pour combler le silence lui traversa l’esprit, mais un sentiment de malaise le fit renoncer.

“Bon… Ben… Courage pour la suite… J’imagine ?”

Elle l’ignora tout bonnement, comme s’il avait de nouveau été transparent et, dans une démarchée peu assurée, le vert se recula en agitant la main avec gêne. Encore un drôle de personnage qu’il venait de croiser là. Jetant un dernier regard circonspect à la dénommée “Eb”, il finit par quitter définitivement les gradins et la perdre de vue.

Il avait pu voir un bout de son précédent combat et n’était clairement pas décidé à irriter quelqu’un de sa trempe. Il allait se contenter d’admettre que l’acte était désintéressé et reporter son attention sur un sujet autrement plus important : sa faim qu’un simple snack n’avait pas pu satisfaire.

Déambulant parmi les étalages de souvenirs, de produits artisanaux et de clubs de supporters, il finit par trouver un endroit où se restaurer. L’établissement ne payait pas de mine, mais l’odeur qui s’en dégageait avait suffi à le convaincre de sa qualité -suffisante en tout cas pour son besoin le plus pressant- et il y avait assez de monde pour se convaincre qu’il avait son petit succès. Sans mal, Raphaël se dirigea au comptoir et commença à comparer ce qu’il voyait sur la carte avec les plats fumants que les autres clients étaient déjà en train de déguster, jusqu’à ce qu’il finisse par repérer une tête connue.

“AH MAIS ! Si ce n’est pas notre fameuse “danseuse du vent” ?! ”

Longues chevelure blanche, cache-oeil rouge vif et petit corps au formes généreuses ne le trompaient, à une table juste derrière lui Yamiko la chasseuse de primes étaient installée avec deux enfants. Tous les deux avaient participé à l’arrestation de criminels sur Cocoyashi et il avait gardé d’elle le souvenir d’une bonne beuverie pour conclure leur aventure. Fière combattante, elle menait tous ses assauts avec une grâce et une férocité sans pareille. Ce n’était donc pas bien étonnant de la voir sur l’île du Karaté pour un pareil événement.

“Raphaël Andersen, vierge ascendant lion ! Tu remets ? Cocoyashi, il y a quelques semaines même si… j’ai l’impression que ça fait déjà des années vu tout ce qu’il s’est passé dernièrement.” en autre depuis leur dernière rencontre, il était déjà plus connu sous le pseudonyme de Rafton Anderswag “Comment ça va ? Tu es venue assister aux affrontements ? ”

Surprise, mais visiblement pas contrariée, la chasseuse de primes n’eut toutefois pas le temps de répondre qu’un individu éméché venait se mêler à la conversation.

“Et toi tête d’algue, arrête de draguer ma Yaya-chan devant moi ! Dégage de cette table !”

Regard interloqué vu le manque de contexte, réponse téléphonée pour faire passer la méprise.

“Pas de lézard, ce n’est que la bonne surprise de retrouver une connaissance. Rien de galant, j’allais simplement leur demander ce qu’on pouvait manger de bon ici pour pas cher ! Rassuré ?

-TA GUEULE !”

Et l’ivrogne accompagna son mot d’un doux poing dans le nez du vert.

Ca au moins, ça avait le mérite d’être gratuit.

Bon, ben, les deux premiers tours sont vite passés.

Mon premier adversaire a eu des scrupules à frapper une femme. Pas de bol pour lui, moi je n'ai pas de problème à frapper un homme. Deux minutes plus tard le malheureux dont j'ai complètement oublié le prénom gît au sol, inconscient, la mâchoire brisée. Le public ne pige pas trop comment une nénette aveugle si frêle avec ses grandes ailes noires a pu terrasser aussi vite un homme dans la force de l'âge. Si je n'étais pas aussi humble, je parlerais de talent, mais j'ai bien conscience que mon expérience sur Grand Line joue pour beaucoup. J'y ai affronté des adversaires puissants et même si j'y ai passé mon temps à mordre la poussière, je comprends clairement la différence de niveau entre les Blues et la Routes de Tous les Périls. Bref, je ne pense pas être meilleure que les autres d'un point de vue technique, loin de là s'en faut. Mais je remplace avantageusement ce déficit par mon vécu, mes capacités physiques bien au dessus de la moyenne et surtout, ma sphère perceptive.

