Rappel du premier message :
- « Nous l’avons appris hier même… »
Ma mine était ferme. Dégout. Frustration. Déception. Culpabilité. Tout y passa en l’espace d’une seconde. Le petit avait fini par y passer. Maalem était mort au combat. Mes poings se refermèrent et ma mâchoire se serra. Comment ?! Pourquoi ?! Maudit destin ! Alors que je venais de sauver la famille royale d’un vaste complot… Chienne de vie ! Je n’imaginais même pas l’état dans lequel la reine et les autres membres devaient être. Dans cette affaire, j’avais une très grosse part de responsabilité. Après tout, j’étais celui qui avait été à l’origine de sa mutation dans ce trou paumé que je pensais inintéressant pour les pirates. Un lieu sûr où il ne craindrait pas grand-chose… Mais à croire que je m’étais lourdement trompé. Cette perte avait un gout amer. Elle venait balayer les deux bonnes choses qui m’arrivaient en ce moment.
- « Qui l’a tué ? »
« Un certain Mahach… Voilà la prime… »
Le messager qui venait de m’annoncer la triste nouvelle me tendit ladite prime de l’auteur du crime et mon visage se froissa aussitôt. Un capitaine pirate comme un autre. 83 millions sur la gueule… Sale gueule d’ailleurs. Encore un paumé de la vie qui ne trouvait rien de mieux que de foutre le bordel partout où il passait. Bien. J’allais pas le louper celui-là. J’allais le buter ! J’en faisais intérieurement le serment. Maintenant que j’avais été promu vice-amiral, rien… Rien ne m’empêchait de le traquer ! Il me suffisait juste de former une flotte digne de ce nom et le tour était joué. Ce sale punk allait tâter de ma lame. Allait y passer même ! Tout n’était qu’une question de temps. Ma mère qui était assise à mes côtés me caressa tendrement une épaule alors que je fulminais presque. Au bord de la crise de nerfs, carrément.
- « Vous pouvez disposer. Transmettez mes sincères condoléances à sa majesté ainsi qu’à toute la famille royale. Et grand merci à vous… »
Le messager s’inclina bien profondément et s’en alla avec sa délégation, me laissant seul avec ma mère qui à présent s’était levée pour me prendre dans ses bras alors que j’étais toujours visé sur mon siège. Marie était aussi peinée que moi. Sa chair souffrait et elle le savait. Devant nous, le chantier de l’orphelinat qui grouillait de monde et d’où parvenait un boucan terrible semblait ne plus avoir d’importance du tout. J’avais la tête ailleurs. Si elle ne m’avait pas ainsi enlacé, je pense bien que j’aurai fait une connerie. Mais sa douceur estompait peu à peu la colère naissance qui avait rapidement pris le pas sur un déni d’à peine une minute. Mon corps finit par se détendre et j’eus un gros soupir. La vie continuait. Et elle me donnerait surement l’occasion de faire honneur à son âme. Ce Mahach allait payer tôt ou tard…
- « Pas maintenant. »
- « Je sais maman, je sais… »
Je fermai les yeux, non pas pour ravaler des larmes, mais pour définitivement me calmer, penser à autre chose. Mais c’était mission impossible. On ne balayait pas une aussi mauvaise nouvelle comme ça, d’un revers de la main. Mon corps se remit à trembler, mais ma mère veillant au grain m’immobilisa par ses épaules. Je pouvais bien évidemment me dégager de son emprise, mais quel fils digne de ce nom oserait vraiment ? C’est fort de ce constat que je lâchai l’affaire, avant de caler ma nuque contre son ventre, un énième soupir aux lèvres. Cette sorte de capitulation lui arracha un petit rire avant qu’elle ne m’ébouriffe affectueusement. C’est d’ailleurs sur cette scène que le chef du chantier de l’orphelinat s’approcha de nous. Sans un mot, il pointa l’horizon. Au loin, nous pouvions apercevoir des hommes qui s’approchaient…
Et l’une des présences que je pouvais sentir grâce à mon mantra ne m’était pas inconnue…