Finalement, je suis assez optimiste pour la suite, et je ne regrette pas d'avoir jeté mes derniers Berrys dans les frais d'inscription au tournoi. Le deuxième combat ne me pose pas beaucoup plus de difficultés que le premier. Un certain Lawrence Gargalen se trouve en face de moi. Et, en moins de temps qu'il n'en faut pour dire Alabasta, je me suis saisi de la manche de mon adversaire et j'y ai appliqué une torsion du poignet, puis du bras. Un "crac" sinistre plus tard l'arbitre enregistrait l'abandon de ce dernier et j'étais qualifiée pour les huitièmes de finale. Je réprime ma joie, mais j'ai déjà gagné un repas gratuit dans un restaurant où tout est à volonté. Quand le tournoi sera fini, j'irai sans faute m'y remplir la panse bien comme il faut. Je comprend aussi qu'à partir des quarts de finale, les gains sont en monnaie sonnante et trébuchante. Et bien que je ne sois pas vénale d'habitude, je dois bien avouer qu'un peu d'argent frais ferait le plus grand bien à mes finances.

Un officiel du tournoi rend ma canne d'aveugle et me guide diligemment vers l'endroit réservé aux participants pour qu'ils observent la suite des combats. Mais il me propose aussi d'aller me restaurer dans un établissement réputé, payé par les organisateurs. Ma maigre collation du déjeuner ne m'ayant pas rassasiée et l'après-midi touchant à sa fin, l'idée de me goinfrer à l'œil aux frais des cols blancs et des sangs bleus devient alors, à mes yeux, une opportunité à ne pas manquer. Le jeune homme me dirige donc hors de l'arène vers ce restaurant . Mon nez de fin limier ne s'y trompe pas, les mets sont de première qualité! Par courtoisie, je propose à mon accompagnateur s'il ne souhaite pas partager ce repas avec moi, mais il décline poliment. Dommage, c'est un peu triste de manger seule au resto. Mais bon, comme je meurs de faim et que ventre affamé n'a point d'oreilles, je m'assois à une table tandis qu'une hôtesse me lit le menu. Il y a même du ...

"Homaréchal, nous voilà!" m'exclamé-je pour moi-même en avançant d'un pas léger vers les étals de nourriture.

J'attends donc patiemment ma commande, quand soudain, près de moi une rixe explose et un homme bouscule la serveuse, mon assiette bien garnie de crustacés entre les mains, ma nourriture me tombant dessus dans un silence de mort. D'un bond, je me redresse, renversant ma chaise au passage. Sans doute y-a-t-il ici des gens qui ont vu mes combats et qui m'ont déjà collé l'étiquette de Grosse Bourrine. Ces mêmes individus retiennent leur souffle.

Ca pourrait mal tourner.

“Vous avez vu comme il a sauvé diligemment cette jeune femme en détresse ? Rafton Anderswag est vraiment un héros !!!
-En détresse, en détresse, tu y vas fort quand même ! C’est tout de même Yaya-chan, une excellente combattante et visiblement une excellente chasseuse de primes ! Elle est humaine elle a le droit d’avoir ses hauts et ses bas !!
-Et Jeska, vous avez vu comme elle s’est occupée de cette bande de voyous ?  Vous pensez qu’elle fait partie de l’équipe d’Anderswag ? Ou qu’il vient les recruter elle et yaya-chan ? Vous les imaginez en équipe ?!! Avec des pareils rangers, les pirates de South Blue n’auraient aucuuuune chance !!!
-Olalala, c’est ma favorite, j’espère tellement qu’elle va arriver en finale et remporter le titre !!
-Si elle arrive en finale, son adversaire sera qualifié au prochain combat, c’est soit Eb, soit Ludwig ! Dans tous les cas ce sera du grand spectacle !!!
-Et Rafton, qui est-ce que tu penses que Rafton va supporter ?! On l’a vu échanger avec Eb dans les gradins un peu plus tôt !!”

En moins de temps qu’il ne faut pour que le public ne regagne les gradins, la petite agitation causée dans le restaurant avait massé une foule impressionnante de curieux. Habitués des tournois de karaté, fanclubs en devenir ou badauds perdus s’étaient intéressés au règlement de compte et aux pleurs de la jeune borgne au point que la gérante de l’établissement dut faire recours à la sécurité du site pour évacuer les lieus et permettre à ses clients de quitter leur table.

Raphaël, Jeska, Yamiko et les deux enfants qui l’accompagnaient en faisaient partie. L’un pestant avec une poche de glace sur l’œil, l’autre avec un gros plats de crustacés à emporter qu’elle avalait goulûment et la dernière une grande nappe sous le nez pour sécher sa morve et ses larmes.

Et à les voir avancer tous les trois ainsi, chacun en démonstration de son petit caractère, il n’était pas invraisemblable de penser que le cordon de sécurité qui leur servait d’échappatoire vers les loges était davantage là pour protéger le public  d’eux que l’inverse.

“Ils sont… Fatigants hein…”

Soupir de la tête verte.

“Faut pas que tu te fasses de bile Yamiko, on devrait pouvoir toucher un petit cachet et subvenir aux besoin de tes protégés autrement… Regarde ce que tu viens de gagner en remettant ces trois débiles aux autorités ? Je suis un peu près sûr que t’as moyen d’en trouver d’autres pas bien plus malins…  
-’Puis comme ch’dis, chi j’gagne, ch’auras un peu d’ma thune !” complèta Jeska la bouche pleine, elle aussi touchée par l’histoire de Tania et Tom qui s’étaient permis d’expliquer l’état émotionnel de la danseuse du vent à ses deux nouveaux compagnons.
“Oui et puis…”

Regard de la tête verte vers une petite crapule aux cheveux bleus en train de tirer un marine saucissonné dans un placard et un grand homme-poisson aux rastas rouge, un énorme paquet sur l’épaule, en train de faire le guet -visiblement du mauvais côté du couloir sinon il les aurait vus- qui étaient de toute évidence en train de conduire une entreprise malhonnête.

“… la journée est loin d’être finie.”

Bon, le Rafton a oublié que je suis aveugle, du coup je tarde à peu à comprendre ce qu'il se passe. Heureusement,
Yamiko me décrit la scène et mon sang ne fait qu'un tour! N'écoutant que mon sens aigu de la Justice, je laisse mon panier repas en plan et je m'en vais expliquer aux deux gredins ma façon de penser.

"Hé vous deux, vous … "

Même pas le temps de finir ma phrase que le plus petit des deux individus se jette sur moi! Au vu de sa voix et de son odeur, je dirais qu'il s'agit d'une adolescente. Ceci dit, je ne suis pas née de la dernière pluie et son assaut, débordant de malice et de vitalité, n'est pas assez rapide pour me surprendre à l'intérieur de ma sphère perceptive. D'un mouvement rapide, je me saisis du poignet de la gamine et je pivote en me décalant légèrement sur le coté pour accompagner son mouvement. Mon agresseur se retrouve alors projetée contre le mur qu'elle heure tête la première dans un "bam!" sonore.

Mais pas le temps de savourer car le second olibrius me saisit par les épaules et m'envoie un puissant coup de tête qui me fait reculer en titubant. Immédiatement, je me met en garde en grognant. Ma situation est mauvaise, je suis entre les deux malfaiteurs et je crains de ne pas être assez forte pour les affronter en même temps sans y laisser des plumes. Ce qui, avouez le, serait assez cocasse pour une ange aux ailes noires!

Attrapant une bonne poignée de pièces dans ses poches, le vert en envoya aussitôt une volée droit sur les mains de l’adolescente aux cheveux bleus. La puissance donnée par ses pichenettes propulsa les projectiles assez violemment pour désarmer Fantine qui, revêche, était déjà prête à frapper dans le dos l’une de ses adversaires avec un petit couteau.    

“Eh ! Ca fait mal !”



La peste reporta son attention sur Raphaël mais celui-ci ne s’était pas arrêté en si bon chemin, d’un coup pied plongeant, il la faucha dans sa course et ne lui laissa pas l’opportunité de récupérer son arme. Ils roulèrent l’un sur l’autre et, alors qu’elle essayait de lui crever les yeux aussi efficacement que possible, le vert faisait de son mieux pour l’immobiliser au sol sans risquer de perdre au passage une paire de bijoux de famille.

“Groot, fait quelque chose ! Grrr… !
-Mais c’est qu’elle mord, bordel ! Lâche m-…”

Son partenaire se démenait également comme un beau diable , mais trop vite il finit à terre sous les coups lourds et répétés des deux justicières qui finirent de l’épuiser de quelques coups de pieds et de cuisses dans la tête. Lorsqu’enfin Raphaël réussit à assommer à son tour son adversaire, elles étaient déjà en train de l’attendre, assis sur le grand homme poisson qui peinait à respirer.

“Je… crois que vous lui faites mal, non ?
-Bien fait pour lui, Yaya-chan a eu sa revanche !!” s’empressa Tania pour corriger Raphaël.
“Hm… Si on veut.”

Se relevant le premier, il remarqua du coin de l’oeil que le gros paquet que portait l’homme-Rascasse un instant plus tôt s’était entrouvert au même moment où les agents de sécurité débarquaient à leur suite pour aider les deux jeunes femmes à se relever et prendre en charge les brigands qui -malins et débrouillards comme ils étaient, leur fausseraient probablement très vite compagnie. Se confondant en excuse d’être à nouveau aidé par la petite équipe pour arrêter des malfaiteurs, celui qui semblait être responsable du secteur, laissa le temps à Raphaël de faire un petit tour de passe-passe sans que personne ne s’en rende compte, il avait en tête les difficultés rencontrés par les enfants protégés par Yamiko.

… Ou bien peut-être une personne finalement.
Juste à cet instant, Jeska, pourtant aveugle, tourna la tête vers lui et il eut un petit déglutinement d’appréhension suspendu à sa réplique….

“Oh Mademoiselle Jeska, vous voilà !!…”

…Heureusement sauvé par un des organisateurs du tournoi en train de se frayer difficilement un chemin à travers les badauds à nouveau agglutinés autour d’eux.

“Vous ne cessez de nous aider avec ses nuisances dediou !!… Votre futur adversaire qui plus est, M. Kurn…  quel dommage…  une si jolie demi-finale… On aurait du s’y attendre en invitant tout le monde à participer… Dediou, moi qui pensait les artistes martiaux capables de se tenir…” il en profita pour lâcher un profond soupir de désespoir, il n’en était visiblement pas à la première complication de la journée” que faire, que faire, je me vois bien embêté avec les grilles de qualification, que faire, que faire, voyons… Eh bien !! Vous voilà finaliste, tout bonnement, vous voilà finaliste ! Il faut qu’on annonce ça ! À moins que…”

Surtout, ne pas se faire remarquer… La foule applaudissait et scandait déjà Jeska Kamahlsson à pleines mains.

“ À moins que… Mademoiselle Yaya-chan, c’est bien vous ? Vous venez de terrasser M. Kurn qui…qui était votre adversaire lors du premier tour, non ? Son adversaire du second est en bien mauvais état mais… Mais… Peut-être que nous pourrions… Oh oui ! Peut-être… Peut-être que nous pourrions vous réintégrer à la compétition à sa place ?! Oh oui !! Ca nous ferait une seconde demie-finale à annoncer en attendant le résultat de l’affrontement entre Eb et notre Ludwig-Senseï !…”

La foule redoubla d’une nouvelle intensité dans ses applaudissements, criait à présent également le pseudo de Yamiko et ont eu bientôt l’impression que le mot allait se répandre comme une traînée de poudres à travers tout le stade.

“Qu’en pensez-vous Mesdames ? Accepteriez-vous de vous affronter pour une place en finale ? Oh, c’est excitant !…“

Je sens bien que Raphaël prépare un coup dont il a le secret. Merci sphère perceptive! Ceci dit, si je me tourne vers lui, c’est plus par réflexe et curiosité mêlés que pour le soumettre à mon opprobre. En fait j’étais à deux doigts de lui faire un clin d’œil complice quand l’organisateur arriva. L’homme annonce alors que le gredin qui a failli m’assommer d’un coup de tête était mon adversaire du tour suivant et que maintenant qu’il avait des soucis avec la justice, il est bien embêté. Je dois avouer que ses problèmes sont le cadet de mes soucis. En fait, la qualification en demies m’assure déjà de toucher une coquette somme d’argent. Alors me retrouver directement en finale, c’est inespéré pour mes finances!

Manque de bol, il retombe vite sur ses pattes, le directeur. Il propose une demi finale entre Yamiko et moi. Et franchement, j’ai égoïstement envie de refuser. Et puis, je me souviens que la danseuse du vent s’est faite sortir du tournoi au tour précédent et qu’elle ne recevra aucun prix. Si j’accepte la proposition de l’organisateur, je permettrai à une jeune femme sans le sou d’avoir un peu d’argent et ainsi de pouvoir se nourrir elle et les enfants qui l’accompagnent. Rhaaaa! Je déteste mon bon cœur.

"C’est bon pour moi."

Je ramasse donc mon panier repas et je quitte les lieux. Non sans glisser passage un petit mot à Yamiko.

"Tu devrais accepter, en plus on risque de bien s’amuser!" lui soufflé-je en la gratifiant du plus grand de mes sourires.

Quelques instants plus tard, un tonnerre d’applaudissements m’indique que la chasseuse de primes a accepté le duel. Ça va être rudement intéressant.

Une demi heure plus tard, je rentre dans l’arène sous les acclamations du public, ça fait du bien à l’égo. J’ai toujours été une soldate de la Marine. J’ai toujours combattu sans public ni encouragements. Alors là, je ne boude pas mon plaisir. Quelques instants après, c’est Yamiko qui arrive, elle aussi sous les vivats de l’assistance. Je la salue d’un petit geste de la main et d’un franc sourire. Je ne la connais pas depuis longtemps mais je l’apprécie. Cependant quand le gong sonne le début du combat, mon visage se ferme. Et la danseuse du vent n’est plus une amie, mais une personne que je dois vaincre! Alors j’ouvre les hostilités en me jetant sur elle.

J'exècre ce public stupide. Pourquoi ai-je droit à des applaudissements et pas Yamiko? La jeunette n'a rien fait pour subir toute cette haine qui descend des tribunes. Elle est gentille, brave et forte! Elle ne mérite pas ces insultes ni ces quolibets. D'autant plus qu'elle n'a pas peur de m'affronter. Notre duel vaut mieux que cette audience inculte. Alors, encore une fois, je me résous à faire une fleur à la Danseuse du Vent et je laisse son attaque m'atteindre. Bien qu'il manque de puissance, son assaut est précis et son pied vient claquer contre ma joue gauche, me faisant tomber au sol sous les vivats du public. Tss, qu'ils sont versatiles, ces abrutis! Ils l'acclament maintenant, mais la huaient sans vergogne il n'y a pas deux minutes... A moins que tout ce qu'ils souhaitent voir ce sont des gens se mettre sur la figure, sans aucune considération pour tout le travail que ça représente d'arriver à ce niveau. Ces béotiens ont-ils oublié ce que signifie "art" dans Art Martiaux?

Je me relève, la fureur déformant mes traits. Sans doute la jeune chasseuse de primes pense qu'elle est la source de mon ire, mais il n'en est rien. Je la respecte en tant qu'adversaire. Mais je n'en peux plus! Si je n'étais pas déjà aveugle, je me percerais les tympans pour ne plus les entendre! J'hésite toujours entre faire durer le combat pour ne pas blesser Yamiko, et l'expédier avant que mon énervement ne devienne incontrôlable. Mais pas le temps de tergiverser, car mon opposante m'attaque de nouveau. Je bloque ses coups, cherchant la faille pour placer un contre décisif quand soudain, une porte s'ouvre! J'arme mon coup, mais, avant que je n'aie pu saisir l'opportunité, le talon de la chasseuse de primes vient embrasser mon menton!

Instinctivement, je recule de quelques pas pour éviter qu'elle ne fasse pleuvoir d'autres coups et je me remets en garde. Celui-là, je ne l'ai pas vu venir! Je me demande :a-t-elle laissé volontairement une faille dans son enchaînement pour que je m'y engouffre et ainsi mieux me surprendre? Ou alors ses réflexes sont prodigieux! Il me semble maintenant évident que j'ai pêché par orgueil. Je l'ai sous estimée, et si je continue ainsi, il va m'en cuire! Du revers de ma main droite, j'essuie le sang qui perle de la commissure de mes lèvres et je lui adresse un sourire carnassier.

Et je repasse à l'attaque!

“Oh merde j’sais pas… Et toi, tu parierais sur laquelle ? Est-ce que je vais au plus prudent ou au plus risqué ? Qu’est-ce que ferait Sigurd… ”

Quelques pièces et de babioles en poche -subtilement soustraites au gain des futurs vainqueurs- Raphaël s’était trouvé une place de choix pour assister à la demi-finale. C’était le dernier combat avant la conclusion du tournoi, l’annonce de la disqualification de Kurn l’homme-poisson avait fait grand bruit et le public était dans une extase folle, un très bon moment donc pour capitaliser et se faire un petit bonus sur sa journée de travail.

Loin de Pervenche, Pourpre, de HSBC et du sponsoring clinquant, le vert s’adonnait au petit plaisir des bookmaker en relevant des paris spontanés. Étant donné le statut et la réputation de Jeska, Raphaël n'avait aucun doute sur le fait qu'elle serait la favorite du public. Cependant, il avait vu Yamiko en action sur Cocoyashi et savait que malgré son petit coup de déprime, elle ne devait pas être sous-estimée. Quelques acrobaties gracieuses et coups de parpaings plus tard, il n’avait aucun mal à partager son enthousiasme avec le reste des spectateurs et déjà les uns et les autres hésitaient à se lancer dans les paris sportifs.

Il n’y avait pas besoin de beaucoup insister pour qu’ils mettent la main au porte-monnaie.
Lui avait répondu avec les plus belles pièces de son récent butin, alors qu’une nouvelle fois les deux jeunes femmes se relevaient d’un échange virulent.
Sans trop s’expliquer, il avait secrètement confié à Tania et Tom le support de sa mise -ils en auraient plus besoin que lui, quelque soit l’issue de cet affrontement- et s’était ensuite installé un peu plus en retrait, noyé dans la foule, afin de pouvoir garder un œil sur eux tout en restant discret jusqu’à la fin de journée.

Le dîner du soir serait parfait pour les affaires des représentants de la marque Selfmidge, promesses, accords et poignées de main seraient au rendez-vous et, sans parler du cadre délicieux dans lesquels ils allaient s'enivrer toute la soirée durant, l'accomplissement personnel de Raphaël serait de survivre à pareilles mondanités.

Pourpre et Pervenche étaient d'excellentes instructrices, Sigurd et Haylor d'excellents partenaires pour évoluer dans ce milieu, et finalement il reconnaissait qu’il passerait probablement un bon moment et ne rechignerait pas à prendre des photos et signer des autographes avec les nouveaux admirateurs de son personnage de “Rafton Anderswag”. La nuit serait bonne, le lendemain exquis.

Ces pensées le firent sourire, il s’affala dans les gradins en ouvrant une bière puis allumant une cigarette, il se détendit.

Du bon temps, ENFIN !